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Critiques de Ernest Hemingway (1187)
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Paris est une fête

Comme beaucoup, c’est le film de Woody Allen, Midnight in Paris, qui m’a donné envie de me plonger dans ce livre d’Hemingway mais aussi le livre Alabama Song, version romancé de la vie de Zelda Fitzgerald par Gilles Leroy, que j’avais littéralement dévoré et adoré.



Hemingway nous parle ici de sa vie, de son travail d’écrivain et de ses rencontres dans la capitale française dans les années vingt, de 1921 à 1926 pour être précis. Les chapitres les plus intéressants sont bien sûr ceux concernant ses rencontres avec des personnalités telles que Gertrude Stein, Ezra Pound, Sylvia Beach et bien sûr Scott Fitzgerald.



Les portraits qu’il brosse sont sans doute proche du réel, son souhait, mais rarement flatteur pour les intéressés. Quand Gertrude Stein, connue pour partager sa vie avec une femme, lui explique la différence entre les homosexuelles hommes et femmes, accrochez-vous, on est bien loin du politiquement correct « Ce qui importe, c’est que l’acte commis par les homosexuels mâles est laid et répugnant ; et après ils se dégoûtent eux-mêmes. Ils boivent ou se droguent pour y remédier, mais l’acte les dégoûte et ils changent tout le temps de partenaire et ne peuvent jamais être vraiment heureux. […] Pour les femmes, c’est le contraire. Elles ne font rien qui puisse les dégoûter, rien qui soit répugnant ; et après elles sont heureuses et peuvent vivre ensemble. »



Certains passages particulièrement intéressants nous permettent de découvrir la façon dont Hemingway travaille et perçoit le processus de création « Quand j’écrivais quelque chose, j’avais besoin de lire après avoir posé la plume. Si vous continuez à penser à ce que vous écrivez, en dehors des heures de travail, vous perdez le fil et vous ne pouvez le ressaisir le lendemain. Il vous faut faire de l’exercice, fatiguer votre cops, et il vous est recommandé de faire l’amour avec qui vous aimez. C’est même ce qu’il y a de meilleur. Mais ensuite, quand vous vous sentez vide, il vous faut lire afin de ne pas penser à votre œuvre et de ne pas vous en préoccuper jusqu’au moment où vous vous remettez à écrire. J’avais déjà appris à ne jamais assécher le puits de mon inspiration, mais à arrêter alors qu’il y avait encore quelque chose au fond pour laisser la source remplir le réservoir pendant la nuit. » On découvre les doutes qui le tenaillent «Je savais qu’il me fallait écrire un roman. Mais cela me semblait une entreprise impossible, quand j’avais tant de difficultés à écrire des paragraphes […]. Il fallait d’abord écrire des récits plus longs, comme on s’entraine pour des courses plus longues. »



Ecrivain désargenté après avoir renoncé au journalisme pour se consacrer à son travail de romancier, il nous montre que la faim peut modifier sa perception des choses « J’ai appris à comprendre bien mieux Cézanne et à saisir vraiment comment il peignait ses paysages, quand j’étais affamé. Je me demandais s’il avait faim lui aussi lorsqu’il peignait […] ». On apprend aussi que Sylvia Beach, propriétaire de la célèbre librairie Shakespeare & Co, lui permet de se faire prêter les livres à moindre frais et d’approfondir sa connaissance des auteurs russes en particulier.

Sa réponse à quelqu’un qui lui fait part de sa difficulté à écrire nous donne une idée de ce qu’il peut penser des critiques en général : « Ecoute, si tu ne peux pas écrire, pourquoi ne pas te faire critique littéraire ? » De là, à penser qu’il considère les critiques comme des écrivains ratés, il n’y a qu’un pas…



A propos de Fitzgerald, je dirai que leur relation tient de l’attraction-répulsion, un mélange d’admiration et de rejet face à ce que représente l’auteur de Gatsby le magnifique. On le sent tantôt admiratif de son talent, tantôt jaloux de son succès, le tout assaisonné d’une bonne dose de mépris. Il le décrit de manière équivoque, presque séduit « un visage mi-beau mi-joli […] cette bouche si troublante pour qui ne connaissait pas Scott et plus troublante encore pour qui le connaissait. » mais conclut en le décrivant un peu court sur pattes. Il ne le ménage pas non plus quant à la façon dont il recycle certaines de ces nouvelles entre autre « Il m’avait raconté à la Closerie des Lilas comment il écrivait des nouvelles qu’il croyait bonnes, et qui l’étaient effectivement, pour le Post, et comment ensuite il les modifiait avant de les soumettre à des magazines, sachant exactement par quels trucs transformer ses nouvelles en textes publiables dans tel ou tel périodique. J’avais été scandalisé et l’avais traité de putain. » Pendant le fameux périple à Lyon, il nous dépeint un Fitzgerald, hypocondriaque, puéril, en un mot un boulet qui de plus ne tient pas l’alcool…



Quant à Zelda, la femme de Scott, qu’il considérait comme étant nuisible au talent de son mari, il lui consacre un chapitre. Et dès la fin du précédent chapitre, on sent que son portrait va être particulièrement relevé à la façon dont il termine en apothéose comme pour annoncer la descente en règle qui va suivre «Je ne connaissais pas encore Zelda et ne savais point, par conséquent, quels terribles atouts Scott avait contre lui. Mais nous ne tarderions pas à le savoir. » Il la compare physiquement à un rapace, le faucon. On constate que la haine qui les opposait n’est pas une légende. Il nous dépeint une sorte de harpie castratrice ravi que son mari ne soit plus en état d’écrire «Zelda sourit […] quand elle le vit boire du vin. J’ai appris à très bien connaitre ce sourire. Il signifiait qu’elle savait que Scott ne pourrait pas écrire ». Il la décrit insatisfaite de la taille du sexe de Fitzgerald. Selon lui, c’est encore une façon pour elle de démolir Fitzgerald « -Mais pourquoi a-t-elle dit ça ? -Pour te rendre incapable d’initiative. » Il rassure son ami mais s’y attardera un chapitre entier, rien de moins. Un ami n’aurait-il pas plutôt passé cet épisode sous silence ? L’histoire a démontré par la suite que Zelda, qui écrivait aussi, a sans doute été plus victime que bourreau, son mari ne s’étant pas gêné pour piller ses écrits.



