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Critiques de Gaëlle Josse (1932)
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Les heures silencieuses



“Musica laetitiae comes medicina dolorum. Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne."



***



Pour écrire son premier roman, Gaëlle Josse s’est inspirée d’un célèbre tableau peint par l’artiste Emmanuel de Witt, un contemporain de Johannes Vermeer. Ladite toile laisse apparaître de dos, une femme jouant de l’épinette au sein d’un intérieur bourgeois flamand. Qui est-ce, la maîtresse de maison? Pourquoi avoir choisi d'être représentée ainsi? A qui adresse-t-elle ses mélodies? Que cache l'envers de ce décor?



Dotée d'une imagination remarquable, l'auteure insuffle la vie à ce personnage et ressuscite une époque, celle de l'Âge d'or hollandais,  en nous transportant au XVIIème Siècle.



*



Novembre - décembre 1662



“C’est moi, de dos, sur le tableau. (...) J’ai choisi d’être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l’Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd’hui que bois sombre, et nu.”



Ainsi commence le journal intime de Magdalena, fille aînée de Cornelis Van Leeuwenbroek, l'ancien administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales à Delft.  



Avant ses fiançailles avec Pieter Van Beyeren, elle prenait part aux activités commerciales de son père, occupant la place vacante de l'héritier mâle qui jamais ne vit le jour. Le doux rêve de lui succéder se heurta à sa condition de femme, c'est son époux qui hérita de cette charge. 



Assignée aux affaires domestiques,  elle assura au couple une descendance en mettant au monde une fratrie de neuf enfants. Malheureusement, si Dieu donna, il reprit ensuite. Certains trouvèrent la mort à l'aube de leur vie.



"Souvent je pense à mes enfants que le Seigneur a déjà rappelés à Lui. Je dois accepter qu'ils soient,  hélas, le cruel tribut dont les femmes qui donnent la vie doivent s'acquitter."



*



Les heures silencieuses sont celles où, dans l'ambiance feutrée de sa chambre, Magdalena prend sa plume et laisse s'exprimer librement les vacillements de son cœur. Elle couche sur le papier les joies et les peines qui ont jalonné son existence. Ces instants d'introspection donnent également lieu à de troublantes révélations et des aveux sans concession. 



"A l'heure où  mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout."



Dans un style époustouflant empreint de délicatesse, Gaëlle Josse esquisse le portrait d'une femme empêchée, digne et valeureuse. Les quelques semaines passées en compagnie de Magdalena offrent un moment de grâce suspendu dans le temps.



Et quel plaisir de voir s'animer, au fil des pages, l'œuvre d'Emmanuel de Witt.  Un décor à secrets qui sous nos yeux ébahis se dévoile.



Cette première rencontre avec l'auteure est un véritable coup de cœur. Je suis littéralement tombée sous le charme de son écriture tant raffinée que poétique. Ses mots caressent l'émotion. Une mélancolie douce-amère nous étreint. 



***



Un petit bijou littéraire que je vous recommande chaleureusement. Je me réjouis par avance des prochains rendez-vous prévus avec cette conteuse de talent.  









Lu en décembre 2021 - Récupération des quelques retours partagés sur mon ancien compte avant sa fermeture définitive.

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Un été à quatre mains

"La musique de Schubert m’accompagne depuis longtemps, depuis toujours, serais-je tentée de dire ......sa musique nous atteint avec une désarmante simplicité", écrit Gaëlle Josse. Des propos que je peux reprendre mot pour mot, à mon propre compte, y ajoutant, que sa prose m'atteint également avec une désarmante simplicité.



Le temps d'un été à Zseliz, dans la campagne hongroise, elle nous donne le plaisir de rencontrer Schubert, engagé six ans après, de nouveau en tant que maitre de musique pour les filles des Esterhazy, aristocrates hongrois.

Il a vingt-sept ans et se remet d'une maladie vénérienne.

Un été qui fait son bonheur et la notre, malgré la quête d'un amour partagé qui lui est refusé.

Un été à quatre mains où les muses affluent en dépit de la chaleur, il compose pour elle, Caroline, la fille cadette de la famille. Caroline, l'âme sœur, l'amour impossible, qui ne semble être à l'aise qu'avec la musique, " un langage qui est le sien, d'instinct".





Qui aurait pu mieux et aussi simplement décrire que Josse,

Le talent,

-"Avec quelle émotion il confie avoir vu Schubert composer Le Roi des Aulnes, sur le poème de Goethe, en une poignée de minutes, un après-midi, à l’âge de dix-sept ans, sans une rature."-

Et l'amour de la musique,

-"Jamais il n’oserait avouer au grand, à l’immense Vogl qu’il vendit un jour, alors élève au Konvikt, ses livres de classe pour pouvoir aller l’entendre dans le rôle de Pizzaro lors de la première du Fidelio de Beethoven."-



Un Schubertkugel de soixante pages à déguster !

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Le dernier gardien d'Ellis Island

J’ai beaucoup aimé la façon dont Gaëlle Josse nous raconte l’histoire de John Mitchell, gardien de cette île prison, dans laquelle sont arrivées des générations de migrants à la poursuite du rêve américain. Profitant des neuf derniers jours avant de fermer définitivement la porte d’Ellis Island, il décide de noter par écrit tous ses souvenirs. Cette prison a fini par devenir la sienne, comme si la vie à l'extérieur représentait un danger.



Il s’est investi à fond dans son rôle, ne quittant pratiquement plus l’île, mais n’est jamais resté insensible à la détresse des migrants, qui ont tout perdu et doivent répondre au fameux questionnaire : vingt-neuf questions dont les réponses ouvrent ou non l’entrée dans cette Amérique dont ils ont rêvé et dont ils aperçoivent, lorsque le temps le permet, Manhattan et la liberté.



