En 1942 et 1947, deux recueils fondamentaux de poésie combattante, d’émancipation de l’homme face aux choses mauvaises qui rôdent dans la matière, par la force pensée du langage de l’émotion brute.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/10/note-de-lecture-terraque-suivi-de-executoire-guillevic/
1942. Guillevic (qui n’aura volontairement jamais utilisé son prénom, Eugène, pour signer sa littérature) a trente-cinq ans. Employé comme rédacteur principal au ministère des Finances depuis 1935, il vient d’être nommé au contrôle économique… et d’adhérer clandestinement au parti communiste. Ami déjà de longue date de Jean Follain, et désormais de Paul Éluard, auteur d’une première plaquette de poèmes en 1938, il hésite longuement, compte tenu des circonstances guerrières, à publier le travail désormais prêt, longtemps sous le titre provisoire d’« Argile », avant que ne s’impose, nous raconte Amaury Nauroy, l’étrange et tout à fait authentique « Terraqué », soucieux de véhiculer à l’oreille le traqué qui caractérise la Résistance à l’Occupation allemande, mais d’induire aussi en puissance le double ancrage terrien et aqueux duquel le poète est déjà (ou encore) fort soucieux.
Et c’est ainsi que le mot surgit, portant désormais aussi bien les paysages toujours fouillés, entre terre et mer, que signale par deux fois le titre de « Carnac » donné à un poème particulier (le recueil subtil dédié au pays d’origine, sans esprit de clocher, attendra 1961), que les contraintes déjà intériorisées d’un véritable état de siège, psychologique et humain. Mobilisant du chêne, de la faïence, des bouteilles vides, de la pierre, de la viande, du sang, des briques, de l’humus, des meubles, des couverts, de la tourbe, de la sueur ou du goëmon, Guillevic développe patiemment toute une matérialité (très éloignée pourtant de celle du « Parti pris des choses » de Francis Ponge, publié la même année), d’où jaillissent, explosent même, au moment idoine, les morts, les bruits, les hésitations, les pensées, les peurs, les sourires, les délivrances, les tortures, les visions, les réveils, les irritations, les vengeances, les remords, ou les poursuites, toutes les composantes imaginées et revues d’une humanité qui grouille et qui fouille.
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