Au final, l’écriture d’Hemingway m’a beaucoup plu. Son regard sur le couple Fitzgerald m’a particulièrement intéressé. Les portraits sont sans concession. Il nous rend familiers tous ces personnages qu’il a croisé durant son séjour parisien et nous fait découvrir et partager leur mode de vie. Mais même s’il fait aussi parfois preuve d’autocritique, on ne peut pas dire que son regard acéré sur eux le rende très sympathique.






Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Histoire naturelle des morts et autres nouv..

Rien de tel qu'un Folio 2e pour tenter de combler ses lacunes en littérature classique. Histoire Naturelle Des Morts n'est donc pas très épais, et regroupe cinq nouvelles dans ses 90 pages.

Il y est question de la Grande Guerre, mais vous ne trouverez pas de combats dans ces quelques lignes. En revanche, Hemingway s'épanchera beaucoup plus sur leurs conséquences, à court et moyen terme.



Ainsi, l'auteur nous convie sur le champ de bataille encore fumant, dans un hôpital de guerre, ou bien au pays, à plusieurs milliers de km d'Europe. Il parvient, avec un regard détaché, à nous décrire les horreurs de la guerre en évitant soigneusement de les nommer, exception faite de la première histoire, assez brute, mais adoucie par un humour pourtant cinglant.



Cette légèreté de façade paraît souvent, au fil de la lecture, bien plus violente que prévu. La détresse physique et/ou psychologique des différents protagonistes, ainsi exposée, se révélant plutôt malaisante.

Hemingway nous rappelle froidement que la guerre continue même après les combats, et que les blessures ne se récoltent pas que sur les champs de bataille.

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Le vieil homme et la mer

Un hymne à la solitude.

Un hymne à la vieillesse.

Un hymne à l'univers marin.

Un hymne à l'amitié.



Le combat d'un vieil homme contre le destin et la malchance.

La confrontation d'un vieil homme face à la nature.

La lutte d'un homme déterminé et guidé par l'espérance et la vie.

La passion d'un homme pour son métier de pêcheur et la mer.

Une affection sans faille entre un jeune garçon et un vieux marin.



Une bataille acharnée mais vaine.

Mais l'espoir et la détermination demeurent plus forts que tout.



Une perle à découvrir absolument.
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Le vieil homme et la mer

Une histoire simple et pourtant très accrocheuse. Un combat contre soi-même plutôt que contre l'animal, majestueux.

Le "héros" est vieux, usé, sage. Hemingway nous embarque avec son personnage dans une épopée contemplative et introspective ; et témoigne, à la fin, de la futilité des ambitions humaines.
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Le Soleil se lève aussi

Le soleil se lève aussi est un excellent livre que j'ai apprécié du début à la fin.



Le livre est charpenté autour du pudique aveu d'impuissance de Jake, imperceptiblement glissé entre deux lignes du milieu de l'ouvrage.



Cet aveu éclaire l'histoire puissamment : les protagonistes ne sont pas seulement des expatriés, désoeuvrés et alcooliques, perdus dans l'Europe des années Trente. Ce sont des êtres profondément humains, enrôlés malgré eux dans une comédie humaine dramatique.



Les premières scènes parisiennes sympathiques et légères laissent place à une dramaturgie basque oppressante et dionysiaque. La tension monte : chaleur, ivresse, promiscuité, corrida, multiples mises à mort.

Puis la tension retombe non sans avoir fait quelques victimes. Chacun en ressort exsangue, lessivé. Jake et Brett affrontent la mécanique implacable et sisyphienne du perpétuel recommencement…

le soleil se lève aussi. Quel titre !



Le style est épuré, viril, cézanien. Et la solide construction de l'ouvrage est brillante.



Pour une oeuvre de jeunesse, il faut reconnaître à Ernest Hemingway son talent extraordinaire de conteur.

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Le vieil homme et la mer

Un roman de l'épaisseur d'une nouvelle, palpitant qui vous prend à la gorge, qui vous harponne autant que ce vieil homme qui lutte avec lui-même, avec la mer et sa vie sauvage, sans merci, il en sort digne, éprouvé par ces luttes avec les éléments marins qui le révèlent à lui-même quant à la valeur de l'amitié, la richesse, la ruine, la providence, la perte.
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Paris est une fête

Dans ce récit autobiographique Ernest Hemingway évoque sa vie de bohème dans le Paris (entre autres) des années 1920 alors qu'il y séjournait avec sa première épouse et son fils. Entre l'écriture de nouvelles, la correction de son roman Le soleil se lève aussi, il revient sur les pas du Paris qui était celui de nombreux artistes dont Scott Fitzgerald dont Hemingway relate son "amitié" avec celui-ci, constatant peu à peu sa déchéance. Il confie ses rituels et habitudes d'écriture, ses observations, son quotidien : il court après l'argent, le couple ayant souvent froid et faim mais ne il ne peut s'empêcher de s'adonner aux paris sur les champs de course afin de pouvoir non seulement vivre mais également envisager de voyager.

Cet ouvrage a été publié à titre posthume et cela se ressent dans la forme et la construction du récit fait de chroniques dans lesquelles le sentiment d'écriture brute, parfois de répétitions comme si l'auteur jetait ses impressions et souvenirs sur le papier dans une première ébauche d'un ouvrage futur. C'est mélancolique comme peut l'être un retour sur le passé, une nostalgie d'un temps qui n'est plus, des erreurs parfois faites, un regard lucide sur certains (en particulier son amitié avec Miss Stein et S. Fitzgerald et son épouse Zelda). Un récit testamentaire où l'homme dévoile ses années de galère dans un Paris festif mais qui peu à peu perdra, au fur et à mesure que lui grandira, de sa gaité et de son attrait.