John raconte aussi les deux femmes qui ont compté dans sa vie : Liz son épouse, infirmière qui meurt contaminée par le typhus et Nella qui a dû fuir son pays avec son frère handicapé car ils étaient différents (elle avait un don pour guérir qui faisait peur). Toute sa vie, Nella le hantera, il essaiera de reconstituer son histoire, au fil des témoignages d'autres migrants.



Gaëlle Josse décrit très bien la pauvreté, la douleur de l’exil, la promiscuité, les maladies, les drames de ces migrants qui sont obligés de fuir leurs pays, pour des raisons politiques ou simplement à cause de la misère et qui sont considérés comme des parias des moins que rien qui tutoient le rêve américain, leur avenir dépendant du fameux questionnaire.



L’épisode qui m'a le plus marquée est l'histoire tragique de l’écrivain Giorgy Kovacs et sa femme Esther, qui a fuit le régime autoritaire de son pays et s’est vu refusé l’entrée aux USA car ils venaient de l’Est donc ils étaient suspects: jugé trop opposant par les uns et trop communiste pour les autres...



Une belle histoire, bien écrite et qui est encore plus lourde de sens dans le contexte actuel, Lampédusa, les îles grecques, la jungle de Calais et d'autres se substituant à Ellis Island, et un rêve américain qui s'est envolé.



Note: 9/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.com
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Le dernier gardien d'Ellis Island

« C'est par la mer que tout est arrivé. Par la mer, avec ces deux bateaux qui ont un jour accosté ici. Pour moi ils ne sont jamais repartis, c'est le vif de ma chair et de mon âme qu'ils ont éperonné avec leurs ancres et leurs grappins. Tout ce que je croyais acquis a été réduit en cendres. Dans quelques jours, j'en aurai fini avec cette île qui a dévoré ma vie. Fini avec cette île dont je suis le dernier gardien et le dernier prisonnier. Fini avec cette île, alors que je ne sais presque rien du reste du monde. Je n'emporte que deux valises et quelques pauvres meubles. Des malles de souvenirs. Ma vie. »



Ainsi commence le journal de John Mitchell, le 3 novembre 1954. le centre d'immigration d'Ellis Island, à cinq brasses de la statue de la Liberté, est sur le point de fermer définitivement ses portes. 12 millions de migrants y auront transité du premier janvier 1892 au 12 novembre 1954, en espérant fébrilement l'accès à cette Terre promise, Terre de tous les espoirs, de tous les possibles.



John, le narrateur, y aura passé quarante-cinq ans, de quoi remplir quelques pages. Comment quitter cette ile et refermer cette tranche de sa vie sans tenter de coucher sur le papier ses souvenirs, en particulier cette culpabilité qui le ronge et dont il aimerait tant pouvoir se libérer ? Un personnage intéressant ce John, faussement attachant, qui va se mettre à nu pour nous livrer sa guerre intérieure entre devoir et morale.



L'écriture de Gaëlle Josse est toujours aussi envoutante et enveloppante. C'est en visitant ce hall de triage humain, en regardant les photos de ces visages, qu'elle a ressenti le besoin de redonner vie à ces migrants, au quotidien de ce centre. Il y a de très beaux passages sur l'exil, la déchirure qu'il engendre, le courage de ces hommes, ces femmes, ces familles qui quittent tout vers l'espoir d'un nouveau départ, sur l'anxiété qui creuse les traits en attendant le verdict final. Bien sûr, ce récit est complétement fictif mais il suffit d'imaginer….



« Il faut imaginer la fragilité, la folle énergie, la détresse et la détermination de toutes celles, de tous ceux qui ont un jour accepté l'idée, pour fuir la misère ou la persécution, de tout perdre pour peut-être tout regagner, au prix d'une des plus terribles mutilations qui soient : la perte de sa terre, des siens, la négation de sa langue et parfois celle de son propre nom, l'oubli de ses rites et de ses chansons. » (Giòrgy Kovàcs)



P.S. Je remercie ma co-lectrice Siabelle de m'avoir accompagnée sur cette île.

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De vives voix

Une voix chantante. Basse. Saisie. Murmurée ou conviviale. Criarde. Douce ou bourrue. Fragile. Plate ou sifflante. Gutturale ou haut-perchée. Perdue parfois. Exotique. Celle qui zozote ou celle de notre enfance.

Une voix qui nous rappelle ce que l'on a aimé ou détesté, vécu ou été. Une voix qui émeut, qui agace, qui apaise, qui interroge. Celle qui s'apprivoise, qui s'improvise. La voix du tonnerre, de la raison. Voix multiples. Voix uniques.



Réflexions, souvenirs personnels, instants saisis ou volés, la voix est au cœur de cet objet littéraire inclassable. Gaëlle Josse, dans ces courts éclats de voix, donne à penser, à voir, à écouter. Chacune de ces voix comme témoin du monde qui entoure l'auteur. Des paragraphes comme autant de variations, harmoniques ou rythmiques. Des pensées intimes qui mettent en avant la voix, trop souvent oubliée. Un recueil pour le moins surprenant, sensible et intense.
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Les heures silencieuses

Magdalena Van Beyeren fut une jeune fille aimante, envers sa famille. Puis une femme amoureuse, de son mari. Mais celui-ci, après un accouchement qui a failli coûter la vie de son épouse, décide de la protéger en délaissant le lit conjugal.

Magdalena se confie à son journal intime...



Un court roman inspiré par un tableau où le personnage principal tourne le dos au peintre. C'est un peu comme si l'héroïne du roman se refusait à regarder la vie en face...

