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Critiques de Guillaume Dustan (23)
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Je sors ce soir

Le roman de Guillaume Dustan pourrait être classé dans le genre récit autobiographique car il raconte avant tout son vécu. "Je sors ce soir" c'est une nuit en boite avec Guillaume, homosexuel. Au Gay tea dance, il retrouve des garçons, ex pour la plupart ou inconnus, musclemen ou pas, tous venus s'éclater et trouver un ou plusieurs partenaires.

Guillaume, le narrateur, détaille toutes ses rencontres du soir passé à la Loco place Blanche à Paris. De retour des États-Unis, il vient d'apprendre la mort d'un ami du sida et c'est le vrai sujet du livre car la menace est en filigrane. On est dans les années 90 et la maladie fait des ravages, outre la peur pour lui et pour un grand nombre de ses proches.

Les homosexuels ont leurs codes, actifs ou passifs selon la position de leur chemise dans leur pantalon mais cette nuit-là, Guillaume n'a pas envie de baiser. Il danse et prend de l'ecstasy.

Ce livre a une construction originale avec une succession de pages blanches lorsqu'il ne peut plus parler puis une reprise progressive de la narration.

Pour autant, la défonce en boite et le parler cru de Guillaume qui évoque à quatre reprises son envie de chier, n'est pas mon univers. Je le prends comme un témoignage du monde de la nuit.





Challenge Cœur d'artichaut 2022

Challenge Riquiqui 2022

Challenge XXème siècle 2022

Challenge Multi-défis 2022

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Dans ma chambre

La réputation sulfureuse, voire abjecte des livres de Guillaume Dustan ont tenu et tiendront encore certainement longtemps de potentiels lecteurs à distance. Il m’a fallu vaincre certaines réticences et préjugés pour me décider à en lire un, le premier qu’il a publié. Une fois de plus, rien ne vaut davantage que de se forger un avis par soi-même plutôt que de laisser aux autres le soin de penser pour vous.



« Dans ma chambre » a été une relative surprise à certains points de vue, et à d’autres non. Tout d’abord, je ne confirme pas vraiment la réputation à la fois sulfureuse et transgressive qu’on a prêté à ses livres. Peut-être aux autres, mais je ne les ai pas lus. Ici, Dustan ne fait de prosélytisme pour telles ou telles pratiques sexuelles, il décrit sa vie sexuelle, avant d’avoir des comportements encore plus radicaux. Le livre est aussi l’histoire d’un amour voué à l’échec, car l’auteur est absolument obnubilé par le sexe, et que par là-même, il est incapable d’accéder profondément aux sentiments qu’il brûle pourtant d’éprouver. Dustan, c’est une mouche qui se cogne contre une vitre, ou contre les parois des murs de « sa chambre ». Incapable de sortir d’un schéma qui le voue au narcissisme et à l’égoïsme. L’impression de tristesse qu’on a à lire ce texte, qui décrit une forme de déchéance provient essentiellement de là : l’auteur chute, replié sur lui-même et sa vie compulsive (drogues et sexe) à l’image du clubber qui est sur la piste et qui danse complètement isolé des autres, perdu dans son trip.



Finalement, j’ai trouvé que ce texte n’était ni aussi mauvais que je m’y attendais, mais je n’ai pas non plus vu la flamboyance que certains y trouvent. Sans doute ce qui m’a le plus déconcerté, c’est d’avoir été somme toute assez indifférent au sort du narrateur : tellement égocentrique, et incapable d’exprimer vraiment ses émotions autrement que sous la forme de quelques scènes un peu mélodramatiques (bien involontairement), que finalement le lecteur compatit peu à sa situation. L’auteur écrit à la fin du livre qu’il voudrait en finir, et le lecteur aussi un peu, de ce long égrènement de turpitudes sexuelles, qui rendent ce texte court étrangement long.

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Oeuvres, tome 2 : Nicolas Pages - Génie Divin..

Les éditions P.O.L. proposent le second volume des Oeuvres de Guillaume Dustan, rassemblées et publiées par Thomas Clerc, comme le premier. Un troisième tome devrait paraître. On trouve ici trois ouvrages de taille différente, le long "roman" intitulé Nicolas Pages, suivi de deux autres "romans", "Génie Divin", et enfin un court texte, LXir. Comme dans le premier volume, nous sommes loin du roman au sens courant du terme, mais c'est toute l'entreprise de Dustan et de son éditeur Thomas Clerc qui est concernée par cette appellation négligente.