Ce n'est pas du grand Hemingway car il n'y a pas le retravail de réécriture après le premier jet, mais c'est toujours passionnant de découvrir l'intimité d'un grand écrivain et j'ai trouvé ses émotions et constats humbles et nostalgiques.

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Le vieil homme et la mer

Le Vieil homme et la mer, the Old man and the sea, écrit à Cuba en 1951 et publié chez Gallimard en 1952, traduit par Jean Dutourd.



J'ai en main la trois cent trentième édition.



Ernest Hémingway né dans l'Illinois, qui avait alors, âge canonique, 52 ans, obtiendra dans la foulée le prix Pulitzer en 1953, et le prix Nobel de littérature en 1954.



L'action se déroule à Cuba, l'auteur a d'ailleurs écrit l'oeuvre présente (190 pages) à Cuba qui est alors sous domination économique américaine. La CIA participe au retour de Batista hors la loi comme l'est ce Cuba "bordel de l'Amérique", mais tel n'en est pas ici le propos..



C'est un chef d'oeuvre de la littérature universelle, c'est supérieur, c'est une oeuvre puissante sur un thème bien identifié, fort dans une langue vigoureuse, poétique et presque charnelle. le ton est épique, le terrain (la mer en l'occurence ! ) est connu puisque vécu ..



Quand on lit cela, en entend couler le sang dans nos veines parce que l'auteur sur un ton parfaitement accessible, simple, sait nous transmettre ses émotions, son humanité. L'homme est un poète, c'est sublime. La condition de l'homme, son combat éternel pour vaincre l'adversité avec courage en font une oeuvre d'art totale.



Un extrait : "Le vieil homme était maigre et sec, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque (..) Tout en lui était vieux, sauf son regard qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer".
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Le vieil homme et la mer

Enfin ! Depuis le temps qu'il me trottait dans la tête ce livre... Quel magnifique histoire ! On y trouve de tout : la solidarité, le respect, le combat de l'homme et de la nature, la solitude, la dignité, le courage.... et j'en passe ! Je n'aime pas la pêche pourtant ! Une fabuleuse histoire (je me répète je sais) dont la simplicité du style d'écriture transcende les émotions ... Bouleversant !
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Pour qui sonne le glas

L’Adieu aux armes est publié en 1929 par Ernest Hemingway, un livre qui a marqué toute une génération de lecteurs traite de l’épopée pacifiste sur la Première Guerre mondiale. Cette guerre n‘était qu’une suite “logique” du conflit qui a opposé l’Allemagne à l’Autriche-Hongrie, puis l’Empire ottoman, rejoints par la Bulgarie en 1915 et par la suite la Serbie, la Russie, la France, la Grande Bretagne, la Belgique… etcLe 28 juillet 1914, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie suite à l’assassinat à Sarajevo, le 28 juin 1914 de l’héritier de la couronne autrichienne et hongroise. La suite c’est-à-dire les conséquences de cette affreuse guerre sont trop connues de tous pour y revenir.Signalons toutefois, près de 8 millions de morts et une Europe mise à genoux économiquement, socialement…Ernest Hemingway est né en 1899 à Oak Park dans l’Illinois. Il est décédé en 1961. On doit à ce romancier américain, autodidacte et célèbre par sa prose journalistique des œuvres d’anthologie : Pour qui sonne le glas, publié en 1940 Le vieil homme et la mer, en 1952. A la fin de sa vie, l’auteur n’a pas fini d’exalter ses passions dans notamment Safari, Corrida, Ernest Hemingway obtint le Nobel de littérature en 1954. Il est fils d’un médecin de Chicago qu’il accompagnait dans ses visites et d’une mère musicienne et peintre qui a su éveiller sa sensibilité. Plutôt que de se consacrer à ses études où il fut inscrit à l’université de l’Illinois, il a préféré la dure, la pénible et dangereuse profession de correspondant de guerre. C’est ainsi qu’ il a collaboré au journal Kansas City.Il a aussi exercé le métier de chauffeur ambulancier sur le front italien pendant la Première Guerre mondiale. Cette expérience l’a marqué à vie, car il y fut grièvement blessé. Après cette blessure Hemingay s’est installé à Paris où il fut correspondant du journal Star de Toronto.Sa formation journalistique explique en partie le style de ses récits dont “L’Adieu aux armes”.Les récits d’Hemingway sont elliptiques, discrets et surtout sans truquage ou tricheries. Il y décrit des comportements sans jamais prétendre rendre compte des pensées de ses personnages. Il a par ailleurs fortement contribué à l’élaboration du style romanesque contemporain. Avec Le soleil se lève aussi publié en 1926, et l’Adieu aux armes, 1929 l’écrivain s‘est vite propulsé dans le rang des grands romanciers. Ces deux œuvres sont ses plus grandes réussites. Quant à ses nouvelles Les neiges du Kilimandjaro, Hommes sans femmes, publié en 1927. Les héros sont presque toujours violents mais leur classicisme est reconnu. Ce récit lyrique est d’un registre très réaliste, comme dans le thème que l‘on retrouve dans Le vieil homme et la mer publié 12 années plus tard en 1952, où l’on retrouve, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la victoire dans la défaite.Dans un autre récit To have and hare not, publié en 1937, il raconte l’histoire re d’un contrebandier et d’un criminel paumé de Key West, où l’auteur a vécu longtemps, ainsi qu’a Cuba non encore gagnée par le castrisme. Le style réaliste de l’écrivain retrouve toute sa force dans ce récit passionnant.En 1945, Hemingay alors papa, a contribué à la libération de Paris du joug nazi. Grand amateur des sensations fortes, et de sports de chasse, il s’est suicidé dans un grand moment de dépression en 1961.
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Le vieil homme et la mer

N° 1437 - Mars 2020.



Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway. Gallimard

Traduit de l'américain par Jean Dutour.



