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Citations de Edgar Hilsenrath (401)


GOD BLESS AMERICA

Et un beau jour, Zibulsky se dit : je vais en Amérique !
C'est un pays libre !
Les cafards y grouillent tranquillement
entre les répugnants taudis des pauvres
et les villas des riches.
Un grand pays, un pays libre !
Chacun y a sa chance !
Même Zibulsky.
Il n'y a pas de déclaration de domicile !
Ni d'État policier.
La liberté d'opinion y règne.
Les gens y mènent une vie sensée
derrière des fenêtres grillagées
à cause de la criminalité.
Les policiers ne portent que de gros calibres
qui ballottent coquettement sur leurs hanches.
L'Amérique est le pays des promesses !
C'est là qu'à été inventée l'ère atomique,
avec un avenir qui nous fait peur à tous.
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«Il faudrait boucher les fissures» dit Ranek. «Vous savez, il ne faut pas s'arrêter à ce genre de détails. Mettez-vous ça dans le crâne une fois pour toutes : ne vous occupez pas des autres. Fichez-vous toujours de ce que font les autres, s'ils mangent, s'ils baisent ou s'ils crèvent... Rien à cirer... ici c'est chacun pour sa pomme.»
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Et n'était-ce pas sur les rives du Prut que l'Autriche avait arrêté les Russes et les Turcs [...] avant qu'ils ne compissent et ne mettent en morceaux tout ce que l'empereur avait rassemblé tant bien que mal au nom de Dieu et de Jésus-Christ, pour en faire un royaume qui s'appelait l'Europe? Car l'Europe se trouvait en trouvait en Autriche. L'Autriche en était le coeur. L'Autriche était un rempart contre l'immoralité, contre la superstition et la sorcellerie. Et Czernowitz était le cul de l'Europe, la dernière citadelle de Sa Majesté Impériale. Du haut des ruines de Cecina, sur la rive gauche du Prut, l'empereur pouvait apercevoir l'Asie. De l'autre côté de Czernowitz commençait l'hiver russe, là-bas vous guettaient des tempêtes de neige glaciale, des steppes asiatiques, le choléra, le typhus, les poux, la leste, les Cosaques et Dieu sait quoi encore.
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Passons sur les années de ma tendre enfance jusqu’à l’été 1914 : rien à signaler. À part peut-être la Grande Guerre. Elle arrivait à point nommé pour sortir les honnêtes gens des rues Schiller et Goethe de leur train-train quotidien.
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Il m'aidait pour les devoirs, il m'entraînait au calcul mental et m'expliquait pourquoi il faut une majuscule après le point : parce qu'un point, ce n'est pas une virgule, le point, c'est la fin, et celui qui veut rebondir après la fin ferait mieux de voir les choses en grand. Car qui a envie de commencer petit ?
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Je note rarement des choses dans mon journal intime. La plupart des feuilles sont vierges, ont un aspect énigmatique et dégagent des mystères : du papier blanc, à deux sous, de chez Woolsworths. Une fois seulement, fin juin, je me suis décidé à prendre quelques notes. J'ai écrit : hier, le 23 juin 1953, Jakob Bronsky a fini le CHAPITRE CINQ. LE BRANLEUR progresse. J'ai besoin d'un nouveau crayon. J'ai aussi besoin d'une femme. Plus j'écris, plus ma bite me démange. Mon besoin de sexe est immédiatement lié à ma puissance créatrice, à la foi en mon génie artistique. Malheureusement, les putains s'en fichent pas mal, et les jeunes filles "privées" encore plus. Jakob Bronsky ne compte pas. Son art est un manifeste. Il ne bouleverse personne. Sauf lui-même. Jakob Bronsky est un grand artiste encore ignoré du monde entier.