Guillaume Dustan élabore dans ces trois ouvrages une politique fondée sur ses préférences sexuelles, dont il fait non seulement une identité, mais la base d'un programme politique, celui du "libéral-libertaire", le citoyen contemporain qui n'a que des droits sur une "société" perçue comme injuste a priori, persécutrice d'innocentes minorités et devant éternellement expier ses crimes en les "libérant". Ce contemporain est un individualiste extrémiste, que ne concernent en rien les devoirs sociaux qui entraveraient ses droits à la jouissance, comme on le voit dans la querelle du préservatif qui opposa l'auteur à l'association de lutte contre le sida Act Up. Ces textes datent des débuts des "années 2000", pour parler comme l'auteur, et nous voyons aujourd'hui dans la culture officielle le triomphe des idées (et parfois des personnes) qui commençaient à percer quand Dustan écrivait : lire ce volume, c'est voyager au sein du Wokisme naissant, et l'effet d'exotisme est garanti pour un lecteur de Philippe Muray. Dustan proclame : "Jamais je ne vieillirai". Peu de temps après, nous voyons ses vieilles idées triomphantes se pétrifier en catéchisme obligatoire de la classe dominante.



Dans ce foisonnement idéologique, on retiendra le refus de l'intellect, considéré comme "hétérosexuel et patriarcal blanc" et associé à la "musique" telle que tout le monde l'entend aujourd'hui : "Le beat binaire de la musique congédie l'intellect au profit de la seule perception" (p. 210). L'humain ainsi animalisé est donc délesté de ses facultés critiques au profit du bougisme, de la mode, de la drogue et d'une série d'injonctions commerciales (libérales) auxquelles il doit obéir pour avoir l'air cool : "Mort aux mots" (p. 565). Par l'effet des drogues, de la musique et de la consommation cool, l'être humain selon Dustan (qui appelle, à la suite des nazis, des fascistes et des communistes, à la création d'une nouvelle humanité modifiée) accepte d'être de son temps, de sa génération, de sa tribu, sous l'égide bienveillante des marques qui lui assurent contre argent sa dose de plaisir quotidien. Lire Dustan, c'est s'initier aux arcanes de la société contemporaine dans ce qu'elle a de plus libertaire, c'est-à-dire de plus tyrannique : le devenir-monstre du monde, pour reprendre la formule de Philippe Muray, se montre à visage découvert dans ces précieux volumes. L'individualiste extrémiste, jouisseur solitaire, s'invente des communautés imaginaires qui, au fond, ne sont que des marques et du marketing.



Alors, malgré le cri de "Mort aux mots", cet univers-monstre a sa littérature, pour quelque temps encore. Se comparant à Angot, l'auteur semble croire qu'on le hait, parce qu'il parle de lui, l'autobiographie (ou la littérature du moi) étant par nature subversive : "Il y a un silence autour de moi. On ne m'aime pas. C'est un peu comme Angot, je dois le dire. On ne nous aime pas. Parfois, si, mais bon, globalement, c'est plutôt la haine et le souhait de mort qui prédominent. Bon, pourquoi ? Parce qu'on parle de notre vie, je pense... Je me révèle. C'est la Révélation, quoi, je dis tout, je n'ai peur de rien, c'est le Christ, même s'il n'y a pas la croix, les gens ne supportent pas, ça." (Génie Divin, p. 501) Ces lignes révèlent, en effet, non seulement des éléments de langage devenus prétextes à oppression ("la haine", entendue extensive ment, puisque haïr c'est ne pas aimer ...), mais les modes de pensée et de raisonnement logique de l'auteur, et ce qu'ils trahissent.



Celui-ci désigne la Grande Ancêtre de cette littérature, dans un hommage (Nicolas Pages, p. 282) : "Duras pour la première personne et le mauvais français, le mal écrit des livres des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, quand elle s'est libérée". La théorie littéraire qui suit associe le "bien écrire" à la droite hétérosexuelle, ce qui conduit Dustan moins à la liberté créatrice qu'au slogan communautaire et publicitaire : "Consommer pédé c'est bien, faire de la valeur ajoutée pédé c'est mieux" (page suivante, 283). Voilà le libertaire, qui milite pour soi et pour sa minorité, rejoignant ici le libéral, dans une simplicité d'épure.



