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Citations de Didier Decoin (535)


« Les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler. Ce n'était pas la présence qui régulait le monde, qui le comblait: c'était le vide, l'absence, le désempli, la disparition. Tout était rien. Le malentendu venait de ce que, depuis le début, on croyait que, vivre, c'était avoir prise sur quelque chose, or il n'en était rien, l'univers était aussi désincarné, subtil et impalpable, que le sillage d'une demoiselle d'entre deux brumes dans le rêve d'un empereur.
Un monde flottant. 
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Je sais bien que le fils de Dieu a fini entre deux bandits mais mon fils à moi n'a pas été couronné pour régner sur le peuple de rats, de cafards et d'araignées d'un cachot espagnol.
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Tassé au fond de sa chaise roulante, enveloppé de châles bruns qui le faisaient ressembler à un bananier en fin de vie, Joseph Auguste avait longtemps fait le rêve de tremper ses lèvres dans ce Dubonnet dont la réclame le narguait, étalée en grandes lettres blanches sur le mur aveugle qui faisait face à sa nouvelle tanière.
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"La souffrance était la seule monnaie d'échange entre les hommes. A la différence de l'argent, de cela au moins tous étaient riches, et vivre consistait simplement à mesurer à tout instant si les souffrances qu'on imposait ou qu'on subissait étaient supportables ou non. Et, à dire vrai, personne n'en savait rien."
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Il n'y avait aucune parcelle de son village, même insignifiante, que Miyuki n'ait foulée à plusieurs reprises. Contrairement à cette montagne des Kii et à tous les paysages qu'elle avait traversée depuis qu'elle s'était mise en route, Shimae lui était si familier qu'elle se sentait dans chaque recoin chez elle, aucune ruelle, aucun auvent de chaume, aucun champ de radis blanc ou de céleri d'eau, aucun jardin de ronces à mûre, aucune rizière ne lui était étrangère, si bien que lorsque Katsuro, le soir venu, lui demandait ce qu'elle avait fait de sa journée, c'est en toute sincérité qu'elle lui répondait qu'elle n'avait pas bougé, alors qu'en réalité elle n'avait pas cessé d'aller et venir.
A Shimae, tout était là, il n'existait pas de là-bas.
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Avant Sarah, les voyageurs lisaient le journal, somnolaient ou jouaient aux cartes sur un coin de banquette. Mais à présent, ils se seraient autour de la jeune fille pour l’écouter leur raconter les mœurs des oiseaux qu’elle promenait. Selon les espèces qu’elle décrivait, leurs aires d’hivernage ou de nidification, les voyageurs avaient l’impression de se promener en forêt ou de longer un étang, de courir sur une lande ou de se pencher au bord d’une falaise. Certains d’entre eux, qui n’avaient en réalité rien à faire dans St. James Street ou Cromwell Road, prenaient exprès l’omnibus pour le seul plaisir d’entendre ces petites conférences improvisées.
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De belles carpes ? Le plus beau poisson de votre Yodogawa ne pourra jamais rivaliser avec aucun de notre rivière. Les nôtres sont les plus longues, les plus lourdes, les plus fuselées, les plus puissantes. Leurs écailles sont comme des éventails, ni tout à fait ouverts, ni tout à fait fermés. Quelle délicatesse, quelle harmonie ! Ce n'est pas diminuer les mérites de mon mari de dire que les eaux de la Kusagawa, étaient aussi riches que lui, était pauvre. Vous parlez de votre pêcheur comme si... -Oui, oui, l'interrompit vivement Miyuki, oubliant le respect qu'elle devait au maître du sanctuaire, vous devinez juste : Katsuro est mort, emporté comme les fleurs du prunier par un jour de grand vent. Pourtant, même si les fleurs ont été dispersées, foulées aux pieds, le prunier qui les a portées refleurira au printemps prochain - Mais quand, et dans quel monde, renaîtra l'âme de mon mari ? Les lèvres de Togawa Shinobu, qui n'étaient déjà pas bien épaisses s'affinèrent davantage encore - c'était sa façon de sourire, le sourire bienveillant qu'il adressait aux enfants, aux vieillards. - Je n'ai pas la réponse, jeune dame. Sans doute pourrais-je vous proposer des hypothèses, voire des espérances, mais rien qui soit certain. Car le plus infaillible des certitudes est précaire, inconstance, douteuse. Ce qui paraît encore vrai ce matin sous la pluie sera peut-être un mensonge lorsque le nuage sera passé. Ce que je crois c'est que l'âme - ne saute pas d'un corps dans un autre : elle est intimement chevillée à la créature qu'elle a animée, de sorte que l'extension de la chair entraîne nécessairement celle de l'esprit qui lui est associé.
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Une féminité pure et infantile émanait de sa peau lisse et fraîche que Miyuki ponçait à la fiente de rossignol pour la blanchir davantage.
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Il n’y a pas de fait-divers sans étonnement .-Roland Barthes
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Entre deux psaumes, la chorale entonnait un air du folklore russe pour rappeler que malgré son incommensurable fortune, Dune Emily Agatha Benton avait eu de la sympathie pour Joseph Staline, seul personnage considérable à avoir publiquement déclaré qu'elle était belle.
