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Critiques de Emmanuel Venet (110)
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Marcher droit, tourner en rond

Voici un petit roman qu’il ne faut pas manquer de lire. Original, souvent comique, « Marcher droit, tourner en rond » dénonce, entre autres, les compromis dont nous nous accommodons, les conventions sociales qui nous éloignent de toute honnêteté intellectuelle, et la mesquinerie qui rôde autour de nos relations. Ce texte – un homme atteint d’un syndrome autistique décrit sa famille à l’enterrement de sa grand-mère, une femme détestable que chacun se sent obligé de rendre admirable – est un enchaînement de descriptions et de situations piquantes et cinglantes dont on ne se lasse pas.

Mais, au-delà de cette narration, Emmanuel Venet s’emploie à nous faire comprendre ce trouble psychiatrique, le syndrome d’Asperger, qui mène chaque patient à… tourner en rond.
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Rien

Dans «Le roi vient quand il veut», Pierre Michon qualifie le roman de fabrique émotionnelle, et dit qu’il veut écrire dans un tremblement, comme un équilibriste sur sa corde, afin que le lecteur tremble comme lui sur cette corde.



Emmanuel Venet tire cette corde entre deux instants, distants de près d’un siècle : Les divagations de la pensée du narrateur, - un musicologue spécialiste du compositeur médiocre et oublié Jean-Germain Gaucher -, juste après l’étreinte amoureuse avec sa femme pour les vingt ans de leur rencontre, dans une chambre du Négresco. C’est dans cette chambre même que Jean-Germain Gaucher retrouva une ultime fois Marthe, sa maîtresse de toujours ; et le deuxième instant, fatal, quand en 1924, son Pleyel va s’écraser sur Jean-Germain Gaucher et le tuer.



Le narrateur connaît jusqu’au moindre détail, le déroulement de la vie du compositeur, homme aux fulgurances rares, égaré dans la composition de musiques pour un cabaret de Pigalle. Dans ses divagations, il cherche à éclairer les circonstances de la grandeur et de la médiocrité, chez cet homme dont finalement seule la fin est grandiose, écrasé par la chute de son piano à queue.



Le narrateur repense aux débats enflammés, avec un ami proche et néanmoins rival, autour de cette fin, pour savoir s’il s’agissait ou non d’un suicide, et questionne ainsi la capacité de juger un talent saccagé.



Finalement, autour des deux parcours de ces deux hommes, distants mais parallèles, «Rien» est un livre qui traite de l’usure du quotidien, du mirage furtif d’une union que constitue l’étreinte, roman de la solitude de vies toutes parallèles mais qui jamais ne fusionnent.



«Il faut espérer qu’à l’instant fatal où le Pleyel s’apprête à l’écraser, Jean-Germain découvre, dans cette éblouissante révélation après-coup, la réalité sur laquelle il s’est leurré pendant des années : à savoir que sa femme l’a simplement tenu pour moribond durant son exil au sanatorium ; qu’elle est restée en vie tant bien que mal au moyen de colifichets et de fredaines, d’achats idiots et de guilledous qui a la fois renouvellent et insultent le verbe aimer ; et qu’au terme de ses longs mois de solitude elle lui a autant voulu de l’avoir abandonnée que de ressusciter. »

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Contrefeu

Si vous n’avez pas encore lu Marcher droit tourner en rond, d’Emmanuel Venet, alors vous êtes chanceux : lire Venet, c’est goûter un style élégant et plein d’intelligence, agrémenté d’un humour tout desprogien. Et il se trouve que ce nouveau roman - Contrefeu - s’inscrit dans la parfaite veine de cette fresque (de bras cassés) miniature qu’était Marcher droit… , succès modeste à sa sortie, mais dont chaque lecteur devint un fidèle. Et de fidèles, il en est aussi question dans cette chronique perfide du charme discret de la bourgeoisie de province — si l’on peut dire. Avec son évêque habité par le feu de la passion, sa fervente consumée par l’ardeur du désir, son migrant africain brûlé d'un destin dramatique (mais qui fait un coupable idéal), ses quelques affairistes bouillonnants d’idées pour faire de bons placements, ou encore son jeune alterno’ qui refuse d’ « entrer dans les schémas de la consommation de masse » tout en reprochant à sa mère de pas installer la climatisation, Venet multiplie les points de vue, brouille les pistes et révèle les failles de chaque protagoniste avec autant de minutie que de désinvolture. C’est fin, c’est drôle, on serait même tenté de dire que c’est malheureusement si vrai que cela en devient cruel. Et le pire : c’est qu’on aime ça (on en redemande d'ailleurs).
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La lumière, l'encre et l'usure du mobilier

