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Critiques de Gaëlle Josse (1934)
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Une longue impatience

Une longue impatience est le genre de livre qui me fait penser que ceux qui ne lisent pas ne savent pas ce qu'ils perdent, et que c'est vraiment dommage pour eux.

Ils passent à côté de tant de choses ! De tant de possibilités, de tant de découvertes et de tant d'émotions !

En lisant ce roman, j'ai changé de lieu et d'époque. Je suis partie en voyage en Bretagne au lendemain de la seconde guerre mondiale.

J'ai partagé des vies.

J'ai vibré sous le coup d'émotions fortes, intenses, puissantes, que Gaëlle Josse a su faire naître à travers les lignes de son livre.

En magicienne, elle sait, comme peu d'écrivains, exprimer beaucoup avec peu de mots et une écriture limpide, cristalline. Une écriture dépouillée qui me fait penser à ce que disait Chopin à propos de ses compositions : "Dans un dernier effort, j'efface jusqu'à la trace de l'effort."

Gaëlle Josse nous offre un texte épuré et simple. Faussement simple, parce que cette simplicité apparente cache une richesse et une puissance inouïes.

J'ai vécu avec Anne tout au long du roman, j'ai vécu ce qu'elle a vécu, j'ai ressenti au plus profond de moi ce qu'elle ressentait, la palette d'émotions qui s'enchaînent et s'entremêlent tout au long de l'histoire : la tristesse, la douleur, le déchirement, l'angoisse, la peur, l'espoir, et par-dessus-tout, l'amour.

Cette longue impatience, c'est l'attente d'une mère qui ne renoncera jamais à son enfant.

Gaëlle Josse a su exprimer l'inexprimable : l'amour maternel inconditionnel, absolu, infini. Bouleversant.

Merci, merci !
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Le dernier gardien d'Ellis Island

Ce court roman écrit comme le journal intime de John Mitchell, celui qui aurait pu être le dernier gardien du site, nous fait approcher une réalité terrible, par petites touches sensibles et sobres posées par un homme décrit comme un petit fonctionnaire discret.



De quoi est fait un pays finalement ? Les Etats-Unis, comme pas mal de pays d’ailleurs…par apports successifs de population, et forcément dans la douleur…



Ce narrateur nous raconte le quotidien sordide de la troisième classe des « bateaux bétaillères » en partance pour l’Amérique. Il évoque les formalités administratives impitoyables, presque humiliantes, les séances de tri et de sélection des migrants, dans des locaux peu confortables. Il évoque aussi tout ce qu’ils ont fui. Il raconte le déracinement, la crainte de la perte d’identité, la vie dans cette sorte de "camp de réfugiés" à 3 km au large de la grande ville, où les migrants pouvaient séjourner un certain temps, sous l’œil impassible de Miss Liberty.



John Mitchell évoque aussi ses amours tragiques, sa femme Liz, et Nella, l’immigrante italienne.

Des personnages comme l’anarchiste italien, l’écrivain hongrois démontrent qu’il y a un monde entre version officielle et qualité intrinsèque d’un être humain, que cela rend la tâche de veille aux frontières et de protection du pays un peu surréaliste.



Le choix d’un livre n’est jamais anodin…

Je ne me souviens plus qui a mis sur mon chemin ce livre qui a rencontré ma mémoire de voyageuse... Il y a deux ans, Peter, un « Big Apple greeter » passionnant me racontait en face de l'océan à Battery Park, ses parents émigrés polonais inscrits sur le registre à Ellis Island, devenu musée de l'immigration...



Derrière les faits historiques, il y a des êtres humains, c’est ce qu’on se disait un jour avec Latina et Foxfire et d’autres encore au cours d’une conversation, sur Babelio, à propos d’un autre livre.



Parfois la fiction parle mieux de la réalité que les livres d'histoire....c'est encore le cas avec ce roman.





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Une femme en contre-jour

"Entrer dans une vie, c'est brasser les ténèbres, déranger des ombres, convoquer des fantômes".

Si j'ai mis en exergue cette citation de Gaëlle Josse c'est qu'elle résume assez bien la problématique de l'auteure lorsqu'elle écrivit cette biographie de la photographe de rue VIvian Maier dont le talent fut miraculeusement découvert par John Maloof au début des années 2000. C'est grâce à la curiosité et l'acharnement de ce dernier que fut portée à la connaissance du grand public les milliers de clichés qui étaient jusque là entassés dans des cartons...

Destinée hors du commun que celle de cette femme : sous les feux de la rampe à titre posthume, elle mena par ailleurs, dans "l'effacement" le plus complet, une existence anonyme et douloureuse.

La scène inaugurale de l'essai résume bien à elle seule ce que fut la vie de Vivian Maier. Gaëlle Josse nous donne à voir dans ce passage très visuel, une vieille femme, seule, assise sur un banc devant le lac Michigan à Chicago. Un beau cliché en noir et blanc... Nous tenons là les deux clés de l'existence de Vivian Maier : solitude et passion pour la photographie.

Avec un talent de conteuse qui ne se dément pas tout au long du récit, l'auteure nous emmène sur les chemins de vie de celle qui fut "un regard sur le monde". Mais avant de trouver sa voie et ce qui donna un sens à sa vie , que d'errances, d'absences et de manques de liens a-t-elle dû affronter. Une enfance dévastée, aux côtés d'un père violent et d'une mère complètement instable, tous deux enfants d'immigrants aux Etats-Unis. Une adolescence livrée à elle-même auprès de sa mère et de son frère schizophrène, elle ne trouvera de réconfort qu'auprès de ses deux grands-mères et devra très vite gagner sa vie.

