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Critiques de Eugène Ionesco (579)
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Rhinocéros

Nous avons tous un écrivain encensé et adulé par l'histoire auquel rien à faire, impossible d'accrocher. ‘Rhinocéros' est une pièce célèbre pour sa dénonciation du fascisme et de la tendance moutonnière des êtres humains. Mais j'ai beau faire, je n'y vois qu'une chose : une coquille vide. Une très jolie coquille du reste, couleur cétoine à l'extérieur et nacre à l'intérieur. Mais vide.



Quand la pièce est écrite, en 1959, la guerre est finie. le travail d'analyse a commencé. Milgram n'a pas encore mené ses fameuses expériences ; néanmoins la montée et le triomphe du fascisme ont déjà fait l'objet de nombreuses réflexions. La masse documentaire est plus que conséquente. Et il est déjà acté que l'adhésion au national-socialisme s'est faite pour des motifs plus que variés allant, précisément, du national au socialisme en passant par le plus parfait opportunisme. Et pas une miette de cette complexité n'apparaît là.



Les humains deviennent des rhinocéros parce que leur voisin, leur conjoint ou leurs amis le sont devenus, dans un processus presque incontrôlable et irréversible. Pourquoi n'y a-t-il pas d'humain tentant de se faire passer pour des rhinocéros, dissimulés sous des défroques de drap gris et des cornes coupées dans des manches à balais ? Nus à quatre pattes, broutant de l'herbe en grognant dans l'espoir de réussir à se métamorphoser ? De rhinocéros tentant de cacher leur orteil resté humain, mais une fois seul le contemplant avec désespoir ? Les possibilités étaient multiples.



La transformation est brutale et manichéenne. Rien à voir avec la corruption distillée goutte à goutte dans ‘Les visiteurs du soir', autre célèbre dénonciation métaphorique du fascisme. Et la révolte finale de Bérenger est un triomphe de l'humanité bien basique, en comparaison des coeurs de pierre continuant à battre. Pourquoi reste-t-il humain d'ailleurs, lui l'homme qui s'est toujours laissé porter ? Au fond, c'est là la seule question intéressante.



Le théâtre de Ionesco me fait irrésistiblement penser aux grands ensembles des années 70. A l'époque, on y voyait quelque chose de révolutionnaire, bouleversant les normes artistiques. Aujourd'hui, les ternes et froides incarnations de concepts s'étant avec le temps révélés assez creux...
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Rhinocéros

Lors d'une lecture partagée de La Peste de Camus, de multiples parallèles ont été mis en exergue avec Rhinocéros de Ionesco que je viens de relire. En effet, après une lecture plus attentive de cette pièce de théâtre, je retrouve l'absurde, bien sûr, les méfaits d'une épidémie, la tragédie humaine, la deshumanisation des gens. Béranger comme le docteur Rieu, deux héros ordinaires, refusent de baisser les bras alors que certains faiblissent, se résignent, d'autres font preuve de solidarité, d'amitié. Peste ou rhinocérite, symbolisent les conséquences de la Peste brune et les dégradations des valeurs morales qui s'ensuivent.
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Le Roi se meurt

Quand l'absurdité de la mort renvoie à l'absurdité de la vie.



On reconnaît bien la façon unique d'Eugène Ionesco dans cette pièce à la fois comique, grinçante et si juste. Au delà du burlesque et de l'absurde, l'auteur se pose en observateur rigoureux du comportement de l'homme et le met en scène face à sa propre mort.



Le roi Bérenger 1er est informé que sa fin est proche. Malgré de nombreux signes (qu'il a préféré ignorer), il ne s'est pas préparé à cette mort, qui s'est peu à peu rapprochée de lui au fil du temps.



Autour du roi, figure centrale, l'auteur place cinq autres personnages, presque tous allégoriques :

- Marguerite, reine et première épouse, représente la raison, le réalisme et l'avenir (qui pour tout être vivant est la mort). Elle est forte, inflexible et prépare le roi à mourir.

- Marie, reine et seconde épouse, représente le coeur et les sens, les plaisirs de la vie, l'insouciance, l'illusion et le passé. Elle soutient le roi dans son fantasme d'immortalité mais n'oppose à Marguerite que des arguments dérisoires et fragiles.

- le médecin, représente le savoir et la science.

- Juliette, la femme de ménage, représente le peuple, le commun des mortels.

- le garde.



Pris au dépourvu par l'annonce de sa mort donc, le roi est envahi par différents sentiments : l'incrédulité, le refus, l'indignation, la révolte, l'impuissance, la peur, l'accablement, la résignation...