C'est la courte histoire de Santiago, un vieux pêcheur cubain malchanceux qui n'a pas attrapé de poisson depuis quatre vingt quatre jours au point que les parents de Manolin, le garçon qui d'ordinaire l'accompagne, ont embarqué le gamin sur un autre bateau qui, lui, rapporte du poisson, mais le petit aime bien Santiago et en prend soin. « Le vieux » prend la mer, attrape un gros marlin et après une longue lutte de deux jours et trois nuits qui l'amène bien au-delà du Gulf-Stream, sa zone coutumière de pêche, l'arrime à sa barque mais à ce moment il subit l'attaque de requins qu'il combat également mais c'est un squelette d'espadon qu'il ramène au port. Il retrouve Manolin et s'endort en rêvant à sa jeunesse.

C'est un cour roman ou un longue nouvelle, comme on voudra, qui se lit d'une traite et qui commence comme un conte par « il était une fois », comme une de ces histoires merveilleuses pour enfants qu'il faut aussi que les adultes comprennent comme un message. Cet ouvrage a fait l'objet de nombreux commentaires sur l'amitié entre ce vieil homme et ce jeune garçon qui prend soin de lui, mais ce sont sans doute les monologues de Santiago qui soulignent sa solitude qui est aussi probablement celle de l'auteur. C'est peut-être une vue de mon esprit mais dans cette lutte aussi bien du poisson que du vieux j'y vois quelque chose qui ressemble à la quête d'Hemingway pour acquérir sa qualité d'écrivain, que certes il portait en lui depuis toujours, mais qu'il devait reconquérir et réaffirmer à la publication de chacun de ses livres. le combat du vieux contre le poisson, avec les souffrances que cela implique pour lui , c'est un peu la même chose. Ce que Santiago ramène au port et qui ne lui rapportera rien, c'est peut-être aussi la conquête de l'inutile ou la reconquête de son honneur de pêcheur, une victoire sur la malchance ou l'intuition de l'humilité face à un trop grand appétit de réussite. J'y vois aussi le simple cours de la vie qui pour l'auteur a sans doute été belle mais qu'il sent petit à petit lui échapper. Quand il écrit ce roman il a 52 ans et décédera 10 an plus tard. Peut-être se ressent-il déjà des maux qui précéderont sa mort [il n'a d'ailleurs pas été à Stockholm recevoir son Prix en raison de sa santé défaillante]. On peut y voir aussi un dernier combat, une sorte de baroud d'honneur avant de se retirer définitivement. le sommeil du vieux à la fin ressemble symboliquement à la mort inévitable avec ses regrets et ses remords d'une vie qui s'achève. Il y a dans la démarche de Santiago qui demande pardon au poisson pour l'avoir tué et en ressent de la culpabilisation une dimension religieuse, c'est à mes yeux, le dernier message de quelqu'un qui va mourir. Les requins pourraient tout aussi bien symboliser les « autres », tous ceux qui, par nécessité, par jalousie ou par plaisir font obstacle à la bonne volonté de quelqu'un et s'acharnent sur lui. Sa réussite littéraire, son talent ont à coup sûr suscité des rivalités et chacun d'entre nous, à sa suite, peut donner un visage à tous ceux qui souhaitent la disparition, la mise sur la touche de son semblable qui a réussi.



Cet ouvrage, écrit en 1951 et, comme à son habitude dans un style fluide et agréable à lire a été un immense succès qui relança sa carrière et lui valut le Prix Pulitzer en 1952 et, pour l'ensemble de son oeuvre le Prix Nobel en 1954. Hemingway met beaucoup de lui-même dans cette dernière oeuvre majeure publiée de son vivant, comme un ultime message qui lui ressemble. Il parle du base-ball, de di Maggio en particulier, de sa passion pour la pêche au gros qu'il a longtemps pratiquée et dont il donne force détails techniques

Hemingway est un monument de la littérature américaine.



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Le vieil homme et la mer

Le vieil homme n'a pas pêché de gros poisson depuis un bon moment.

Il a beaucoup d'orgueil, car c'est un bon pêcheur, et cet orgueil va le pousser a allez assez loin pour qu'enfin un gros poisson se décide à mordre.

Un espadon plus long que sa barque va mordre, le remorquer en quelque sorte, se fatiguer, se débattre pour finalement être vaincu par l'homme.

C'est ce duel sans merci (pour le poisson) qui va se dérouler sous les lignes de l'auteur . Et je dois dire que j'ai souffert avec l'homme et avec l'espadon.

L'approche des requins et leur voracité dès qu'il y a l'odeur du sang est très bien amené également et le vieil homme est comme David face à Goliath.

Mais là où il y a de la ténacité, de l'orgueil j'y ai trouvé aussi une forme de bêtise car le pêcheur sait que le sang attire les requins et il aurait dû être plus humble et laissé la vie à l'espadon dont il a admiré le courage qui était égal au sien.

Finalement les requins sont repus, l'espadon et l'homme sont dépouillés !

C'est là où l'on constate que l'homme ne veut jamais s'avouer vaincu même si les éléments sont plus fort que lui !
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Le Jardin d'Eden

Oh Catherine, mon petit Démon... tes changements de physionomie, tes courbes soignées jusqu'au bout des seins et puis ta faim, constante, de vouloir toujours plus. Plus pour toi, plus pour lui et plus pour elle, et avec elle. J'ai lié ton personnage à des vers extraits du poème ''Léda dans son premier sommeil'' de Paul Eluard car il me semblait que cela te ressemblait :

'' J’étouffais de soleil j’étais noyée d’air pur

L’abus du cœur et de la chair m’anéantit.

...

Mes beaux yeux rendez-moi visible

Je ne veux pas finir en moi. ''



Vous étiez un joli petit couple, lui écrivain et toi dilettante, mais déjà ton instabilité apparaissait. Tout son amour n'y pouvait rien.

« - Je ne pleure jamais, dit-elle. Mais je ne peux me retenir.

- Je sais et tu es très belle quand tu pleures.

