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Critiques de Edogawa Ranpo (131)
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Un amour inhumain

Insomnie au pays du soleil levant.

Je viens de finir un redoutable recueil de nouvelles nippones où il n’est pas une seule fois question de geishas friponnes ou de Yakuzas taciturnes en kimono. Il faut que je me méfie, je vais finir par être victime du syndrome de la maturité. Je sais, c’est jeune pour un homme de 47 ans. J’ai toujours été précoce.

Bon, pour ne pas heurter trop vite ma profonde maîtrise de la culture nipponne, acquise, c’est pour dire grâce à l’intégrale des « Chevaliers du zodiaque » et le visionnage en cachette de « l’Empire des sens », j’aborde humblement le registre policier et fantastique.

Je n’en suis pas encore à me laisser hypnotiser pendant deux cents pages par la description experte de la taille d’un bonsaï et je pourrai toujours me faire hara-kiri à la lecture de ces interminables cérémonies du thé que je ne peux pas saké !

Edogawa Ranpo (1894-1965), pseudonyme phonétique en hommage à Edgar Allan Poe, n’est pas comme tout un chacun, et moi en particulier, n’importe qui. C’est le Sensei de la littérature policière dans son archipel.

Le maître a toujours assumé certaines influences occidentales comme Conan Doyle, H.G Wells ou Gaston Leroux. Merci la préface. Cette affinité relève de l’évidence dans ses nouvelles qui se nourrissent de mystères, de crimes et d’un certain goût pour le macabre. Ranpo y ajoute des intrigues amoureuses, des désirs obsessionnels et certaines perversions du corps et de l’âme plus adultes. C’est cette touche plus marquée de libido qui démarque l’auteur de ses références.

Il n’hésite pas également à parler à son lecteur, à le prendre à témoin, à en faire son Watson à l’occasion, son complice à d’autres moments.

Au menu, pas de sushi mais des soucis pour des époux adultères, des maris qui aiment jouer à la poupée, des suicides en série et des auteurs en quête du meurtre parfait.

La nouvelle « Les crimes étranges du docteur Mera » qui traite du voyeurisme est aussi fascinante que le Fenêtre sur cour d’Hitchcock. Copie parfaite.

« La Grenade » mérite aussi d’éclater à vos yeux, tant la mécanique de cette histoire autour de l’identité d’une victime débarbouillée à l’acide sulfurique sait prendre le lecteur et l’enquêteur à revers. L’art de maquiller son crime.

On glisse dans « L’abri antiaérien » en 1945 pendant les attaques aux bombes incendiaires sur Tokyo en 1945 où un jeune homme fait une rencontre d’un soir pour le souvenir d’une vie. Mirage sous l’orage.

La première nouvelle donne son titre au recueil et suit les interrogations d’une jeune épouse face à la manie de son mari de s’enfermer chaque nuit dans son grenier. La curiosité est un vilain défaut, les héroïnes de ce genre d’histoire ne l’ont jamais compris, par la sainte Barbe… bleue.

Toutes ces histoires voisinent donc avec l’étrange et se dégustent sans baguette mais avec des doigts… frissonnants.

Sayonara.

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La Proie et l'ombre

Sans aucun doute à sa place dans cette bibliothèque idéale japonaise, tant pour sa modernité que pour sa sincérité, ce livre présente l'interêt principal de nous entrouvrir la mince cloison du shoji, dévoilant sans éclairer une part troublante et perverse de l'âme nationale.



Généralités ne veut dire généralisation, mais dans le cas du Japon, pays nationaliste par excellence (avec de nombreux points communs avec son cousin coréen), on peut se risquer à remarquer quelques faits bien établis, sans courir le risque de tomber sous des accusations de racisme, ce qui n'est pas toujours évident avec d'autres peuples… Armé de mes baguettes pour manipuler le cliché, flottant, brouillé qu'il est dans son odorant bain de miso…



De l'intrigue de la nouvelle « La proie et l'ombre », je n'en retiens qu'une impression capilo-tractée; son univers, ses à-côtés, seuls en constituent son charme moite et vénéneux. Son dispositif en double, voir triple mise en abîme, d'une opposition ying-yang / bien-mal évidente à être brouillée par la suite, avec l'histoire de ces deux écrivains, permet à l'auteur de questionner frontalement ce cloisonnement presqu'étanche, jusque dans la conscience des êtres, entre une morale rigide et de sombres pulsions… (les unes étant sûrement conséquence de l'autre).



L'ouverture au monde, puis la très rapide modernisation de la société japonaise, ainsi qu'un rapport étroit et privilégié avec la culture française, alimentent cette fascination réciproque… mais que penser de leurs rapports aux femmes ? Entrevue dans le film d'Assayas « Demonlover », confirmée par un frileux survol de leur pornographie, leur culture amoureuse et sexuelle semble en être un effrayant labyrinthe de glace déformante, où Leopold von Sacher-Masoch ne servirait que de guichetier…



Vous me direz : tout ça pour un « simple polar » ? Oui, car vous avez bien compris que son intérêt n'est pas à prendre au premier degré, beaucoup de « Série Noire » étant mieux troussés… le deuxième texte du livre, « Le test psychologique » ajoutant à cette habile interrogation sur le mensonge comme fait central de toute société…
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La Proie et l'ombre

Il n’est pas banal qu’un auteur de roman policier se retrouve en première ligne pour tenter d’élucider un meurtre alors qu’il ne connaît les protagonistes ni d’Ève, ni d’Adam.