Ces trois "textes" sont dont très instructifs, symptomatiques à défaut d'être agréables à lire. Il est curieux de lire un gros livre de sept-cent quatre-vingt dix pages sur l'hédonisme, sans que la question du plaisir du lecteur soit jamais abordée.



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Oeuvres, tome 1 : Dans ma chambre - Je sors..

Les éditions P.O.L. font paraître les oeuvres complètes du romancier Guillaume Dustan. Trois romans constituent ce premier volume, "Dans ma chambre", "Je sors ce soir" et "Plus fort que moi", accompagnés d'une préface générale, de notes et d'introductions de Thomas Clerc. Thomas Clerc est un essayiste représentatif de l'actuelle culture dominante Woke, mais ses réflexions érudites, approfondies et élaborées, font voir au lecteur un visage inattendu de cette culture, qui nous apparaît le plus souvent comme un fanatisme imbécile. La lecture de ses préfaces est pleine d'intérêt, par le mélange qu'elles présentent de réflexion philosophique et de mythologie de gauche.



Par contraste, les trois "textes" de Guillaume Dustan semblent étrangers à toute théorie et à toute pensée abstraite. C'est le choix de l'auteur, qui n'était pas un ignorant : son parti-pris d'écriture relâchée, soigneusement désaffiliée de tout héritage culturel, résulte d'une esthétique et d'une idéologie, que l'on voit aussi à l'oeuvre chez des auteurs comme Angot, Ernaux ou Despentes. Il présente ailleurs ces trois ouvrages comme une "autopornographie", et il lui a paru bon de raconter ses récits sexuels dans le style le plus laid possible. Bien sûr, lui et ses pareils s'imaginent que l'entrée de la sexualité "crue" dans la littérature est une libération en soi, alors qu'au fond ce n'est qu'un changement de rhétorique, une stylistique et une esthétique nouvelles (ou non). Tout cela n'a rien de cru, de trash et de tripal : par définition, écrire c'est créer de la culture, accumuler effets de style et de langue qui miment et imitent le langage parlé et sa crudité. Jamais un homme inculte n'écrirait comme cela : l'inculture s'accompagne d'un respect profond et irréfléchi pour la langue savante et classique. Il faut au contraire être un bourgeois cultivé pour savoir éliminer tout l'héritage culturel reçu et inventer une langue imaginaire parlée par des ignorants.



Comment expliquer l'omniprésence du sexe, ou plus précisément de l'homosexe, dans ces trois romans ? L'auteur a choisi de ne parler que de cela, et de ce qui s'y rattache : drogues, boîtes de nuit, musique, vêtements de marque, maladie du sida, sado-masochisme, etc... Dans l'univers de Guillaume Dustan, l'identité des personnages, à commencer par le narrateur, repose sur le sexe : après tout, ce sont des homo-sexuels, à savoir des êtres qui se définissent uniquement par leur sexualité, dont la "fierté", et l'essentiel de l'existence, consistent en cela. Un des mythèmes amusants de Thomas Clerc est l'expression "communauté homosexuelle" : Guillaume Dustan fournit au lecteur un document sur la vie de cette "communauté", à la fin du XX°s et dans les lieux où elle se concentre. On ne lui reprochera pas plus de se consacrer à cette minorité de minorité, qu'à Proust d'écrire sur les duchesses du Faubourg Saint-Germain.



Reste à dire un mot sur la nature romanesque de ces ouvrages, sous-titrés "romans". Un récit, même consacré à des faits réels, à l'exclusion de toute fiction, par sa structure, peut passer tout aussi bien pour un "roman" que pour une "autobiographie", ou une "autofiction". Il n'existe aucune définition formelle fiable du genre romanesque. On peut toutefois rappeler que le roman tel que nous le connaissons, relate les difficultés et les déboires d'un individu face à une société, ou à des groupes sociaux. Guillaume Dustan, en bon écrivain moderniste, répudie cette fonction critique, souvent ironique, toujours décalée, du roman et de son héros : son narrateur est un spécimen représentatif de la faune "communautaire", face à laquelle il n'a absolument aucun recul, ni aucun regard critique. Il est très bien intégré, il est parfaitement comme les autres. On est donc loin du roman véritable, ce qui n'est pas surprenant, puisque la culture woke rejette tout héritage, surtout quand il pourrait éveiller l'esprit.



