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EAN : 9791092444865
96 pages
l'Atelier contemporain (07/06/2019)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Dans la décennie qui précède la publication de Terraqué, Guillevic – encore un inconnu, un apprenti – s’adonne à une forme d’écriture intime vouée à céder ensuite entièrement la place au poème. Ces notations discontinues, très personnelles, recueillies dans des carnets ou sur des feuilles volantes, relèvent tantôt de l’entrée de journal, du fragment introspectif, de la chose vue, de la note de lecture, de la tentative critique ou de l’essai de poème. Retour ligne au... >Voir plus
Que lire après Écrits intimes: Carnet, cahier, feuillets 1929-1938Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La Feuille Volante n° 1390 – Septembre 2019.
Écrits intimes - Guillevic - L'atelier contemporain.

Tout d'abord je remercie Babelio et l'Atelier contemporain de m'avoir permis de découvrir ce livre.
Il se présente en trois parties, illustrées par des photos de documents originaux, "Carnet du Val de Grâce"(7 janvier 1929-23 janvier 1930), "Cahiers"(9 août 1935-1°septembre 1935), et "Lieux communs"(1935-1938), édition établie et présentée par M. Michael Brophy, professeur de littérature française à l'University Collège de Dublin et complétée par une note biographique de Mme Lucie Albertini-Guillevic.
L'itinéraire d'Eugène Guillevic (1907-1997) qui toute sa vie d'écrivain poète ne signa que de son seul nom, comme un pseudonyme, est particulier. Sa vie se déroulera entre l'Alsace et la Bretagne qui sera pour lui une grande source d'inspiration. Celui qui est reconnu comme un poète majeur du XX° siècle passa sa vie professionnelle dans les bureaux de l'administration de l'Enregistrement en Alsace puis au ministère parisien des Finances et des Affaires économiques, ce qui lui a sans doute et peut-être paradoxalement, permis d'écrire, détaché des contraintes quotidiennes. Il ne fut vraiment connu qu'à partir de 1942 et la publication de "terraqué"(ce titre évoque la terre et l'eau, mais aussi peut être compris par sa contraction en "traqué", à cause de la période de l'Occupation). Ici, il s'agit de carnets, de cahiers, de feuilles volantes, une sorte de journal intime rédigé d'une manière discontinue sur une période d'une dizaine d'années où il recueille des ébauches jetées sur le papier (des imprimés administratifs ou un simple cahier d'écolier) de 1929 à 1938 et qui précèdent les poèmes qu'il publiera, alors qu'il n'est encore qu'un inconnu. Ce ne sont pas encore des poèmes (à part quelques-uns et quelques esquisses), ils viendront plus tard, mais des notes très personnelles qui le révèlent comme un écorché vif qui se découvre lui-même et sont le fruit de réflexions intimes et solitaires, parfois inspirées par une humeur changeante, des commentaires sur l'écriture, sur la poésie et sur l'art, des critiques aussi de sa propre créativité, prémices de l'oeuvre littéraire qui fera sa notoriété. Ce sont des instantanés ("sous la dictée fuyant de l'instant", comme le dit si joliment Michael Brophy) discontinus d'une grande spontanéité ou la retouche n'a pas sa place, des annotations brutes, des émotions, des réflexions intimes, des prises de conscience, des découvertes de soi-même où la panique le dispute à la lucidité voire à l'humilité, le vertige à la fuite, l'impuissance à l'angoisse, l'espoir au doute. Homme cultivé, il considère la lecture comme une source de méditation et de création, même si ces auteurs n'ont pas sa préférence, se fait critique d'art à propos de la peinture, de la littérature, parle de la prosodie, de l'inspiration, de son écriture, du véritable sens de la poésie selon lui, a même des positions assez tranchées sur certains écrivains, avoue l'influence de Rilke (il se définit lui-même comme un poète "germanique"), de Rimbaud, explicite les fondements de son art poétique personnel et révèle par petites touches sa future voix. Mais il se veut avant tout poète, aspirant certes à la célébrité, mais critique vis à vis de lui-même, solitaire, mais attentif à l'amitié, confesse son amour de Dieu qu'il invoque face à un monde ingrat où il se sent perdu, abandonné mais aussi pour une jeune fille mais ce dernier semble lointain, réservé (il ne nomme même pas l'élue de son coeur), platonique. 1929 semble être une année faste en matière de réflexions et annotations et correspond à une hospitalisation au "Val de Grâce" pendant laquelle il se sent délaissé, ne trouvant son salut que dans la création poétique simple, loin des contraintes classiques, mais nécessaire. ("Il importe seul de créer"), constatant le pouvoir apaisant des mots ("Les mots me font du bien - oui"). Dans "Lieux communs", plus court et ramassé, il formule un certain nombre d'aphorismes qui résultent d'une réflexion intellectuelle enrichie de gloses et d'exemples, sur la poésie, élargit sur le roman et l'art en général. Il se livre à un commentaire selon une logique scientifique, dissertant notamment sur le roman, sa nature par rapport au temps, à sa notion personnelle de l'esthétique, à sa vision de la fiction et même au lecteur.
Guillevic vit au plus fort moment du surréalisme mais ne succombe pas à ses sirènes, il préfère tourner son regard vers les choses simples et modestes, vers la nature qui l'inspireront et incarneront son style si personnel. Cet ouvrage qui publie des pages soigneusement conservées par l'auteur lui-même, montre que loin de naître poète, Guilevic l'est devenu, progressivement à force de maîtrise de soi, de réflexions sur la vie, sur la mort, sur la création artistique et il fera du poème son seul vrai moyen d'expression.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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Ce recueil de textes intimes de @Guillevic se présente sous forme de manuscrits, photos, en trois parties : Carnet du Val de grâce, Cahiers, et Lieux communs.