Il voit s'écrouler tout son univers, morceau par morceau (au sens propre) en même temps qu'il perd la maîtrise de sa vie. Son pouvoir, son autorité et sa volonté de vivre, comme ses biens terrestres, se désagrègent en même temps que lui.

Tout est donc vain !



Et c'est seul et nu que mourra cet homme, car même le roi ne peut échapper à sa condition humaine.



Avec cet humour noir et lucide qu'on lui connaît, Ionesco a écrit là une comédie vivante (le comble, non?), dont les répliques sont souvent très drôles. Le personnage du roi est parfois ridicule, la plupart du temps pitoyable, mais son désespoir et son angoisse devant la décrépitude et la mort émeuvent, car c'est vers la même inéluctable issue que débouche toute vie.
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La Cantatrice Chauve - La leçon

La cantatrice chauve.

Caricature de la bourgeoisie anglaise, qui se perd dans des dialogues creux, dénués d'intérêt, qui tournent en rond, se percutent et s'annulent. Des dialogues inspirés de la méthode Assimil pour apprendre l'anglais, dialogues complètement stupides, que l'on répète mécaniquement. Tout comme les banalités que l'on peut balancer tous les jours, il n'y a pas de réelle communication, des paroles polies et prudentes, sans profondeur, qui évoquent le vide.



Absurdité, manque de logique, d'intrigue, . Les personnages sont comme l'horloge dont on parle ainsi :

« Elle marche mal. Elle a l'esprit de contradiction. Elle indique toujours le contraire de l'heure qu'il est.»



La leçon

Le professeur est un personnage tyrannique, imbus de son pouvoir et de sa culture. Il est pourtant bien médiocre, puisqu'il s'embrouille dans des explications insensées qui donnent le vertige. L'élève, déjà très inculte au départ, ne risque pas de s'améliorer, bien au contraire. Terrifiée par la folie du professeur, l'élève ne peut plus que réciter sa leçon, sans n'y rien comprendre.



Une situation absurde, qui peut-être dénonce l'impossibilité de communiquer avec les mots et la folie qui entraîne certains dans un monde sadique, sans logique, faisant des plus faibles leurs victimes.



Deux pièces de théâtre qui semblent comme une loupe posée sur du vide, comme pour mieux révéler la petitesse des personnages, de leurs gestes et de leurs pensées. Le rire et la caricature pour dénoncer les défauts des bourgeois ou des universitaires, pas si grands que cela finalement.

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Jeux de massacre

Ayant écrit et créé cette pièce de théâtre en 1970, Eugène Ionesco n'en a pas moins été un véritable visionnaire. Malgré son titre, "Jeux de massacre" n'est pas un roman d'épouvante, ou un récit sommé d'horreurs (quoi que...) ; loin de là !

La pièce dont il s'agit raconte la détresse des citoyens d'une ville qui se trouve soudainement attaquée par un mal inconnu. Assimilé à la peste, ce fléau virulent ne cesse de progresser, de se propager et de décimer la population. La Mort, imprévisible et instantanée frappe alors sans distinction d'âge, classe sociale ou couleur de peau. Au fil du récit et des actes, les protagonistes s'emploient à donner une justification à la Mort qui surgit par tous les moyens possibles, mais là où Ionesco apporte sa touche personnelle, c'est qu'il ajoute à cette situation dramatique et tragique une part d'absurde, appelant à une réflexion d'ensemble sur le monde auquel nous appartenons, aussi bien au travers des personnages que des situations qui y sont présentées.



J'avais eu l'occasion de lire cette pièce au lycée sans y attacher autant d'importance qu'aux autres plus célèbres (dont "La Cantatrice chauve" ou "Rhinocéros") ; j'en ai mieux appréhendé la profondeur et sa dimension réflexive en le redécouvrant lors du Festival d'Avignon il y a quelques années.
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Littérature roumaine - Grosse chaleur

Avant d'arriver sur babelio j'avais écrit un commentaire client sur un autre site concernant cet ouvrage. Je le reprends ici également, car il me tient à cœur d'alimenter en critiques constructives les « données » sur la littérature roumaine.

En 1934, Ionesco nous exhorte : « Public honoré, apprécie-moi. Tu ne le regretteras pas ! » Malgré un papier de grande qualité et de larges marges, qui invitent à prendre des notes, il est difficile d'admirer cet ouvrage dont le coût mériterait d'être tordu. La couverture nous cache la présence de l'esquisse « Grosse chaleur », adaptée (assez librement) de Ion Luca Caragiale, bonus ô combien rafraîchissant.