- Non. Ne dis pas ça. Mais jamais encore je n'ai pleuré, n'est-ce pas ?

- Jamais. »



Et puis, tes démons ont pris de l'ampleur. « Vraiment David, je ne suis pas encore une salope. Je me comporte et je parle comme une salope, c'est tout. » D'hôtel en hôtel, sous le soleil de la Côte d'azur et dans la mer, tu te cherchais et tu te faisais peur. Tu lui faisais peur aussi. Tes humeurs changeantes, ta blondeur sur ta peau noire et bronzée. Tu pensais trouver une femme, ton autre 'toi' pour que David puisse être aimé comme tu le souhaitais et toi assouvir tous tes phantasmes. Mais tu diras « jamais je n'ai senti à ce point que jamais je n'ai rien su. »



Et lui... il voulait écrire. Il voyait tes changements. Et il prenait tout ce que tu lui donnais. Toi, tes décolorations, tes envies et il acceptait tout. Un peu passif David selon moi. Il avait l'écriture qui le maintenait à flot. Il s'isolait pour avancer son roman et ainsi retrouver l'âme de son unique ami -un éléphant rencontré et trahi alors qu'il était tout enfant en Afrique- au travers des souvenirs de son père et peut-être se réconcilier avec lui.



Un passage agréable qui indique peut-être comment Hemingway écrivait :

« Aussi dois-tu relater chaque journée mieux encore que tu n'en es capable et utiliser le chagrin que tu éprouves maintenant pour comprendre comment t'est venu le tout premier chagrin. Et tu dois toujours te rappeler les choses auxquelles tu croyais parce que si tu les comprends, elles seront là dans le récit et tu ne les trahiras pas. Le récit est l'unique progrès que tu fais. »



Qu'êtes-vous devenus tous les trois ? Et le livre ? Est-il un franc succès ? Parce que celui-ci j'ai réellement apprécié la progression des personnages (surtout Catherine) et du roman dans le roman.



Et puis quelle sensualité dans ce livre ! La moiteur des corps sur la plage... Ernest Hemingway manie la volupté avec tant de facilité qu'en lisant cet extrait, je n'avais presque plus la vision d'une bouteille.

« Il referma la porte de la glacière et, tenant ferme la bouteille bien froide, fit sauter le cachet et desserra le fil de fer puis précautionneusement fit jouer le bouchon entre le pouce et l'index, conscient du pincement du capuchon de métal contre son pouce et de la promesse, longue, fraîche et galbée de la bouteille. »



Ou alors j'ai trop arrosé ma lecture ! Comme eux j'ai bu « selon le vent ». Il faut dire que ce roman est un condensé de boissons alcooliques diverses et variées (une préférence pour le Tavel). Il fallait bien se rafraîchir avec cette chaleur aujourd'hui...
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Le vieil homme et la mer

Le vieil homme et la mer est tout à la fois un Petit plaisir et un grand classique. Lu en très peu de temps, il s'agit là d'un témoignage d'une force rare. De nombreux thèmes sont évoqués et ils ne peuvent qu'interpeller et faire réfléchir le lecteur lorsque l'on songe à la vie de Ernest Hemingway.



Cuba tient une place importante. Il s'agit d'un Cuba des années 1950 quelque peu particulier. Il n'est pas question de politique. Le quotidien d’humbles pêcheurs est mis en avant. Le récit est un moyen de rendre hommage aux luttes de tous les jours dans une petite communauté bien pauvre.



La dureté de la vie rend la figure de Santiago captivante. Que faire d'autre qu'admirer cet homme qui, sur le soir de sa vie, se bat constamment contre le destin, qui refuse de baisser les bras et de perdre espoir. Le récit sur l'eau est un témoignage qui vous prend par les tripes. Comment peut-on seulement se plaindre ensuite des petites contrariétés du quotidien ? Il s'agit d'une véritable leçon de vie, à lire lorsque les circonstances se déchainent où ne nous sont pas favorables.



La vieillesse tient ici un place importante, tout comme la place de l'homme de face à l'Océan. Bien que l'écologie ne soit pas évoqué, le respect de la nature est pourtant omniprésent. Que celle-ci soit généreuse ou cruelle, quelle est la place de l'homme ?



La quatrième de couverture en dit hélas beaucoup trop long. Elle révèle toute l'histoire qu'il faut avoir lu une fois dans sa vie.
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Paris est une fête

Hemingway fouille ici dans sa mémoire, alors que journaliste et apprenti écrivain, il séjourne à Paris avec sa famille durant les années vingt. Sans le sous, il vivotait, mangeait peu, gagnait parfois au jeu, ce qui lui permettait de satisfaire quelques goûts de luxe comme d'aller aux courses par exemple. Un choix de vie. Soit vivre normalement, soit se priver et faire la fête dans le beau Paris.



On suit un Hemingway très dynamique dans ses itinéraires toujours semblables. Promenades dans la ville, écriture sur un coin de table dans un bar, rencontres d'écrivains. Ce qui m'a le plus touchée, ce sont les récits qui racontent l'amitié entre Hemingway et Fitzgerald, deux tempéraments pourtant aux antipodes l'un de l'autre. Fitzgerald manquant de confiance en lui-même, hypocondriaque, angoissé,… exaspérant un Hemingway insouciant et confiant. Certaines situations sont très amusantes et le duo de ces deux écrivains est assez loufoque. J'ai trouvé ces deux portraits profondément humains et proches de nous, parce que c'est ce que la vie a de plus beau : les paradoxes.



J'ai également apprécié le texte « Ecrire à la première personne » où Hemingway parle de la part autobiographique que le lecteur pense voir dans les écrits d'un auteur lorsqu'il s'exprime à la première personne, alors qu'évidemment il se trompe. Il parle aussi de l'origine de son inspiration.



Ce livre est un bon moyen de rencontrer Hemingway en tant que personne. Il m'a aussi donné envie de lire un roman de l'auteur, Le Soleil se lève aussi, dont il parle dans son recueil, et Gatsby le magnifique, de Fitzgerald, une œuvre, qui eut un succès colossal.