Je connais la poésie de Guillevic et ce que j'en aime est sa simplicité apparente ,discrètement travaillée, dans le sens où on ne se rend pas compte du travail qui a précédé l'écriture.
J'aime dans les poésie de Guillevic ce qui a surgi comme une fraîcheur,les images qui m'en Viennent,des sensations et de la nature évoquées.
Aussi ai-je découvert avec étonnement dans ses carnets et les notes d'Eugène Guillevic à quel point l'auteur avant d'être édité et d'être connu était tellement tourmenté.

Pour une part ça m'a intéressé parce que on découvre ce qui peut construire une carrière d'auteur.

Je ne connaissais pas non plus le côté tourmenté et malade de sa vie dans ses débuts.

Mais pour être tout à fait franche cela ne m'a pas intéressé.

J'aime sa poésie.

Je n'aime pas ce côté tourments, doutes, il y a dans ses confessions sur ses carnets intimes certains excès au niveau de son ego d'artiste, que si j'ai trouvé un moment donné amusant et partiellement intéressant de découvrir, j'ai également assez vite été lassée de cet aspect de l'auteur.

c'est un peu comme si on était déçu par la personne de l'artiste alors qu'on adore l'oeuvre.


Il faut avouer que ce livre est arrivé entre mes mains lors d'une masse critique de Babelio.

La présentation a été rapide et il faisait partie de mes choix mais vraiment de mes derniers choix.

Désormais je ne que sur cliquerai plus que pour des livres que j'ai profondément envie de lire lors des masses critiques.


En effet si j'aime lire de la poésie, je ne peux pas dire que j'ai envie de lire des carnets intimes des poètes.

Du moins pas après cet ouvrage,puisque j'ai découvert une personnalité qui était à l'opposée de ce que j'imaginais après la lecture de ses poèmes.

Évidemment cela retrace les premières années avant que Guillevic soit vraiment Guillevic et soit connu pour son travail.

Mis à part pour quelques spécialistes ,et des personnes ayant connu cette époque , ou bien des thésards, je crois bien pour ma part qu'il vaut mieux lire de la poésie directement.


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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
11-8-35


Extrait 2


Toujours le désir de tout lire : Michelet, la Bible, Taine, Carlyle, Toulet etc. Allons ! du calme. Il faut bien qu’il y ait toujours des choses nouvelles à lire.