C'est là que vont commencer ses déambulations photographiques dans New-York avec un modeste Kodack. Bientôt "sa vie avance entre deux pôles le plus souvent emmêlés, son métier de gouvernante de jeunes enfants à domicile et ses déambulations photographiques". Cette "carrière" de photographe de rue connaîtra son apogée lorsqu'elle devra quitter le foyer des Gensburg au service desquels elle resta dix-sept ans. Sans doute la période la plus stable de sa vie et celle où elle tissa des liens suffisamment forts pour que les trois fils Gensburg prennent soin d'elle lorsqu'elle tombera dans l'extrême pauvreté.

La suite de son existence ressemble un peu à une descente aux enfers et Gaëlle Josse aborde cette période avec tact en nous renvoyant à une séries de questionnement relatifs à l'équilibre mental de Vivian Maier, peut-être rattrapée, à cette époque par la lourde hérédité familiale sur le plan psychologique... Ce qui demeure et ce que défend l'auteure avec beaucoup d'empathie et de chaleur c'est le talent de Vivian Maier fait d'une ouverture sur le monde, d'un sens aigu de la rencontre et du moment à saisir, ainsi que d'une poignante humanité, celle qui montre sans voyeurisme l'abandon et la pauvreté.

Les dernières pages de l'essai sont très belles et émouvantes car l'auteure élargissant son propos, rend aussi un vibrant hommage à toutes celles et tous ceux qui vécurent leur art jusqu'à la mort et parfois la folie, dans le dénuement et l'abandon le plus complet...

PS Si vous êtes touché(e) par la destinée hors pair de cette femme et par son talent, allez faire un tour sur le site créé par John Maloof www.vivianmaier.com
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Les heures silencieuses

C'est au cours du dernier club-lecture auquel j'appartiens que l'on m'avait vivement recommandé la lecture de cet ouvrage et j'en remercie d'ailleurs les personnes qui m'y ont encouragé car ce livre est un vrai petit bijou.



Magdalena Van Beyeren est la femme que l'on voit représentée de dos sur le tableau ornant la couverture de cet ouvrage. Ainsi débute la lecture de ce livre. Au fil des pages, cette mère de cinq enfants, épouse d'un ancien marin et aujourd'hui administrateur de la compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft puisque ce dernier à pris la succession de son père à elle, qui s'est toujours désolé de n'avoir eu que des filles et aucun fils pour prendre la relève de sa fructueuse affaire.

Dans cet ouvrage, Magdalena, plus couramment appelée Magda, se livre au lecteur à coeur ouvert à travers son journal. Elle nous y raconte son enfance, sa rencontre avec celui qui allait devenir son mari, nous présente ses cinq enfants en s'attardant bien sur le caractère bien particulier de chacun d'entre eux, son désespoir quant à ceux qu'elle a eu mais qui sont morts très jeunes, son investigation dans les affaires marchandes de son père d'abord puis de son mari et son mal-être lorsqu'arrive le soir.

Tout cela nous est dévoilé, à nous, lecteurs comme si nous étions les seuls à pouvoir comprendre ce qu'a été et ce qu'est sa vie et à la décharger d'un terrible fardeau. Elle ressent le besoin de se confier, ce qu'elle fait ici et le lecteur reçoit cela comme une offrande.



Constitué de chapitres très courts, toujours amorcés par la date du jour (cela se déroule à la fin de l'année 1667), le lecteur se laisse vite entraîné dans sa lecture et ne se lasse pas, tant celle-ci est agréable à lire et s'écoule de la manière la plus naturelle qui soit.

L'auteure en profite pour nous rappeler quelques notion socio-économiques et politiques de l'époque mais cela ne fait que donner un peu plus un sentiment de réalisme à l'histoire qui nous est narrée.



Un ouvrage qui se lit en un rien de temps. Une merveille, à découvrir !
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Vivian Maier

Un format original, celui d'un quotidien, pour ce portrait artistique de Vivian Maier. Ce n'est pas une biographie de la photographe, mais plutôt une illustration textuelle des thèmes qu'elle a choisi de traiter, tels qu'on peut les reconstituer a posteriori, sans pouvoir lui demander son avis puisqu'elle n'a été découverte qu'après son décès...



Exerçant la profession de nurse, Vivian Maier a beaucoup photographié les enfants dans la ville, mais également les adultes, leurs vies et leurs gestuelles.

Ayant la chance de travailler pour des familles très aisées, elle a pu voyager, rapportant de magnifiques vues de France, d'Europe et d'Asie.



Mais Vivian Maier a également développé une véritable démarche artistique autour des miroirs, des reflets et des ombres, qu'elle a notamment utilisée pour ses autoportraits.

De nombreux clichés montrent que la photographe s'intéressait au mouvement. C'est donc naturellement qu'elle s'est approprié la caméra 8mm, nous léguant de nombreux films. Une modernité que l'on retrouve également dans ses photographies couleurs dès les années 1970.



Bref, plus que le catalogue complet de l'exposition, au prix élevé, ce petit journal vendu 6€ est un excellent complément à la visite de l'exposition.



Gaëlle Josse est romancière. Anne Morin est historienne de la photographie.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Ce matin-là

Un livre sensible , sonnant au plus juste… décrit avec finesse… le burn-out d’une jeune cadre dynamique, Clara; Après l’effondrement de notre » anti-héroïne « les portes de l’espoir s’ouvrent timidement et une RECONSTRUCTION pointe à l’horizon!



« Son regard erre sans se fixer, et elle ne parvient plus à entrer dans la ronde, à dire les mots du quotidien, les mots prudents, comme des passerelles tendues au-dessus des rapides. Cette impression d'avoir perdu le lieu, l'axe, le repère, la maison intérieure, de n'être qu'une plume, une feuille malmenée par le vent.