Emmanuel Venet, auteur de l’excellent Marcher droit, tourner en rond, ne manque ni d’intelligence ni du verbe pour l’exprimer, mais il a aussi l’extrême délicatesse de dissimuler son autobiographie dans une suite de textes courts dédiés à des thématiques diverses (la religion, la guerre, la médecine) et des figures aussi variées que Glenn Gould, Freud (le titre de ce livre est dévoilé dès les premières pages et c’est une merveille), Kafka, Rimbaud, Cendrars ou encore le "docteur" Franz Anton Mesmer (dont il se moque avec allégresse), fragments d’une totale liberté où Venet se raconte en se tenant en arrière-plan. Comme le disait Gracq : « Il n’y a pas d’autres sens interdits pour le roman que ceux qui finalement ne seront pas empruntés, et quand on légifère dans la littérature, il faut avoir au moins la courtoisie et la prudence de dire aux œuvres "Après vous…" ». C’est brillant, souvent drôle, et on en viendrait à espérer que la littérature de soi – cette autofiction mal nommée - puisse atteindre de temps à autre une aussi grande qualité, d’aussi pertinentes et plaisantes vertus, car le plaisir de lecture ici est grand – immense même. Quelle réussite et quel feu d’artifice pour l’intellect.
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Marcher droit, tourner en rond

Le narrateur, atteint d'Asperger, a une intelligence incroyable mais est incapable de relations sociales. Il passe au peigne fin tous les membres de sa famille. Incapable de second degré, il ne comprend pas le comportement de ses proches, qu'il juge incohérent. Le livre débute au moment des funérailles de sa grand-mère Marguerite. Il est frappé par l'hypocrisie ambiante et par la manière dont on parle de sa grand-mère, comme si ça avait été une sainte. Une incursion intéressante et touchante dans la tête de cet autiste, qui cherche à comprendre son entourage et à créer du lien mais qui toujours est incompris. Un texte très drôle et attachant !
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Marcher droit, tourner en rond

Lors d'une cérémonie d’obsèques, il va de soi que le commun des mortels s'émeut! La perte, les adieux, la douleur, la nostalgie, la peur de la mort, de la solitude, les prémisses du deuil avec toutes les émotions qu'il engendre... Quel que soit l'enterré, qui que soit le survivant, une foule de sentiments puissants et ambivalents s'invitent à la fête car si une chose ne laisse pas le cœur humain indifférent, c'est bien la fin d'une vie!



Mais notre héros n'est pas le commun des mortels, et si son cœur, humain, bat comme le notre, c'est d'une toute autre façon que le votre et le mien... En effet, l'homme qui nous invite à le suivre, à marcher droit et tourner en rond, est atteint du syndrome d'Asperger, forme particulière de l'autisme qui se définit, en plus des symptômes habituels de difficulté à établir des rapports sociaux et à communiquer, par le fait que ses sujets sont souvent très intelligents malgré leurs difficultés émotionnelles. Du coup, quand il se rend à l'enterrement de sa grand-mère, notre narrateur ne le vit pas de façon ordinaire puisqu'au lieu de s'émouvoir, de souffrir, de sentir tout simplement, lui va penser, et à sa manière... Et sa pensée, libérée des conventions sociales, des règles de circonstance , du poids des émotions et de l'empathie, va nous mener dans un portrait de famille caustique, mordant, sans aucune concessions mais aussi plein d'humour décalé et de tendresse.



Pour commencer, il se demande par exemple, pourquoi l'officiante s'évertue à présenter sa grand-mère défunte comme une femme honorable alors que de toute évidence, si l'on met les faits bout à bout, elle ne l'était pas! Du père gentil mais bébête aux cousines frivoles, personne n'est épargné et c'est un petit régal que de regarder le monde sous le regard d'Asperger, tout du moins celui que nous en montre Emmanuel Venet. On se dit même, à certains passages, qu'on devrait tous être un peu plus Asperger parfois, pour le bien de la vérité, de l’honnêteté et de la transparence... Et puis finalement non... Asperger n'est pas forcément une bénédiction et une des grande force du roman est justement cette évolution de point de vue: on démarre sur les chapeaux de roue et on sourit beaucoup; on se marre franchement même parfois, avec ce héros non-conventionnel et puis plus ça avance plus on saisit le grave derrière la façade, la manque derrière la facilité, l'incapacité sous la transparence...

Alors non, vivre avec Asperger ça ne doit vraiment pas être facile, ni pour le malade ni pour ses proches, mais quand-même, quel bel angle de vue pour dresser un portrait de famille comme on aime les lire: sévère mais juste, grave mais drôle!



J'ai souri, ri, pensé et repensé! Je n'en demande pas mieux à un livre et "Marcher droit, tourner en rond" est pour moi une petite perle littéraire que j'ai eu bien du plaisir à rencontrer!

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Plaise au tribunal

La Feuille Volante n° 1142

PLAISE AU TRIBUNAL – Emmanuel Venet – Éditions La fosse aux ours.