Nature, grand organe lent, puissant, plein de sève et de vie – avec toi, en toi –
   Mais les villes te cachent
Être peintre et peindre les céréales avant la moisson – les saignées des carrières
   Ah ! exprimer tout cela dans un poème grand et lent.
   Mais cela ne peut être donné (réussi) qu’à un très grand.
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16.2.29


Chanter

De moi sortira ma voix de basse :
Tu verras que je dirai de belles choses !
Ma voix sera grave et sombre,
Et pourtant ceux qui chanteront avec moi
Auront la joie.
Je dirai de belles grandes choses
Qui seront un enchantement
Des choses larges comme ma voix,
Sur un rythme lourd
Et large aussi.
Je dirai le monde
Dans son détail et dans son tout.
Je dirai la Nuit
Et peut-être un jour la lumière
Si j’arrive à la comprendre.
Je chanterai, je chanterai,
je bercerai.
Je chanterai.
Avec moi chantera le monde
Avec moi chanteront les hommes,
Chanteront jusqu’aux étoiles,
Et partout on ne verra,
On ne verra que la joie
Que la joie partout, partout.
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12.1.29


Extrait 1

Doute toujours, doute ! Ce matin j’ai repris mes poèmes : j’en ai lu quelques-uns. Et je les ai trouvés nuls, nuls. Des mots, mais aucun courant. Pas même un sens. Rien. De pauvres défroques. Aucune poésie. Même pas moi à travers.
Ô toujours être à se demander : suis-je ou ne suis-je pas ? et ne pas pouvoir savoir. Peut-être un génie et peut-être pas même poètereau de 20e ordre, un écrivaillon quelconque, moins que quelconque, ridicule dans sa prétention. Quand je trouve quelque chose à mes poèmes, c’est que les connaissant je me mets par avance dans l’état d’âme que j’ai voulu exprimer. Mais quand je me détache d’eux, essayant de me les représenter inconnus et imprimés, comme un lecteur, alors je n’y trouve rien.

Et que d’imperfections de détails. La ponctuation surtout est si difficile ! Et la mise en vers, à la ligne. Il m’arrive souvent de m’apercevoir après, qu’en coupant ou en ne coupant pas, l’effet n’est pas celui que je croyais.

Et quand je compare mes pauvres vers à ceux de Rimbaud ! si forts, si pleins, je dirais presque divins, ou inspirés. Ô alors, quel désespoir !

Les angoisses de Brigge, ses « expériences », je les ai connues – mais moins fortes, à l’état moins pur, il est vrai que Brigge est une fiction. J’ai tremblé souvent pour de telles rencontres et pourquoi ?
Mais il y a en moi mon gros bon sens, tout ce que j’ai de vulgaire, de grossier, de gros – qui m’empêchent de ressentir ces frissons d’une façon aussi aiguë.
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12.1.29

Doute toujours, doute ! Ce matin j’ai repris mes poèmes : j’en ai lu quelques-uns. Et je les ai trouvés nuls, nuls. Des mots, mais aucun courant. Pas même un sens. Rien. De pauvres défroques. Aucune poésie. Même pas moi à travers.
Ô toujours être à se demander : suis-je ou ne suis-je pas ? et ne pas pouvoir savoir. Peut-être un génie et peut-être pas même poètereau de 20e ordre, un écrivaillon quelconque, moins que quelconque, ridicule dans sa prétention. Quand je trouve quelque chose à mes poèmes, c’est que les connaissant je me mets par avance dans l’état d’âme que j’ai voulu exprimer. Mais quand je me détache d’eux, essayant de me les représenter inconnus et imprimés, comme un lecteur, alors je n’y trouve rien.

Et que d’imperfections de détails. La ponctuation surtout est si difficile ! Et la mise en vers, à la ligne. Il m’arrive souvent de m’apercevoir après, qu’en coupant ou en ne coupant pas, l’effet n’est pas celui que je croyais.

Et quand je compare mes pauvres vers à ceux de Rimbaud ! si forts, si pleins, je dirais presque divins, ou inspirés. Ô alors, quel désespoir !

