Je découvre Frédéric Bézian avec cette oeuvre. Il est, parait-il, un auteur à univers et c'est ce que j'ai pu vérifier en lisant les garde-fous. Ce thriller, à la trame somme toute classique, est surtout marqué par l'atmosphère particulière qu'il dégage. Un climat glacé, dérangeant, qui filtre au travers d'une scénographie lugubre. Une maison moderne et aseptisée, à la décoration ultra dépouillée, cernée par un lac sinistre et une forêt oppressante qui obstruent tous les horizons. Un petit monde fermé qui finit invariablement par provoquer un sentiment de claustrophobie. Dans ce cadre chenu, évolue une galerie de personnages des plus troublants. La ligne fine et acérée de l'auteur laisse deviner dans leurs visages un accent de désespoir, une névrose sous-jacente qui peut exploser à tout instant. La colorisation très sobre en rajoute une couche. Se limitant pour chaque case à deux ou trois nuances posées en aplats assez ternes, elle rythme les silences, installe les tensions et accentue considérablement la dimension glauque de l'ensemble.
Si la narration au cordeau est remarquable dans sa gestion du temps ou ses dialogues ciselés, j'ai beaucoup plus de retenue concernant un scénario très convenu et sans surprise. Soutenu par l'ambiance, il ne se révèle accrocheur que jusqu'au milieu du récit. Lorsque l'on bascule dans le huis clos, la magie ne fonctionne plus tout à fait. Même en essayant de jouer le jeu, je n'ai pas adhéré au changement qui intervient dans les comportements des protagonistes. Trop brutal à mon goût. Et s'il peut se justifier par le stress de leur claustration ou la présence menaçante du tueur, je l'ai appréhendé avant tout comme une manœuvre pour les muer en nouveaux suspects à nos yeux et nous encourager sur d'artificielles fausses pistes. Mauvaise pioche...
Un album qui ne restera pas gravé dans ma mémoire. Néanmoins, il me met le pied à l'étrier, donnant l'envie de faire plus ample connaissance avec l'oeuvre de Bézian.
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Bézian : des histoires torturées, un ton ombrageux, presque gothique, à la lisière du fantastique ; un trait expressionniste inimitable, nerveux, comme gravé au couteau dans la page. Du moins c’est ce que l’on croyait. Contre toute attente, voilà que le créateur du légendaire ‘Adam Sarlech’ ose la légèreté, laisse de côté la fiction et intitule un album ‘La Belle Vie’. Le Garonnais, dans un inhabituel demi-format, livre un ouvrage caustique, pétillant, s’attachant à décrire les petites absurdités du quotidien. Avec un regard acerbe mais toujours tendre, il rit, s’indigne, râle, aime, s’insurge, dévoilant un talent qu’on ne lui connaissait pas : l’art de croquer ses semblables. Passant aisément d’un clochard saoul à un gamin turbulent de 5 ans, Bézian parvient même, à travers le personnage de l’auteur de bande dessinée notamment, à jouer sur une autodérision très drôle. Les chroniques de quelques pages s’enchaînent, variées, drôles ou piquantes, guidées par des mots parfaitement pesés. Si certains sujets s’avèrent un brin banals - comme ces planches sur ces téléphones portables, gangrène de notre monde moderne -, son regard s’avère le plus souvent aiguisé et perspicace. Le talent qu’on lui connaissait à entrer si habilement dans la psychologie de ses personnages, se transforme ici en une acuité sociale inattendue. Quant au dessin, il reste absolument magnifique. Encore plus épuré que dans son précédent album ‘Les Garde-fous’, il dégage une souplesse incroyable, pleine de vie. L’absence de cadre aux vignettes et les aplats de couleurs lumineux décuplent la liberté de son coup de crayon, qui est pour beaucoup dans la réussite des chutes de ces petits récits pimentés. Un retour à la réalité surprenant, qui montre que Bézian possède l’une des plus grandes qualités de l’artiste : le courage de se remettre en question et de déjouer les attentes de ses lecteurs.
Mikaël Demets
www.evene.fr
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Lecture jeune, n°125 - Dans une villa d’architecte, au bord d’un lac, Boris et Alice Lentz, un couple d’éditeurs, convient leurs amis à fêter la parution de leur nouvel ouvrage, un futur best-seller intitulé Les Âmes rouges, inspiré de faits divers sanglants. Mais la soirée est troublée par l’arrivée d’un inspecteur qui prétend que la jeune femme sera sans doute la prochaine victime d’un tueur en série… Bézian nous propose une fois de plus une œuvre singulière tant par son scénario que par son dessin : le cadre lisse, au cœur d’une forêt oppressante se transforme en piège étouffant. L’alternance de vignettes classiques et « allongées », la présence de personnages aux silhouettes étirées et aux visages émaciés, ainsi que l’emploi de couleurs froides concourent à créer une atmosphère glaciale et hitchcockienne. La peur devient omniprésente et la tension monte jusqu’au dénouement final. Un univers qui saura séduire les lecteurs et un thriller vraiment très réussi. Agnès Donon
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