Dans son roman Widjigo, Estelle Faye revisite la mythologie des Indiens Algonquins du Canada, dont on retrouve l’influence dans tout le folklore et les vieilles légendes d'Amérique du Nord. Le Widjigo, ou Wendigo dans d’autres cultures, est une créature surnaturelle, maléfique et anthropophage.
L’auteure a choisi le système narratif du récit enchâssé…
En 1793, Jean Verdier, un jeune lieutenant de la République, est envoyé avec son régiment sur les côtes de la Basse-Bretagne pour capturer un noble, Justinien de Salers, qui se cache dans une vieille forteresse en bord de mer.
Le vieux noble passe un marché avec le jeune officier : il acceptera de le suivre quand il lui aura conté son histoire, celle d’un naufrage sur l’île de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt et d’une lutte pour la survie dans une nature hostile et froide, où la solitude et la faim peuvent engendrer des monstres…
Au début de ma lecture, je n’arrivais pas à vraiment établir de lien entre les deux époques malgré les brefs retours au présent de la narration et puis j’ai compris que ce parallèle permet de créer un véritable contexte historique sur les migrations, volontaires ou pas, vers les Amériques. J’avoue cependant être pleinement entrée dans l’intrigue proprement dite et avoir beaucoup apprécié et préféré le périple des naufragés survivants…
Dans la plupart des légendes, les humains se transforment en widjigos à cause de leur cupidité ou d’une faiblesse… Estelle Faye explore les noirceurs de l’âme humaine, les désirs coupables et inavoués, la culpabilité et les remords ; les personnages sont torturés, cabossés, complexes…
Ce livre est présenté comme un mélange de roman historique, de roman des grands espaces et du conte gothique et, à ce titre, il tient ses promesses. C’est aussi un « whodunnit », un roman d’énigme captivant avec un groupe de suspects potentiels, un faisceau d’indices, un huis clos en pleine nature avec lesquels le lecteur doit se débrouiller jusqu’au dénouement.
J’ai été particulièrement sensible à la complexité des deux personnages féminins…
J’avais choisi la version audio, lue par l’autrice… Je suis toujours sceptique quand un auteur lit son propre livre ; certain(e)s le font très bien, d’autres feraient mieux de laisser cette partie du travail à des professionnels. Au début, la voix d’Estelle Faye m’a dérangée ; c’était paradoxal parce que je la trouvais trop dans la retenue alors que, généralement, je désapprouve celles et ceux qui en font trop et qui sur-jouent le texte. Ici, il m’a fallu un temps d’adaptation avant d’adhérer à la proposition.
Un roman de monstres, dépaysant, captivant.
J’ai apprécié l’ambiance et le mystère mais il m’a manqué un je ne sais quoi pour être totalement conquise. Le dénouement est un peu plaqué, posé avec un système de ficelles apparentes qui tranche avec l’atmosphère mystérieuse précédemment déployée.
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