Sous ce titre à forte connotation juridique puisqu'il emprunte au discours des prétoires son ton très cérémoniel, se cache un court récit (30 pages) en forme de plaidoirie et de jugement, en l'espèce celui d'Oublevé, dont le nom constitue déjà un canular, sauf le respect dû au Président du susdit Tribunal. de quoi s'agit-il donc? Imaginez-vous que nous sommes en automne, que les feuilles tombent et qu'on a l'habitude de les ramasser après les avoir mises en tas puisqu'elles constituent en elles-mêmes une source d'accidents. Jusque là rien de bien extraordinaire. Là où ça se complique c'est que face au résultat de ce travail auquel il n'avait même pas participé, il est venu à l'idée de M. Diese qu'il s'agissait d'une oeuvre d'art qu'il baptisa tout de go « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle ». Cela peut être considéré comme un hommage à Jacques Prévert et témoigne en tout cas d'un certain niveau culturel de notre ami, et du fait de cette prise de position, quand même fort inattendue, ce vulgaire amas de feuilles se retrouve de facto référencé dans « l'art conceptuel », certes éphémère mais avec la dimension culturelle incontestable d'une sculpture. Sauf que nous sommes dans l'asile psychiatrique de la bonne ville d'Oublevé et que ce M. Diese s'y trouve hospitalisé depuis de nombreuses années. Ainsi le fait que l'établissement se soit débarrassé de cet encombrant amoncellement qui par ailleurs représentait aussi un danger, constitue l'espèce de cette action en justice.

Nous nageons ici en plein délire et j'imagine les effets de manches des avocats, leur difficulté à garder leur sérieux, et je ne parle parle de l'autorité des juges et de « la chose jugée ». L'auteur est psychiatre et à ce titre capable de déceler, entre autre, les capacités créatrices de certains de ses patients et le fait d'être classés parmi les « malades mentaux » n'amenuise en rien leurs facultés artistiques. Je n'en veux pour preuve notamment que le cas de Séraphine Louis (1864-1942) (La Feuille Volante n° 369) qui, malgré des facultés mentales quelque peu altérées attira, d'ailleurs un peu malgré elle, l'attention d'un marchand d'art et eut quelque succès. Au-delà de cette remarque, j'observe que la décision du tribunal, pour savoureuse qu'elle soit, laisserait sans doute les étudiants en droit, confrontés au commentaire d'un tel arrêt, dans une situation délicate. Après tout, il y bien eu parmi les verdicts des cours, des jugements où la sacro-sainte logique, voire le bon-sens, ont été laissés de côté au nom de la loi, de la morale, ou de l'Ordre Public. La sentence ainsi prononcée par un vénérable juge qui est aussi, on l'imagine, un « juriste éminent », pour fictive qu'elle soit, m'évoque l'imaginaire d'un Salvador Dali, les extravagances des surréalistes ou les provocations du mouvement « dada ». Je ne manquerai pas non plus d'évoquer les tribulations d'un Amadis Dudu qui, dans « L'automne à Pékin » (roman qui ne se passe ni en automne ni à Pékin) de Boris Vian se trouve embarqué dans l'improbable construction d'une ligne de chemin de fer dans l'immense désert d'Exopotamie, laquelle doit passer au beau milieu de l'unique hôtel qui de ce fait doit être détruit. Quant à l'atmosphère de ce récit, il ne serait sans doute pas tout à fait renié par Kafka lui-même. Cela dit il y a des moments dans notre vie où les choses se présentent sous un jour si surréel qu'on a besoin de se pincer pour vérifier qu'on ne rêve pas. Je ne parlerai pas non plus du plus grand pays du monde qui vient de confier son destin et peut-être aussi le nôtre à un homme à la fois fantasque, irresponsable et imprévisible. Est-ce à dire que la folie est la chose du monde la mieux partagée ? Méfions-nous, de même que nous sommes tous justiciables, nous pouvons également devenir, même pour un temps, pensionnaires d'un établissement psychiatrique. Après ce bref voyage en « absurdie » je me demande toujours si on peut rire de tout, c'est à dire si, face à la désespérance distillée par notre monde, on peut opposer autre chose que l'humour parce qu'en fait il ne nous reste bien souvent plus que cela. J'ai bien aimé la dérision avec laquelle l'auteur, rencontré par hasard, a traité son sujet.

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Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud

Qui se souvient de Gaston Ferdière ? Médecin et directeur de l’hôpital psychiatrique de Rodez, où Antonin Artaud fut interné entre 1943 et 1946, on ne se souvient de lui que pour le désavouer, en tant que psychiatre borné et obscurantiste, notamment du fait des traitements par électrochocs qu’il fit subir à l’écrivain.



Emmanuel Venet fait revivre Ferdière, depuis son grand-père fabricants de billards à Saint-Etienne, ses études à la Faculté de Médecine de Lyon, ses ambitions de poète refroidies par le voisinage quotidien de la souffrance et de la mort, et son virage vers la psychiatrie.



“Voilà notre jeune marié à Paris, plus près du Dieu qui hante encore les couloirs de Sainte-Anne et vient d’éventrer le professeur Claude d’une griffe insolente. Ferdière atterrit d’abord à Villejuif. C’est là qu’il rencontre le verbe déstructuré, grandiose et hermétique des fous : la source même de toute poésie, l’endroit rêvé pour étancher enfin sa soif d’inouï et se lancer vraiment.

On imagine sans peine sa fascination pour ce monde clos, déglingué, somptueusement cacophonique. Une vacuole où la langue bureaucratique répond aux sémaphores des corps mal tenus, où le sens trace d’innombrables pistes à travers les éruptions de violence, de sperme ou de charabia. Il faut s’être aventuré dans un asile, même actuel, pour savoir combien cette humanité chancelante fait d’abord peur et mal, et comment on s’en défend par le rire jaune et la fausse science quand on n’ose pas la fuir ou la singer."