Lors d’une rencontre apparemment fortuite dans un musée désert, le maître-fondateur de la littérature policière japonaise Ranpo Edogawa fait la connaissance de Shizuko Oyamada, jeune femme à la beauté troublante et lectrice fidèle de ses romans à suspens.

Edogawa apprend lors d’un échange épistolaire avec Shizuko que cette dernière reçoit des lettres de menaces d’un amour de jeunesse éconduit, Ichiro Irata. Ce dernier est devenu sous le pseudonyme de Shundei Oe un auteur de romans policiers dont le succès va de pair avec un style particulièrement gore.

Edogawa n’a jamais rencontré ce confrère au style à l’opposé du sien et d’ailleurs Shundei Oe entretient un mystère sur sa vie privée, n’hésitant pas à changer constamment d’adresses pour brouiller la piste de ses adorateurs.



Lorsque le cadavre du mari de la belle Shizuko est retrouvé nu dans la rivière qui longe leur domicile, Edogawa comprend que la bataille qui s’installe entre lui et Shundei Oe va être autrement plus compliquée que les intrigues dans leurs romans respectifs.

Mais Shizuko a un tel besoin de réconfort et de si beaux yeux que le brave Edogawa va, « pour les besoin de l’enquête », dépasser sans trop de scrupules les interdits de son petit monde de célibataire bien comme il faut…



Je me faisais une joie de découvrir « La proie et l’ombre » et ce célèbre roman policier, encensé par les critiques, a comblé mes attentes.

La narration est fluide et précise dans les moindres détails, les surprises d’un chapitre à l’autre remettent constamment en cause les certitudes de Ranpo Edogawa le rapporteur de sa propre enquête.

A souligner un certain courage de la part de l’auteur de ce court roman, écrit il y a près d’un siècle, à relater ses relations intimes avec une jeune veuve qui n’a vraiment pas froid aux yeux.

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La Proie et l'ombre

Si d’aventure on les interrogeait, sans doute que peu d’artistes japonais contemporains contesteraient l’impact qu’a eu Ranpo Edogawa (1894-1965) sur la production littéraire moderne, tant a été grande l’influence de ce grand écrivain nippon, considéré comme le père de la littérature policière japonaise et éminent fondateur, dans les années 1920, du courant « Ero guro », un mouvement artistique s’articulant autour d’un mélange d’érotisme et de macabre dont nombre d’auteurs de mangas, de dessins animés où de romans revendiquent aujourd’hui l’appartenance, rendant la littérature japonaise si attractive et singulière.



A l’heure où la production littéraire japonaise connaît un tel engouement auprès des lecteurs occidentaux, il serait dommage de passer à côté de cet auteur plein de subtilité dont les idéogrammes du patronyme - Ranpo Edogawa - composent l’anagramme de son écrivain fétiche, Edgar Allan Poe. Il y a d’ailleurs beaucoup du célèbre auteur des « Histoires extraordinaires » dans l’œuvre du nippon : une narration riche centrée principalement sur la psychologie des personnages, une aura sombre et ténébreuse baignée d’étrangeté, une violence contenue, un certain attrait pour le morbide, une sensualité vénéneuse, le goût des énigmes et du bizarre…



Auteur de nombreuses nouvelles et d’une bonne trentaine de romans - « Le lézard noir », « La bête aveugle »… - Edogawa s’est également distingué par la création d’un héros récurrent, le détective Akechi Kogoro, personnage que nous rencontrons dans l’une des deux nouvelles composant le recueil proposé par les éditions Picquier.

Cette prenante histoire datant de 1925, intitulée « Le test psychologique », fait s’affronter deux brillantes intelligences, celle d’un jeune assassin plein d’assurance persuadé d’avoir commis le crime parfait, et celle du fameux détective Kogoro, qui, à l’aide d’observation et de déductions va démonter un à un les arguments du jeune homme et, en démontrant que la perfection peut être aussi synonyme d’implication, va prouver la culpabilité du meurtrier en le prenant à son propre piège, celui de l’excellence…



Mais des deux histoires constituant le recueil, c’est sans nul doute la longue nouvelle éponyme « La proie et l’ombre » qui est la plus fascinante.

Le narrateur, auteur de romans policiers (Ranpo Edogawa lui-même ?), s’emploie à faire le récit d’un épisode douloureux survenu dans sa vie quelques mois auparavant, dont l’épreuve l’a irrévocablement plongé dans les abîmes du doute, de la culpabilité, du chagrin et des regrets.

Au centre du récit, Shundei Oe, concurrent direct du narrateur, un autre auteur de romans policiers, homme entouré de mystères et de secrets que nul n’a jamais rencontré.

Bien qu’écrivant tous deux des romans noirs, un gouffre littéraire sépare les deux hommes: chez Oe, des écrits cruels, une atmosphère malsaine et décadente, une satisfaction morbide à décrire les pulsions meurtrières des assassins ; chez l’autre, des récits centrés sur la moralité, les déductions et « la finesse de la démarche intellectuelle de l’enquêteur».

Lorsque le mari de la belle Shizuko, la femme dont il est épris, est assassiné, pour le narrateur, cela ne fait aucun doute, le crime est signé Shundei Oe. Shizuko a en effet connu intimement Oe par le passé. Trahi et abandonné, celui-ci aurait, selon toutes vraisemblances et après des années à fomenter ses représailles, décidé de se venger de cet amour déçu.