Ce n'est pourtant pas la tonalité du livre, une sorte d'autobiographie couchée sur un journal intime. Magdalena occulte peu de 20 années de sa vie, entre 16 et 36 ans. Seul le dénouement n'est pas totalement assumée par celle qui est devenue une femme mûre, écoutée par son époux mais affectivement délaissée...

Il faut saluer l'écriture de Gaëlle Josse, à la fois riche et facile à lire. Ce premier roman est une très belle réussite. Au point qu'on se prend à regretter que l'autrice n'ait pas broder un peu plus autour du destin de son personnage principal.




Lien : http://michelgiraud.unblog.f..
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La nuit des pères

Secrète rebelle, Isabelle

Court toujours après l'amour

D'un père en colère, distant

Un père cachant ses tourments

Partie très vite, le coeur lourd

Elle essaie d'éloigner tout

Les vifs chagrins de l'enfance

Les brisures ,le deuil terrible

Olivier son frère l'appelle

La maladie de l'oubli

Ronge le père aimé haï

Dans ce huis-clos tous les trois

Vont réapprendre la famille

Jaillissent enfin les émois

Ouvrant coeurs émiettés

La montagne refuge dernier



Coup de coeur pour cette histoire poignante, un retour aux sources des souffrances enfantines, face à cette montagne maudite, qui prend le père, absent des sentiments. Se sentir rejetée, transparente, quelle douleur! Un retour qui permettra pourtant la libération...



De son écriture toujours aussi délicate et poétique, Gaëlle Josse capte avec justesse les rapports complexes d'une famille écartelée, et de l'obscurité , timidement, naîtront des lueurs de vie, de la chaleur...A lire, assurément !









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Noces de neige

Nice, 9 mars 1881.



Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe, est sur le quai de la gare. Une certaine impatience même à quitter ces lieux, d'une villégiature de luxe. Les "exils" bourgeois de ses parents sur la côte d'Azur l'ennuient. Elle est une de ces beautés, celle des filles de bord de mer, mais son âme slave la ramène toujours vers la grandeur de son pays, sa vodka, son herbe à bison et ses promenades à cheval dans l'immensité de ses steppes.



Moscou, 8 mars 2012.



Irina, une de ces beautés des filles de l'Est qui se dévoile sur le papier glacé d'un magazine ou sur un site de rencontres pour ceux qui recherchent l'âme slave, avance timidement sur le quai. Une certaine appréhension l'envahit, comme une peur de l'inconnu. de Moscou à Nice, elle quitte tout pour Enzo, un de ces gars qui se réfugie derrière un pseudo pour rencontrer l'amour. Elle ne l'a jamais vu, ne lui a jamais parlé, mais le monde virtuel les a rapproché. Il aurait pu lui payer un billet d'avion, pourtant elle a préféré la lenteur du train, comme pour mieux respirer son attente et sentir le paysage défiler derrière la vitre du compartiment.



L'une quitte Nice pour rejoindre Moscou, la seconde prend le chemin inverse. Un siècle sépare ces deux âmes slaves, pourtant elles vont se retrouver dans ce même train. Des raisons différentes les habitent, pourtant leurs histoires y retrouvent un même écho, celui de la passion amoureuse - que moi je noierai de chagrin avec ma bouteille de vodka. C'est que l'amour sur un quai de gare a toujours su m'émouvoir, en silence, celui du vent qui s'engouffre sur le quai, espérant faire soulever les jupes de ces beautés aux sourires épanouis. Et toujours cette même angoisse, lorsque le train entre en gare, que la locomotive semble s'essouffler, les mains moites, le souffle court avant de poser un pied sur la marche du wagon pour descendre définitivement vers une autre vie.
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Le dernier gardien d'Ellis Island

217 critiques, je crois qu'il est donc inutile que je reprenne le résumé. Ce qu'il m'a déçu ce livre ! Non seulement je n'y ai pas retrouvé la plume de Gaëlle Josse, cette plume qui habituellement me transporte, mais l'auteure n'a pas été, selon moi, à la hauteur de ses prétentions. Faire d'un pan de l'Histoire l'ossature d'un roman est certes un projet très ambitieux, mais encore faut-il maitriser son sujet et en savoir plus que le commun des mortels dont je fais partie. C'est loin d'être le cas, car personnellement, je n'ai rien appris que je ne savais déjà sur Ellis Island. L'auteure survole bien allègrement le sujet, nous sert le "minimum syndical", et elle entend, avec ce peu de connaissances, mêler la petite histoire de ce dernier gardien d'Ellis Island à la Grande Histoire... Soit. On va dire que c'était pour "faire sérieux ", mais il ne faut quand- même pas prendre les lecteurs pour des ignares. Venons en donc à la petite histoire. Celle de monsieur Mitchell, ce personnage que je trouve proprement odieux, pour des raisons que bien évidemment je ne peux évoquer. Puisqu'il est question, sur la quatrième de couverture, de deux femmes qu'il "garde au creux de son coeur", force est de reconnaître qu'en ce qui concerne Liz, la première, le moins que l'on puisse dire est que Gaëlle Josse ne s'est pas tracassée. Elle s'est contentée de gratifier le lecteur de tout ce qu'il y a de plus simple, avec une issue pour le moins convenue... pour ce qui est de la deuxième, toujours en manque d'inspiration je présume, ne voilà t-il pas qu'elle me propose une histoire bien tirée par les cheveux, peu crédible et complètement abracadabrantesque, à laquelle elle ajoute, en plus, des touches fantastiques qui ne portent absolument rien de plus à cet ouvrage. Gaëlle Josse est une auteure que j'aime beaucoup, mais je crois qu'elle devrait se cantonner à sa sphère de connaissances. Il vaut mieux être moins ambitieux et faire bien, en tout cas du mieux qu'on peut, plutôt que de vouloir donner à ses écrits une dimension intellectuelle, lorsqu'on n'en n'a pas "la carrure" et qu'en plus on ne dupe personne.
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Une longue impatience

« Ce soir, Louis n’est pas rentré ».