Dans ce magnifique récit d’une quarantaine de pages, dans la lignée de ce que fit Pierre Michon avec, notamment, la "Vie de Joseph Roulin", Emmanuel Venet continue d’explorer la relation entre maladie et littérature, et trace un portrait nuancé de Ferdière, médecin généreux, se battant contre la famine dans les asiles pendant la seconde guerre mondiale, un homme trop tôt convaincu de son manque de talent littéraire, et qui réussit malgré tout à remettre Artaud à sa table de travail.
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Précis de médecine imaginaire

Dans ce récit de 2005, sous forme de lexique et de fragments qui semblent paver le chemin pour un projet littéraire beaucoup plus vaste, Emmanuel Venet, psychiatre lyonnais féru de musique et de littérature, montre avec poésie et humour, comment sa carrière de psychiatre trouve ses racines dans ses souvenirs d’enfance, son désir de dominer le piano – ce qu’il appelle sa névrose pianistique.



En quatre parties – Vadémécum de sémiologie médicale, Premières esquisses d’un traité des ondes, Névrose pianistique, quelques précisions, et enfin Imprécis de thérapeutique – ce livre forme un miroir poétique des fantasmes, des conversations entendues et des croyances d’enfants sur le corps et la maladie. L’auteur évoque ses après-midis d’enfance quand, cloué par une angine sous sa couverture, il échappait à l’école pour plonger dans les livres, des dimanches bien réglés et marqués par l’ennui dans les jardins familiaux, l’évocation d’un monde sur le point de disparaître, au tournant des années 1970.



Ce Précis de médecine imaginaire est aussi celui de l’apprentissage de l’humilité du psychiatre face à la maladie, qui reconnaît la lucidité du malade en dépression, un refuge contre la réalité impensable du monde, et comprend le paranoïaque, dont la maladie plonge « ses racines dans une monstrueuse soif de justice, de pureté et de victoire, ce fonds commun de l’enfance que déçoit, défaite après défaite, la vie. » Emmanuel Venet, avec modestie et humour, partage l’évolution de sa propre névrose pianistique, quand adulte il accepte enfin l’imperfection, la possibilité d’une erreur ou même d’une défaite dans une interprétation, longtemps perçue comme une lutte avec l’instrument, une tauromachie.



[Myopie] «J’apprécie d’être myope. Au moins, quand on me bassine trop, j’enlève mes lunettes, et renvoie les gêneurs aux brumes préhistoriques d’avant mes six ans. Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’un petit meurtre, ni plus ni moins.»



[Saturnisme] « Sous ce nom splendide se cache une maladie médiocre, l’intoxication au plomb. La Faculté essayait de nous y intéresser en nous parlant de Van Gogh et des pinceaux maculés tenus entre les dents, des ciels hurlants et de l’oreille offerte à une putain, sans oublier les derniers plombs tirés dans les blés d’Auvers. Elle nous signalait aussi les vieux marchands de journaux du temps de la linotypie qui, matin après matin, se léchaient un doigt, victimes finalement de la toxicité des habitudes. »

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Marcher droit, tourner en rond

A l'occasion des funérailles de sa grand-mère, le narrateur, autiste asperger, passe en revue les membres et l'histoire de sa famille. Ce syndrome lui offre une vision limpide et sans concession de son entourage, dans lequel il est facile pour le lecteur de s'identifier par touches.



Ce court texte qui ne manque vraiment pas d'humour, expose sous la lumière crue de la vérité nos travers et nos compromissions, qui nous permettent certes de faire société mais à quel prix !



On pourra souligner que la galerie de personnages est un condensé un peu trop concentré de turpitudes occidentales, mais l'exposition n'en est que plus savoureuse car elle se veut honnête et jamais méchante.
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Schizogrammes

« Les parents de Marcel sont donc vivants mais décédés. Philosophe, notre homme ajoute que dorénavant ce sera comme d’habitude. Ce pourrait être la devise des schizophrènes, signant à la fois leur drame et leur force dans cette époque où l’on soigne les psychotiques par antipsychotiques sans y entendre malice. » C’est Emmanuel Venet qui l’écrit dans ce drôle de texte qui parait ces jours aux éditions de la Fosse aux Ours. Maintenant à la retraite, Venet peut revenir sur ses « clients » : tous ces psychotiques qu’il a croisés en quarante ans, leurs déclarations souvent amusantes (« à quoi ça sert de vivre quatre-vingts ans, si c’est pour mourir après ? »), mais aussi l’état actuel de leur prise en charge, la poésie qui se cache parfois ou souvent - c’est selon - dans leur folie. Derrière ces anecdotes amusantes, touchantes, cocasses, Venet peut parler de son métier, de ses incohérences, ses progrès ou ses reculs, surtout lorsque – nous apprend-t ’il – on a fait de psychotique dangereux un pléonasme comme c’est le cas maintenant grâce à un certain « président Sarkozy... Schizogrammes est plein d’esprit, d’intelligence, de drôlerie bien sûr – j’ai éclaté de rire, mon sandwich à la main, sur un banc de pierre en vieille ville de Genève, pas plus tard qu’hier midi (on est le 18 octobre et il fait beau et doux), créant l’étonnement si ce n’est l’effarement, autour de moi. Le monde n’a pas besoin de merveille et on attend plus de miracle, mais il a besoin d’émerveillement. Cet émerveillement, on peut le trouver dans les arts, dans la littérature et pour sûr : dans ce livre d’Emmanuel Venet.
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Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud

Une vie boiteuse



Emmanuel Venet manie une écriture incisive, chargée de présence : pleine de métaphores puissantes, de nostalgie et porteuse d'un regard cru sur la brutalité des espoirs déçus.