J'ai noté encore autre chose. J'ai écrit : il est inexact de dire qu'ici l'amour est uniquement une question d'argent. Celui qui dans ce pays désire une fille qui ne tapie pas et n'est pas une call-girl ou quelque chose dans le genre - une fille de l'autre espèce si l'on peut dire -, pour celui-là, l'amour dépend avant tout de l'aura de réussite qu'il est tenu, en tant qu'homme, de dégager. Si toi, Jakob Bronsky, tu devais rencontrer une telle fille, elle se posera les questions suivantes : Qui est Jakob Bronsky ? Pourquoi écrit-il dans une langue qui n'est pas «in» et qui n'est parlée que par quelques greenhorns ? Où ces gribouillages le mèneront-ils ? À rien, probablement; Que sait-il, Jakob Bronsky, de l'american way of life ? Sait-il, Jakob Bronsky, que seule la réussite compte, et rien d'autre ? Est-ce un mec qui écrase l'autre sans le moindre scrupule tout en croyant au bon Dieu ? Sait-il que notre monde est un monde paradisiaque ? Croit-il, Jakob Bronsky, à l'infaillibilité de notre système ? Connaît-il les idéaux de nos ancêtres, ceux arrivés avec le premier navire, le Mayflower, et que pense-t-il de la culture Coca-Cola ? Croit-il, Jakob Bronsky, au rêve américain ? Va-t-il un jour posséder une voiture flambant neuve, des costumes de prix, une maison ou un appartement à lui dans les quartiers en vogue de l'Eastside ? Ses revenus dépasseront-ils les cent cinquante dollars par semaine, de sorte qu'on puisse dire : celui-là, il vaut cent cinquante dollars, minimum ! Claquera-t-il, ne serait-ce qu'une fois, cent balles en une soirée par pure exubérance, juste pour me montrer qu'il en a les moyens ? M'invitera-t-il à Las Vegas ? Croit-il, Jakob Bronsky, à l'intérêt de devenir membre d'un Country Club et que fait-il pour y parvenir ? Va-t-il falloir que je subisse sa bite ? Est-ce que ça vaut le coup ? Car, au bout du compte, je voudrais me marier un jour, puisque c'est ce qu'on attend de moi. Car, au bout du compte, je voudrais aussi divorcer un jour pour encaisser ma pension alimentaire. Sera-t-il, Jakob Bronsky, un jour en mesure de payer une pension alimentaire, Jakob Bronsky, ce vieux clodo qui prétend avoir vingt-sept ans ? Non, Jakob Bronsky, tes gribouillages ne m'intéressent pas. Ta trique encore moins. Douche ta bite à l'eau froide !

Puis, j'ai noté une dernière chose. J'ai noté : Pour écrire le CHAPITRE CINQ, Jakob Bronsky a vécu neuf jours avec ce qui restait de son dernier dollar.
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"J'aimerais bien savoir à qui il peut écrire!"
"Il n'écrit à personne", je dis. "Toutes les lettres reviennent."
"Il doit bien écrire à quelqu'un", dit Monsieur Selig.
"Probablement qu'il écrit aux membres de sa famille qui ont été gazés", je dis.
"Ça se peut.' dit Monsieur Selig.
Je dis :"Oui."
"Pensez-vous qu'il est fou?" dit Monsieur Selig.
Je dis: "Non."

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-J'ai compris qu'il ne suffit pas de survivre. Survivre ce n'est pas assez. J'ai aussi compris que la naissance de chaque être est en même temps sa condamnation à mort, et je me demande quel sens cela peut avoir. Pourquoi est-ce que je vis ?
- Pour chercher, Jakob Bronsky, pour chercher.
- Un sens caché dans tout ce non-sens ?
- Oui, Jacob Bronsky.
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«Je vous ai souvent observés tous les deux» dit-elle lentement à Déborah. «Surtout les derniers jours à l'asile de nuit. Le soir vous étiez toujours assis près du feu... et parfois... quand il se faisait tard... vous vous endormiez dans ses bras.» La vieille sourit, vaquant à ses pensées. «Ranek n'osait pas se lever. Je me souviens. Il restait assis, immobile, seules ses mains bougeaient doucement. Elles vous caressaient les cheveux, Deborah. Toujours et encore, elles vous caressaient les cheveux. Je n'aurais jamais cru ce salopard capable de tant de tendresse. Et je me disais : Deborah a de la chance. J'étais passablement étonnée, vous savez. Et puis finalement je me suis dit : même chez nous, le bonheur existe. Le bonheur de celui qui grelotte et trouve une couverture. Le bonheur de celui qui a faim et trouve un peu de pain. Et le bonheur de celui qui est seul et trouve un peu d'amour.»
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Perdu dans ses pensées, Sigi passa ses mains décharnées sur son crâne rasé. «Qui aurait cru à l'époque qu'on aurait une police juive à Prokov ?»
«Personne»
«Tu l'as dit. À l'époque personne n'aurait pu imaginer quelque chose d'aussi fou.»
Ranek hocha la tête avec indifférence.
«Et pourtant» poursuivi Sigi devenu loquace, «ce n'est pas si fou que ça. Les autorités ne sont pas tombées sur la tête, et cette idée de police juive n'est pas con. Ça marche dans d'autres ghettos sous contrôle allemand. Pourquoi ça ne marcherait pas ici ? Les roumains ont beaucoup appris des Allemands. Ils savent que la création d'une police juive donne aux rafles, comme on dit, un semblant de légalité. Tu me suis ? Si des juifs font la chasse aux juifs, ça a sa raison d'âtre. Pourquoi auraient-ils besoin de Roumains ? Ils peuvent nettoyer leur porcherie aux-mêmes.»
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EXTRAIT DE LA POSTFACE :