Ce long cri de désespoir d’une maman aux abois me laisse sans voix et en larmes.





Gaëlle Josse est sûrement maman elle-même pour retranscrire avec cette délicatesse, cette troublante précision de ton, cette poésie chatoyante la peine immense d’une femme dont le fils est parti de la maison familiale après avoir été battu par son beau-père, homme pourtant « civilisé » et aimant.

Jeune veuve s’occupant de son petit Louis, elle avait accepté en toute confiance la proposition de mariage du pharmacien estimé du village breton, un ancien condisciple d’enfance. Celui-ci lui promettait d’accueillir son fils comme son propre enfant. Ce dont il s’est acquitté la première année...mais dès l’arrivée de sa propre progéniture, les choses ont changé, lentement mais sûrement, jusqu’à la scène fatale aux 15 ans de Louis.

Et depuis lors, elle attend, la pauvre femme. Elle espère, elle parle à son fils, lui envoie des lettres « aux bons soins de la Compagnie générale maritime », car il s’est embarqué et sillonne les mers au gré des bateaux commerciaux.

Elle se rend sur la grève, scrute l’horizon, pleure, tousse, s’écroule, se relève, chérit ses deux autres enfants, se donne à son mari et se reprend, se tait surtout.





Souvenirs, solitude.

Souvenirs poignants d’une enfance pas gâtée.

Gêne face au cynisme et à la jalousie des gens du village lors du mariage « en-dehors de sa classe ».

Amour infini pour ses enfants.

Immense cri d’amour pour un fils bien ingrat.

Retranchement en elle-même.

Déchirure. Destruction.

Solitude. Le malheur, ça ne se partage pas.





« Lorsque tu reviendras, mon fils, ce sera une fête ».

Et je me suis écroulée, sans voix et en larmes.





Merci Patricia, tu as choisi là, pour moi, un livre inoubliable.

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La nuit des pères

« Et devant tout c'qui nous sépare, sans plus rien qui répare,

Au nom de tout c'qui nous sépare, sans l'ombre d'un espoir… »



Comme à l'accoutumée l'écriture de Gaëlle Josse est magnifique de justesse et de densité bien que ce roman me laisse un sentiment de malaise, touchant de lucidité.

A mesure que les lignes se déchiffrent des images fortes se forment à tel point que j'ai beaucoup de difficultés à accepter et à comprendre l'animosité doublé d'indifférence qu'infligent un père à sa fille sous prétexte d'avoir vécu des évènements extrêmement douloureux dans sa jeunesse.

Cet homme s'est créé une carapace d'une telle épaisseur qu'aucun sentiment ne peut s'en extraire. Seuls exutoires possibles, ses longues marches en montagne et un cri de détresse la nuit.



Il y a son épouse bien sûr, une manière de sainte Éponge qui à la capacité d'absorber toutes les aspérités des cabossés.

« Maman, toujours à vouloir adoucir, apaiser ce qui pouvait l'être, et aussi ce qu'il ne pouvait pas l'être. Tu t'y es usée ma mère. »



Isabelle n'a pas les yeux bleus, des bleus à l'âme Isabelle a. Soudain quand elle est partie, j'ai vu qu'elle n'était plus là…

« Alors, je suis allé vers la vie, vers l'inconnu, j'ai cherché ailleurs les preuves de mon existence. »



Et puis l'heure des comptes arrive, le crépuscule avant la nuit, l'oubli sans scrupule tisse sa toile vers l'infini.

Il faut revenir, revoir le frère dévoué, proche mais éloigné, affronter le père oublié.

« Il faut beaucoup d'amour pour résister à toutes les érosions. »



La nuit d'un père doit-elle entrainer dans les ténèbres toute une famille et éteindre toute la gaité avec elle ?



« C'est un perpétuel jaillissement de beauté, ta montagne. Je comprends que tu l'aies tant aimée. Mais moi, c'est toi que j'aimais. »



Sacrifiez-vous, lisez ce roman, il ne vous en coutera point. Je pense même qu'il peut faire du bien.







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La nuit des pères

Un gros coup de coeur pour ce livre. Première fois que je lis un livre de cette autrice mais je pense que cela ne sera pas le dernier. Un livre fort en émotion, une écriture incisive, intense et rude comme cette montagne qui sert de paysage.

Isabelle reçoit un appel de son frère Olivier, il s'agit du père qui décline. Pour le moment rien de grave mais il s'enfonce peu à peu dans l'oubli et sa mémoire lui joue des tours. Isabelle a fuit très jeune la figure paternelle. Ce dernier lui avait dit "Tu ne seras jamais aimée de personne" ou "Tu vas rater ta vie" de quoi se sentir mal et ne plus avoir confiance en soi. Mais Olivier se montre convaincant. Isabelle va faire beaucoup d'effort pour affronter son père encore une fois. Elle a trop longtemps fuit et se doit d'aller une dernière fois (peut-être) à sa rencontre pour essayer d'apaiser les tensions.

J'ai beaucoup aimé la relation pere-filles et peu à peu on découvre une partie fragile du père qui peut expliquer son attitude. Le frère, Olivier, n'est pas en reste puisqu'à la fin de ce récit il narre son ressenti. Un petit bémol pour la mère qui est une personne aimante mais faible face à son mari et son ressenti n'est pas exprimé : dommage.

Cela reste tout de même un très bon roman terriblement humain. Je ne peux que vous le recommander.
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La nuit des pères

« La nuit des pères » est ma seconde rencontre avec Gaëlle Josse après mon coup de coeur pour « Une longue impatience ». C'est avec une écriture délicate, pleine de sensibilité que l'auteure nous plonge dans l'intimité d'un foyer, marqué par la dureté d'un père taiseux et coléreux.