Les ouvrages sur la littérature roumaine brillent déjà habituellement par leur phallocratie, mais la plupart d'entre eux ont tout de même la bonté de citer au moins Hortensia Papadat-Bengescu, Ana Blandiana ou Matilda Cugler-Poni (oubliant généralement au passage les Sofia Nădejde, Magda Isanos, Adela Xenopol, Henriette Yvonne Stahl (née en Lorraine) et toutes les autres que j'oublie...). Ionesco réalise l'exploit de ne citer aucune femme, dans un livre au titre à ce point holistique.

La conclusion clairement assénée prête elle aussi à discussion, d'autant qu'elle expose la thèse de l'auteur, qui sous-tend le reste : « tout ceci exprime, plutôt que la réalité artistique et poétique d'une littérature (indémontrable, puisque les chefs-d'oeuvre parlent d'eux-mêmes […]), une volonté nationale d'affirmation. » S'il ne s'agit pas de cerner dans un livre la réalité artistique d'une littérature, on peut se demander pourquoi l'intituler « littérature roumaine », surtout s'il s'agit de résumer en définitive cette réalité à la nation.

Ce parti-pris explique également l'absence de tout ce qui gêne la démonstration : les femmes (sans aller jusqu'à parler (horreur ?) de féminisme, les auteurs intimistes (Blecher, Holban), la littérature de voyage (Golescu), l'imitation du français (Bujoreanu, Baronzi), les auteurs juifs (Ronetti, Steuerman-Rodion...), expérimentaux (depuis Odobescu, jusqu'à Minulescu, Urmuz...), la science-fiction (Anestin, Papilian...), parodiques (au moins en partie, comme Budai-Deleanu ou Topârceanu) minorité germanophone, adaptateurs de contes populaires, etc.

Malgré le nom de l'auteur, un ouvrage bien incomplet.
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Rhinocéros

Quand une épidémie sévit dans une autre partie du monde surtout dans les pays sous-développés, on discute de la chose paisiblement, on organise des débats académiques où la question est débattue sur plusieurs facettes par des savants, des écrivains, des hommes de loi, des femmes savantes, des artistes...mais quand l'épidémie frappe à votre porte, la peur est bien là avant que le discours n'intervienne, c'est une pensée d'un des personnages de Rhinocéros, BÉRENGER, le seul qui a pu résister au fléau qui sévit partout, auquel fléau tout le monde se transforme en rhinocéros. Il voit d'abord son ami Jean se métamorphoser en rhinocéros, ensuite son patron et le logicien avec qui il s'attendait à raisonner sur la situation, enfin c'est au tour à sa bien-aimée Daisy, qu'il aimait secrètement, ne croyait prendre peu de place dans son cœur parce qu'il n'est pas diplômé ...le monde s'écroule à ses pieds. On assiste aussi à au déclin du raisonnement, une crise de la logique , tout est confus, et toutes possibles deviennent possibles et toutes les impossibilités deviennent aussi possibles. Oh, n'y a rien tragique dans la pièce, c'est dans un langage purement absurde que Eugène Ionesco nous parle de cette tragédie qui infecte l'individu comme quoi une contagion collective est une manifestation de la raison, elle se propage comme une vérité absolue, celui qui résiste à ça, est vu comme un homme anormal...

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Le Roi se meurt

Je regrette de ne pas avoir encore vu la pièce, car la lire a été un grand plaisir. La rupture avec les conventions du théâtre classique, le retour à un forme de burlesque remontant à l'antiquité et l'invention d'un théâtre de l'absurde faisant d'autant mieux ressentir l'absurdité de la vie dans une ambiance tragi comique me semblent bien en phase avec les questionnements du monde moderne.

Le thème du Roi se Meurt est aisé à résumer, une fois que l'on a dit que tout est dans ce titre, et que le Roi c'est nous, corps, esprit, conscience, confronté à l'inéluctable.

La réduction des personnages à des pantins ballottés par le sort, la structure décousue de la pièce et des dialogues, tout concourt à faire de cette pièce un tableau symbolique et efficace de l'absurde. Pour autant, on trouve aussi chez Ionesco un questionnement, un humour et une intelligence qui interpellent le lecteur avec lucidité, mais aussi une complicité bienveillante évitant de sombrer dans un nihilisme, que n'est pas l'absurde.