Certains matins, comme ça.” (p. 65)



J’essaierai d’être brève, pour une fois , au vu de l’abondance justifiée des critiques… (***Plus d’une centaine)



Ayant vécu il y a de nombreuses années un « affaissement brusque et sidéral », après des années de suractivité professionnelle et trop peu de sommeil, j’ai dû reconnaître un épuisement généralisé .



Un burn-out [ dans les années 90, le mot n’existait pas ou était très peu présent dans le vocabulaire quotidien]…. Mais c’était bien cela. Je trouve la description de cet état , excellemment décrit par Joëlle Josse… Un style toujours élégant, fluide…léger, poétique …pour décrire la descente aux enfers, dans un no man’land…indéfini, où il n’y a plus ni volonté ni envie d’agir, de bouger… Chaque geste demande un effort disproportionné… où l’autre, les autres se sentent étrangers, impuissants ou paniqués…Le vide se fait donc autour de la personne fragilisée…



Dans l’histoire du personnage féminin décrit dans cette fiction,on ne peut pas s’empêcher de songer à l’évènement-bourrasque à l'aube de ses 20 ans, alors qu’elle se prépare à commencer sa vie, en partant à l’étranger pour enseigner le français : son « rêve » ! . Son père est foudroyé par un AVC et voyant le désespoir et désarroi absolus da sa mère. Elle renonce et annule son départ… pour rester auprès d’eux, son frère aîné ne se pressant pas pour lui apporter son aide…



Si elle avait pu partir réaliser ses projets premiers est-ce qu’elle aurait choisi ce métier particulier de « vendre de l’argent » , est-ce que son existence aurait connu une pareille « chute ??

« …Promotion, pressions, rentabilité, harcèlements sournois pour toujours plus de résultats… Jamais de fin, et la souffrance au travail démarrant, s’infiltre progressivement…jusqu’à épuiser et dévorer de l’intérieur cette trentenaire énergique et ambitieuse...



D’un côté, un métier valorisant, tourné vers les autres, l’autre, « cannibale « des fragilités, et des précarités financières des personnes, comme ce prêt demandé par des retraités modestes pour gâter leurs petits-enfants…qui préfèrent rendre visite aux autres grands-parents, plus argentés…Notre conseillère financière , à cet einième demande de prêt » ouvre les yeux, a de plus en plus de mal « avec la morale » ou plutôt « la non-morale » de son job…. Le contenu de ces deux métiers sont simplement aux antipodes… »humains » et en termes "d’idéal » , de valorisation personnelle…



Notre « anti-héroïne » perdra son « petit ami »… dépassé par les évènements, ce dernier se sentant impuissant, avec l’angoisse de « chavirer » lui-même… Heureusement, la lumière, la main tendue viendront de l’amie de jeunesse. Une amie énergique et dans un même temps , dans l’empathie ! Une belle relation…qui redonnera l’Elan vital à notre « naufragée » !

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Les heures silencieuses

Quand j’ai besoin d’un livre-doudou, je m’enveloppe confortablement dans une histoire susurrée par Gaëlle Josse à sa façon poétique et sensible. Cette auteure n’a pas son pareil pour installer une ambiance feutrée, même si l’existence de ses personnages n’est pas un long fleuve tranquille.



Gaëlle Josse s’est inspirée d’un tableau de De Witte, contemporain de Vermeer : « Intérieur avec une femme à l’épinette ». Ce tableau nous montre l’intérieur cossu d’une maison hollandaise d’un riche armateur, avec une femme, de dos, jouant de l’épinette dans sa chambre. Et son imagination a débordé du cadre pour nous emmener dans la vie de cette femme.



Contrairement à la plupart de ses contemporaines, elle a pris une part active dans l’administration de la Compagnie des Indes Orientales dont son père est l’administrateur, charge cédée plus tard à son mari, tout en assumant ses innombrables grossesses.

En effet, nous sommes à Delft, et la narratrice, âgée de 36 ans et déjà pourvue de 5 enfants en plus de ses 5 autres décédés, nous confie sa peine actuelle ainsi que le remords qui pèse sur sa vie depuis qu’elle est enfant, mais cela ne l’empêche pas de se rappeler son enfance et son adolescence choyées ainsi que sa vie conjugale heureuse. Elle nous murmure sans détours ses tourments de mère et elle ne me donne qu’une envie : lui tenir compagnie le plus longtemps possible pour adoucir ses angoisses.



Mais je compte sur l’héroïne pour mener à bien le reste de sa vie, car à son âge, elle est déjà sage : « Le cours de nos vies est semé de pierres qui nous font trébucher, et de certitudes qui s’amenuisent. Nous ne possédons que l’amour qui nous a été donné et jamais repris ».



J’adore !

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L'ombre de nos nuits

« Je sais ce que je veux peindre. Peindre le silence, le temps arrêté, l’appel d’une voix dans la nuit, la lueur qui nous guide ».

Georges de la Tour le dit et il le fait. Parfaitement.

Gaëlle Josse l’a raconté. Parfaitement.



Autour du tableau « Saint Sébastien soigné par Irène », Gaëlle Josse brode.

Avec ses mots délicats, ses images d’enluminures, ses phrases ensorcelantes, elle raconte un moment dans la vie de ce peintre du 17e siècle : le moment de la peinture empli de ce calme qu’il adore, suivi du voyage à Paris où il désire offrir ce chef-d’œuvre au roi Louis XIII.

Ses pensées cèdent souvent le pas à celles de son apprenti, amoureux secret de la fille du maître, Claude, qui servira de modèle à l’Irène du tableau. Claude, elle-même porteuse d’un secret tendre et douloureux...

Cette relation subtile et dense entre les trois personnages imprègne la tessiture du roman et me comble.



Le tableau au clair-obscur foudroyant touche de plein fouet le cœur d’une jeune femme bien de notre temps, lors d’une visite au musée. Celle-ci se reconnait dans l’attitude d’Irène et plonge dans des souvenirs douloureux, ceux d’une relation toxique où elle se croyait soignante.