J'ai pensé par moments au style lapidaire de Pierre Michon (le fait qu'ils soient tous deux édités par Verdier n'est pas surprenant).



Je ne crois pas que romancer une vie – tel que l'a fait Emmanuel Venet pour Gaston Ferdière – soit faire acte de trahison. À ce compte, bien des livres sont des trahisons. Louis-Ferdinand Céline a brodé sur sa vie avec génie et l'on sait désormais qu'il n'a pas vécu tout ce dont il fait part dans ses livres (du moins pas forcément de la manière dont il le décrit). Peut-on dire, en ce cas, que Céline s'est trahi lui-même ainsi que ses lecteurs ?



Si mes souvenirs ne me font pas trop défaut, il me semble que le livre de Juan Asensio, "La Chanson d'amour de Judas Iscariote", part du postulat que l'auteur, s'il veut dire quelque chose de singulier, doit nécessairement trahir : trahir la parole commune, l'idiome habituel. À plus forte raison se trahir soi-même ; se déposséder de la gangue mortifère dans laquelle étouffe une langue autre ; ne pas se contenter en quelque sorte du peu que l'on représente.

Et l'on sait que tout traducteur d'une langue étrangère est une sorte de traître : "traduttore, traditore" comme disent les Italiens.



Ce qui compte, ce n'est pas tellement la "vérité" de ce qui est dit dans une œuvre, car au fond cette exigence nous échappe comme grains de sable entre les doigts. Claude Debussy ne déclarait-il pas admirablement que "l'art est le plus beau des mensonges" ?

Ce qui m'a toujours paru la chose la plus essentielle, c'est la manière de raconter une histoire, qu'elle soit imaginaire ou que ce soit une sorte de biographie romancée. "C'est le style qui fait l'homme" ainsi que le disait Buffon.



Ferdière n'a pas vraiment cherché à "guérir" Artaud – on ne "guérit" pas un être pour qui "la poésie, c'est de la multiplicité broyée et qui rend des flammes" : ce genre d'être échappe à toute médecine. Ferdière a permis à Artaud – en lui fournissant des cahiers et de l'encre – de pouvoir continuer d'écrire, de voguer dans ses sphères intimes, de repousser toujours plus loin les limites du langage. Et c'est là un geste d'une rare charité, qui plus est au sein d'un asile psychiatrique.



Emmanuel Venet s'est en partie appuyé sur les écrits de Gaston Ferdière et s'est référé notamment, ce me semble, aux Mémoires de celui-ci, intitulées "Les mauvaises fréquentations" ; livre que je n'ai pas lu et qui doit être passionnant.



Les mots d'Emmanuel Venet nous offrent une vision subtile et nuancée de l'homme que fut Ferdière.



C'est le récit d'une destinée avortée : celle d'un homme qui fréquenta les Surréalistes et dont la noble ambition – mais vaine, trop vaine –, de devenir poète échoua. La vie n'offre pas toujours ce que l'on attend d'elle, et c'est auprès du "malade" de génie qu'était Antonin Artaud, que Ferdière aura tenté d'approcher le mystère d'une vie forgée tout entière de déraison pure, de noirs labyrinthes et de foudre poétique vivace.



Il y a dans ces pages, tour à tour, la tristesse du jour qui s'éteint et l'exaltation des aurores remplies d'une folle espérance.



© Thibault Marconnet

le 05 février 2013
Lien : http://le-semaphore.blogspot..
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Marcher droit, tourner en rond

Monologue particulièrement bien écrit mais terriblement ennuyeux. Sous couvert d'analyse de mœurs, 156 pages (seulement pourtant !) de commérages et d'exploration d'arbre généalogique qui m'ont laissée de marbre.



L'auteur en tire des portraits au vitriol dont on peine à comprendre l'intérêt et parfois misogynes qui plus est. L'autisme du narrateur enfin est abordé de façon unilatérale et c'est bien dommage de la part d'un psychiatre.
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Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud

La Feuille Volante n° 1147

Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud – Emmanuel Venet – Éditions Verdier Poche



Gaston Ferdière (1907-1990) avait un penchant très prononcé pour la poésie et aussi pour la polémique constructive puisqu'il combattit la légende misérabiliste tressée par Jehan-Rictus lui-même ou défendit la mémoire d'Anatole France. Pour l'heure, il a vingt ans et croit qu'on peut concilier médecine et littérature un peu comme l'a fait Louis-Ferdinand Céline mais dans un tout autre registre et la notoriété en moins. Il soigne à l’hôpital le jour et la nuit il déclame ses poèmes d'inspiration surréaliste dans les bistrots. André Breton est son modèle, comme lui il est un poète égaré en médecine qui veut devenir psychiatre, c'est à dire « un paria aux yeux ce ses confrères sérieux », curieux de l'écriture automatique et de la création, fasciné par le monde des fous et de leurs vies en lambeaux. Pour lui ce sera Villejuif. C'est aussi un idéaliste qui part combattre en Espagne ravagée par la guerre civile. Il y sera médecin mais aussi écrivain, bouleversé devant tant de morts et d'absurdités.