« Tu ne seras jamais aimée de personne.

Tu m'as dit ça, un jour, mon père.

Tu vas rater ta vie.

Tu m'as dit ça, aussi.

De toutes mes forces, j'ai voulu faire mentir ta malédiction. »



Chacun porte au plus profond de son coeur des blessures invisibles qui peinent à guérir, des cicatrices indélébiles qui peinent à se dissimuler.



Pour se protéger, Isabelle s'est détournée de ce père irascible, dont les mots, effilés et tranchants comme des lames de rasoir, ont meurtri la petite fille en recherche d'amour qu'elle était.



"C'était ça ou mourir étouffée, enterrée vivante sous tes emportements, cernée de montagne, loin du monde que je désirais tant découvrir."



Son père était passionné par la montagne, elle a décidé de vouer sa vie à l'océan.

La montagne est à l'image de ce père, terrible, sombre, inaccessible, écrasante.

L'océan est à l'image d'Isabelle, indomptable mais fragile.



*

Le récit débute lorsque son frère, Olivier, l'appelle pour lui demander de venir auprès de son père dont les problèmes de santé s'aggravent.

"Ce serait bien que tu viennes, depuis le temps. Il faut qu'on parle de papa."



Elle promet.

Comme elle aimerait revenir sur sa parole, oublier cet appel, tellement cette rencontre l'angoisse, la terrorise, mais une promesse est une promesse ! Et puis, de toute façon, elle ne peut continuer à souffrir de cette absence, de ces silences si violents, de ce sentiment de transparence, de ce vide qui l'habite depuis sa tendre enfance.



Face à ce père qui ne la voyait pas, elle s'est affermie, révoltée, endurcie, devenant dure comme une statue de pierre.

Mais cette froideur apparente ne peut cacher les fêlures intimes.

Depuis trop longtemps, elle souffre, ressassant de sombres pensées.

Depuis trop longtemps, elle se dérobe.



« … un jour ou l'autre, il faut bien arrêter de fuir. »



Alors, elle décide de faire volte-face et de partir à la rencontre de ce père haï, aimé, craint, fui.



« On ne sait rien des autres, accepte-le… »



*

« La nuit des pères » est un huis-clos dont les mots explosent, irradient de douleur. Des mots pour exprimer également que l'essentiel d'une personne demeure invisible aux yeux d'autrui, que presque tout se passe à l'intérieur. Parfois, un regard, même furtif, peut en dire long sur l'autre. On peut y lire une souffrance, une grande solitude, un appel à l'aide. C'est ce que j'ai vu dans le regard de ce père.



J'ai été touchée par cet amour qui était là, tapi, enfoui et qui ne demandait qu'à s'exprimer, mais qui n'arrivait pas à s'extérioriser par des paroles et des gestes. Gaëlle Josse parvient à décrire l'intime, les manques, les peurs, la lassitude, le remord, la tendresse et surtout la difficulté de se construire ou de se reconstruire.



« Ton père a une épine dans le coeur, Isabelle, ça l'empêche de vivre et ça le rend invivable, c'est tout. Il y a eu de la bonté en lui, j'en suis certain. Un jour tu feras la paix. Voilà ce que Vincent m'avait dit un jour sur toi. Il ne parvient pas à traverser sa propre nuit, avait-il ajouté. »



*

La maladie, la séparation, la tristesse, la mort et le deuil sont des thèmes difficiles à aborder, et l'auteure a réussi à dresser des portraits attachants sans jamais tomber dans le pathos.



« … nous le savons tous les deux que ça ne veut rien dire, faire son deuil, que c'est une expression pour les magazines, on continue à marcher avec nos morts sur les épaules, avec nos ombres, et rien d'autre. Nous le savons que, chaque matin, il faut se rassembler, se lever, se mettre en marche, quoi qu'il en coûte. Que la douleur est un archipel dont on n'a jamais fini d'explorer les passes et les courants. Qu'elle est inépuisable. Lente, féroce et patiente comme un fauve. »





La souffrance de cette petite fille est palpable. Il y a les silences, le manque d'amour et d'affection, les regards, et par dessus tout, la violence des mots qui jaillissent, fulgurants, acérés, destructeurs. Néanmoins, j'ai trouvé que l'auteure se murait dans des souvenirs d'enfance qui induisaient des émotions redondantes.



Du coup, il m'a manqué également plus de profondeur dans l'analyse des sentiments, des états d'âme.

En effet, dans ce récit, on a surtout le regard blessé d'Isabelle.

La voix du frère se fait entendre, mais il nous tait ses souffrances intimes, le climat familial pesant, ainsi que sa propre relation avec son père.

La voix de la mère, conciliante, douce qui cherche à temporiser, à apaiser à sa manière parait presque inexistante. J'aurais aimé mieux ressentir ces sentiments et ses émotions face à ces crises.



« La patience de maman, toujours interposée entre nous et toi, maman tampon, maman buvard, maman bloc de mousse. »



La narration de ce père meurtri est un beau passage, mais puisque tout tourne autour lui, j'aurais aimé mieux comprendre à travers sa voix ce qu'il ressentait vis à vis de sa famille, de sa vie, de son passé. J'aurais aimé qu'il me parle de son besoin de partir seul en montagne, qu'il s'exprime davantage quant à son comportement à l'égard de ses enfants, de sa femme.



*

Pour conclure, « La nuit des pères » est un roman sensible, touchant, écrit d'une jolie plume poétique.

L'auteur dessine de jolis portraits qui se dévoilent lentement par l'évocation de souvenirs souvent conflictuels et douloureux. Mais une alternance des points de vue de chaque membre de la famille aurait peut-être permis d'éviter les répétitions.