Le nazi et le barbier est le deuxième roman de
Hilsenrath écrit en allemand pour l'éditeur new-yorkais Doubleday et compagnie . Editeur qui eu le flair de publier la traduction américaine de son premier roman " Nacht .
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Mon sergent a vidé sa bière, repoussé sa casquette à tête de mort et lissé ses cheveux trempés de sueur. « Vous ne trouvez pas, Max Schulz, il a dit d’un air finaud, qu’il est grand temps de virer les commerces juifs des rues Goethe et Schiller – je veux dire par là : d’aryaniser le commerce ?
— Grand temps, sergent, j’ai dit.
— C’est pas pour dire, mais ces rues portent les noms de poètes et de penseurs allemands, a dit Franz Revêche.
— Ça s’arrose, sergent », j’ai dit.
Franz Revêche a hoché la tête, vidé sa bière, en a repris une autre et l’a vidée aussitôt. Pendant un moment on s’est regardés en silence. Franz Revêche a recommandé des bières. Et puis encore des bières. Sa soif semblait inextinguible. À un moment il s’est levé et il est sorti en titubant. Quand il est revenu, il m’a gueulé dessus, complètement bourré : « Dites-moi, elles sont comment déjà les maisons rue Goethe et Schiller ?
— Infestées de punaises, j’ai dit.
— Rien à foutre, a dit Franz Revêche en se rasseyant. Cul aryen, punaise ne craint.
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LE GUIDE TOURISTIQUE, OU ADOLF HITLER ET LE MUR DE BERLIN

— MONSIEUR LE GUIDE TOURISTIQUE ! C’est Berlin ?
— C’est Berlin.
— Et ça, là-bas ?
— C’est notre mur.
— Notre mur mitoyen ?
— Oui.
— Le mur de Berlin ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Le mur germano-allemand.

— Il n’est pas très haut.
— Il ne faut pas se fier aux apparences.
— Vous croyez ?
— Oui.
— Quelle est sa hauteur ?
— Il monte très haut.
— Jusqu’au ciel ?
— Encore plus haut.
— Jusqu’où ?
— Jusqu’au septième ciel.
— Le lieu de détente des superpuissances ?
— Oui.
— C’est une hauteur dangereuse.
— C’est vrai.
— Il pourrait s’écrouler facilement.
— Ça se pourrait.

— Monsieur le guide touristique !
— Oui.
— Est-ce que vous sauriez par hasard qui a construit le mur pour nous ?
— Bien sûr.
— Alors qui ?
— Adolf Hitler.
— Il n’était pas peintre ?
— Non.
— Alors c’était un maçon ?
— Non plus.
— Un maître maçon ?
— Non.
— Quoi alors ?
— Il était simplement architecte.
— Architecte en murage ?
— Tout juste.

— Il est le premier à avoir élaboré le grand plan.
— Quel grand plan ?
— Le plan de partage et de murage.
— Quand cela s’est-il passé ?
— Quand il a mal calculé son coup pour la victoire finale.
— En sa qualité d’architecte ?
— En tant qu’architecte de murage !
— N’était-il pas aussi architecte de partage ?
— Si, aussi.
— C’est pour ça qu’il les a fait venir ?
— Qui ?
— Les superpuissances.
— Évidemment.
— Pour partager l’Allemagne ?
— Oui.
— Et pour murer la capitale ?
— Exactement.
— Le grand plan est né dans la tête d’Hitler ?
— Non. Dans son ventre.
— Comment cela ?
— Avec le dernier pet grand-allemand.
— De notre fabrication d’histoire ?
— Exact.
— Dans son ventre, vous avez dit ?
— Oui.
— À son bureau ?
— Non.
— Où, alors ?
— À une table de roulette.
— À une table de roulette ?
— Oui.
— Elle est historique ?
— Évidemment.
— On peut la voir ?
— N’importe quand.
— Où se trouve-t-elle ?
— Au musée.
— Dans quel musée ?
— Celui du passé non surmonté.
— C’est vrai ?
— C’est vrai.
— Votre patron le sait ?
— Quel patron ?
— Celui de l’agence de voyages.
— Évidemment.
— Mais ce n’est pas dans la brochure.
— Quelle brochure ?
— La brochure du voyage.