C’est du moins ce que s’emploie à démontrer le narrateur, dès lors entrainé dans une affaire dans laquelle, de façon quasi obsessionnelle, il plonge à corps perdu. Mais, peu à peu perdu dans le labyrinthe de ses déductions, de sa logique, de sa morale et de sentiments où se mêlent orgueil, amour et perversité, le romancier s’enlise de plus en plus profondément dans les affres du doute, de la méfiance et de la suspicion.



Ecrite en 1928 dans le style classique des romanciers occidentaux de la fin XIXème, « La proie et l’ombre » étonne et frappe d’emblée par sa modernité et la violence de son propos et de son approche. Ici, on est loin du bruissement des étoffes de kimonos dans la délicatesse d’un geste suspendu, des clairs de lune contemplatifs et des dérives méditatives qu’inspirent les fleurs de cerisier et autres feuilles d’érable, même si affleurent de manière tout aussi puissante la magie et la poésie troubles qu’exercent sur les consciences la littérature japonaise.

Un climat subtilement délétère et oppressant nous immerge sans retenue au cœur d’une histoire tortueuse dans laquelle Edogawa, avec cet esthétisme raffiné qui caractérise parfaitement l’univers nippon, fait s’affronter les sentiments et les agissements les plus corrompus : fétichisme, voyeurisme, masochisme, obsession…

« Le monde visible est chimère » disait Edogawa…Il le prouve avec ce jeu de miroir machiavélique où « proie » et « ombre » finissent par se confondre dans la complexité nébuleuse des caractères.

A découvrir.

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La Proie et l'ombre

Un excellent roman policier japonais, écrit par le maitre Ranpo Edogawa, qui a importé le genre dans la péninsule nippone. Son œuvre est fortement originale, elle s’éloigne des traditions, ose. Dans La proie et l’ombre, le lecteur ne suit pas les traces d’un inspecteur de police mais plutôt ceux d’un auteur de romans policiers. Edogawa lui-même ? Assez audacieux mais le résultat fonctionne à merveille.



Le narrateur tombe éperdument amoureux de Shizuko Omayada mais leur relation demeure platonique. C’est que la jolie dame est mariée et, en plus, est fort troublée par des lettres de menace qu’elle reçoit. Un ancien prétendant, Ichiro Irata, digère mal leur vieille rupture. Shizuko ne peut se confier à son mari car ce dernier la croyait chaste et pur à leur mariage. Mais l’ancien prétendant continue à la presser, à lui faire peur, même à lui faire savoir qu’il épie chacun de ses gestes. La jolie dame tremble mais Edogawa, en lisant attentivement les lettres de menace, y découvre un style qu’il a déjà vu quelque part : c’est la manière d’écrire d’un de ses confrères, le mystérieux et reclus Shundei Oe. Est-il possible que les deux ne fassent qu’un ?



L’intrigue continue ainsi, incluant quelques rebondissements (la mort tragique du mari de Shizuko, les doutes du narrateur quant à la dame…) , jusqu’à son dénouement, qui est aussi surprenant que magistral. Edogawa manie très bien sa plume. Tout y est en subtilité, comme dans l’art japonais. Mais pas trop non plus, on est loin des fioritures inutiles. Il y a bien quelques moments attendrissant, dans lesquels Shizuko est mise de l’avant mais ils s’effacent devant la violence et la sexualité qui débordent de l’oeuvre. Par exemple, le voyeurisme qui transcende les lettres d’Ichiro, le masochisme de Shizuko… Mais, surtout, pas de longueur ! Une centaine de pages, voilà tout. On est loin de ces pavés de 500 pages que les Occidentaux se sentent obligés de pondre.
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Un amour inhumain

J’aime les auteurs qui ont une patte, qui savent donner une tonalité très personnelle, unique et singulière à leurs œuvres. Edogawa Ranpo est de ceux-là. C’est un auteur dont je suis coutumière et chaque fois que je me plonge dans un de ses livres, j’y retrouve avec bonheur les ingrédients qui donnent une saveur particulière à ses histoires : une sensualité teintée d’étrangeté, voire de perversion, un raffinement élégant, des personnages souvent tordus, des situations à la fois poétiques et grotesques. Ce recueil est du pur Edogawa Ranpo. Je ressors donc très satisfaite de ma lecture.



Le recueil s’ouvre sur la nouvelle qui lui donne son titre, « un amour inhumain ». Cette nouvelle est très réussie, invitant le lecteur dans l’intimité d’un couple dont le mari a un secret bien singulier. L’auteur s’est toujours intéressé aux personnages ayant d’étranges obsessions, cette nouvelle s’inscrit dans cette lignée. L’atmosphère à la tonalité quasi-surnaturelle et très japonaise est vraiment fascinante.



Le texte suivant, « L’apparition d’Osei », est tout à fait saisissante de cruauté. La relation, dès le départ teintée d’humiliation et de souffrance, entre Osei et Katukaro, trouve son apogée dans une scène très marquante tant est mise en lumière la malveillance d’Osei.



« Les canaux de Mars », récit sans véritable intrigue, plutôt porté sur l’onirisme m’a moins séduite même si l’écriture est belle et les images dépeintes évocatrices.