L'unique point de divergence du narrateur avec ses congénères, c'est qu'il écrit. Mais ce que l'écriture pourrait avoir de démystificateur, d'éclairant sur les mensonges d'un groupe humain et sur sa mythologie, est totalement écrasé par l'obsession sexuelle et l'abrutissement des drogues. L'univers décrit peut fasciner et troubler, ces romans de Dustan sont très intéressants, malgré l'autolimitation et les parti-pris de l'auteur.



Thomas Clerc fait de Guillaume Dustan un écrivain dérangeant et iconoclaste. Non, c'est un conformiste.
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Je sors ce soir

Ce livre ne laisse pas indifférent. J’imagine très bien que bon nombre de lecteurs auront abandonné en route, mis en fuite par un auteur qui cogne fort et ne fait pas dans la dentelle. Personnellement j’ai beaucoup aimé ce récit. Car il me semble que Dustan réussit le tour de force de nous extraire d’un monde trivial et un peu rude pour nous emmener et nous pousser vers un ailleurs indéfinissable. Et son livre amène à se poser la question de ce que c’est que la littérature, de sa relation à la vie, à la vérité.



L’écriture de Dustan est sans fioritures, simple, simpliste même. Enarque, Dustan a montré dans sa vie d’avant qu’il savait écrire mais un peu comme Picasso, dessinateur génial qui s’est mis à peindre des tableaux « laids », il n’attache aucune importance à la belle écriture. Sujet – verbe- complément. Dustan a l’ambition de raconter dans le moindre détail une de ses soirées en boîte, la Loco, de son arrivée dans les lieux au retour chez lui au terme de la nuit. Unité de temps et de lieu. Même les instants les plus triviaux comme ses passages réguliers aux toilettes ne nous sont pas épargnés ! Le texte est réduit à l’essentiel comme le sont aussi les dialogues entre lui et les hommes croisés dans la boîte.



On peut avoir en horreur cette littérature nombriliste. A mon sens, Dustan dépasse cependant la narration de son expérience personnelle, homosexuelle et communautariste, et de l’obsession de cette communauté pour l’apparence et la drague. Dès les premières lignes, la mort impose son ombre omniprésente. Ce sont les années Sida. Pourtant malgré cet arrière-plan tragique, l’homme continue de vivre, d’aimer, de jouir de la vie. C’est une vision très hédoniste et dionysiaque mais qui me semble refléter une évolution de nos sociétés développées : le monde est dur, on nous parle de crise à longueur de journée. La sortie nocturne en boîte devient l’expérience d’une rupture avec la vie diurne, porteuse d’un sens spécifique : une expérience de plaisir du corps, échappé des mécanismes habituels de contrôle de la vie, une expérience de l’extase non sexuelle, de la dépossession de soi par l’intermédiaire de la musique et de la drogue, une expérience d’une fusion de l’individualité dans un corps collectif.



Arrivé vers la fin de son récit, Dustan introduit de grands espaces vides entre les phrases et même des pages entières blanches. Son écriture a créé un temps alternatif, dilaté, une éternité…

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LXiR

La forme est pour le moins originale et l'écriture tout autant. On a du mal à suivre l'auteur, ce qu'il veut nous dire. On passe d'une ligne à l'autre, on en zappe quelques unes...Personnellement je ne suis pas entré dans ces quelques pages ni n'en ai compris la démonstration. Il me manque probablement quelques clés. Ou alors l'éditeur a vraiment voulu rassembler tous les écrits de Guillaume Dustan. Pas convaincant cependant.
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Plus fort que moi

"Plus fort que moi" est le troisième "roman" de Guillaume Dustan. En fait de roman, il s'agit comme pour ses deux premiers livres d'un récit autobiographique, centré sur l'homosexualité de l'auteur.



Celui-ci est construit en 36 chapitres, qui sont autant d'épisodes sexuels, souvent sado-masochistes, survenus entre l'année 1981 et l'année 1995. L'écriture est crue, la pornographie y est clairement assumée, revendiquée, loin du culturellement et politiquement correct. Certains passages sont durs, voire très durs. Et face à une littérature aussi radicale, il n'est pas aisé d'émettre un jugement éclairé.