Les angoisses de Brigge, ses « expériences », je les ai connues – mais moins fortes, à l’état moins pur, il est vrai que Brigge est une fiction. J’ai tremblé souvent pour de telles rencontres et pourquoi ?
Mais il y a en moi mon gros bon sens, tout ce que j’ai de vulgaire, de grossier, de gros – qui m’empêchent de ressentir ces frissons d’une façon aussi aiguë.

Tout profite au poète. Chaque heure de sa vie en apparence banale, insignifiante, telle chose fugitive et tel ennui, tout… lui sert ou peut lui servir. Remontant au moment de l’inspiration, ils servent d’instrument pour tenir lieu d’équivalents (?) à l’émotion intérieure : images, sentiments.
Et puis tout simplement, tout forme le poète, le remplit. Expérience (au singulier).

Demain le départ. Anxiété toujours. Et pourtant, sortir de cet examen à froid de moi-même. (Mais ne reprendrai-je pas là-bas tout aussi bien).

Katz vient demain. Je lui lirai quelques poèmes et lui demanderai de me dire sincèrement ce qu’il en pense. Mais il dit toujours que tout lui plaît. Il faudrait M.
Demain, je serai avec un poète. Je me promets beaucoup de ces heures en tête-à-tête. Il est si délicat, si poète enfin. Je ne le crois pas rongé comme moi par le doute – il est d’âme plus généreuse, plus chaleureuse.

Suis-je donc le seul à me ronger ainsi ? Non ! ce n’est pas possible.
Relu Claudel, cet après-midi. Beaucoup de belles choses, profondeur, souffle. Mais il n’est pas assez complet, il ignore le « gouffre ». Pas de tourment, de vraie inquiétude. Si, dans les poèmes de départ.
Peut-être trop serein maintenant.
Et pourtant c’est un grand poète. Mais c’est un Latin, je me sens étranger à lui, tout en l’aimant.
Avec Rilke si semblable à moi, je me sens chez moi.
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30.1.29


Il est temps de reprendre le carnet pour voir un peu clair. Mais si je n’ai rien noté ces jours-ci, c’est que rien ne pouvait guère l’être.
Hantise, obsession, saturation même de la poésie. Insomnie tourmentée dans la salle trop chauffée et enfumée. Des vers repassent toute la nuit à travers ma tête. Parfois, rarement, sensation de la poésie et contentement. Moi toujours à la recherche. Doute de moi, toujours.
Avec T. nous discutions du fait même d’écrire. Lui, dilettante, n’écrit pas pour ne pas se rendre malheureux.
Pour moi, obligation d’écrire.
Il ne croit pas en somme à la poésie.
Il m’a fait de justes critiques, manque de précision dans mes poèmes.

Il m’est apparu plus nettement que jamais que je n’ai pas d’idées. Chaque fois que je risque une idée générale, je dis une bêtise. Je vis dans un monde de sensations, de sentiments, d’aspirations – et au fond les idées m’intéressent très peu. Les idées ne sont rien. Pour T., elles sont tout.
Ô, je ne prétends pas être un penseur… et j’aime beaucoup mieux me croire poète uniquement.
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Vidéo de Eugène Guillevic
VICTOR POUCHET - LA GRANDE AVENTURE - 18 questions sur la vie et la poésie
« le fil c'est peut-être une histoire très simple : tragi-comédie en cinq actes et deux personnages. L'un régulièrement menace de partir. L'autre se contente d'écrire des poèmes, dans l'espoir absurde de l'en empêcher. » Dans le roman-poème La Grande aventure, Victor Pouchet déroule une histoire à la fois bouleversante et légère en vers : une rencontre, des micro-aventures qui prennent des proportions de l'univers, des angoisses cosmiques, chansons tristes et verres de vin. Cette conférence-performance est l'occasion de traverser le livre et l'aventure de son écriture à travers une série de questionnements poétiques (ou presque) qui concerneront entre autres choses l'hypnose, Georges Perros, les récits épiques, Eugène Guillevic, les imprimantes laser avec option wifi, le doute et les chips au vinaigre.
À lire – Victor Pouchet, La grande aventure, Grasset, 2021.
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