Une pièce remarquable donc, qui se lit d'un trait.
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La Leçon

Pour éviter de trop pleurer à cause d'enseignants nationaux, voire pour déplorer le ridicule de l'attitude de certains d'entre eux, fidèles à leur hiérarchie, je me suis souvenue de ce professeur meurtrier, son élève et la bonne, complice. De l'absurde pour en rire. J'ai l'impression qu'à l'école ou ailleurs, c'est la pièce par laquelle il est le plus facile d'aborder le théâtre de Ionesco, alors que souvent on vous fait lire directement La cantatrice chauve ou Le Roi se meurt, pièces bien entendu fort différentes.
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Macbett

Le sourire ne m'a pas quitté durant toute la lecture de ce MacBett d'Eugène Ionesco, un auteur qui demeurait un souvenir scolaire. La parodie est plus que réussie, et même si j'avais apprécié la pièce originale empreinte du génie shakespearien, je préfère cette version. Son côté burlesque, cette dénonciation du pouvoir qui corrompt, rend fou, noue des alliances opportunes, trempées dans le sang, mâtinées de trahisons, de lâchetés, de retournements, de soumissions, de renoncements pour une bonne soupe, m'a ramené à la comédie politique française. Les primaires à droite en furent le premier acte, la gauche poursuit le bal des ambitions, et même si les meurtres entre amis ou alliés ne sont plus que médiatiques, tous les ingrédients de la pièce s'y retrouvent peu ou prou.

Je l'ai littéralement dévoré au cours d'un trajet en train durant lequel les didascalies m'ont fait voyager à un rythme bien différent...
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Les Chaises

Un couple de vieux (94 et 95 ans) s'affairent pour préparer la salle qui doit accueillir le public pour assister à une conférence, les chaises sont disposées, leur nombre ne cessera de croître, jusqu'à saturer l'espace scénique. Le couple, complice au début s'échange des attentions de tendresse, des petits mots, des surnoms d'affection. Arrivent les premières personnes qui resteront invisibles mais avec lesquelles vont se construire des dialogues des relations qui vont révéler la vacuité de la relation et faire exploser le couple.

Les Chaises c'est une pièce terrible, une "farce tragique" comme le définit

Eugène Ionesco qui met en lumière le vide de ce couple qui dès le départ semble uni mais qui très vite va se révéler presque artificiel, dès l'arrivée de l'amour de jeunesse de l'homme toute la relation construite avec sa femme va exploser, celle-ci va de son côté réagir comme un petite fille coquette et capricieuse.

Au fur et à mesure que se remplit la salle de public et de chaise, le vide intérieur du couple grandit jusqu'à la souffrance ultime qui le fera disparaître.

J'ai énormément apprécié cette pièce de Eugène Ionesco, une première lecture de son théâtre (je n'avais vu qu'une pièce au théâtre : La leçon) qui m'a donné envie de poursuivre ma découverte de cet auteur surréaliste.
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Rhinocéros

J'aime cette pièce parce qu'elle à été écrite pour ne jamais être jouée au théâtre. C'est complétement dingue !

D'un autre côté, ça se comprend : cette pièce est très différentes des autres pièces qu'on lit habituellement. C'est de l'absurde, mais moi, je ne l'ai pas perçue de cette façon. Depuis toujours j'ai entendu dire que cette pièce décrivait la mondé du totalitarisme avant la seconde guerre mondiale, du coup à chaque lecture, je ne vois que cette partie de la pièce et je trouve ça très agréable.



Les personnages de Rhinocéros sont très attachants, bien que très distant. Pour le coup, on ne se sent vraiment pas concerné par la pièce, on est terriblement distant de ce qui se passe et tant mieux ! Ça nous permet de mieux assimiler les critiques qui sont faites dans cette pièce par Eugène Ionesco.



J'aime cette façon d'aborder les problèmes avec beaucoup de distance : ça marque vraiment plus le lecteur, voir le spectateur.

J'aime la façon d'écrire d'Eugène Ionesco : avec beaucoup de retenue, de critiques cachée... L'histoire parait simple au départ, mais plus on s'y plonge et qu'on essaie de lire entre les lignes, plus on se rend compte que Rhinocéros est loin d'être une pièce aussi simple que ça. On comprend ainsi aisément pourquoi on l'a pratiquement tous lus au lycée.

Vous n'avez aucune bonnes raisons pour ne pas découvrir cette pièce !
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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La cantatrice chauve

Je me souviens d'avoir lu La cantatrice chauve toute jeune, à seize ans - oui, car je n'étais pas tout à fait aussi précoce qu'Orson Welles, qui exigea à trois ans qu'on lui fournisse Le roi Lear dans le texte. Quelques temps plus tard (j'avais alors atteint l'âge canonique de dix-sept ans), un prof de français parle à ma classe de la pièce (celle de Ionesco, pas celle de Shakespeare ; ça n'aurait aucun sens si je commençais à pérorer sur Le roi Lear dans une critique concernant La cantarice, ce serait parfaitement insolite, voire absurde). Bref, le prof en question veut savoir si quelqu'un l'a lue et, pour mon malheur, je réponds que oui. Ce qui entraîna de fâcheuses conséquences, puisqu’il voulut savoir ce que j'en pensais et que je répondis naïvement que je l'avais trouvée drôle mais que je n'avais rien compris. Regard atterré de sa part : il me prit aussitôt pour une sombre idiote, tandis que je décidai en mon for intérieur qu'il ne fallait jamais dire ce qu'on pensait à un professeur, quelle que ce soit la discipline qu'il enseignât. N'empêche... Je me rends compte aujourd'hui que ma réponse était tout à fait pertinente, étant donné que cette pièce est faite, justement, pour plonger le lecteur/spectateur dans un univers de non-sens.