On retrouve un certain onirisme dans la nouvelle suivante, « Les crimes étranges du Docteur Méra » mais il ne s’agit ici que d’instaurer une atmosphère poétique et étrange comme cadre d’une intrigue savamment construite. Je ne suis pas fan des romans policiers à énigme et cet aspect est souvent présent dans l’œuvre d’Edogawa Ranpo. Mais chez cet auteur, ce côté whodunit ne m’a jamais dérangée, cet aspect ne prenant jamais totalement l’ascendant sur l’atmosphère particulière des récits. C’est le cas ici. Il y a bien une intrigue policière dans cette nouvelle, avec la question « qui ? » comme fil narratif mais ce qui est au cœur de l’histoire reste tout de même cette ambiance bizarre, poétiquement macabre.



« La grenade » se rattache encore plus au genre policier à énigme. Les questions « qui ? » et « comment ? » étant vraiment au cœur de l’intrigue. Mais celle-ci s’avère tellement tortueuse et tordue que c’en est un véritable plaisir même pour moi qui ne suis pas une amatrice du schéma classique indice-hypothèse-déduction. Il faut dire que ce schéma narratif est ici poussé à l’extrême au service d’une histoire particulièrement retorse. Morbide, tordu, subversif, ce récit est un de mes préférés du recueil.



Le recueil se clôt sur une nouvelle qui prend pour cadre un contexte inattendu chez l’auteur. En effet, cette dernière histoire se déroule pendant la seconde Guerre Mondiale. Mais, il s’agit bien d’une œuvre d’Edogawa Ranpo, aucun doute n’est permis. Malgré ce décor inédit (à ma connaissance) chez l’auteur, dès le début le ton est donné à travers ce personnage qui évoque la fascination quasi-érotique que le feu des bombardements lui procure. Propos assez provocateur d’ailleurs… La suite du récit confirmera qu’on est dans du pur Edogawa Ranpo, l’histoire mêlant Eros et Thanatos de façon outrancière et non dénuée d’une certaine ironie.



Décidément, cet auteur parvient toujours à me surprendre tout en restant le même et j’aime cette singularité qui se retrouve dans chacune de ses œuvres. Il ne m’a jamais déçue.

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La Chambre rouge

La chambre rouge, ce petit recueil de nouvelles, de Ranpo Edogawa, est un petit bijou. Peu de personnages, ceux présentés sont complets et complexes. Intrigues sont habilement menées et brèves (je déteste ces « fausses » nouvelles presque aussi longues que les romans). De plus, la quatrième de couverture indique qu’il s’agit des meilleures nouvelles de l’écrivain et je peux facilement le croire : j’ai dévoré cette plaquette en un temps record.



La nouvelle « Chenille » est le parfait exemple de cette écriture typiquement japonaise. Délicate. Subtile. Toute en subtilité. Presque poétique. Une jeune femme est demeurée l’épouse modèle d’un militaire revenu amputé des quatre membres. Le code d’honneur veut qu’elle se dévoue à son mari infirme, en d’autres mots, qu’elle fasse le sacrifice de sa vie pour celui que son mari a fait pour sa patrie. Le dénouement est tout simplement édifiant.



J’ai moins aimé « La chaise humaine » qui, selon moi, mettait du temps à se dévoiler et à en arriver à l’intrigue. Mais « Deux vies gâchées » est une courte nouvelle policière, si on peut l’appeler ainsi. Pas très conventionnelle mais, même sans détective ou enquête, on y retoruve bien un crime et sa résolution. Très original. Il faut dire qu’Edogawa est l’auteur qui a intriduit le roman policier au Japon tout en y apportant sa touche personnelle.



« La chambre rouge » est audacieuse. Un homme raconte à un groupe d’individus dans un club privé les nombreux crimes parfaits qu’il a commis. Certains de ces crimes sont cruels, tous sont intelligemment pensés et menés. À donner des sueurs froides. Aussi, le dénouement est tout simplement époustouflant. « La pièce de deux sen » est la dernière nouvelle. Elle ressemble davantage à une nouvelle policière comme on est habitué d’en lire. Intéressante mais, selon moi, peut-être un peu trop longue.
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La Proie et l'ombre

Un régal ! Comment expliquer que La proie et l'ombre n'ait pas été publié en France avant les années 90 ? C'est un petit bijou dont les protagonistes sont deux célèbres auteurs de romans policiers (dont l'auteur et narrateur ?) ainsi qu'une très attirante jeune femme. C'est mis en scène comme un témoignage sur une affaire réelle avec des raisonnements impeccables qui s'effondrent soudain comme un château de cartes, des certitudes qui s'écroulent, et une analyse psychologique poussée de chaque personnage. En prime il y a toute une peinture de la société japonaise de l'époque, en particulier sur la condition d'écrivain et sur la condition féminine, sans compter qu'on entrevoit un peu de la vie nocturne dans le Tokyo des années 20. L'auteur joue un jeu subtil avec le narrateur et le lecteur, donne des avis sur le genre du roman policier. le tout est pimenté de voyeurisme et d'un peu de sado-masochisme. On peut aussi supposer tout ce que la relation du narrateur et de la jeune femme avait d'osé et de répréhensible pour l'époque. Et tout cela dans un très court roman d'un peu plus de cent pages !

