Citations de Didier Decoin (535)
Une fois "rangée" dans notre mémoire à la façon d'un mot de passe, une odeur devient à peu près inoubliable.
La plus infaillible des certitudes est précaire, inconstante, douloureuse. Ce qui parait encore vrai ce matin sous la pluie sera un mensonge lorsque le nuage sera passé. Ce que je crois c'est que l'âme - ce que vous appelez l'âme - ne saute pas d'un corps dans un autre : elle est intimement chevillée à la créature qu'elle a animée, de sorte que l'extinction de la chair entraîne nécessairement celle de l'esprit qui lui est associé.
Des larmes noyaient son regard. À la façon des lentes glissées d'eau qui préludent aux inondations, et contre lesquelles on ne peut déjà plus rien, les pleurs de Miyuki envahissaient peu à peu tout son être, sa peau pleurait, son ventre pleurait, le creux de ses reins, la paume de ses mains.
Éditions Stock - page 237
Bordé de banquettes herbues où poussaient des renoncules, serpentant entre un double paravent de cerisiers sauvages, de plaqueminiers, de roseaux et de pins bleus ,le chemin menant au territoire de pêche de Katsuro semblait de prime abord une promenade des plus agréables.
Empêchez-moi de lire, et j’avoue avoir dérobé, lacéré, assassiné la Joconde.
Le propre des mensonges n'est pas leur nébulosité mais au contraire leur dureté, leur résistance. On doit pouvoir s'appuyer dessus aussi sûrement qu'on traverse la Welland à pied sec quand elle est prise par les glaces.
Lacis de canaux, entrelacs de rubans liquides, labyrinthes d'effluents si lisses, aux reflets si divers et si parfaitement panachés qu'on croirait suivre des venelles de marbre après la pluie : depuis que Déluge est son prénom, depuis que l'eau coule dans ses veines, depuis mille ans et plus qu'elle repose sur un lit de pilotis constitué d'une extraordinaire forêt immergée de millions de troncs plantés dans le sol de la lagune, Venise a eu le temps de se parfaire en chef-d’œuvre.
Je n'ai pas de réponse, jeune dame. Sans doute pourrais-je vous proposer des hypothèses, voire des espérances, mais rien qui soit certain. Car la plus infaillible des certitudes est précaie, inconstante, douteuse. Ce qui paraît encore vrai ce matin sous la pluie sera peut-être un mensonge lorsque le nuage sera passé. Ce que je crois, c'est que l'âme, ce que vous appelez l'âme, , ne saute pas d'un corps dans un autre : elle est intimement chevillée à la créature qu'elle a animée, de sorte que l'extinction de la chair entraîne nécessairement celle de l'esprit qui lui est associé.
Entre septembre 1937 et mai 1938, une des joues de Shirley Temple se mit à gonfler comme un énorme bubble-gum rose à cause d'une dent de sagesse, et c'était bien sûr le soir de la première de son nouveau film Wee Willie Winkie ; un avocat essaya de persuader Bette Davis d'entreprendre une action en justice contre les frères Fleisher, créateurs du personnage de Betty Boop, sous prétexte qu'ils s'étaient inspirés des yeux de Bette pour dessiner ceux de Betty ; le veilleur de nuit d'un studio surprit un iguane femelle en train de pondre ses oeufs dans la loge de Fred Astaire ; et des pluies torrentielles s'abattirent sur Los Angeles pendant vingt jours et vingt nuits, soit très exactement la moitié du temps officiel que la Bible impartit au Déluge.
(incipit)
(…) le directeur du Bureau des Jardins et des Étangs se pencha par-dessus le parapet peint en rouge, (…) Il observa les pauvres gens qui, sur les berges étriquées, s’agitaient et brassaient l’air sans raison apparente. Une nuée d’éphémères, une grappe de moucherons étourdis pensa Nagusa, se demandant s’il n’allait pas s’en inspirer pour composer quelque tanka (1), histoire de passer le temps (…)
1 – Ancêtres des haïkus, les poèmes appelés tanka constituèrent au Japon à l’époque Heian une des formes les plus élevées de l’expression littéraire au point que seuls les membres de la cour impériale pouvaient la pratiquer ; toute personne de rang inférieure surprise en train de compose un tanka était passible de la peine de mort.
L'autre côté de la vie, c'est le printemps,
il y fait Dieu comme il fait soleil sur nos printemps de la terre.
La cloche de bronze du temple se mit à sonner, émettant une vibration si dense qu’elle fendillait la mince pellicule de glace qui avait commencé à figer l’étang sacré.
Elle attendit qu’il ait disparu. Les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler. Ce n’était pas la présence qui régulait le monde, qui le comblait : c’était le vide, l’absence, le désempli, la disparition. Tout était rien. Le malentendu venait de ce que, depuis le début on croyait que, vivre, c’était avoir prise sur quelque chose, or il n’en était rien, l’univers était aussi désincarné, subtil et impalpable, que le sillage d’une demoiselle d’entre deux brumes dans le rêve d’un empereur.
Un monde flottant.
-Crois-tu , Atsuhito ? Moi, je pense qu'il n'y a rien qui donne davantage l'idée du désenchantement qu'un oiseau aux ailes froides et rigides.
P. 239
Voyez les graines d'une plante qui s'envolent dans le vent : elles viennent de cette plante mais elles ne sont pas cette plante, car elles s'en sont détachées et, en tombant à terre et en s'enfouissant dans le sol, elles donnent naissance à une autre plante autre que celle dont le vent les a séparées. Si elles étaient douées de pensées, elle ne se rappelleraient rien, et elles n'anticiperaient rien non plus. Sans mémoire de leur passé, sans prémonition de leur avenir, elles flotteraient sur l'instant présent comme un fétu de paille sur l'immensité de la mer. Le monde qui vous apparaît cohérent n'est que l'intrication, l'enchevêtrement de tous cs karmas.
P 143
Les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler. Ce n'était pas la présence qui régulait le monde, qui le comblait : c'était le vide, l'absence, le désempli, la disparition. Tout était rien. Le malentendu venait de ce que, depuis le début, on croyait que, vivre, c'était avoir prise sur quelque chose, or il n'en était rien, l'univers était aussi désincarné, subtil et impalpable, que le sillage d'une demoiselle d'entre deux brumes dans le rêve d'un empereur.
Un monde flottant.
Je me méfie des bals. D'abord parce que je ne sais pas danser. ( Bals tragiques)
« Ne dites pas que je blasphème... C'était une nuit pleine de brouillard. Et soudain, Kate fut devant moi, et je l'ai prise par le bras, et je l'ai entraînée... L'annonce faite à Abraham, voilà ce qu'il en est, et rien de plus. » (p. 146)
Tu ne t'es pas cassé le dos pendant toutes ces années juste pour qu'on mette l'argent sur la table et qu'on le remue avec les doigt en soupirant.
La plupart des gens jouent pour gagner. Mais on ne peut exclure que certains jouent pour perdre.