Ionesco a largement commenté cette pièce tout au long de sa carrière, multipliant les commentaires plus ou moins contradictoires ; quant aux critiques, ils en ont donné mille interprétations : bien malin qui se vantera d'avoir trouvé la bonne. Toujours est-il qu'on sait que la genèse de cette pièce est due à la tentative d'apprentissage de l'anglais via une méthode Assimil par Ionesco, qui le plongea dans des abîmes de réflexion, les personnages présentés dans le manuel (deux couples, les Smith et les Martin) affirmant des vérités aussi évidentes que stupéfiantes que "Nous vivons à Londres et notre nom est Smith", tout en utilisant des expressions idiomatiques (en anglais, naturellement, ce qui, sinon, n'aurait pas de sens). Je crois pouvoir affirmer que beaucoup d'entre vous ont dû avoir droit à ce genre de pédagogie à l'aide de manuels particulièrement bien pensés (ah, que de souvenirs impérissables!) Ceci explique donc cela : je veux dire que la forme et l'idée de départ de La cantatrice chauve prennent racine dans cette rencontre de Ionesco avec la méthode Assimil.



Ce que, personnellement, je retiendrai de La cantatrice, au-delà des passages comiques, burlesques, ridicules, grotesques et délirants (ah, le passage avec les Bobby Watson, ah, le raisonnement sur les coups de sonnette à la porte d'entrée !!!), c'est ce travail sur le langage qui est au centre de sa conception. Un langage vidé de son sens, ce qu'on sent particulièrement à travers les répétitions de mots ou à travers des dialogues à base d'échanges de proverbes, de jeux de mots, d'expressions idiomatiques. Les personnages, sans caractère, y sont dénués de toute personnalité, à tel point qu'ils sont interchangeables. Finalement, ce qui ressort de La cantatrice, c'est l'image d'une société aseptisée où on ne réfléchit plus mais où l'on parle par mécanisme, où l'on ne sait pas communiquer (et d'autant plus si l'on a rien à dire), où l'on ne peut pas se faire comprendre, où toute discussion se termine sur un conflit.



Pour autant, je ne suis pas une adepte de la pièce. Il est clair que lorsqu’on est jeune et qu'on a pour seules références des dramaturges comme Molière, Marivaux ou Racine, on est quelque peu stupéfié par cette fameuse Cantarice chauve. Mais une fois passé le temps de l'étonnement, puis celui de l'analyse (même superficielle), je ne la trouve pas si passionnante que ça. Je n'ai pas l'impression que je pourrais la lire dix fois et y trouver à chaque fois des merveilles, et, surtout, je n'ai pas envie de la lire dix fois. Son aspect très répétitif me rebute un peu, et je trouve qu'on se lasse facilement de son côté ludique, malgré un format assez court. Après tout, c'était la première fois que Ionesco s'essayait à la dramaturgie, ce qui explique sans doute ses défauts (du moins les défauts que je lui trouve) et peut-être est-elle plus intéressante en tant que partie d'un corpus qu'en elle-même. J'essaierai tout de même de trouver une captation vidéo de sa mise en scène par Jean-Luc Lagarce : peut-être découvrirai-je par cette entremise des trésors que je ne soupçonnais pas jusque-là...
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Paris des poètes

Lundi 25 décembre 2023....dans la bibliothèque d'un ami !



Quel incroyable bonheur et heureux hasard ! Ce matin, pour envoyer des gentils mots à mes amis sur F.B , pour ce Noël, je mets en avant des clichés de cet artiste- photographe, IZIS, je me rends ensuite chez un vieil ami , octogénaire fringant et toujours curieux , ayant habité toute sa vie dans le quartier de la Butte aux Cailles, et OUPS...il était le voisin de l'artiste, alors qu'il avait environ 20 ans, et Izis la cinquantaine !.



Mon ami, très gentiment, me sort un exemplaire dédicacé de son artiste- voisin...J'ai goulûment savouré les clichés, ..en noir et blanc, accompagnés de textes d'écrivains et de poètes...Un vrai régal pour les yeux...et aussi pour les mots choisis , en regard de ces instantanés d'hier..!