Dans cette édition ce roman est suivi de la nouvelle Le test psychologique qui met en scène le détective Kogoro Akechi (personnage récurent chez Edogawa Ranpo ) qui aide un juge à démasquer un coupable. le lecteur sait dès le début qui est le coupable et assiste à tous ses efforts pour ne pas se faire prendre. le récit est brillant mais somme toute assez classique, un peu comme un bon vieux Colombo.

A découvrir absolument !

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Le démon de l'île solitaire

Edogawa Ranpo est un auteur vers qui je reviens régulièrement. Je trouve qu'il parvient, tout en se plaçant dans la continuité de grands auteurs, à créer un univers personnel et à raconter des histoires sur un ton singulier. Un récit d'Edogawa Ranpo se reconnait entre mille. "Le démon de l'île solitaire" ne fait pas exception, on y retrouve avec bonheur le caractère unique d'une œuvre de l'auteur japonais.



Edogawa Ranpo a un grand talent de conteur. Il sait indéniablement mener une histoire. Il prend son temps pour la raconter, ne se précipite pas, ne déballe pas tout d'un coup. Ce qui commençait comme une classique énigme de chambre close va, au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue, prendre une autre tournure. La mise en place est assez classique et semble de prime abord plutôt lisse, une banale histoire de meurtre. Mais, par petites touches, Edogawa Ranpo va distiller son venin, peu à peu, goutte à goutte. On retrouve alors ce qui fait le sel des romans de cet auteur si particulier. "Le démon de l'île solitaire" se mue peu à peu en une histoire délicieusement tordue où se mêlent poésie et horreur, perversité et raffinement, cruauté et sensualité.

"Le démon de l'île solitaire" est initialement paru sous forme de feuilleton et il en a les qualités et les défauts. La publication en épisodes impose à l'auteur de savoir attraper le lecteur et lui donner envie de connaitre la suite, ce que parvient très bien à faire Edogawa Ranpo. S on histoire est très prenante et de chapitre en chapitre devient addictive. Si on veut pinailler et relever les petites faiblesses du récit on regrettera le dénouement quelque peu expédié et l'usage de deus ex machina vers la fin. Défauts inhérents au feuilleton. Mais qu'importe la fin. Ici ce n'est pas la résolution de l'intrigue qui importe mais le chemin pour y parvenir. Et ce voyage plein de suspense, presque teinté de surnaturel est envoûtant.



Edogawa Ranpo convoque ses maîtres à écrire et leur rend de jolis hommages. Poe, Christie, Conan Doyle hantent les pages. "Le démon de l'ïle solitaire" est aussi un fort bel hommage original à Wells. Tout ça en gardant un ton unique, l'auteur s'étant rendu maître des ambiances tordues et étranges.

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La Chambre rouge

Ce soir, je t’entraîne dans « La Chambre Rouge ». N’aie pas peur, petite. Je saurai te protéger de ce monde subversif d’antan. Là-bas, tu y feras la connaissance d’un grand écrivain, maître fondateur de la littérature policière japonaise, pionnier à la manière d’un Conan Doyle ou d’un Edgar Allan Poe. La filiation avec ce dernier est assumé par l’auteur jusqu’à son nom de plume, Edogawa Ranpo.



Retour sur les années 20 et les premiers écrits de l’auteur en cinq courtes nouvelles. Cinq récits à la chute imprévisible, comme la chute de rein de cette femme croisée à la sortie de cette maison de plaisir. Cinq histoires, entre enquêtes policières et contes fantastiques, pour effrayer le cœur de midinette qui sommeille en chacun de nous – une midinette avec une chute de rein. Cinq légendes mêlant sirupeusement le sexe et la mort comme la nuit de folie passée avec cette midinette à la chute de rein impressionnante avant de l’étrangler après le coït final.



Imagine un soldat, héros de la Nation, décoré de la plus haute distinction. Plus de jambes, plus de bras, un visage déformé, un tronc humain. Et sa femme, encore jeune et belle. Il y a du sexe là-dessous, et ce n’est pas beau à voir. Tu sens cette passion malsaine monter dans ta sève ?



Imagine que j’ai une seconde passion, l’ébénisterie, que je construise un superbe fauteuil à l’occidental, beau bois, beau cuir, et que je m’installe à l’intérieur cloitré juste pour sentir les fesses de cette dame venues se relaxer sur la douceur de ce cuir. Tu sens ce voyeurisme malsain s’afficher sur ton sourire épanoui ?



Imagine que je t’avoue quatre-vingt-dix-neuf crimes avec un sang froid et une jouissance extrême en disant qu’au final l’ennui guette et qu’à la centième victime j’arrête. Tu sens cette peur malsaine nouer ta gorge ?



Imagine… Imagine encore. Tu as l’imagination malsaine, ce mélange de perversité et d’ignominie qui illumine si bellement ta pensée.



« C’est désormais à vous de me juger : suis-je un criminel pervers ou simplement un pauvre malade mental ? »
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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La bête aveugle

"La bête aveugle" est un film de 1969. Mais c'est au départ un court roman écrit en 1931 par le père du polar japonais Edogawa Ranpo.

J'avais vu le film en 2005 à l'occasion de sa reprise et ai déniché le roman chez un bouquiniste.

S'ils partent d'une trame commune (un aveugle séquestre une jeune femme), le film et le livre prennent des orientations très différentes.