Faut-il voir une simple provocation outrancière, prolongée par les apparitions grand-guignolesques de l'auteur en perruque sur les plateaux de télévision?



Faut-il voir une littérature nombriliste et exhibitionniste, sans grande valeur d'un point de vue de l'histoire littéraire?



Est-ce au contraire un objet littéraire particulièrement révélateur de son époque (les années 90) et des débats qui traversent alors la communauté homosexuelle marquée par les ravages du sida? Annonciateur aussi d'un anti élitisme et d'un plaidoyer en faveur d' une "culture" de masse centrée sur le plaisir et le corps, au delà de la question de l'orientation sexuelle?



Ne faut-il pas voir ce livre comme un hymne émouvant au vitalisme et à l'hédonisme chanté par un jeune homme qui se sait porteur du virus et qui est, avant de se mettre à écrire, plongé dans la dépression ?
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Génie divin

Après la trilogie "autobiopornographique" et "Nicolas Pages", Guillaume Dustan change de registre et propose un essai fourre-tout, un amas de réflexions et de "théories" se voulant subversives, géniales, mais, finalement, incohérentes dans leur ensemble, voire illisibles, tellement la forme est destructurée (n'est pas Duras qui veut).

Malheureusement pour le lecteur qui avait aimé ses premiers livres, Dustan poursuivra, après "Génie Divin", dans la même veine logorrhéique et illisible, perdant toute crédibilité littéraire et intellectuelle.
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Nicolas Pages

Probablement plus connu pour les polémiques sur ses pratiques sexuelles pendant les années SIDA, Guillaume Dustan livre dans Nicolas Pagès (réédité chez P.O.L. dans un volume 3 romans sous le sobre titre d'Oeuvres II) une facette plus profonde de sa personnalité complexe et de son approche de la vie, de la société. Souvent amoureux, toujours à la recherche de l'amour, attaché aux siens, brouillé avec son père, affirmant sa différence et parfois ne voulant pas qu'elle la distingue, il est plus attachant que l'on pouvait s'y attendre. Ses mots sur l'absence de repères, d'identifications possibles caractérisent clairement une époque si proche, si lointaine.
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Nicolas Pages

J'ai lu ce livre il y a un bail, alors plutôt que d'en faire la critique, je me permets de lire la lettre de Virginie Despentes qui rend hommage à cet écorché vif pour vous situer l'homme et sa personnalité :



Cher Guillaume,

La première fois que je t’ai vu, c’était à une lecture de la performeuse Lydia Lunch au Glaz’Art. Daniel, un ami commun, nous a présentés. Il m’a dit que tu écrivais et qu’il aimait ce que tu faisais mais je t’ai trouvé trop propre sur toi, et vu le titre de ton livre, Dans ma chambre, chez POL, j’ai cru que tu faisais de la poésie. Je n’ai même pas ouvert ton roman quand tu me l’as envoyé. Puis Daniel est mort, je me suis souvenue de ce recueil et je l’ai lu. Eh bien, bonjour la poésie… Tu appelais ton autofiction de la pornofiction et on ne peut pas dire que tu exagérais. Mais je ne te prenais pas particulièrement au sérieux, comme auteur. Tu faisais partie des bouffons de ma génération, c’est tout.

Depuis quelques années, je relis tes livres. C’est une surprise. Alors comme ça, c’est toi, le meilleur d’entre nous ? Et de loin. Tu as encapsulé les 90’s. Cette France de la fin du siècle dernier, le Paris de la nuit, l’état d’esprit, les objets, les habitudes – ça remonte d’entre tes pages. Tout y est. Mauvaise humeur, consumérisme qu’on croyait cool, techno, jouissances à la chaîne, Madonna, Minitel, ecstasy, obsession pour les fringues, politiques identitaires, alcools blancs et pharmacopée.

Tu écrivais des romans rapides, égocentrés, avec beaucoup de descentes. Tu n’étais pas un gars sympa, tu n’étais pas une bonne personne. Mais tu étais drôle, et tu aimais l’adrénaline. Parfois tu étais sentimental, jusqu’à l’imbécillité, ce qui t’allait bien. Te lire, c’est se retrouver collé à ta nuque, comme une caméra à la Dardenne, mais chez toi Rosetta est sérieusement détraquée. Tu étais à mi-chemin entre la pétasse adolescente décérébrée et le khâgneux militant intello. Et la grande différence entre tes livres et un texte bien gaulé mais qui manquerait de consistance, c’est la mort. Il y a ce martèlement, une ombre constante, le souffle court – tu vas crever, tu ne penses qu’à ça. Et c’est vrai. Tu vas crever, très vite.

