"Plus fort que moi" est le troisième "roman" de Guillaume Dustan. En fait de roman, il s'agit comme pour ses deux premiers livres d'un récit autobiographique, centré sur l'homosexualité de l'auteur.
Celui-ci est construit en 36 chapitres, qui sont autant d'épisodes sexuels, souvent sado-masochistes, survenus entre l'année 1981 et l'année 1995. L'écriture est crue, la pornographie y est clairement assumée, revendiquée, loin du culturellement et politiquement correct. Certains passages sont durs, voire très durs. Et face à une littérature aussi radicale, il n'est pas aisé d'émettre un jugement éclairé.
Faut-il voir une simple provocation outrancière, prolongée par les apparitions grand-guignolesques de l'auteur en perruque sur les plateaux de télévision?
Faut-il voir une littérature nombriliste et exhibitionniste, sans grande valeur d'un point de vue de l'histoire littéraire?
Est-ce au contraire un objet littéraire particulièrement révélateur de son époque (les années 90) et des débats qui traversent alors la communauté homosexuelle marquée par les ravages du sida? Annonciateur aussi d'un anti élitisme et d'un plaidoyer en faveur d' une "culture" de masse centrée sur le plaisir et le corps, au delà de la question de l'orientation sexuelle?
Ne faut-il pas voir ce livre comme un hymne émouvant au vitalisme et à l'hédonisme chanté par un jeune homme qui se sait porteur du virus et qui est, avant de se mettre à écrire, plongé dans la dépression ?
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Une littérature crue, directe comme un manifeste pour une sexualité sans entraves, sans principes, alors que l'on baigne dans les années SIDA. Dustan hurle sa colère et sa révolte et l'exorcise par un suicide glacial dans la jouissance sans plaisir ! Il faut aller tête baissée sans juger en essayant de comprendre la souffrance d'une génération perdue qui hurle pour qu'on la regarde et qu'on l'envisage comme faisant vraiment partie de cette société injuste et égoïste qui détourne la tête pour laisser certains crever en silence !
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OEUVRES II DE GUILLAUME DUSTAN
Rencontre avec Thomas Clerc & Frédéric Boyer
C'est le deuxième volume des oeuvres complètes, après un premier tome paru en 2013.
Génie divin, LxiR et Nicolas Pages (Prix de Flore 2000), publiés aux éditions Balland dans la collection « le Rayon » entre 1999 et 2002, forment la trilogie de ce nouveau volume. Les trois livres marquent un tournant décisif dans l'oeuvre de Guillaume Dustan, mort en 2005.
Là où la première trilogie déroulait un thème unique (le sexe) dans des cadres strictement définis (la chambre, la boîte de nuit, les back-rooms), ces trois livres, notamment Nicolas Pages, prouvent que Dustan n'est pas seulement un pornographe accompli, mais aussi « un capteur du sentiment amoureux », comme l'explique l'écrivain Thomas Clerc qui dirige cette édition, auteur d'une longue préface. La pensée et les textes de Dustan contrastent fortement avec l'époque de moralisation et de régression qui est la nôtre. La première trilogie exposait un mode de vie essentiellement axé sur le plaisir sexuel, Dustan prolonge cette revendication pour en faire un programme de vie, une sorte de projet politique. Il relie politique du désir et progressisme social, sur le double modèle du libéralisme et du libertarisme.
À lire – Guillaume Dustan, Oeuvres II, POL, 2021.
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