Ce n'est bien sûr que mon avis, et j'espère que l'auteure ne m'en voudra pas pour ma sincérité. Je vous engage à lire les autres critiques qui sont excellentes et surtout à découvrir par vous-même ce court roman pour vous faire votre propre avis.
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Les heures silencieuses

Un tableau. Celui d'Emanuel de Witte, peintre de l'âge d'or néerlandais, ce 17e qui a vu tant de grands noms dans la peinture néerlandaise. Ce tableau s'intitule "Intérieur avec une femme au virginal". Il peut être vu à Rotterdam.

Au premier plan, une chambre, une femme joue de dos sur un petit clavecin. Au second plan, la porte nous permet d'entrevoir une entrée et une autre pièce plus loin, pièce qu'une servante nettoie.

Cette femme dont on ne voit le dos est surprenante. D'habitude les notables demandaient leur portrait en pied, en buste.... Une vue de dos... Concentrée sur son instrument de musique. N'est-ce pas étrange ?

.

Gaelle Josse décide d'imaginer cette femme, sa vie, qu'elle retrace via un journal intime.

Nous sommes à Delft (ville vraiment très jolie) au 17e. Magda nous laisse partager son quotidien. Elle se remémore sa jeunesse, l'amour qu'elle porte à son père puis à son mari. Elle partage avec nous ses grossesses, la douleur des enfants morts, l'inquiétude autour de ses enfants vivants. Et surtout la joie qu'elle a à jouer de la musique.

.

De Gaelle Josse je n'avais lu qu' "une si longue impatience". Je retrouve ici le même style sensible et délicat. Tout en douceur, en petites touches délicates, nous découvrons la vie de Magda.

Mais ici j'ai trouvé le texte trop court, vraiment trop court. J'ai aimé Madga et je regrette déjà qu'en si peu de temps le livre soit fini. J'aurais aimé rester encore un peu avec elle, au 17e, à Delft, à l'écouter jouer....
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Ce matin-là

C'est la voiture, ce matin-là, qui donne un coup de pouce au destin, elle ne démarre pas. Clara craque, sans savoir pourquoi. En sanglots, elle s'affaisse, tombe, chute dans ce gouffre. Quelqu'un vient de tirer un rideau opaque sur sa vie, c'est l'effondrement. Incapable du moindre mouvement, du moindre appel à l'aide, sa seule certitude est qu'elle ne retournera pas travailler. le murmure d'un affaissement.



Il y a les médecins à qui Clara doit expliquer, la famille et les amis qui ne comprennent pas, Clara est une battante, une guerrière, une solide.



Clara, elle, voudrait juste pouvoir respirer sans blocage à mi-parcours avec la sensation d'avoir un fil barbelé sous les côtes. Elle n'arrive plus à dire les mots du quotidien, elle a perdu la notion de temps et d'espace. Il y a les bouffées d'angoisse, les réveils soudains avec la sueur qui lui glace la peau, lui serre le cou.



Armée d'un arrêt de travail à durée indéterminée, bourrée d'anxiolytiques dans un premier temps, Clara doit trouver le psy qui pourra l'aider, celui avec qui elle peut avancer.



Son amoureux la quitte, il ne la reconnaît pas, Clara est devenue une île hérissée de rochers, on n'y aborde pas sans dommage.



Il y a le retour dans le passé, proche dans un premier temps et Clara se souvient de cette grande lassitude qui l'avait envahie, ce ressort détendu et cette petite voix qui lui disait : ça va passer.



L'avc de son père, plus lointain, avec une mère sidérée, et l'obligation pour elle de tout gérer et de changer ses choix de vie pour rester auprès d'eux.



L'accident avec son frère et la maladresse de son père qui décidera de l'avenir de cette famille, puis plus loin les retours dans l'enfance où l'on occulte ce qui fait mal.



Son lit reste un refuge même si Clara s'oblige à sortir un peu.



De temps en temps, Clara aperçoit cette lumière qui danse et vers qui elle aimerait aller. Chaque tentative de remontée est accompagnée d'une rechute. Clara s'accroche. Sa meilleure amie l'invite à la campagne. Elle se dit qu'il y a des êtres, comme, ça, qui ont ce talent, ce don d'éclairer, d'alléger la vie de ceux qui le côtoient, son amie fait partie de ces gens-là.



Une parenthèse, une pause qui facilite l'introspection et Clara observe. Elle aurait envie de retrouver une nuit entière, sans sursauts dans le sommeil, sans pensées qui harcèlent, sans paniques soudaines, une nuit amie. Elle a envie de rentrer chez elle, première envie depuis bien longtemps.



Clara ne lâche rien. de mieux en moins bien, elle revient à la vie et nous offre ce message d'espoir qu'il existe cette rive quelque part. Impression fragile mais têtue.



Avec le temps.



À ceux qui tombent, écrit l'auteure. Merci.
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Ce matin-là

Le récit commence avec un premier choc : le père de Clara fait un AVC et elle est obligée de gérer l’appel aux urgences, l’ambulance, les papiers car sa mère est sidérée, au sens médical du terme, scotchée sur place.



Un matin, quelques années plus tard, la voiture de Clara refuse de démarrer. Elle s’était pourtant levée, bien maquillée, tenue choisie avec soin comme tous les matins. Au bout de plusieurs tentatives, il faut bien se rendre à l’évidence, elle ne démarrera pas. C’est le petit grain qui vient se coincer et l’engrenage se met à partir à vau-l’eau.