Tu étais terrorisé. C’est seulement aujourd’hui en te relisant que je le comprends. On ignorait, alors, que beaucoup de séropositifs en France fêteraient leurs 60 ans. Vous étiez condamnés. Les gens comme moi vous côtoyaient, on pensait à autre chose, nous, on n’était pas des positifs, vous vous promeniez avec la mort comme un oiseau sur vos épaules. Et on vous demandait, évidemment, de ne pas trop faire chier avec ça. L’important c’était de danser, n’est-ce pas. Range ta terreur et vis avec, et tu faisais très bien le gars qui pense à autre chose.

Ensuite tu es devenu le barebacker. Ça n’était pas très malin, remarque, d’aller te vanter de baiser sans capote. Il est même possible que tu l’aies fait en désespoir de cause, pour qu’enfin on t’invite plus souvent à la télévision. Ton côté petite pétasse, une Paris Hilton avant l’heure. C’est que c’était moins facile pour toi que pour moi, les médias. Trop de sodomie dans ta prose, trop de merde et de litres de sperme avalés pour que tu sois un auteur subversif lambda. Avec cette histoire de bareback, tu as servi sur un plateau le bon motif pour t’ignorer. Il fallait t’interdire, t’enterrer. Tu étais l’auteur qu’on doit mépriser. Vu de loin, ça faisait mec sérieux, détesté jusque dans son camp. Autant d’hostilité valide l’oeuvre. Vécu de ton point de vue, je sais que c’était atroce. Encore aujourd’hui, cher Guillaume, ton nom provoque de petits remous offusqués. Céline, oui, Dustan, non. Tu as payé le prix fort pour ça, mais l’unique auteur maudit, le grand absent des listes officielles, le mauvais élément passé sous silence parce que trop dérangeant – c’est toi. Les autres, tous, nous n’aurons fait que faire tourner la machine. Toi il suffisait que tu l’approches pour la faire dérailler. L’époque aura digéré tout ce qui lui passait sous la dent, sauf Dustan. Quand tu es mort, le silence a été troublant. On ne saura jamais quel genre de vieux tu serais devenu. Tu auras toujours ta belle gueule de petite frappe insolente. Si tu voyais les têtes qu’on a chopées, nous les vivants, tu rigolerais je pense. Ce mois-ci, tes trois premiers romans sont réédités en un premier tome, chez POL. C’est un beau volume, épais, tu serais content, ça a de l’allure. Bon, pour le grand couronnement, Guillaume, je crains qu’il faille attendre un peu. L’époque n’est pas à la glorification de la baise pédé, du mauvais esprit et de la militance gay. Tu es mort depuis presque huit ans. Tu ne ressemblais pas à un écrivain français. Tu étais beau, dangereux, drogué, séducteur, ta voix était à tomber par terre de sexy. Une drôle de grimace remontait ta bouche d’un côté quand tu souriais et on ne savait pas trop si tu étais doux ou teigneux, fort ou désespéré. Tu étais excitant. Tes romans te ressemblent. C’est un plaisir de te retrouver.

À très vite, V.

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Je sors ce soir

Ce soir je sors raconte l'histoire d'un homosexuel normal qui sort en boîte gay à Paris, pour la première fois depuis de longs mois. En 119 pages présentées comme un long plan-séquence, nous déambulons dans cette boîte et le 19e arrondissement de Paris.



Guillaume Dustan nous présente de l'intérieur ce que c'est que d'être un homosexuel non caricatural (hyper musclé, hyperféminisé et hyperimplanté dans le milieu gay) dans une soirée gay à Paris où se croisent tant de profils différents. Il nous fait vivre de l'intérieur ses désirs, ses rejets et ses frustrations.