"Paris est une usine à réduire le temps en miettes. Mais il existe des réparateurs du temps d'avant, qui faisait tic- tac et était plus consistant. Il existe aussi les fabricants de temps entier; les amoureux, les philosophes, les poètes, les enfants, les vieillards et les chats. " (Louis Pauwels)



IZIS, contemporain de Doisneau et de Ronis, fut curieusement moins connu....Toutefois son oeuvre est d'une magnifique élégance et naturel...l'artiste travailla et collabora à plusieurs reprises avec son ami, Jacques Prévert....

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La Cantatrice Chauve - La leçon

Jamais je n'aurais cru prendre intérêt à la conversation d'un couple anglais –tout ce qu'il y a de plus banal par ailleurs- lorsque ceux-ci se contentent d'évoquer leur dernier dîner de poisson-patates… Et pourtant, dans la Cantatrice chauve, ce sujet devient passionnant –non seulement celui-ci d'ailleurs, mais d'autres tout aussi rébarbatifs : l'évocation de la famille Watson, le fonctionnement des sonnettes d'entrée, ou la répartition démographique des incendies dans la ville de Londres.



Anodins à première vue, chacun de ces sujets de conversation ne tarde pas à prendre la tangente et à s'éloigner des voies rationnelles de la communication. Si, pour entretenir une discussion, il s'agissait de suivre une constante telle celle que l'on fixe à 9,81N pour la gravité, alors elle serait totalement anéantie dans la Cantatrice chauve.



La politesse est abolie. Plus aucun personnage ne fait d'effort pour s'intéresser aux racontars incessants des autres. Ceux-ci ne s'en formalisent pas : tellement abrutis par l'égocentrisme qui les pousse à parler sans que cela n'intéresse personne, ils ne se rendent pas compte qu'on ne les écoute pas.



La logique est abolie. Sitôt un fait posé, une affirmation prononcée, le contraire surgit et annule ce qui semblait pourtant être une évidence, en tout cas une certitude. Dans la Cantatrice chauve, on ne peut jamais être sûr de rien, et surtout pas de la sincérité des personnages. Pourtant, aucun vice n'est à déceler derrière les contradictions sans fin qui émaillent des propos. Elles se font plutôt le reflet de l'absurdité de la vie, que l'on essaie habituellement de dissimuler derrière l'apparente logique d'un discours construit. Après tout, est-il vraiment plus ridicule que tous les membres d'une famille s'appellent Bobby Watson, plutôt que l'un s'appelle Bobby, l'autre Roger, l'autre Brigitte, etc. ? Non, mais le premier fait n'a rien de commun et prouve à quel point les habitudes viennent nous rassurer dans un monde qui serait proche du chaos sans cela. Cette absurdité exprime également l'inconstance des personnages qui cherchent une fois à se définir par le biais de telle opinion, de telle position sociale, puis une fois par telles autres, pour finalement n'être définis par rien, puisque tout peut les définir.



La pudeur est abolie. Pas totalement, mais on sent que nous ne sommes jamais loin de l'instant où les couples finiront par se mêler et ou les gestes et les comportements dépasseront les limites de la bienséance. Encore une fois, Ionesco nous amène à nous interroger sur la légitimité d'un monde fondé uniquement sur des règles éphémères et dont la justification nous échappe souvent.



On pourrait trouver cette pièce totalement idiote et s'interroger sur son sens –mais ce serait avoir mal lu la Cantatrice chauve. En effet, la pièce met à mal toute notion de valeurs et ridiculise cette prétention qu'ont les hommes de vouloir donner du sens à ce qui n'en a pas. Aucun personnage n'est comique dans cette pièce : c'est la condition humaine qui l'est, sa terreur du vide qui la pousse à déployer toutes sortes de ruses pour se justifier d'être.





Alors que la démonstration aurait pu se perdre dans de longs paragraphes, Ionesco parvient à utiliser la forme très appropriée du théâtre pour nous transmettre cette réalité fondamentale et, ce qui n'est pas négligeable, il parvient à le faire avec toute la légèreté et la finesse d'esprit qui siéent à la comédie. Volonté d'ajouter que, même si tout ce à quoi nous accordons de l'importance n'en a pas véritablement, rien ne sert de nous en formaliser, et mieux vaut prendre cette réalité avec légèreté et décontraction. de toute façon, le contraire ne résoudrait en rien l'absurdité du monde que l'on retrouve toute condensée dans la Cantatrice chauve…



- La leçon -



Les personnages sont universels : l'élève, le professeur. Sans difficulté, le lecteur pourra s'identifier à l'un ou à l'autre. Votre préférence se portera-t-elle plutôt sur la figure de l'élève, jeune fille modèle, sûre d'elle et brillante ? Ou plutôt sur la figure du professeur, doux et prudent à la manière de ceux qui n'ont pas confiance en eux et qui cherchent coûte que coûte à se faire apprécier des autres ?