A vrai dire, à part ce lien ténu, je ne vois rien d’autre en relation avec le tableau. Le monologue désabusé de la jeune femme me parait inopportun et assez banal, au fond. Dommage.



Mais quittons ce roman, ce tableau, en nous emplissant de ces paroles apaisantes :

« La ferveur du jour s’est tue, notre frénésie ralentit, nos passions s’assagissent. Ne reste que l’essentiel, une main, un geste, un visage. C’est ce que je poursuis en peignant, et rien d’autre désormais ».

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Une longue impatience

Je viens de finir ce roman écrit avec une exquise délicatesse, une infinie justesse, des mots pudiques posés là où il faut pour faire de ce drame intime un long poème fait de soupirs, d'espoir et de renoncements.



Nous sommes en Bretagne dans les années 50. Yvon, un marin, comme tant d'autres, dont le corps n'a jamais été "rendu par la mer" laisse seule Anne sa femme, ployant sous les difficultés, et Louis leur fils . « Notre monde c'était nous deux, et la photo d'Yvon sur le buffet » disait-elle.



Fou-amoureux d'Anne depuis longtemps, Etienne le fils du pharmacien lui demande sa main, s'engage à assurer à Louis une vie aimante et confortable. Elle dit oui, l'épouse, lui donne deux petites filles. Rejetée par les uns, pas totalement admise par les autres, Anne tangue au gré des commentaires des uns et des autres. « Changer de condition » n'est pas une chose facile dans les années d'après-guerre, surtout dans une petite ville de province.



Etienne, n'accepte pas Louis, « le témoin encombrant d'une autre vie……. Il lui a juste concédé un semblant de place, comme a un animal domestique dont on n'ose se débarrasser, de crainte qu'il morde au moment où on le saisira. »



Arrive l'inacceptable. Un coup de trop, violent celui-là! Louis s'enfuit définitivement, laissant sa mère partagée « entre un mari aimant de deux adorables enfants, un amour retenu et celle de Louis l'absent que rien ne pourra combler. » « Tu n'aurais pas dû » ose t'elle en s'adressant à Etienne !

Elle écrit à son fils des lettres dans lesquelles elle énumère ses rêves de banquets organisés pour son retour. C'est la mère nourricière qui parle. Elle projette le mieux et le meilleur pour son fils.



Gaëlle Josse explore les méandres d'un passé composé, d'un futur bâti sur des sables mouvants mais pose avec assurance les sentiments d'une mère pour son enfant, sentiments aussi vieux que le monde, aussi forts quels que soient l'époque, le lieu, la situation. L'absence, la pauvreté, la solitude, la culpabilité, le courage et la peur, l'espoir qui ne faiblit jamais, mais surtout l'attachement viscéral d'une mère pour son fils, attachement que rien ni personne ne pourra amoindrir.



L'auteure suggère plus qu'elle ne dénonce et traite ces thèmes de jolie façon. La douleur née d'un drame semble se nourrir de l'intérieur en douceur, sans éclats, sans coupable dénoncé ouvertement, sans haine et sans acharnement. Et pourtant elle ronge et trace son chemin cette douleur.



J'ai trouvé ce texte magnifiquement, terriblement, merveilleusement humain, sensible, en même temps extrêmement fort et extrêmement fragile, tout comme peut l'être une maman durement éprouvée.

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Une longue impatience

Une longue impatience, c'est le livre du silence et de l'attente.

C'est une femme debout devant la mer. Elle s'appelle Anne, elle attend désespérément le retour de son fils Louis qui a seize ans, qui est parti. Tout le récit est construit autour de cela, l'attente d'un fils dont sa mère espère au plus vite le retour. Reviendra-t-il ?

Nous sommes en Bretagne, dans le tout début des années 50. L'histoire se déroule sur le littoral, dans un petit village de pêcheurs.

Anne vient d'un milieu social très modeste. Son mari Yvon Le Floch était marin pêcheur, il est mort en mer durant la seconde guerre mondiale. Elle élève seule son fils unique Louis dans cette maison aux volets bleus, entourée d'hortensias, là-bas en retrait du village, tout près de l'océan. Parfois le sable apporté par les tempêtes s'engouffre sous la porte et derrière les volets en bois.

Cette maison désormais délaissée est comme un sanctuaire, celui de la mémoire et des gestes d'avant.

Et puis, Anne a refait sa vie comme on dit, elle a épousé Étienne Quémeneur, un notable du village, c'est le pharmacien, autant dire que c'est une toute autre condition sociale que celle qu'elle a connu jusqu'à présent. Étienne est demeuré amoureux d'Anne depuis l'enfance, depuis l'école, malgré son mariage avec Yvon Le Floch, un marin pêcheur qu'elle lui avait alors préféré...

Mais ce soir, Louis n'est pas reparu. Que s'est-il passé dans cette famille recomposée avec l'espoir d'une autre vie, les illusions éphémères, deux autres enfants qui sont venus de cette union, les rêves impossibles ? « Tu n'aurais jamais dû ». Anne ne cesse de répéter ces mots à Étienne comme une litanie.

C'est l'histoire d'un amour maternel, un amour infini.

Dans ce récit émouvant, Gaëlle Josse sait trouver les mots avec justesse.

L'écriture est sensible, sobre, ténue, d'une très grande poésie. Et brusquement, ce silence se brise par les lettres enthousiastes que la mère écrit à son fils, qu'elle lui poste auprès de la Compagnie Générale Maritime, sans savoir s'il les recevra, s'il les lira. Elle écrit ce que sera le retour de Louis, ce que sera l'accueil d'une mère à son fils aimé, la vie qui recommencera mieux qu'avant. Nous entrons alors dans un autre temps, le temps où Anne bascule dans un ailleurs imaginaire, onirique, un temps qu'elle s'invente, perd sans doute pied non pas à cause de la bourrasque, non pas à cause de l'horizon qui s'échappe sous les embruns... Elle perd pied dans la joie presque excessive de ces lettres qui fait contraste avec la douleur mutique de l'attente.