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Trois coups de feu - Le dernier beau coin d..

Le titre de cet ouvrage porte un peu à confusions car il est comporte effectivement une nouvelle qui s'intitule "Trois coups de feu" mais celle-ci est extrêmement courte, ne dépassant pas les quatre pages alors que celle qui la suit et qui s'intitule, elle, "Le Dernier Beau Coin de pays" s'étend sur tout le reste de l'ouvrage. Aussi, c'est de cette dernière dont je vais vous parler dans cette critique.car cela me semble en effet beaucoup plus cohérent afin que vous puissiez vous faire une petite idée des sujets abordés ici.



Nick Adams est un jeune adolescent qui, vivant seul avec sa mère et sa sœur Littless a dû apprendre très tôt à ne pouvoir compter que sur lui afin de pouvoir se débrouiller dans la vie...allant même parfois à faire des choses illégales, qui ne seront pas sans lui provoquer quelques ennuis. N'allez pas vous imaginer que Nick est devenu un délinquant, voire même un criminel. Non, rien de tout cela. Les seuls délits qui lui sont reprochés sont de pécher des truites dont les clients de l'hôtel de sa tante sont friands, ou de tuer un cerf de temps à autre. Dans un pays où le fait de pêcher et encore plus de revendre des truites est interdit, comment voulez-vous que le jeune Nick, notre héros ne puisse pas s'attirer les foudres de quelques personnes mal intentionnées qui veulent absolument lui mettre le grappin dessus ? Aussi, pour Nick, il ne reste plus qu'un seul choix envisageable : La fuite afin de se faire oublier quelque temps mais cédera-t-il à son adorable sœur qu'il aime plus que tout au monde lorsque celle-ci insistera pour l'accompagner ?



Un roman sur les liens qui unissent un frère et une sœur et qui dépassent peut-être même le bon sens, sur la vie que l'on peut mener en ermite, sur la cruauté des hommes entre eux lorsqu'ils sont jaloux mais aussi, et surtout, sur les merveilles que la nature peut nous apporter lorsque l'on sait écouter et observer. A découvrir. Une lecture autant recommandée pour le jeune public que pour un public un peu plus exigeant.
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Paris est une fête

Paris, « la ville la mieux faite pour permettre à un écrivain d’écrire ». Voilà une belle déclaration d’amour adressée à notre capitale de la part d’un écrivain version Oncle Sam. Déclaration qu’on peut lire dans les pages de Paris est une fête. Si celle-ci est inscrite littéralement dans l’ouvrage, il en est une autre de déclaration d’amour, qu’il faut lire entre les lignes de cet ouvrage ou presque celle-là, c’est celle qu’il adresse à sa première femme, Hadley Richardson, avec qui il a vécu ces années parisiennes au lendemain de la première guerre mondiale. Merci monsieur le prix Nobel de littérature 1954 de faire de notre capitale le lieu souverain de votre inspiration dans votre carrière littéraire en devenir. Merci de rendre hommage à la mère de votre premier fils que vous n’avez gratifiée que de cinq années de vos empressements amoureux. (1922-1927)



Hemingway n’a encore rien publié lorsqu’il met en sommeil sa carrière journalistique et les revenus associés et s’apprête à faire vivre à sa petite famille des années de vache maigre sans savoir ce qu’il adviendra de ses heures passées à la table des bistrots parisiens à coucher sur le papier le fruit de son inspiration.



Paris est une fête tel qu’il est édité en 1964 n’est de toute façon pas l’ouvrage qu’aurait fait paraître Hemingway. Il a été constitué par ses héritiers, à titre posthume, de chapitres retrouvés dans la succession de l’auteur nobelisé. Avec des avant-propos, introduction et note de fin justifiant les choix opérés par eux pour sélectionner les chapitres dignes d’y figurer et les ordonnancer dans un ouvrage présenté aux admirateurs de l’écrivain globe-trotter et risque-tout.



Aux yeux de ces inconditionnels l’ouvrage sera évidemment précieux tant il est intimiste, se vantant pourtant d’être « une œuvre d’imagination », priant son épouse du moment de comprendre la tournure qu’il a voulu donner à un ouvrage dont « elle en est l’héroïne, et seule personne en dehors de quelques riches dont la vie a bien tourné et comme il convenait. » Œuvre d’imagination qu’il est pourtant admis de prendre comme un récit auto biographique tant il est descriptif de la vie du jeune couple en proie aux privations, mais avides de rencontres en personnalités déjà reconnues du monde culturel installé : Francis Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound et James Joyce. Un couple qui dans la fougue de sa jeunesse ne veut voir en ce talent tout neuf se jetant à corps perdu dans l’écriture que les promesses d’un avenir florissant.



Mais à moi cet ouvrage ne fut pas une fête. Faut-il être un familier du solitaire inspiré pour apprécier cette juxtaposition de scènes de vie sans autre fil rouge que la consommation d’alcool qui imbibe chaque chapitre ? Ces textes sont certes révélateurs d’un personnage qui ne laisse personne gouverner sa vie, mais il y a dans son style la forme de suffisance quelque peu indigeste de celui qui est convaincu de son talent avant même que ne résonnent les trompettes de la renommée. Rappelons qu’il n’a que vingt-cinq ans lorsqu’il rédige ses brouillons. Mais sans doute devons-nous mettre cela sur le compte du caractère inabouti des brouillons sauvés in extremis de la disparition et publiés en l’état. Le fait est que cette écriture me fut très moyennement agréable à lire. Ce n’est qu’un ressenti personnel.



Paru en version originale sous le titre « A Moveable Feast », cette fête mobile a trouvé son point d’accroche en cette ville qui séduisit l’aventurier insatiable au point d’y fixer les années de son premier mariage. Première union de quatre pour laquelle je recommande l’ouvrage de Paula Mc Lain, Madame Hemingway, qui relate sous le titre Madame Hemingway cette liaison trop vite rompue. Paula Mc Lain récidiva avec le même bonheur d’écriture au profit de la troisième épouse, Martha Gellhorn, sous le titre La troisième Hemingway. L’écriture y est remarquable et le point de vue féminin face au monstre d’individualisme que fut notre nobelisé est une autre approche du personnage forcément différente de celle que peut laisser percevoir ce mari si sûr de lui.