J'ai beaucoup aimé ce roman qui, même s'il se passe en 1995, est si contemporain. le milieu n'a pas changé. Les gens n'ont pas changé. Seul le vocabulaire a évolué. Je me suis vraiment reconnu dans ce gars au corps ne correspondant pas aux canons de cette communauté gay qui ne s'intéresse à une personne qu'à partir du moment où il a réussi à la mettre dans une case.
Lien : https://lgbtheque.fr/livre/r..
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Je sors ce soir

Dans ce roman, Dustan nous parle d'un lieu qui n'existe plus, mais qui fût pendant des années le lieu préféré des fêtes gays. "Le palace", cette discothèque a été le premier grand rendez-vous de la population gay dans les années 80. Le palace était une boîte à la mode dans les années 70 où se mélangeait une population interlopes (gays, hétéros, lesbiennes, punks). Mais très vite le Palace attire tellement de monde que la majorité des gays décident de trouver un autre lieu.



Dustan nous plonge dans ce monde qui n'est plus, où les survivants se font rares et sont souvent considérés comme rescapés d'un holocauste. Le roman nous entraîne dans un premier temps dans la rue du Fbg Montmartre qui en semaine ressemble au Sentier, mais qui le dimanche devient un nouveau Marais en minuscule.



Le Palace est sur 3 niveaux et ressemble à un ancien théâtre avec un immense couloir qui sert de lieu de drague lorsqu'on s'arrête pour fumer une clope ou boire sa consommation. Dustan revient dans ce lieu de la même façon qu'un travelling avant au cinéma. Il nous parle d'une fête qui a plus l'allure d'un grand enterrement.



Une sélection avait lieu à l'entrée, thee-shirt moulant pour faire ressortir les muscles, le 501, les docs étaient de rigueur si on voulait se faire remarquer sur la piste de danse. Le beau mâle exhibant toute sa virilité ne doit pas danser en remuant trop le bassin, ce qui pourrait faire croire aux autres qu'il s'agit en réalité d'une "folle". - C'était l'époque ou tous gays qui se respectent avaient adopté la mode venue de Los Angelès muscles, tee-shirt moulant souvent blanc, jean 501, rangers et surtout moustache pour ne pas être confondu avec les efféminés -.



Les mecs se saluent d'un sourire ou tout simplement d'un bonjour, sans trop s'arrêter sur un garçon. Ce n'est plus le temps du sexe dans les wc ou des glory hole. Ce n'est plus le temps de l'amour et du sexe le sida est passé par là. Pendant tout le roman, l'auteur se lasse rapidement de ces hommes et de ces corps qu'il adore et qu'il vénère. Le Palace devient une bâtisse de la mort où personne n'attends plus rien de la vie. L'auteur s'accroche à une musique inconnue ou bien au regard du barman qui sert l'alcool et va attendre la fin de la soirée pour rentrer seul chez lui, guetter sa propre fin et continuer ce début d'agonie de fête seul en se masturbant. Seul plaisir que les hommes peuvent pratiquer sans avoir aucune peur. Même si elle peut être considérée comme un artifice du plaisir, la masturbation devient sans nul doute le seul élément de fête qui reste comme segment à tous un groupe qui a vécu la plénitude de la fête. Aujourd'hui ce même groupe a disparu. Le deuil devient une cérémonie pour se souvenir d'un passé qui n'est plus.



Au sujet du deuil Dustan écrit :



"Je sors ce soir est déjà un livre sur le deuil. C'est le deuil d'une époque et c'est un livre sur le deuil de moi-même, comme si j'étais mort. Je veux dire que j'aurais pu mourir et puis non. Mais ce n'est pas un livre sur la maladie. j'ai la chance de ne pas être malade à part quelques épisodes qui font que je ne me sens pas trop gêné vis à vis des autres...."



Le sujet de la fête est un prétexte pour raconter la fin d'une époque et d'une génération qui se croyait invulnérable et immortelle tout comme les soirées du Palace.



Les romans "Dans ma chambre" et "Je sors ce soir" nous présente la vie de Guillaume Dustan au milieu des années 80 - 90 dans le ghetto parisien. Terme employé par Dustan pour définir les lieux gays de Paris.
Lien : http://chezvolodia.canalblog..
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Génie divin