Il sera donc psychiatre c'est à dire en prise directe avec « le verbe déstructuré, grandiose et hermétique des fous, : la source même de toute poésie », attentif « (aux) salles communes et (aux) galeries où l'humanité fait naufrage », mais aussi insoumis, marginal. Est-ce l'exploration de l’inconscient humain qui le rapproche d'André Breton ? Pourtant il choisit, sous les coups du sort, d'étouffer la poésie qu'il porte en lui au profit de la psychiatrie et devient novateur en privilégiant les facultés créatrices de ses malades. Il se hasardera aussi dans des expériences médicales nouvelles, notamment sur Antonin Artaud, mais qu'on lui reprochera plus tard. En lui cohabiteront toujours le poète mort et le médecin renié, un véritable naufrage. Cette rencontre ravive chez Ferdière ses anciens démons poétiques et, adepte du sacrifice volontaire, il favorise chez son patient ce qu'il a étouffé en lui.



Il recherche, et c'est légitime, la reconnaissance à laquelle tout homme aspire dès lors qu'il fait quelque chose avec passion mais n'oublie pas pour autant le partage. Malheureusement il y aura toujours quelque chose qui viendra s'opposer à lui sans qu'il y puisse rien, aussi bien acceptera-t-il d'étouffer lui-même ses aspirations de poète au profit de son métier de psychiatre mais un exercice plus humain de la psychiatrie se heurta au système et aux élites qui le broieront. Poète chez les psychiatres ou psychiatre chez les poètes, il ne sera sans doute jamais à sa vraie place, toujours « en deuil de lui-même » et il aura beau faire, il y aura toujours quelque chose, le destin contraire ou la malchance, pour se mettre en travers de son chemin. Ce sera le vrai paradoxe de sa vie, d'une sa vie ratée qu'il a acceptée ! L'auteur le présente comme une sorte d'abandonné de Dieu. Je ne sais si j'ai bien compris cette allusion mais j'avoue que j'accepte assez facilement cette explication aussi abrupte soit-elle.



Comme j'ai déjà dit dans cette chronique, j'ai découvert cet auteur par hasard et je m'en félicite puisque j'apprécie son style fluide, toujours agréable à lire. J'ai retrouvé ici sa verve mais j'ai lu aussi une parole un peu acerbe, comme si notre auteur, réglant peut-être quelques comptes personnels, mais surtout hors de lui devant tant d'injustices, choisissait de réhabiliter cet homme de bonne foi et de bonne volonté, un peu trop ballotté par l'adversité et la volonté de nuire de ses contemporains. Cela ne me dérange pas car nous avons tous des choses sur le cœur et la fonction cathartique de l'écriture n'est pas incompatible avec le talent. En lisant ce court texte, j'ai aussi pensé, toutes choses égales par ailleurs, à Louis-Ferdinand Céline qui sera médecin hygiéniste, soutenant sa thèse de doctorat sur « La vie et l’œuvre de Philippe Ignace Sommelweis ».



J'ai eu plaisir à travers cette courte biographie, rédigée me semble-t-il avec une sorte de rage retenue, à faire la connaissance de Gaston Ferdière. Cette démarche m'a rappelé un peu celle adoptée par Jérôme Garcin qui a souvent choisi, en les romançant parfois, d'exhumer de l’anonymat des figures oubliées de la littérature ou de l'histoire, abandonnées de la chance ou de Dieu, si on y croit, des idéalistes qui ont dû malgré eux accepter leur sort pour s’abîmer dans le quotidien et dans une mort souvent prématurée, alors qu'ils portaient en eux un tout autre rêve. Au moment où on montre en exemple ceux qui ont réussi, sans pour autant entrer dans le détail de leur succès, j'avoue avoir beaucoup d'empathie pour les laissés pour compte.



© Hervé GAUTIER – Juin 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud

J'avais acheté ce livre il y a quelques mois, après avoir lu la réédition des Nouveaux écrits de Rodez d'Antonin Artaud, réédité cette année dans la collection l'Imaginaire de Gallimard, accompagnée d'un CD avec des extraits d'interview de Ferdière sur France Culture. A. Artaud se plaint du traitement inhumain de Ferdière et surtout des électrochocs, alors que celui-ci les justifie par l'état mental d'Artaud.