Ne réfléchissez pas longtemps au choix que vous allez faire : de toute façon, les rôles s'inverseront vite et l'élève deviendra de plus en plus piteuse, ignorante, écrasée par le totalitarisme d'un professeur qui pense pouvoir étaler son tyrannisme à mesure qu'il révèle son savoir. La possession de connaissance lui donne-t-elle le droit de s'imposer de cette façon ?



On pourrait débusquer, derrière la pièce de la Leçon, une réflexion sur le lien entre culture et barbarie. Avec Ionesco, les enjeux ne sont heureusement jamais annoncés aussi abruptement, d'autant plus qu'au spectateur, les connaissances du professeur sembleront totalement erronées. Se succède en effet une litanie d'affirmations fumeuses et délirantes concernant les fondamentaux des maths, des langues ou de la prononciation. La logique perd sa suprématie au profit des jeux de mots et des confusions engendrées par l'ambiguïté du langage. L'élève reçoit cet enseignement saugrenu sans broncher, avec une crédulité qui ressemble fort à celle qui pouvait être la nôtre lorsque nous partagions encore sa position. de cette façon, Ionesco parvient à remettre en question les acquis fondamentaux de nos connaissances. Comment pouvons-nous être sûrs que deux et deux font quatre, si ce n'est qu'un homme l'a dit une fois et que personne n'a encore réussi à le démentir, par manque de preuve contraire ?



Là où la comédie cesse de nous faire rire, c'est lorsque le professeur justifie sa violence destructrice par le fait qu'il est le représentant du savoir. Mais que vaut cette légitimité si ce savoir qui le caractérise n'a aucune valeur ?



Ionesco réussit une nouvelle fois à ébranler nos certitudes en nous partageant entre le rire et la stupéfaction. Il laisse désemparé et nous remue en nous confrontant à des personnages aussi perdus et dérisoires que nous.

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La cantatrice chauve

Si vous aimez l'absurde, cette pièce est fait pour vous !...

Il y a énormément d'inventivité dans cette pièce d'Ionesco, dont les dialogues au ton souvent acides, sont un vrai plaisir à suivre, un véritable délice pour les amateurs d'absurdité !

Ionesco invente des dialogues absurdes comme personne, pour notre plus grand plaisir !...

Chaque scène est une pépite, et les scènes, assez surréalistes, se succèdent et c'est un vrai bonheur de pièce, distrayante à souhait ( mais avec une réflexion des plus intéressantes derrière ! )

Une lecture jubilatoire !
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Macbett

Une des pièces les plus foisonnantes de Ionesco, dans laquelle il multiplie les références : littérature latine, textes religieux, Victor Hugo, William Shakespeare bien sûr... C'est une tentative de synthèse, sous forme de dénonciation des atrocités du pouvoir, de toute forme de pouvoir. On peut noter parmi les différences majeures avec la pièce de Shakespeare : la fin, où Malcolm devenu Macol est encore plus mauvais que les précédents (dans Macbeth, il apportait l'apaisement) et l'absence de Lady Macbeth, plus ou moins ramplacée par une Lady Duncan sorcière. Du point de vue des idées, c'est outrancièrement simplificateur, mais attachant comme un hurlement d'indignation, plus particulièrement dirigé contre le stalinisme, ce qui n'était pas si évident en 1972. Le dispositif scénique est important aussi, c'est une pièce que j'aimerais bien voir sur scène, tout compte fait.
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Macbett

Voilà une parodie fort divertissante de la célèbre pièce Macbeth de Shakespeare (qu'il faudra absolument que je relise, soit dit en passant). Alors que la pièce de ce dernier est classée dans en tant que tragédie, l'on peut dire que celle de Ionesco relève plus du théâtre de l'absurde tant elle prête à sourire, voire même à rire de temps en temps malgré toute cette effusion de sang !



En effet, au début de la pièce, alors que Glamiss et Candor complotent pour assassiner et donc renverser du trône Ducan, celui qu'ils considèrent comme un tyran alors que Macbett et Banco lui sont voués corps et âme, les rôles sont rapidement inversés. Une fois les deux traîtres exécutés ainsi que tous leurs hommes, c'est au tour de Macbett et de Banco de comploter contre leur souverain.