Que dire de cet ouvrage sinon ma déception… J’en avais tant entendu parler [...]. Cet ouvrage n’est qu’un ensemble de théories fumeuses, pour ne pas dire fumistes, globalement incohérentes et contradictoires. Le style est souvent brouillon, et l’on passera outre, la grosse cinquantaine de pages en anglais, proprement imbuvables et d’une grande médiocrité sur le plan littéraire.[...] Globalement, passez votre chemin, il n’y a pas grand-chose à retenir. Il m’a fallu arriver à 10 pages de la fin pour enfin tomber sur une réflexion intéressante [...] pour tous ceux qui s’interrogent sur l’existence ou non d’un art gay qui viendrait se superposer à une vision plus générale de l’art. Mais bon une réflexion intéressante ne fait pas un livre…
Lien : http://lionelfour.wordpress...
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Dans ma chambre

‪Un roman provocant qui me laisse perplexe. G. Dustan se raconte mais c’est quasi trop narcissique et sexuel pour nous faire ressentir de la compassion. C’est excessif et détestable autant qu’intelligent et un crève-cœur. L’histoire d’une chute qui aurait pu être bien plus poignante.‬
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Je sors ce soir

Nuit.

Je suis guillaume, je suis Dustan, j'ai perdu ma perruque, j'ai pris du bide, un peu, je vais mourir, c'est sûr, je sors ce soir.je bois, je retrouve des ex, je drague, un Irlandais aime mes poils mais pas envie, je voudrais ( peut-être ?), les mecs sont plus beaux que moi, plus jeunes, plus sex, plus fun, ils bougent bien, je mate leurs pecs, leurs culs, leur sueur, leur bouche, j'aime les grandes bouches, j'ai envie de leurs queue, je vais souvent aux chiottes, je prends de l'exta, je danse à la vie à la mort, c'est foutu, mais je m'en fous, je danse, je vis.

Encore un peu.
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Plus fort que moi

Une littérature crue, directe comme un manifeste pour une sexualité sans entraves, sans principes, alors que l'on baigne dans les années SIDA. Dustan hurle sa colère et sa révolte et l'exorcise par un suicide glacial dans la jouissance sans plaisir ! Il faut aller tête baissée sans juger en essayant de comprendre la souffrance d'une génération perdue qui hurle pour qu'on la regarde et qu'on l'envisage comme faisant vraiment partie de cette société injuste et égoïste qui détourne la tête pour laisser certains crever en silence !
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Nicolas Pages

Le narrateur (qui n'est autre que l'auteur) a une trentaine d'années, il est homo, séropo, drogué, juif, comme il se définit. Il écrit dans ce livre une tranche de sa vie, sous forme de journal romancé.



J'ai aimé ce livre parce que l'écriture est terriblement vivante, ainsi que la construction qui est particulièrement intéressante (le journal de sa grand-mère, quelle belle surprise !). Il m'a donné l'envie de lire les autres livres qu'il avait écrit (et qui ont l'air indisponibles, mais c'est une autre histoire).



Je me suis fait la réflexion que j'avais rarement été déçue par les livres publiés dans la collection "Nouvelle Génération", de J'ai lu !
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Oeuvres, tome 1 : Dans ma chambre - Je sors..

Les trois livres sont poreux : on retrouve des personnages, des références, des médicaments, des gestes, des figures, des airs de musique, des sentiments. La répétition noue l’action : Dustan et ses partenaires pédalent dans une roue enchantée, infernale.
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Oeuvres, tome 1 : Dans ma chambre - Je sors..

J'ai eu du mal avec Dans ma chambre, vite lassé par le sexe, mais Je sors ce soir m'a tout de suite happé, et le style de Plus fort que moi était peut être plus mûr que le premier roman. Les quelques écarts sur la mort et la peur du VIH m'ont beaucoup touché et on sent en général que la séropositivité et la maladie sont omniprésentes, même quand elles ne sont pas mentionnées directement. Édition réussie, les commentaires sont pertinents
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Dans ma chambre

Il s'agit du premier roman de Guillaume Dustan. Essentiellement autobiographique qui nous fait pénétrer dans l'intimité de la vie de l'auteur. Ses journées entières à pianoter sur minitel, pour rencontrer des "coups d'un soir". Des soirées et des nuits à se droguer, à s'envoyer en l'air avec des types qu'on drague et qu'on ramène chez soi comme des courses du supermarché.



C'est un livre cru, certains diront érotiques, d'autres dont je fais parti le jugeront pornographique, mais avec quelque chose d'autre s. Mais c'est un livre fort. Dustan a ce don de nous prendre aux tripes, de nous faire partager sa vie au point de s'oublier soi-même ce qui pour moi est assez est rare et, j'ai aimé !
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