Emmanuel Venet tente de réhabiliter Ferdière, en montrant qu'il avait lui-même essayé de rédiger des poèmes, qu'il avait eu à subir les pressions de la hiérarchie psychiatrique sur Paris après ses positions sur la guerre d'Espagne et à s'exiler en province. Pendant la guerre, il a probablement sauvé ses malades de la famine, et Artaud en particulier en l'accueillant à Rodez, caché plusieurs juifs. Mais il y a quand même pratiqué une lobotomie et de nombreux électrochocs sur plusieurs patients. Le livre ne permet pas de trancher la question : les électrochocs ont-ils réellement permis à Artaud de revenir à l'écriture ?
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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Virgile s'en fout

L'œuvre entière d'Emmanuel Venet est dédiée à la rencontre de la médecine et de la poésie. Récit d’apprentissage teinté de mythologie grecque, roman oulipien et à listes, mais aussi chronique de l’année 1981 - celle de l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand et des peurs irrationnelles qui y seront liées -, Virgile s'en fout est aussi le feuilleton de la dernière année des études de médecine du narrateur et de son en désir secret de «transformer en matière littéraire la limaille des jours ouvrables et l’or des rares nuits de Chine». Les personnages qui l'entoure sont hauts en couleur : la belle Alexia, qui pense que «la médecine s’apprend au bistrot, et la psychiatrie dans les romans» ; l’attachant Bruno Veyssière, libraire au Temps Perdu, qui établit chaque vendredi soir, en compagnie d’un aréopage de lettrés et de quelques bouteilles de pouilly-fumé, la liste des «cent plus beaux livres de langue française» ; sans oublier le charmant docteur Ferrand, qui explique au narrateur qu’«une bonne pratique médicale se nourrit aussi des grandes œuvres littéraires». D’une grande richesse sur la vie et tous ses reliefs, à savoir la maladie, la mort et, vous l’aurez compris, la littérature, Virgile s’en fout est la rencontre improbable et géniale entre un Marcel Proust féru de mythologie grecque et un Pierre Desproges faisant fonction d’interne. Un roman d’une rare originalité.
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Marcher droit, tourner en rond

La Feuille Volante n° 1144

MARCHER DROIT, TOURNER EN ROND – Emmanuel Venet – Éditions Verdier.



Au cours de notre existence, les obsèques des autres auxquelles on assiste par obligation ou authentique douleur, en attendant de tenir soi-même le rôle principal dans ce genre de représentation, sont l'occasion de parer le défunt de toutes les qualités, surtout de celles qu'on lui déniait de son vivant. Après tout ça vaut mieux que de réciter la liste de ses défauts et cela ne servirait pas à grand-chose. Quand en plus la cérémonie a lieu dans une église, l'officiant se croit obligé d'évoquer la vie éternelle pour celui qui vient de mourir, même s'il était athée. C'est la tradition mais l'hypocrisie a ses limites !

Ce roman est constitué par un long monologue d'un homme de 45 ans atteint d'un syndrome autistique qui, au cours des funérailles de sa grand-mère Marguerite, s'insurge intimement contre l'hypocrisie et notamment les propos de l’officiante qui couvre la défunte de qualités que, selon lui, elle n'avait pas. Il s'ensuit une longue histoire pleine de détails de nature politique, religieuse, sentimentale, morale qui s'attachent à cette grand-mère et qui tendent à prouver qu'il a raison, ce qui le conforte dans son attitude de refus. Le syndrome dont il souffre fait de lui un solitaire qui s’arque-boute sur son score personnel au scrabble et sur l'histoire des accidents de l'aviation civile. Il ajoute des bribes de son histoire personnelle qui mettent en en évidence non seulement sa misanthropie et sa soif de vérité mais aussi son sentimentalisme exacerbé puisqu'il confie au lecteur l'existence du seul amour de sa vie, une camarade de lycée, Sophie, qu'il n'a pratiquement jamais revue depuis une trentaine d'années et à qui il est attaché d'une manière platonique. Même si mal lui en a pris, il se réfugie dans cet amour impossible et idéaliste qui conforte son inaptitude à vivre dans cette société et il s'accroche à son image furtive glanée dans les films où elle n'est qu'une figurante discrète. En fait il ressasse et tout ce qu'il nous raconte se révèle assez amusant sous des dehors fort sérieux et parfois même sombres ou violents. Il y a aussi une galerie de portraits savoureux mais pas toujours flatteur où les femmes de sa parentèle n'ont pas le meilleur rôle, à l'exception toutefois de sa grand-mère Violette qu'il n'a pas connue et qui est, dans son esprit, l'objet également d'une forme d’idéalisation. 

Sous ce titre en forme d'oxymore, l'auteur semble nous dire que l’idéal de transparence et de sincérité produit exactement le contraire de l'effet recherché et ainsi le narrateur dans son propos ne fait que tourner en rond, ce qui finalement donne au livre une dimension humoristique incontestable, avec cependant un passage plein de rêveries poétiques et aussi de cet utopisme un peu décalé qu'il cultive jusqu'à l'absurde pour cette Sophie tant désirée.

C'est vrai que cet homme est un idéaliste et a assurément beaucoup de mal à trouver sa place dans notre société faite d'apparences trompeuses, d'hypocrisies et de duplicités. Sa franchise ne le mènera à rien d'autre qu'à l'exclusion et à l'éloignement des autres ce qui correspond bien au syndrome dont il souffre et c'est un peu un cercle vicieux qui l'enfonce dans sa propre solitude.