Mais encore, s'ils ne faisaient que cela, mais il y a bien pire puisqu'ils ne se font absolument plus confiance et là, c'est à qui frappera le premier pour pouvoir monter sur le trône. Mais, mais...eh oui, il y a toujours un "mais", c'était cela sans compter sans l'intervention de deux sorcières qui s'amusent régulièrement à changer d'apparence afin de pouvoir mieux manipuler ces deux brutes assoiffées de gloire et de pouvoir...



Une parodie très bien écrite, très vite lue et rassurez-vous, même si vous n'avez pas le moral, vous pouvez vous lancer sans problème dans cette lecture, vous ne risquez pas de vous casser le moral davantage...bien au contraire ! A découvrir !
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Le Roi se meurt

Une pièce symbolique, absurde, complexe, où un roi métaphorique meurt, et avec lui, son univers. Beaucoup aimé le principe, qu'apprécieront tous les amateurs de méta-théâtre. Cette pièce de Ionesco explore plusieurs thèmes : Vanité du pouvoir, de l'existence, saveur de la vie, horreur du deuil avec les étapes de son acceptation... Pour autant, le Roi se meurt reste drôle de bout en bout, grâce à la démesure totale du monde crée par Ionesco, sans le moindre réalisme spatio-temporel. Ainsi, le Roi Bérenger est davantage une sorte de Dieu, au royaume et au règne qui défient toutes les frontières (les chiffres et données totalement excessifs font leur effet) et qui fait à la fois figure de vieux roi médiéval et de dirigeant contemporain. Le gag récurrent des annonces du Garde ne manque pas de faire rire, bien que la pièce puisse légèrement s'étirer en longueur.



Les personnages qui satellitent autour de lui sont très réussis et relèvent tout autant de l'allégorie. Il est entouré par deux épouses, Marguerite et Marie. La première incarne tout du long la fatalité, la Mort elle-même, voire le metteur en scène lors du dénouement. Dans une obsession post-célinienne, pour elle, la vie n'est rien d'autre qu'une antichambre de la mort, et il s'avère déraisonnable de se détourner de cette optique. Marie est son opposé total, à la manière d'une jeune maîtresse faisant revivre un homme marié sur le retour. La mort et la vie, l'ombre et la lumière, la fatalité et l'espoir s'affrontent ainsi, autant sur scène que dans l'esprit du Roi, et le titre donne bien un indice sur l'issue. le Médecin, quant à lui, est totalement ridiculisé par Ionesco, qui l'affuble également des fonctions de bourreau et d'astrologue! Ses répliques totalement à la ramasse sont en adéquation avec sa représentation de charlatan tout juste bon à panser les plaies avant l'inévitable, plus psychopathe que guérisseur.



L'écriture convoque un registre cosmique et lyrique fort appréciable, à des années-lumière du minimalisme beckettien, nécessaire pour se figurer l'étendue infinie du territoire et de la temporalité du roi. Je commence à entrevoir le style particulier de Ionesco par rapport à Beckett, plus bavard, avec même des commentaires personnels dans ses didascalies...



On pourra trouver que la pièce est un peu longue et qu'elle n'est au final qu'un simple prétexte, un exercice de style sur le thème de la fin d'un monde, mais elle n'en demeure pas moins riche en pistes réflexives. J'ai instantanément pensé à la mettre en relation avec Fin de partie, de Beckett, ou avec La Tempête de Shakespeare, avec cette fois un anti-Prospéro. Ce serait sympa que l'agrégation de Lettres ou un cours de littérature comparée propose ça...
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Rhinocéros

Peu familier du théâtre et encore moins de celui de Ionesco, j'ai lu ce livre sans à priori, de manière innocente dirais-je. J'ai découvert ce texte sans connaître rien de ce qu'il pouvait signifier, de ce que l'auteur a voulu exprimer, démontrer, du contexte de l'époque de sa création.

Une lecture brute donc, des dialogues et situations absurdes, le passage d'un rhinocéros qui met en effervescence un petit groupe de personnes puis une ville entière. J'ai pensé à Kafka, parallèle justifié, pas sûr.

Une fois ma lecture terminée, je pouvais dire que j'avais apprécié cette pièce mais qu'il me manquait indéniablement des éléments afin d'aller plus loin. Un petit tour sur internet et ce que j'avais lu à pris un tout autre sens. Cela m'a semblé évident et j'aurais même pu faire une seconde lecture à l'aune de cet éclairage.

La montée des totalitarismes, le changement progressif des mentalités, l'uniformité de la pensée, seul Bérenger résistera, espoir unique quand les autres se sont abandonnés.

Très bonne pièce qui ne cessera jamais d'être d'actualité, préférez une édition commentée si vous envisagez de la découvrir.
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