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Le vieil homme et la mer

Si des Inconnus, un peu taquins, vous demandaient « quelle est la différence entre un bon pêcheur et un mauvais pêcheur ? », vous pourriez leur dire, sans rire cette fois, qu'un bon pêcheur c'est celui du roman le vieil homme et la mer, alors qu'un mauvais pêcheur c'est le capitaine Achab, de Mobby Dick. Pour ce dernier, l'océan n'est qu'un « terrain » de guerre, un lieu de revanche, une arène où il entend imposer sa supériorité à cette nature qui a osé se défendre.

Pour le vieil homme, au contraire, l'océan se partage, le poisson qu'il cherche se respecte : « je n'ai jamais rien vu de plus grand, de plus beau, de plus calme et de plus noble que toi mon frère ». Et si la mort doit venir s'interposer entre ces deux élans de vie, c'est que la loi de la nature l'a ainsi voulu. Mais jamais le vieil homme ne chevauche la mer, jamais il n’en fait son trône : « la mar » comme il aime à dire dans sa langue, plutôt qu'« el mar » selon la formulation correcte : parce que la mer est, et il le sait le vieil homme, notre mère à tous.



Si ce très court roman d'Hemingway a connu une telle renommée, c'est sans doute parce que le combat dantesque que mène le vieil homme a bien des significations : symbole à coup sûr aussi bien des épreuves d'une vie de labeur que de l'arrogance humaine qui se paie chère : « tu as perdu tout droit à la chance quand tu es allé trop loin au large ». Métaphore de l'orgueil du pêcheur, qui devient alors pécheur, quand il pense qu'il « n'est pas fait pour être vaincu », au risque d'être « peut-être détruit, mais pas vaincu », tout autant qu'allégorie aux accents iconiques de celui qui, intègre, honnête et humble, droit quoique pétri de doutes sur le sens et la direction à suivre, finit « son ascension et au sommet […] tomba et resta quelques temps allongé à terre, le mât en travers des épaules ».



Je l'ai pourtant lu comme on m'aurait conté, le soir venu, un récit légendaire, une grande aventure humaine, pleine de sagesse. Un petit conte qui a tout d'une grande épopée puisqu'il ne cache rien des violences inévitables, voire des cruels moments d'une vie d'homme, mais qui offre aussi plein d'espoir à celui qui s'efforcera de tenir sa place dans le monde, et jamais n'oubliera l'importance de l'entraide pour faire face à l'adversité. Une leçon pour les anciens comme pour les plus jeunes.



Ce doit être cela qu'on appelle un chef-d'oeuvre.
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Le vieil homme et la mer

Le vieil homme et la mer – à ne pas confondre avec Le vieil homme et sa mère, qui est un épisode hyper glauque de Strip-Tease – est un roman bien sympathique de l’ami Ernest.



Livre paru il y a un bout de temps, puisqu’on m’y précise en première page que « Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation [sont] réservés pour tous les pays, y compris l’U.R.S.S. »



C’est à l’évocation de cette belle nation communiste qui fait battre mon petit cœur de bacchantophile stalinienne que tu comprends que tu tiens un bouquin pas vraiment de la première jeunesse.



Et pour cause, Le vieil homme et la mer paraît en ’52.



Rappel historique : Staline n’a plus qu’un an pour pourrir le plus possible la vie des Soviets, Brassens vient de commencer la gratte en public et Yann Arthus-Bertrand s’apprête à fêter ses six ans.



- Ravi d’apprendre ça, chère Galette, mais nous, on s’en tamponne de savoir que c’est paru en ’52.



Oui, je me doute. C’est juste que je ne sais pas comment engager ma critique.



Si j’étais malhonnête, je pourrais dire que j’ai fait exprès de parler de la date de publication juste pour souligner à quel point le livre est intemporel ; un vieux qui part à la pêche au poiscaille et qui tombe sur une grosse bébête arrivant encore de nos jours.



Après, comme disait Monsieur Chabance, mon prof de lettres au collège, il y a toujours deux lectures. Certes, c’est ce que disent tous les profs, je sais. Mais lui continuait ainsi :



« Le premier niveau de lecture, c’est celui du gosse de CP qui commence à comprendre que les lettres ont un sens. Qui, quand il lit « Acculé, le père Michel partit dans les toilettes, plaça le pistolet dans sa bouche et appuya sur la détente », change de livre parce qu’il n’a rien compris. Et tant mieux.

« Ensuite, il y a le deuxième niveau, celui de l’individu plus habitué à la lecture, qui comprend ainsi davantage. Et qui voit que ce qu’il lit est un peu glauque. Donc il passe à autre chose. Ou alors il se pose parce que le malheur des gens, c’est très plaisant.

« Enfin, il y a le niveau trois, qui n’est atteignable que par une poignée d’individus appartenant à une Confrérie secrète, aussi mystérieuse que celle des Ouvriers-Honnêtes. C’est le niveau de l’interprétation.

« Là, c’est le plus drôle. Eux, dans ma petite histoire du père Michel qui passe l’arme à gauche, ils vont vous trouver une interprétation, si possible à caractère sexuelle, parce que sous leurs airs de vieux croûtons peu amusants, ce sont de vrais Pépé Malin qui aiment soulever les jupons de leurs mains lestes. Et que vont-ils trouver, dans le suicide du père Michel ? Un acte désespéré répondant à un mal-être causé par une relation incestueuse d’avec son père, le pistolet servant de substitut phallique. Théorie appuyée par des allitérations incongrues reproduisant un bruit équivoque, par un mot choisi plutôt qu’un autre – « acculé », ça ne vous fait pas penser à « cul »… ?