Anne est un magnifique et poignant personnage.

Elle attend, il y a de la tragédie grecque dans cette attente, elle attend son fils Louis comme Pénélope attendait son époux Ulysse. Le reconnaîtra-t-elle à son retour ?

Son attente ressemble peu à peu à un enfermement, alors que ses yeux sont ployés vers le large, vers la cime de l'horizon.

Ici le temps est un personnage à part entière. Il y a le temps d'avant, il y a le temps d'après.

Il y a le temps du présent, façonné dans l'attente qui dévore, qui déchire peu à peu cette mère.

Les quais sont fait pour attendre.

On dirait que la pierre froide et nue des quais est faite pour accueillir le chagrin de celles qui ont souvent attendu. J'aime marcher sur ces quais battus par les flots, entre mer et ciel.

Roscoff, L'Aber-Wrac'h, Le Conquet, Douarnenez, Audierne, Le Guilvinec, Saint-Guénolé-Penmarch... Je me suis demandé près de quel lieu Gaël Josse avait hébergé son histoire. Car tous les noms de famille de ce roman me sont familiers, Le Floch, Guivarch, Quémeneur, ce sont des noms d'ici, de chez moi, comme si je les avais moi aussi côtoyés. Ou bien plutôt ma mère qui avait sans doute à peu près l'âge d'Anne ou était un peu plus jeune, puisqu'elle avait vingt-quatre ans en 1950.

Alors, moi aussi j'ai attendu Louis comme on attend un grand frère...

On peut fermer les yeux, imaginer des rêves en partance, l'odeur du goémon et du calfat, le cri des goélands dans le sillon des chalutiers qui rentrent au port, le poisson qu'on débarque, les caisses portées à bout de bras vers la criée.

Et puis il y a aussi le silence après. Le silence des femmes qui ont attendu ici en vain le retour de celui parti en mer : un père, un époux, un amant, un frère, un fils...

Ce sont des lieux que j'ai souvent plaisir à fouler, ces quais ou ces dunes que foule aussi Anne la silhouette dressée comme une voile dans le paysage.

Anna est habituée à l'attente. Yvon son mari, dont la mer n'a jamais rendu le corps.

C'est un temps au-dessus du vide, c'est un temps au-dessus de la mer et du ciel, au-dessus des décombres de la vie.

Lire et aimer ce livre, c'est tendre l'oreille et la poser au bord d'un coquillage marin, c'est tendre le visage vers le ciel, le lointain où est parti Louis. C'est tendre son cœur vers l'ailleurs infini.

Le temps de cette mère est suspendu au-dessus de l'océan immense. Son visage faseye dans le vent comme une voile mal tendue.

Je me suis alors demandé si, dans l'attente, toutes les douleurs se ressemblaient. La douleur d'un enfant qu'on attend est-elle la même que celle pour un mari ou un amant ?

Une longue impatience est le premier roman que je lis de Gaëlle Josse. Ce ne sera pas le dernier.
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Une longue impatience

A lire le concert de louanges et les critiques dithyrambiques à propos de ce livre que certains lecteurs disent avoir quitté en larmes et totalement bouleversés (ce que, par ailleurs, je respecte totalement), je sais que je ne vais pas me faire que des amis en postant cette critique. Car, et j'en suis tout à fait désolée, j'ai tout simplement détesté ce roman.



J'ai détesté le personnage de la mère, en qui certains ont vu une femme fière et courageuse et que j'ai perçue au contraire comme soumise et lâche, en totale contradiction, d'ailleurs, avec la jeune veuve qu'elle fut, dure à la peine et élevant son fils seule et sans se plaindre.



J'ai trouvé les lettres qu'elle écrit à son fils d'une mièvrerie absolue et d'une parfaite invraisemblance : comment peut-elle, à longueur de pages, lui décrire les festins qu'elle lui préparera à son retour... sans jamais lui demander de ses nouvelles, ni lui poser aucune question sur sa vie - même après avoir appris son accident ? Est-ce vraiment une attitude normale pour une mère, de surcroît aimante ?



J'ai détesté le personnage du fils, qui s'en va sans laisser le moindre mot à cette mère, pourtant son seul refuge, sans lui écrire ensuite, la laissant sans nouvelles, dans l'attente et l'angoisse ; un fils qui, apprenant sa mort, ne ressent d'ailleurs aucune culpabilité (a-t-il même vraiment du chagrin ?) et ne pose aucune question sur les circonstances de ce décès (que nous, lecteurs, connaissons... mais pas lui.)



J'ai détesté, enfin, et peut-être surtout, l'outrance de ce qui nous est raconté comme une tragédie : car cet adolescent qui disparaît subitement n'a été (et nous le savons très vite) ni enlevé, ni assassiné... Qu'y a-t-il (mis à part son silence) de véritablement tragique à ce qu'un fils de marin dans les années d'après-guerre embarque à son tour pour échapper aux coups de son beau-père et à l'absence d'amour de son foyer ? Cette "longue impatience" qui nous est présentée ici, insupportable jusqu'à en mourir, qu'a-t-elle en réalité de plus terrible que cette longue attente (difficile, certes, mais affrontée toujours avec vaillance et courage) commune aux femmes et mères de marins dans cette Bretagne des années cinquante ? Et j'ai trouvé qu'il y avait là une sorte d'indécence, si l'on pense à ces mères (dans la "vraie vie" comme dans la fiction) dont les enfants disparaissent réellement et qui attendent, espèrent et se consument sans que le mystère de leur disparition soit jamais éclairci...