Notre « marchande d’argent », comme elle se plaît à présenter son travail, hyperactive, qui multipliait les rendez-vous dans une société où la cheffe en demande toujours plus et n’hésite pas à lui adresser des « petites phrases assassines », quand il n’y a pas de témoin, va s’écrouler. Le burn-out l’a frappée sans crier gare, un coup de poignard dans le dos…



En fait le harcèlement au travail avait déjà bien fait son travail, et c’est souvent une pichenette qui provoque l’écroulement.



Elle est incapable, de sortir de son lit, l’appétit est parti, le sommeil devenu anarchique, plus rien ne l’intéresse, tout lui coûte, même faire un pas devant l’autre. Son amoureux, décontenancé, préfère prendre ses distances – si jamais c’était contagieux, n’est-ce pas – et la seule phrase qu’elle entend désormais c’est « secoue-toi » ou sa variante « remue-toi ».



La famille ne se comporte guère mieux, mais il y a eu de nombreux non-dits, pas de complicité affective avec son frère aîné, un artiste que le père méprise, une mère qui, un jour, a abandonné le domicile conjugal pour revenir trois mois plus tard (on avait envoyé Clara chez ses grands-parents) mais on ne saura jamais vraiment ce qui s’est passé.



Clara est la préférée de son père, et elle a mis la barre très haut ; pour se différencier de son frère, il fallait faire des études brillantes, un poste non moins brillant pour que papa soit fier, mais était-ce le bon choix ?



En tout cas, il faut tenter d’avancer, se prendre en mains, se reconstruire… arrêt de travail, médicaments, psychiatre…



La culpabilité, liée au fait de se sentir inutile, improductive, est bien analysée, l’exploration des causes, notamment des relations intrafamiliales, moins bien explorée.



Ah ! l’horrible phrase « Secoue-toi » ! comme si on ne s’était pas déjà auto-secouée, tout seul devant sa glace...



« Secoue-toi. C’est ce que lui dit Laetitia, gentiment, comme s’il s’agissait de se lever, de s’agiter comme un cocktail dans un shaker. »



Autre phrase qui tue : « Tu as tout pour être heureuse » (sous-entendu, alors ferme-là) bien culpabilisante ; c’est sûr, les enfants qui meurent de faim, c’est pire, mais quand on est usée, ce n’est pas le genre d’argument que peut faire avancer les choses.



J’ai bien aimé, dans ce roman de Gaëlle Josse, la description de la plongée dans le puits sans fond du burn-out, tout est bien analysé, cela sent le vécu en fait, et toutes les personnes qui sont passées par là se reconnaîtront. Par exemple, le perfectionnisme, l’exigence envers soi-même qui font qu’on avance, sans prendre le temps de prendre soin de soi, dopé à l’adrénaline ou autre. On s’en rend compte quand on est dans le trou.



Gaëlle Josse, évoque, non sans une pointe d’humour, les vertus du canapé, ans lequel Clara s’enfonce en regardant les séries télévisées, qu’elle regarde en continu, une bonne manière de mettre, inconsciemment son cerveau sur pause. On ne dira jamais assez les vertus thérapeutiques de certains programmes télévisés quand on est en bout de course, avec toute la culpabilité et parfois même une certaine honte, « moi, l’intello, comment j’ai pu en arriver là ».



Les termes sont très bien choisis, très adaptés à ce que vit l’héroïne, qui n’est pas (ou du moins pas longtemps) dans la victimisation :



« Ensablée. Elle se dit que oui, c’est ça, elle se sent ensablée, engluée, et il va bien falloir s’en sortir. »



Par contre, je trouve que la partie reconstruction est moins bien explorée que le burn-out lui-même. Je n’ai pas été totalement convaincue par la manière dont Clara a fait ses choix pour changer de vie. L’auteure aurait pu creuser davantage. Bien-sûr, « ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort » comme le disait si bien Nietzsche ou, tout au moins, différent.



Ce roman est bien écrit, comme toujours avec Gaëlle Josse, les mots sonnent juste, les phrases sont courtes, parfois lapidaires, mais il a manqué un petit « quelque chose » pour que je l’apprécie totalement, comme cela avait été le cas pour « Une longue impatience » par exemple. Mais, il faut reconnaître qu’il n’est pas toujours facile d’aborder le sujet de la dépression.



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Notablia Noir sur Blanc, qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteure que j’apprécie beaucoup.



#Cematinlà #NetGalleyFrance
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Ce matin-là

Ce matin-là, c'est la chute; le livre est d'ailleurs dédié à tous ceux qui tombent.



Si , comme certain(e)s d'entre nous, vous avez déjà vécu la dépression, celle qui ronge, vide, malmène, alors vous vous reconnaîtrez en Clara, trentenaire surmenée par un travail qu'elle n'a jamais aimé. Soudain , elle s'affaisse. " Clara la vaillante, vacillante". Celle qui a renoncé à ses rêves, douze ans auparavant. Et qui le paie maintenant. Brutalement.



Gaëlle Josse sait comme personne décrire toutes les phases par lesquelles passe Clara: anéantissement, dégoût, angoisse, solitude, souvenirs qui torturent... de son écriture fine, sensible, épurée, elle nous fait percevoir la complexité de cette maladie, et les diverses réactions des proches. Entre les " Remue-toi", les " Tu as pourtant tout pour être heureuse", la gêne, l'agacement, l'incompréhension, Clara finit par se taire, elle se terre, " elle voudrait s'inventer une grotte où elle pourrait s'enfouir" . Comment expliquer l'indicible?



Heureusement, il y a une lueur, un espoir, venus de Cécile, son amie d'enfance chez qui elle se réfugie . La chaleur d'une amitié indéfectible. Timidement, elle pense à réinventer sa vie.