Voilà donc à quoi vous sert le troisième niveau de lecture : offrir à ceux que vous considérerez comme des gueux le moyen de se poiler un maximum en se foutant de vous. »



C’est donc à ça que j’ai pensé en refermant le roman d’Ernest. A ce troisième niveau de lecture qui faisait frétiller de plaisir les moustaches du sieur Chabance, et que je n’atteignais qu’en improvisant de belles conneries.



Que penser, alors ?



Je me suis assise sur une chaise, et j’ai réfléchi.



Ça fait quelques quatre-vingt-quatre jours que le vieux n’a plus de chance, parce qu’il n’arrive plus à pêcher de beaux poissons. A tel point que les parents du gamin qui lui sert d’aide de camp décident de le faire pêcher avec un autre équipage, sinon il ne ramènera jamais de thunes et Bobonne ne pourra pas s’acheter son sac Vuitton.

Le gamin, ça l’emmerde de changer, surtout qu’il aime bien le vieux.

Le vieux lui dit : « Te bile pas Camarade, j’m’en vas pêcher un gros poisson et j’repartiras pas sans avoir de quoi faire jalouser tes darons. »

Et le vieux, il a de la chance, il tombe sur un gros espadon – ou marlin, apparemment ça dépend des traductions –, le genre de poisson que tu ne vois qu’une fois dans ta vie. Et quand il réussit à le tuer (au bout de trois jours, quand même), le poisson se fait bouffer par les requins. Alors le vieux rentre, et il ne reste plus que la tête de l’espadon. Mais n’empêche que les gens sont assez bluffés.



Là, je me suis demandée ce qu’aurait été l’interprétation de Chabance. Surtout qu’il n’est plus là pour me la partager. Et je suis arrivée à cette conclusion :



En fait, on pourrait voir dans la quête du vieux une quête vers l’amour, sachant que sa femme est morte depuis quelques temps, et que ça doit faire longtemps qu’il n’a pas conté fleurette et plus si affinités.

Il croit trouver l’amour, animalisé sous la forme de cet espadon, au prix d’un incroyable effort mais les requins le lui retirent d’une manière violente.

Est-ce de quoi te rappeler que l’amour est source de désillusions ? Pourquoi pas. On aura trouvé plus pessimiste que moi.



(Mais tant mieux, moi ça me plaît, j’abhorre tout autant les enfants que l’amour à fanfreluches.)



A la fin, dans sa grande générosité, le vieux décide d’offrir au gamin l’épée de ce qu’il reste de l’espadon. Le gamin est content, même s’il est super triste de voir le vieux en train de roupiller après une pêche qui n’aura servi à rien.



Et si l’épée était aussi un substitut phallique, comme le pistolet que le père Michel de Chabance met dans sa bouche ?

Le vieux offre « l’épée » au gamin et se tape un petit somme post-chose.

De plus, on pourrait souligner qu’à l’instar du Pêcheur de Brassens, le vieil homme, ne pêchant sans doute pas que des poissons, doit aussi être un sacré pécheur.



C’est donc une grosse métaphore, eh ouais.



Après coup, mon grand-oncle qui vient de lire ma critique m’annonce que je suis allée trop loin dans mon analyse, et que la métaphore n’a rien de sexuel puisqu’elle ne fait que montrer la condition de l’homme envers la nature toute-puissante.



N’en déplaise à ce que me disait souvent Chabance, je crois donc que je n’ai toujours pas atteint ce troisième niveau de lecture. Je cours donc aller lire T’choupi prend son goûter, ça devrait être davantage à ma portée.



Allez, la bonne journée.

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Le vieil homme et la mer

"La chemise du vieux avait tellement de pièces qu'elle ressemblait à la voile de sa barque ; ces pièces avaient pris en se fanant mille teintes variées."

Quarante ans, et même plus se sont écoulés......et ce livre me tombe sous la main...sous la main du vieux lecteur que je suis.

Çà fait du bien de recevoir ses petits enfants, de constater qu'eux aussi éprouvent du plaisir à cette lecture et, en ce qui me concerne, de retrouver le même bonheur de jeunesse avec sans doute un autre regard.

D'autres regards en fait !

Le regard du passionné de pêche, qui retrouve toutes les sensations du pêcheur, l'attente, la joie du ferrage, du combat, la joie du poisson qu'on ramène, du beau poisson qui s'est bien battu...un bonheur assez primaire toutefois, sur lequel je ne m'attarderai pas. Et aussi la tristesse du pêcheur de voir sa pêche détruite, son combat pour rien, vaincu par des plus forts...un peu comme petits matins quand, ayant ferré un beau loup dans l'estuaire du fleuve où je pêche, ce loup est pris par un silure qui casse toute votre ligne, voire la canne.....et vous rentrez, dépité, les mains vides.

Et puis, il y a le bonheur du lecteur, qui repousse les aiguilles de l'horloge, pour finir le titre, un bonheur renouvelé comme le furent mes bonheurs d'enfant et d'ado qui pouvaient déjà lire des heures en faisant totalement abstraction du monde alentour... et des remarques parentales ..

Le vieux lecteur fut encore une fois ferré par l'écriture, incapable de lâcher le livre..

Mais ce vieux lecteur eut une autre lecture, sans doute parce qu'il se pose trop de questions...Et si Ernest Hemingway nous avait livré une parabole, celle du vieil homme qui a bossé dur toute sa vie, et qui dans son grand âge se bat afin de ne pas se voir dépouillé de tout ce qu'il a gagné, par des requins ? Et donc dans l'impossibilité de profiter de ce qu'il a durement acquis !

C'est sans doute une vision pessimiste, due à notre époque, due au contexte de notre actualité, à ses risques, qui nous interdisent de nous projeter, de rêver...un regard peut-être dû, aussi, à mes rides et cheveux gris.

Dans tous les cas j'ai passé un très bon moment, et je vais poursuivre, autant que possible, ce retour vers ma jeunesse, afin de retrouver mes 16 ans aux côtés du vieil Ernest....que j'ai dépassé en âge.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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