Bref, je n'ai absolument rien aimé de ce roman, si ce n'est son écriture et son style. Largement insuffisant, à mes yeux, pour racheter l'ensemble.
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Nos vies désaccordées

Lecture ratée pour moi.

J'aime pourtant beaucoup Gaëlle Josse.

Mais ce roman reste une énigme après avoir tourné la dernière page.

Le fil rouge de l'histoire est la passion d'un homme : passion de la musique, passion pour une femme...

Où cela mène-t-il ? La question reste sans réponse pour moi. Mais peut-être est-ce le but de l'auteur. Ou alors, je suis vraiment passée à côté de cette lecture !

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Une longue impatience

La petite musique de Gaëlle Josse me charme de livre en livre ...



Mais quelle tristesse infinie!

En dépit du talent d’écriture et de la sensibilité de Gaëlle Josse, ce livre doit être lu un jour de grand soleil, sinon c’est la déprime assurée.



Mourir d’attendre, de manque de présence, de manque de nouvelles.

L’auteure revisite le mythe de la femme de marin, le regard toujours porté vers l’horizon dans une impatience morbide et bouleversante, qui tue la vie à petit feu.

Ici, c’est une mère qui attend son fils parti sans préavis un jour de conflit familial. Bien qu’elle le sache vivant, l’absence somatise le corps et l’esprit et fragilise jusqu’aux frontières de la dépression, en dépit d’un mari attentif et d’autres enfants tant chéris.



Drame de l’intimité porté à son paroxysme pour produire un roman élégant, touchant, interpellant la corde sensible de la relation filiale, avec des mots qui sonnent juste.

La Bretagne tournée vers la mer, avec ses bateaux, son climat, ses maisons bourgeoises en granit, se dessine en aquarelle délavée. Me reste simplement le regret de ne pas entendre plus de voix en satellite de cette mère en attente, car les personnages qui l’entourent auraient eu bien des choses à nous dire.

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Une longue impatience

Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir?



Une petite sirène, une petite vigie, la main en visière, pour guetter l'horizon.



Voila combien de jours, voilà combien de nuits..Voilà combien de temps que tu es (re)parti?



Des lettres envoyées au vent, à la vague, au vide, avec tout un festin qui déroule ses services-fromage ET dessert!- pour accueillir l'enfant prodigue, à son prochain retour. A son retour probable. A son retour?



Dis quand reviendras-tu?



Et le temps, le temps barbare, qui passe, qui feuillette d'un doigt négligent les lettres à l'absent, le temps qui trace des rides sur les joues, qui y creuse des sillons de larmes, qui sème des fleurs rousses sur les mains, tisse des fils d'argent dans les cheveux..



File la laine, file les jours, garde ma peine et mon amour...



La tapisserie de la reine Mathilde racontait batailles et abordages. Celle d'Anne seulement une Longue Impatience. L'attente patiente et désespérée des humbles.



Tire, tire, tire l'aiguille, ma fille.. .



Une histoire navrante et banale racontée avec la simplicité des chansons de toile, avec refrains et motifs.

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La nuit des pères

«  Tu ne seras jamais aimée de personne.

Tu vas rater ta vie » .

Comment ne pas être sensible à la douleur et à la colère d'Isabelle?

Comment se construire , ne pas fuir ?

Mettre de la distance ? «  J'ai fui ton cri la nuit , mon père , presque chaque nuit, ce cri de terreur m'arrachait au sommeil comme des griffes , comme des serres » …

Quelques citations de ce beau récit .



Isabelle , la flamboyante , sauvage , rétive , indocile, terrifiée ,impatiente des ailleurs fuira un jour…., lassée , partira très vite emportée par la curiosité des mondes et de l'océan et le talent de les montrer dans leur splendeur et leur fragilité .



Vincent ( son ami ) fut midi à son poème car elle enfouissait ses angoisses et ses colères face à un père brutal , irascible, impatient , imprévisible, aux gestes agacés , aux mots blessants , qui écorchent l'âme , tailladent le sang, mais———nu, démuni par un cortège de honte le suivant sans relâche , sans répit ——aucun, depuis sa jeunesse .

Sa maman , trop tôt disparue faisait office de paratonnerre face à la dureté du Père .

Mais tout cela Isabelle l'ignore jusqu'à ce que son frère Olivier, le sage , solitaire , qui n'a pas fui, soignant les gens , habile de ses mains , l'appelle .

Elle rejoint le village où ils sont nés .

La santé de leur père , ancien guide de montagne , passionné par son métier et les hauts sommets vierges , maudits , décline et entre dans la maladie de l'oubli . Sa mémoire s'effiloche , le crépuscule descend doucement , inexorablement sur lui,



Elle comprendra peut- être enfin , après ses chagrins d'enfance , ces brisures ineffaçables , ces douleurs , ces silences hostiles , qui était ce père craint, haï, destructeur ,taiseux ? .

Une épine au coeur qui l'empêchait de vivre , abîmé par des images qu'il n'avait jamais pu effacer de sa mémoire , témoin de la Grande Histoire , sans rien pouvoir empêcher .



Des vies ordinaires comme celle de son ami le prêtre, Éric Danjean, , jetées dans la gueule d'une très sale histoire .



Pendant quelques jours ,les voix de cette famille meurtrie , tourmentée , écartelée se succèderont pour dire l'ambivalence des sentiments filiaux , ces silences enfouis enfin mis à nu , la fragilité d'un homme qui le poursuivront jusqu'à sa fin…..



Le frère et la soeur avanceront comme ils le pourront , «  Il faut beaucoup d'amour pour résister à toutes les érosions » .