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Les volutes grises du brouillard matinal s'accrochaient aux ronces et aux arbustes dont les rameaux piquetés de fleurs d'un blanc cireux évoquaient des parterres de petites bougies votives.
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Chaque fois que j'ai achevé un livre, je me suis promis de m'y prendre autrement pour écrire le suivant. Et c'est exactement ce que j'ai fait. L'ensemble de mes livres ressemble aux dalles d'un cimetière. La même fonction ― enfouir quelque chose tout en le signalant discrètement à l'attention des gens qui passent ―, la même disparité aussi. Je n'ai pas construit une œuvre, mais je me suis parfois bien amusé, ça je l'avoue.
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Miyuki ne répondit pas. En vérité, elle n'avait jamais eu quinze ans, elle n'avait vécu que deux années: une première, très longue, très inutile, jusqu'à son mariage, et une seconde année, éblouissante mais trop brève, qui s'était achevée lorsque les villageois de Shimae lui avaient rapporté le corps glacé et boueux de son mari. On aurait pu penser qu'une nouvelle année - la troisième donc - avait commencé à la mort de Katsuro, mais non, cette supposée troisième année n'avait pas d'existence réelle, elle s'effilochait, se délitait au fur et à mesure que ses lunes s'enchaînaient, comme ces rêves fuyants qui se dissipent d'autant plus qu'on essaie désespérément de les retenir.
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Reste à choisir le tronc.
Pensive, elle va de l'un à l'autre, déchiffre les inscriptions calligraphiées qui mentionnent à qui ou à quoi sont destinées les offrandes. Quitte à voler, elle veut éviter de léser les plus pauvres : saint-Joseph, l'éternel éclipsé par la gloire de Marie, à qui on ne donne presque jamais, sauf de la menue monnaie, et c'est souvent pour se débarrasser de ces petits sous crispants qui déforment les poches; les Ames du Purgatoire, que les gens regardent plus ou moins de travers, qu'ils redoutent comme des vagabonds qui avouent sortir de prison - on n'aime pas les punis, on ne se résout pas à les considérer comme de vraies victimes; les Missions Etrangères sonnent le creux elles aussi, c'est si loin l'Afrique, la République de M. Fallières n'a qu'à assumer ses responsabilités, entretenir ses danseuses - qu'elles soient noires ne les rend que plus coûteuses, plus capricieuses dit-on.
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Quand la petite fille aux bras chargés de cierges s'avance dans la nef de la cathédrale, l'organiste à sa tribune joue la Toccata de la 5e symphonie de Widor.
Il la joue pour elle toute seule, il la joue chaque fois qu'elle vient garnir les chandeliers de l'autel et des chapelles latérales. Alors la petite, c'est invariable, se tourne vers lui. Sans le voir, car il se déchaîne à ce moment-là sur son clavier, elle lui adresse un salut de la tête. Lui, il s'est bricolé tout un jeu de miroirs pour pouvoir la regarder.
Il ne sait pas qui elle est.
Il l'appelle la-petite-fille-tout-court, ou la-petite-fille-du-vendredi puisque c'est ce jour-là qu'elle est chargée de remplacer les cierges usés.
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« La beauté de Sarah n’était ni dans les traits de son visage, ni dans sa silhouette, elle était dans sa certitude de trouver Gaudion, et qu’ils s’aimeraient. » (p. 322)
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Comme les fleurs de cerisier qui,
à l'instant où elles se détachent de l'arbre,
donnent l'illusion de voler invinciblement dans la lumière alors qu'elles sont déjà en train de tomber vers le sol où,
dans l'instant,
elles seront jaunies, flétries, piétinés.
P 334
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― et j'ai souri en songeant que ce bâillement s'échappait de sa bouche, léger, tout parfumé de sommeil, qu'il quittait la terre et s'envolait à travers l'espace jusqu'à atteindre un satellite de télécommunications qui l'avalait et le traitait avant de le relancer vers moi. Comment désespérer d'une humanité qui dépensait des trésors de technologie et des millions de dollars pour piquer dans le ciel un oiseau électronique à seule fin de renvoyer comme une petite balle le souffle d'une femme ?
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La présence d'une femme dans une maison se trahissait par l'importance et l'éclat des parterres de fleurs, le coté fanfreluche de certains rideaux, les jouets d'enfants gisant sur l'herbe, la taille et le modèle de voiture garée sur la rampe, et l'existence d'une corde a linge - ça la corde a linge c'était le plus révélateur [...]
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(…) le plus hébété, disais-je, le plus obtus, le plus fruste des planteurs d’antirrhinum (nom savant du muflier, ou gueule de loup, qu’Alphonse Allais arrosait d’absinthe, de vermouth, de bordeaux, de bière, de cognac et de chartreuse verte dans l’espoir d’en faire des… gueules de bois !) a de fortes chances d’être aussi imaginatif que le plus créatif des romanciers.
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