La chute, oui, mais pour une nécessaire renaissance... Un roman tout en nuances, au style toujours aussi magnifique, n'oublions pas que l'auteure est venue en littérature d'abord par la poésie. Un roman émouvant, au regard juste. A lire! Tu avais raison, Idil!
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Les heures silencieuses

Gaëlle Josse va imaginer à partir d'un tableau d'Emmanuel de Witte, où l'on voit une femme de dos jouant du clavecin dans un intérieur riche, l'histoire de cette femme qu'elle va appeler Magdalena van beyeren. Ce récit va reposer sur les aveux de cette femme qu'elle va déposer dans son journal et nous confier alors son histoire. Cette histoire de vie nous parle de secrets, de relations complexes qui peuvent exister au sein des différents membres d'une famille, des sentiments d'amour mais aussi parfois de jalousie.

Cette introspection de l'âme amène à s'interroger sur la façon d'aimer et d'être aimé, sur le désir mais aussi sur les désirs interdits.

La plume délicate pleine de pudeur de Gaëlle Josse nous offre un moment suspendu, une petite bulle dans laquelle nous nous réfugions avec beaucoup de plaisir.

Il me reste maintenant à découvrir un peu plus Emmanuel de Witte.
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Les heures silencieuses

" Je m'appelle Magdalena Van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis Van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père. "



Ainsi commence ce court roman intimiste et donc le journal de Magdalena, 36 ans, le 12 décembre 1667 en plein siècle d'or néerlandais, période de grande prospérité commerciale. Épouse accomplie et mère de nombreux enfants, dont certains n'ont pas vécu, elle décide de "mettre de l'ordre dans son coeur, et un peu de paix dans son âme, à se souvenir de joies passées et à accueillir ses peines."

19 courtes journées-chapitres jusqu'au 16 décembre 1667 sont le prétexte à glaner et écouter les confessions douces-amères d'une femme, bourgeoise éduquée du XVIIème siècle, parvenue à un tournant de sa vie. Avec pudeur et une grande lucidité, elle égrène déceptions, joies, souvenirs et réflexions personnelles, tout en s'interrogeant sur le développement du commerce maritime, l'esclavage et la place d'une femme dans la société de son époque.

Il s'en dégage un beau portrait de femme, sensible et désabusée, malheureusement désabusée devrais-je écrire, tant il est difficile pour Magdalena d'avoir eu à renoncer à prendre la succession de son père à une époque où il était impensable qu'une femme occupe une telle fonction quand bien même elle en aurait été capable. Elle se trouve donc naturellement confinée à l'intérieur de son foyer, tandis que son mari s'épanouit à l'extérieur. Nul doute que la musique et la rédaction de son journal, aux heures silencieuses de la maison, lui permettent de s'évader et de libérer ses rêves et désirs inassouvis.



En découvrant le quotidien et les pensées de Magdalena, le tableau Intérieur avec femme à l'épinette d'Emmanuel De Witte qui est le point de départ du roman et bien sûr du journal, prend tout son sens. Reproduit en couverture du livre, il donne à voir un intérieur bourgeois cossu mais austère, une femme de dos assise à son épinette, le tout dans les tonalités chaudes de la peinture du XVIIème siècle hollandais, qui n'est pas sans rappeler bien sûr les oeuvres de Vermeer.

Mais pourquoi donc avoir représenté une femme de dos, au milieu d'un intérieur relativement dépouillé ?

"À ne plus être désirée, ai-je encore un visage ?", répond finalement Magdalena qui a choisi d'être représentée ainsi. En lui donnant vie, Gaëlle Josse répond à sa façon, avec poésie, finesse et sincérité à cette question, et lui donne progressivement le visage d'une femme résignée malgré elle, prisonnière de sa condition et de son siècle, mais palpitante de vie.



Une interprétation réussie d'un tableau ancien donc, dont je déplore juste qu'elle soit si courte, mais rien n'interdit une suite, peut-être, un jour...
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À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fui..

Microfictions…

C’est ainsi que Gaëlle Josse a intitulé ces très courtes nouvelles qui courent sur 215 pages.

Généralement 2 à 3 pages par nouvelle, parfois une dizaine tout au plus.

L’art de la concision poussé à l’extrême.

Comme des poèmes, en quelques mots soigneusement choisis, tout est dit.

Les portraits brossés avec sensibilité et exactitude accrochent le lecteur, qui immédiatement s’attache, s’identifie, rêve, part dans un ailleurs.

Je suis entrée à chaque fois par effraction dans la vie de chacun des personnages, j’ai volé quelques pensées, les ai attrapées d’un geste rapide, puis les ai relâchées pour les admirer s’envoler en de brefs coups d’ailes. Je me suis glissée en silence derrière eux, je les ai observés regarder par la fenêtre à la nuit tombée, égarés dans leurs pensées.

Tout est poésie dans ces pages, dans le regard tendre et bienveillant posé sur tous les personnages qu’ils soient enfants ou âgés, masculins ou féminins.



En guise de transition entre chaque histoire ; quelques mots, une courte phrase, pensée, poésie.

« la nuit pont suspendu entre deux rives de mémoire, » (p.198)



J’ai été séduite par cette subtilité, ces instantanés de vie, j’aurais souhaité tourner d’autres pages pour plonger encore et encore, me balancer sur le fil du somnambule qui tangue entre fantasmagorie et réalité.

De Gaëlle Josse, je n’avais lu que La nuit des pères qui m’avait déplu, je suis ravie d’avoir persévéré avec cette autrice.

NB : Le format petit livre est très pratique, il se glisse facilement dans un sac, et hop une microfiction lue en faisant la queue à la boulangerie ! donc vous n’avez pas l’argument « Mais, c’est un pavé ! » pour ne pas le lire. Imaginez un peu, vous allez être content de voir une file d’attente devant vous chez le dentiste ou aux caisses des magasins ; une opportunité en or pour découvrir de nouvelles microfictions-pépites !

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