Le film, qui annonce "L'empire des sens" de Mishima, baigne dans une atmosphère très seventies d'érotisme sadomasochiste. Le réalisateur s'intéresse à la relation qui se noue entre l'aveugle et son otage. Il crée de toutes pièces le personnage de la mère, absente du livre, pour ajouter une dimension oedipienne à la relation des deux protagonistes.

Le livre ne pose pas les mêmes questions. Il s'intéresse à la place de la vue et du toucher dans nos sens. L'aveugle du roman entend réaliser une sculpture qui ne se regarde pas mais qui se touche. Pour y parvenir, il ne séduira pas seulement une femme - sur laquelle le film se concentre - mais plusieurs, transformant le roman en succesion de courtes saynètes un peu répétitives. Le roman se conclut - à la différence du film - par la présentation de cette réalisation monstrueuse dans un musée.
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La Proie et l'ombre

Ranpo Edogawa s’est personnellement impliqué dans son livre, il en est le narrateur et le protagoniste. Excellente analyse de l’être humain, de sa complexité, fétichisme, voyeurisme, sadisme et perversions sexuelles.

Ranpo Edogawa, auteur de romans policiers, enquête sur la demande expresse d’une jeune femme rencontrée dans un musée, celle-ci lui dit recevoir des lettres de menaces. La situation aboutira à un meurtre qui pourrait avoir été commis par un autre auteur de romans policiers ! Cette affaire réserve bien des surprises.

Une deuxième nouvelle, très courte, trop courte aura trait au meurtre d’une vieille femme. Le juge, à la recherche du véritable assassin, décide d’avoir recours aux tests psychologiques, science nouvelle à l’époque.

Ranpo Edogawa, anagramme de Edgard Allan Poe, est reconnu au Japon comme le maître-fondateur de la littérature policière japonaise.

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La Proie et l'ombre

Jeu de miroirs

Deux nouvelles dans le recueil :

1) La Proie et l'ombre , 1928 ( 109 pages)

Le narrateur, un double de l'auteur, écrit des romans policiers à succès. Il reçoit la visite d'une envoûtante femme mariée. La dame est terrorisée par un ancien amant éconduit qui lui écrit des lettres de menaces... Celui-ci est devenu auteur de romans policiers à succès...

L'enquête est subtile, atypique car elle concerne surtout l'enquêteur-narrateur-auteur-rival du suspect... La fin est ouverte sur plein de possibilités. L'autre intérêt est l'ambiance"cabaret" de la nouvelle, assez typique des années folles : femme fatale, érotisme sado-maso.

2) le Test psychologique ( 30 pages)

Un jeune étudiant oisif se targue de pouvoir commettre un crime parfait...

Une nouvelle à énigme originale avec des rebondissements. Une habile réflexion sur les tests psychologiques, qui étaient une nouveauté à l'époque. Comme dans la première nouvelle, le premier manipulé est le lecteur.



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La Proie et l'ombre

La Proie et l'ombre est un recueil de deux récits :

Le premier donne son titre au recueil et c'est une enquête d'Edogawa Ranpo qui se met lui même en scène : auteur de romans policiers il est directement en concurrence avec Shundei Oe, ce dernier fait dans le polar subversif et pathologique...

Edogawa Ranpo est contacté par la sulfureuse Shizuko ; depuis quelques temps, cette ravissante jeune femme se sent épiée et en danger, soupçonnant un ancien amant Hitaro, qui menace de révéler leur liaison passée au mari de Shizuko. Peu de temps après, le mari est retrouvé mort dans le fleuve, une blessure mortelle dans le dos...

Edogawa Ranpo prend alors les choses en main, il est bientôt convaincu que Shundei Oe est l'assassin, s'appuyant sur les romans écrits par ce dernier et analysant les différentes enquêtes et leur modus operandi, pas de doute l'assassin est bien cet écrivain sociopathe - n'a t-il pas déménagé près d'une dizaine de fois sans communiquer ses adresses, refusé toute interview et pratiquement disparu depuis plus d'un an sans rien publier ?

Le deuxième récit s'attache au jeune Saito, étudiant qui, oisif, se targue de commettre le crime parfait, il passe au crible tous les détails du crime et décide d'assassiner la logeuse d'un de ses camarades Fukiya. Après le meurtre, Fukiya est vite arrêté, tout l'accuse mais le juge instruisant l'affaire, aidé du détective Kogoro Akechi remet en cause les indices trop nombreux, en faisant passer aux deux suspects un test psychologique.



Deux récits courts mais qui montrent toute la maestria d'Edogawa Ranpo qui démonte dans la première nouvelle, les mécanismes et surtout les préjugés qui brouillent l'analyse objective et méthodique de l'enquêteur, une objectivité qui devrait toujours prévaloir alors que l'écrivain projette ses propres sentiments et ses propres interprétations.

Le deuxième récit remet en cause l'utilisation et la fiabilité des méthodes scientifiques, le test psychologique peut être manipulé mais au final c'est bien l'interrogatoire et le rapport humain qui peut démonter le subterfuge de la manipulation de l'outil scientifique.

La Proie et l'ombre présente deux belles démonstrations d'Edogawa Ranpo, le père du roman policier japonais.
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L'Île panorama

L'ile panorama est le premier roman que je lis du célèbre auteur de polars Edogawa Ranpo. Je n'ai peut-être pas commencé par le meilleur, hélas.