J'ai bien aimé ce roman qui respecte les unités classiques de lieu, de temps et d'action mais aussi et peut-être surtout qui collige les remarques et aphorismes les plus inattendus et humoristiques mais aussi les plus pertinents sur la vie en général et sur l'amour et le mariage en particulier (« si l'amour rend aveugle, le mariage rend la vue »). J'ai eu plaisir à retrouver chez cet auteur, découvert par hasard sur les rayonnages d'une bibliothèque, ce style délié et fluide qui m'a encore une fois procuré un bon moment de lecture.



© Hervé GAUTIER – Juin 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Rien

Rien reste un mot usuel souvent utilisé après un remerciement, de rien, ces quatre lettres forment une absence, une légèreté éphémère, un nihilisme, Rien est le titre du roman du Psychiatre lyonnais Emmanuel Venet. Rien n’est qu’une parenthèse légère, une virgule, une histoire de souvenir, une vie banale de petits gens, ceux partis dans l’oubli, comme ceux de Vies minuscules de Pierre Michon.

Ce Rien d’Emmanuel Venet contorsionne habillement l’enchevêtrement de deux histoires aux destins différents. Les pauvres gens tintent comme un larsen la misère des vies rencontrées dans le récit de la vie de ce violoniste, pianiste et compositeur d'opéras perdu dans l’oubli des âmes. La petitesse de cette vie ressuscitée par le narrateur devient le reflet intérieur de l’échec artistique de ces deux alter égo, intime par intérim, celui de ce musicologue ressuscitant l’un par une thèse et un ouvrage. Le fantôme de ce piètre musicien révèle la vie terne de cet homme, pensif de son passé à côté de sa femme.

Dans un hôtel de Nice Jean Germain Gaucher spectre d’une nuit avec son amante Marthe Lambert invite notre musicologue à côté de sa femme Agnès dans ce même hôtel au souvenir de ce musicien médiocre pour méditer sur sa condition et celui de son couple.

Le roman commence par ces mots "À quoi penses-tu?" …Question d’Agnès après l’amour dans cette chambre 214 du Negresco laisse songeur son mari s’évaporant dans le veloute de ses pensées, celle de jean Germain Gaucher, prisonnier de sa vie conjugale au détriment de ses rêves de gloire de compositeur. Emmanuelle Venet se laisse inspirer par les sans grades, la banalité de ces êtres, ces rêveurs de gloire s’enlisant dans cette vie maritale pour ce plaidoyer de célibataire…

Ce roman coule lentement la vie de ce violoniste, compositeur de fortune dans un établissement Parisien de seconde zone pour touriste, un cabaret de Pigalle avant la grande guerre, qu’il use sa vie d’étudiant préférant les gammes et les belles poitrines des danseuses qu’aux bancs de son université de droit au grand d’âme de son père. Puis sa lâcheté poursuivra sa chute vers l’oublie comme celui du narrateur frustré de sa carrière pour une vie amoureuse en demie teinte, cherchant un deuxième souffle dans cet hôtel comme cet espoir d’hommage d’avoir voulu choisir celui jadis par ce violoniste déchu….

Une question se pose sur le suicide ou accident de Jean Germain Gaucher avec son piano demi-queue Pleyel, écrasé dans une cage d'escalier, le 10 novembre 1924, comme une enquête psychologique ne cherchant pas à savoir mais comprendre, un jeu de piste dans les méandres de l’esprit. Considérant cette vie comme « une sorte de lent suicide métaphorique » Emmanuel Venet sonde dans ces deux vies l’inaptitude d’associer le talent à la vie conjugale comme deux oxymores.

Lorsque le narrateur allongé près de sa femme, en proie à une évaporation de sa vie, la senteur de deux corps chauds aux effluves de concupiscentes présentes, retrace la vie de Jean Paul Gaucher comme au spectre de sa propre existence, celle d’un couple au secrets de complaisances, des non-dits, des adultères de liberté pour cimenter un mariage sociétale, une trajectoire linéaire consensuelle dictée par la force d’un monde de consommation, sa rêverie s’enlise dans des déboires intimes et incertains pour une réponse sans prétention, comme une évidence comme la réponse à sa femme qui clôt le roman par « A rien »

Une belle écriture pour une histoire artistique passionnelle en suspension cristallisant le choix et la vie conjugale comme un frein à la création, un petit écrit anti mariage….

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Marcher droit, tourner en rond

Cet homme, très cartésien, dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Et il ne se fait pas que des amis ! C'est bien connu : toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

Ce livre, très court, m'a beaucoup fait rire. Je ne pensais pas que l'on puisse le faire avec deux sujets aussi graves : l'autisme et la mort.

Et bien, l'auteur réussit ce tour de force...

Lecteurs, précipitez-vous ! C'est un petit bijou.
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Précis de médecine imaginaire

Ce sont de courts textes à dégus­ter pour se guérir de la moro­sité. J’avais d’bord mis 4 coquilla­ges, car certains textes (surtout la partie sur les ondes) me plai­saient moins que d’autres. Mais j’ai suivi le conseil de Keisha : relire ces petits textes au hasard et non pas à la suite. Tous sont alors de petits bijoux . elle en a reco­pié sur son blog qui m’a pous­sée à ache­ter ce livre , à mon tour je vous en offre un et si je réus­sis à vous séduire tout le livre d’Emmanuel venet se retrou­vera sur nos blogs !
Lien : http://luocine.fr/?p=7259
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