Un récit court , dense , poignant , une porte entrouverte à la fin, comme toujours à la lecture d'un roman de cette auteure , j'ai été emportée par un trop plein d'émotions , ( je suis une inconditionnelle, j'ai lu presque tous ses livres depuis 2012 donc peut - être peu objective , tant pis ) subjuguée par son écriture délicate , ciselée, poétique , enivrante .



Elle manie les mots avec grâce, pudeur , rare intensité , vérité , justesse , interroge nos fragilités et le sens de nos vies , sonde avec intelligence nos incrédulités , nos rages , nos impuissances, nos désespoirs , nos non- dits ….



Un ouvrage à vif , vrai , que je vais longtemps garder en mémoire .

Acheté au Livre sur la Place à Nancy, samedi , où j'ai rencontré cette auteure discrète .

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Le dernier gardien d'Ellis Island

Récit particulièrement émouvant et qui ne vous lâche pas jusqu’à la dernière page, récit particulièrement beau tant il exprime tous ces sentiments qui font chavirer le cœur du lecteur, beau tant Gaëlle Josse, d’une écriture toute simple, fluide, délicate, sait si bien nous emmener dans ce lieu de transit où se mêle tant de langues différentes pour dire le même espoir, la même détresse, le même arrachement à la terre, à l’enfance, où l’exil n’est pas une aventure pittoresque mais une fuite obligée pour vivre en paix, manger à sa faim, donner un avenir à ses enfants.

Le regard du visiteur d’aujourd’hui se pose sur tous ces bagages qui sont posés à terre et il entend le murmure des fantômes de tous ceux qui ont vécu ici des moments d’’attente douloureuse, dans ces pièces, sous le regard du drapeau américain ! La Mérica ! Il peut entendre jusqu’au froissement des jupes, les pleurs de touts petits, les pas qui résonnent de ceux qui arrivent ou de ceux qui partent.

Et même si la greffe dans cette nouvelle terre, nouvelle identité, a réussi, parfois, il reste encore des séquelles de cet exil dans les nouvelles générations comme une angoisse insurmontable et inexplicable à faire une valise.

« Il me reste neuf jours, pas un de plus, avant que les hommes du Bureau Fédéral de l’immigration ne viennent officiellement fermer le centre d’Ellis Island. Ils m’ont prévenu qu’ils arriveraient tôt, très tôt, vendredi prochain 12 novembre »

Nous sommes en 1954. John Mitchell se raconte et nous raconte Ellis Island, porte des Etats-Unis. Le lecteur va de confidence en confidence, défile sous ses yeux un grand pan de l’histoire de l’immigration aux Etats-Unis du XXème siècle. Cet homme intègre explique comment il tente de gérer au mieux toute cette misère qui déferle sur Ellis Island. Afin de ne pas se laisser emporter par le flot de ses émotions, il s’efforce de dresser un mur entre les employés, les immigrants et lui-même mais le destin en a décidé autrement, cette illusoire protection se fissure et le lecteur assiste, rempli de compassion, à la confession de John Mitchell.



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De vives voix

Je n'ai pas encore beaucoup lu de cette auteure, mais j'avais été captivée, enthousiasmée et bouleversée par la lecture du "Dernier gardien d'Ellis Island"; je suis tombée par hasard sur cette deuxième lecture, en fouinant à la Librairie Tschann. J'en ai fais l'acquisition avec joie, pour son sujet des plus attrayants mais également pour l'excellente maison d'édition qui le publie, "Le Temps qu'il fait"..., dans un volume à la maquette fort élégante, et sobre...



Je débute cette mini chronique par cet extrait magnifique: "Dans toutes les voix offertes, je ne cherche qu'à percevoir le monde qui bat, qui roule, qui tourne comme il peut. Et dans ces voix, à écouter la vie" (p. 12)



Un moment de plaisir intense; 80 pages d'émotions multiples autour de souvenirs, réflexions intimistes, personnelles autour de ce "sens" humain, unique : La Voix... avec des mises en avant d'expressions très évocatrices: - Une voix d'outre-tombe, une voix sépulcrale, avoir voix au chapitre, avoir le verbe haut, etc.



Une grande place est faite à la musique, au chant...



Gaëlle Josse alterne les souvenirs de l'enfance, le présent, le bruit et les voix assourdissantes, stéréotypées des médias, la voix des castrats, les voix uniques de la Callas, Billie Hollyday...



L'auteure nous fait naviguer du domaine collectif, sociétal à la part intime de chacun de nous J'ajoute deux passages significatifs de l'éventail élargi de ces évocations:



"Chants de naissance, de mariage, de deuil, de fête, de travail, de labour, de moisson, de marche, de guérison, de guerre, d'amitié, de départ, de veillée. On chantait autrefois ensemble pour accompagner la vie. La voix fédératrice d'une identité, d'une communauté. La voix héritage. La vibration partagée. Que partageons nous aujourd'hui ? "(p. 75)



Pour cette deuxième transcription d'émotion, je l'ai ressenti violemment, comme tant d'entre nous. Venant de perdre mon compagnon en 2012, je me suis "obsédée" à enregistrer et vouloir conserver son dernier message , laissé sur mon téléphone portable, ce que j'ai réussi à faire... mais au moment fatidique de l'écoute, je ne suis jamais parvenue à réentendre "sa voix"...Dans un état second de panique, et de sensation d'explosion émotionnelle intérieure, impossible à "contenir"...



"Il est éprouvant de revoir en photo un proche disparu, mais entendre sa voix, fût-ce une seule exclamation dans une mauvaise vidéo,est insoutenable. Douleur de reconnaître une voix aimée qui ne peut nous entendre; illusion de croire, un instant, revenu quelqu’un qui nous a été cher.

Trop de présence, trop d’absence."