Sans aller jusqu'à le déclarer totalement inintéressant, j'en ai trouvé la lecture assez fastidieuse. Eût-il été plus gros, j'aurais certainement abandonné avant la fin.



Le style m'a paru lourd et emprunté. Le personnage principal, Hitomi Hirosuke, ne recule devant rien pour réaliser son rêve aussi fou que pharaonique. Les intrusions dans sa mentalité font froid dans le dos. Mais ça ne va guère plus loin. Quelques scènes rehaussent l'intrigue sans pour autant m'avoir captivée.



Un roman, à mes yeux, dont on peut aisément se dispenser. Tant pis, on n'a pas une bonne pioche à chaque livre.
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Un amour inhumain

Je n'avais aucune idée de qui était Edogawa Ranpo, bien qu'il soit considéré comme le pionnier du roman policier à énigmes japonais, avant de plonger dans Un Amour inhumain, un recueil regroupant six nouvelles étranges et dépaysantes à souhait, publiées de 1926 à 1955 dans diverses revues. Ranpo maîtrise d'une main de maître l'horreur (Un amour inhumain), la cruauté (L'apparition d'Osei) et le macabre (La grenade) - mes nouvelles préférées -, jouant des ombres et des illusions avec une grande habileté. Illustrées par Suehiro Maruo, la couverture ainsi que le quatrième de couverture donnent joliment le ton, annonçant cependant un contenu plus licencieux qu'il ne l'est. Un auteur qui manquait à ma culture littéraire, et dont il me tarde de découvrir les récits policiers.
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L'Île panorama

L’utopie pervertie d’Edogawa Ranpo.



Après le retour à la vie du chef de la famille Komoda, décédé des suites d’une crise d’épilepsie et étrangement ressuscité, son caractère semble avoir changé du tout au tout ; il se comporte de façon incohérente, semblant pris de folie, et entreprend des travaux mystérieux pour transformer une île appartenant à sa famille, engloutissant toute sa fortune dans des travaux somptuaires.



«Au bout de trois ou quatre mois, un étrange mur de terre ressemblant à la grande muraille de Chine, entourait toute l’île, enfermant à l’intérieur des lacs, des rivières, des collines, et en son milieu, un énorme bâtiment aux formes curieuses, fait de béton et de poutrelles métalliques.

Je pense avoir l’occasion de vous expliquer plus tard ce que ce paysage avait d’extraordinaire et de magnifique. Je n’en parlerai donc pas maintenant, mais je vous laisse le soin d’imaginer ce que la réalisation complète du projet aurait pu avoir de fantastique. Malheureusement, un événement imprévisible vint interrompre ces gigantesques travaux au moment où ils allaient être sur le point d’aboutir.»



Dans ce court roman inspiré par «Le domaine d’Arnheim» et «L’enterrement prématuré» d’Edgar Allan Poe, la création d’un paradis artificiel d’une beauté absolue, délire d’une «réalité augmentée» fomenté par un étudiant obsessionnel, qui entrevoit avec le décès de Komoda la possibilité de réaliser son utopie en vampirisant son identité, va se transformer en cauchemar maléfique.



«Cette forêt illimitée avait la forme d’un nuage s’élevant à l’horizon, avec ses branches entremêlées et ses feuilles tassées les unes sur les autres qui avaient des reflets jaunes au soleil et qui, à l’ombre, prenaient un aspect trouble, noirâtre, comme la mer en profondeur. Ce qui était effrayant dans cette forêt, c’était le sentiment particulier qu’elle faisait naître progressivement dans le cœur de celui qui, debout sur la pelouse, l’observait dans son ensemble. Ce qui éveillait ce sentiment, c’était sans doute l’importance de cette forêt qui semblait supporter un ciel lourd et pesant. Ou bien, le parfum sauvage et entêtant qui se dégageait des feuilles. Mais en dehors de cela, un observateur attentif aurait certainement décelé la présence de quelque artifice diabolique. La forme générale de cette vaste forêt évoquait la silhouette d’une énorme créature fantastique. Les traces de ces artifices avaient été soigneusement effacées, et la peur qu’on éprouvait était d’autant plus grande et plus profonde qu’on ne faisait, justement, que deviner leur présence.»



Ce roman policier «déviant» publié en 1926, traduit en 1991 par Rose-Marie Fayolle pour les éditions Philippe Picquier, superbement adapté en manga en 2008 par Maruo Suehiro (disponible en France aux éditions Casterman), glisse du réalisme vers le macabre et l’érotisme mâtinés de grotesque, et la distance y est mince de la magie à l’horreur, du sublime à l’écœurement, de la beauté ultime façonnée par l’homme à l’abomination de la cascade de chair, fantasme qu’on retrouvera, amplifié, dans «La bête aveugle».



À «L’île panorama» répond en miroir le fascinant «Démon de l’île solitaire», où l’homme rêve de façonner non pas la nature mais les corps, sur une île encore plus inquiétante.



Une soirée consacrée à l’œuvre d’Edogawa Ranpo aura lieu le 17 septembre prochain chez Charybde, à l’occasion de la parution en français du «Démon de l’île solitaire», en compagnie de sa traductrice Miyako Slocombe et de Stéphane du Mesnildot, écrivain, critique aux Cahiers du cinéma et grand lecteur d’Edogawa Ranpo.