(p. 13-15)
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D'habitude, les émigrants sont assis aux tables du devant, tout près de la grande vitrine de la cafétéria décorée de gâteaux géants en plastique de toutes les couleurs. Ils y sont tous les soirs, regardent Broadway illuminée et l'angle du côté ouest de la 86è, déconnent à propos des putes qui traînent dehors, pestent contre l'Amérique et le rêve américain, se plaignent des grosses bagnoles, de la bouffe insipide, du café infect, des jobs débiles, maudissent les femmes américaines cupides, donc inaccessibles, font des projets, des projets de retour en Europe, parlent du passé, mais jamais de la guerre, parlent du bon vieux temps, des cafés d'antan «où il y avait des revues à disposition et où le café était servi avec de la crème chantilly», parlent des filles qu'ils ont eues «pour trois fois rien... pas comme ici», parlent de leurs grands appartements d'autrefois, de leurs domestiques, de leurs affaires. À l'époque, tout allait pour le mieux : la bouffe était fraîche, les fleurs sentaient bon, le ciel était bleu et les rues propres. Pas de nègre. Pas de Portoricains.
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Lesche constata une fois de plus qu'Anahid était indiscutablement belle. Ses yeux l'impressionnaient particulièrement. Ils étaient grands, en amande, empreints de l'éclat et de la tristesse de son peuple, l'expression d'une grande souffrance et d'une grande histoire.
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je suis un écrivain allemand et j'ai besoin de la langue allemande. Je ne suis pas revenu pour retrouver les Allemands mais ma patrie linguistique.
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Au président des Etats-Unis d'Amérique.

Très cher Monsieur le Président,
J'ai entendu dire que vous vous souciez beaucoup du 3ème Reich. Etant l'une des rares victimes à avoir survécu au 3ème Reich, je serais vivement intéressé par de plus amples informations sur vos réflexions.
Respectueusement,
Joseph Fischbein

Très cher Monsieur Fischbein,
Je n'ai jamais entendu parler du 3ème Reich. Après tout, j'étais un cow-boy et non un professeur d'histoire. Je serais moi aussi intéressé par de plus amples informations.
Respectueusement,
Le président.
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Ranek savait que la cave du bordel s'était transformée en toilettes publiques où tout le voisinage venait faire ses besoins. Il ne posa pas de questions. Tandis qu'elle descendait les marches raides, il se retourna et promena ses regards dans la cour. Les nombreuses cordes à linge étaient encore là, vides, comme une relique absurde et superflue, un filet qu'un dément aurait tendu devant le ciel. Il vit près du mur un chat gris, laid, pouilleux, sortir lentement de dessous le banc en bois comme un fauve malade sur le point de mourir. À pattes de velours, la bête glissa le long du mur à la vitesse d'un escargot et son existence lui parut soudain aussi vaine que le reste. Cette maudite cour est à l'image de notre vie, pensa-t-il : le mur lézardé, le chat gris et le malade, les cordes à linge vides. Il cracha de nouveau, se retourna et regarda vers la cave, mais l'endroit était si sombre qu'il ne pouvait pas distinguer la silhouette de la femme accroupie.
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Je songeai à ma dernière pensée qui s’envolerait bientôt vers la terre de mes ancêtres afin de les y chercher, tous ceux que je n’avais pas connus. Mais je m’étais trompé. Car il me vint encore quelque chose à l’esprit.
Ce n’était qu’une pensée, je ne pus me retenir de rire et lâchai un pet.
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Edgar Hilsenrath
Impossible. Herta Müller l'a eu il y a quatre ans , or on habite dans la même rue à Berlin. Vous imaginez, deux Nobel dans la même rue ?
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