Comme le quatrième de couverture le souligne exactement: "Ni essai, ni récit, ni roman, ni autobiographie, simplement quelques perceptions, intimes de la voix humaine. (...)

Evocations d'instants saisis, d'émotions, que les mots prolongent.

Et dans chaque voix, écouter le monde. "



Un très, très beau texte à savourer...doucement. J'avais la sensation un peu prétentieuse d'"écouter" assez attentivement autrui... mais après cette lecture, je suis convaincue que mon écoute des voix que mon oreille "croisera", désormais sera démultipliée, ou du moins très différente, et sans nul doute plus affinée !!...







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Les heures silencieuses

Gaelle Josse signe ici un magnifique roman historique dans lequel on fait la connaissance de Magdalena Van Beyeren, épouse de l'administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft, en Hollande. Cette forte femme, vieillissante, se confit à nous grâce a son journal :

" Je m'appelle Magdalena van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, et la fille de Cornelis van Leeuwenbroek. Pieter tient sa charge de mon père.



J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu."



Ce père, justement joue un rôle important dans sa vie. Elle a toujours été très proche de lui, l'a observé et connaît énormément sur ses affaires mais elle était née fille et au XVIIème siècle, les femmes ont leur place a la maison. Elle se marie donc et est toujours de bons conseils pour son mari.



C'est un joli portrait d'une femme forte, épouse et mère de famille. Elle a certains regrets mais son journal lui permet de rêver et de s'évader.



C'est un roman magnifique, l'écriture de l'auteur y est pour beaucoup et une belle interprétation du tableau d'Emanuel de Witte intitulé : Intérieur avec une femme jouant du virginal.
Lien : http://missmolko1.blogspot.f..
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Noces de neige

Comment ne pas être enivré, envoûté par ce texte si court à l'écriture juste, fine, brillante, liée inexorablement dans notre esprit au rythme lancinant d'un train?

Témoin pas si silencieux de passions qui vont se déchaîner dans un huit- clos dévastateur, fascinant et oppressant dont les vibrations nous obsédent!

Deux destins liés dont la fin de l'ouvrage surprenante,au goût de

conte philosophique nous révélera la teneur! De quoi nous surprendre, nous faire réfléchir et nous émouvoir!

Mars 1881: Anna Alexandrovna Olianov, fille d'une famille aristocrate russe quitte Nice pour rejoindre Saint- Petersbourg, blessée par un physique disgracieux, et le peu d'affection qu'on lui porte, troublée par un secret de famille douloureux et dévastateur......

Mars 2012: Irina Tanaiev quitte Moscou pour Nice par le train, elle rejoint " son amoureux", rencontré sur un site internet, afin de fuir un destin terne et misérable, qu'elle cache.....absurdité du virtuel.....

Anna et Irina ne sont pas nées à la même époque mais un lien les unit: leurs rêves au bout de la ligne reliant Nice à la

Russie, leurs pensées inavouables, leurs doutes intimes....les secousses du voyage accentuent leur fébrilité, les émotions sont denses, le destin de ces deux femmes qui ne se croiseront pas nous touche en plein cœur.

Le huit- clos ferroviaire aux décors parfaitement dépeints,tantôt moderne, tantôt d'un autre âge,nous parle d'une façon passionnante, on voyage avec Irina et Anna....

L'auteure est une sacrée conteuse, sa plume est précise, les phrases sont simples, sobres, son écriture se fait peinture, musique envoûtante, poétique, chatoyante, aérienne!

Et quelle force dans l'analyse de ces deux portraits croisés de femmes ! Un petit bijou, on retrouve une fois de plus le talent au plus juste de Gaëlle Josse découverte grâce à des amies de Babelio que je remercie !
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La nuit des pères

Les nuits des pères étendent aussi leurs ailes noires sur celles de leurs enfants , alors, soit ils s'en accommodent, soit ils fuient .



Isabelle , sur la demande de son frère Olivier revient après de nombreuses années d'absence dans la maison paternelle dominée par le massif des Alpes .

Ce père, Marc , qui n'a eu que dédain et mots de fiel pour sa fille , devenu vieux, perd la mémoire et Olivier, le fils qui a quitté le fil de sa vie personnelle pour être près de son père désire qu'Isabelle tout en constatant par elle-même cette terrible dégradation réapparaisse dans le cocon familial . Marc , pendant toute sa vie de mari et de père n'a eu qu'une passion ou une fuite, la montagne , qu'il parcourait quelque soit la saison. Isabelle, elle , a choisi l'opposé, les fonds sous marins où, elle et Vincent, son mari , réalisaient des reportages .



C'est Isabelle qui parle dans la plus grande partie du récit, s'adressant à son père , se mettant à nue dans sa souffrance d'enfant mais aussi dans sa quête de reconnaissance et d'amour .

Puis Olivier prend la parole pour terminer le récit.



Les souvenirs resurgissent dans cette maison abritant tant de chagrins, de silences , et où la violence du père a fait éclater l'enfance.



Gaëlle Josse sait manier les mots pour les rendre percutants mais enveloppés dans un écrin de velours, elle pointe avec une grande justesse et une infinie délicatesse les failles de l'âme, les tourments qui obsèdent et se poursuivent sans répit toute le long de l'existence emprisonnant ceux qui en souffrent dans une grande solitude avec comme exutoire la fuite ou la violence. .



Ces instants fragiles mais essentiels à l'issue d'une vie , qui s'écoulent comme un film en accéléré où certaines séquences sont coupées , secouent profondément le lecteur, ravivant ses propres plaies , ses questions et ses remords mais offrent l'espoir de comprendre enfin , à défaut de pardonner .



Le chemin de l'acceptation de l'autre et de soi-même est long comme un sentier pentu de montagne où le sommet est caché par les nuages ...



Magnifique roman qui s'ancrera dans ma mémoire .
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