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/09/14/note-de-lecture-lile-panorama-edogawa-ranpo/

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La Chambre rouge

Une superbe découverte ! Incompréhensible qu’il est fallu tant de décennies pour qu’Edogawa Ranpo soit traduit en français alors qu’il est considéré comme le fondateur du roman policier au Japon, tel Edgar Allan Poe. Son nom de plume qui peut se traduire « Promenade sur la rivière Edo » est d’ailleurs formé par l’anagramme de la transposition phonétique japonaise du nom de l’auteur de La lettre volée.

La chenille (1929) c’est la nouvelle la plus typiquement japonaise du recueil. Personnellement, même si je l’ai trouvée remarquablement bien écrite, je n’ai pas du tout aimé : trop malsaine, voire répugnante. Le portrait psychologique de l’épouse est très fin et très réussi, il y a juste ce qu’il faut pour que l’on comprenne le poids de la culture japonaise dans la situation de ce couple

Chacune des quatre nouvelles suivantes se termine par un twist assez classique après le dénouement apparent, mais à chaque fois on est surpris tant l’idée est inventive.

La chaise humaine (1925) une nouvelle dont le sujet semble encore une perversion malsaine, proche du voyeurisme, ou du moins d’un érotisme suggestif, mais … Le récit traîne un peu en longueur mais cela ne fait que mettre particulièrement bien en valeur la chute.

Deux vies gâchées (1924) C’est l’histoire d’un crime commis sous somnambulisme, dans une variation originale. Ni détective ni enquête mais il y a bien un meurtre et à la fin, il est résolu. C’est peut-être la nouvelle la moins réussie dans la mesure où c’est celle où l’on sent le plus venir les retournements.

La chambre rouge (1925) Un homme raconte une série de meurtres dans un club privé, le dénouement, en deux temps encore, est vraiment surprenant. C’est peut-être la plus réussie.

La pièce de deux sens (1923) La nouvelle la plus policière au sens strict du terme, quoique…,c’est aussi celle qui emprunte le plus à Edgar Allan Poe,avec une énigme très oulipienne en prime.

J’ai aussi particulièrement apprécié le choix de l’éditeur de mettre ces récits dans cet ordre. Souvent je suis déçue par les recueils de nouvelles, surtout quand ce n’est pas l’auteur qui s’est occupé du choix de l’ordre des textes. Souvent il n’y a pas d’autre logique que de mettre le meilleur en premier, pour accrocher le lecteur, qui court donc à une déception croissante. Une autre option est de les mettre en ordre chronologique, mais c’est plutôt rare ces dernières années. Ici, j’ai l’impression qu’elles ont été classé de la moins à la plus policière, ce qui est un choix qui se tient, et qui marche. J’ai aussi apprécié que chaque nouvelle soit précédée d’une très courte préface-présentation, plutôt que d’avoir une préface qui chapeaute le tout.

J’ai hâte de lire d’autres œuvres d’Edogawa Rampo, du moins parmi celles qui ne sont pas de la même veine que La chenille.
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La Chambre rouge

Un petit recueil parfaitement barré

La Chambre rouge comprend 5 nouvelles écrites entre 1923 et 1929. Les points communs ? D'abord une maîtrise formidable de la construction narrative. Beaucoup de nouvelles à chute et même à double chute. Le narrateur se joue des personnages avec cruauté et nous mystifie aussi, nous autres, pauvres voyeurs, comme un prestidigitateur à la Foire du Trône. Ensuite et c'est lié, un gôut du grand guignol, du grotesque, de l'érotico-macabre, unique en son genre.
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La Chambre rouge

Première approche d'Edogawa Ranpo avec ces cinq nouvelles qui suscitent un intérêt inégal, mais dont certaines sont d'une qualité exceptionnelle.



Dans la première du recueil, "La Chenille", Tokiko retrouve son mari soldat réduit à l'état d'homme-tronc, sourd et muet. Reclus dans leur maison, les époux vont engager un "jeu" pour le moins malsain.

Cette nouvelle est un tour de force, avec son érotisme frelaté et un personnage féminin à la psychologie fouillée. La Chenille joue sur la répulsion et le grotesque. J'avoue que sans etre particulièrement bégueule, on touche ici un point-limite pour moi, l'angoisse et le dégoût ayant pris le pas sur l'admiration face à ce récit parfaitement mené. Mais, en ce sens, le désir premier de l'auteur en écrivant cette histoire effroyable est comblé.



Passons à la seconde nouvelle, "La Chaise humaine". Un homme difforme et laid, fabricant de meubles de son état,  envoie une lettre à une écrivaine célèbre afin de lui exposer en détail son obsession. Esthétique, raffiné, érotique, dérangé, ce récit est un petit chef-d'œuvre, une perfection dans la progression de l'intrigue pour atteindre des tréfonds de perversité et quelques frissons sinistres, avant une chute à double détente, procédé que semble apprécier l'auteur en usant de cet effet ailleurs.



Les trois autres nouvelles ont des intrigues plus strictement policières, de facture plus classiques, même si leur construction narrative réserve quelques surprises.

Neanmoins, toutes ont en commun l'originalité de leur résolution, la subtilité et la délicatesse de leur écriture, alors même que les atrocités se succèdent.



Il me semble que chez Edogawa Ranpo, élégance et perversion se donnent la main. Je retournerai bientôt vérifier cela.
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Régis Franc est connu pour sa BD sociale ..........?............. je sais ça vole pas haut

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