Citations de Henry Miller (1056)
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C'est là que j'ai écrit les lettres les plus folles qu'une plume ait jamais tracées. Quiconque se croit battu sans espoir, sans recours, peut reprendre courage à mon exemple. Pour toutes armes, j'avais une plume qui grattait, une bouteille d'encre, du papier. J'écrivais tout ce qui me passait par la tête, que cela eût ou n'eût pas de sens. Quand j'avais jeté la lettre à la poste, je montais m'étendre à côté de ma femme, et les yeux grand ouverts, je regardait fixement dans le noir, comme si j'avais voulu y lire l'avenir. Je me répétais à satiété qu'un homme – s'il aime une femme de tout son cœur, s'il est prêt à se trancher les oreilles pour les lui expédier par colis postal ; prêt à écrire avec son sang, quitte à pomper à même le cœur, prêt à saturer cette femme de l'impérieuse nostalgie de son désir, à l'assiéger sans relâche, il est absolument impossible qu'il se heurte au refus. Le moins beau des hommes, le plus faible, le moins digne, ne peut que triompher s'il consent à donner jusqu'à la dernière goutte de son sang. Pas une femme ne résiste à l'offrande de l'amour absolu.
59 – [Le Livre de poche n° 6267, p. 15-16]
Peindre, c'est se remettre à aimer. Pour voir comme le peintre voit, il faut regarder avec les yeux de l'amour. Son amour à lui n'a rien de possessif : le peintre est obligé de partager ce qu'il voit. Le plus souvent il nous fait voir et sentir ce que nous ignorons ou ce contre quoi nous sommes immunisés. Sa manière d'approcher le monde vise à nous dire que rien n'est vil ou hideux, que rien n'est banal, plat ou indigeste si ce n'est notre propre puissance de vision. Voir n'est pas seulement regarder ; ce qu'il faut c'est regarder-voir ; c'est pénétrer du regard et observer.
Sa déception fut la plus terrible que je sache. Il avait demandé plus que quiconque n'osa jamais, et il avait reçu infiniment moins qu'il ne le méritait. Rongé par sa propre amertume, par son désespoir, ses rêves furent livrés à la rouille. Mais ils demeurent pour nous aussi purs et sans tache qu'au jour de leur naissance. De la corruption qu'il traversa, pas le moindre ulcère ne subsiste. Tout est blanc, éclatant et dynamique, purifié par le feu.
Les repas sont gargantuesques – les hors-d'oeuvre à eux seuls suffiraient. Puis le dessert : melon, figues, oranges vertes, raisins, noix, patisseries turques, en réalité grecques – byzantines ! –, et le retzina qui transforme tout en poudre d'or et aère les poumons grâce à une espèce de térébenthine raffinée qui, en s'évaporant, fait naître le bien-être, la joie et la conversation.
Je ne regarde plus dans les yeux de la femme que je tiens dans mes bras, mais je les traverse à la nage, tête, bras et jambes en entier, et je vois que derrière les orbites de ces yeux s'étend un monde inexploré, monde des choses futures, et de ce monde toute logique est absente. [...] J'ai brisé le mur [...], mes yeux ne me servent à rien, car ils ne me renvoient que l'image du connu. Mon corps entier doit devenir rayon perpétuel de lumière, se mouvant à une vitesse toujours plus grande, sans répit, sans retour, sans faiblesse. [...] Je scelle donc mes oreilles, mes yeux, mes lèvres.
Enfant déjà, et ne manquant de rien, j'avais envie de la mort : j'avais envie de capituler n'ayant aucun sens de la lutte. J'avais la conviction que de poursuivre une existence que je n'avais pas sollicitée, n'apporterait ni preuve ni substance, n'ajouterait ni n'ôterait rien à rien. Tous ceux que je voyais autour de moi n'étaient que des ratés, sinon des grotesques. Notamment ceux qui avaient réussi. Ceux-là, je les trouvais ennuyeux à pleurer. Les faillis de la vie m'attiraient, mais c n'était pas la sympathie qui me guidait. C'était une qualité purement négative, une faiblesse qui n'attendait que le spectacle de la misère humaine pour s'épanouir. Je n'ai jamais aidé qui que ce fût dans l'espoir de faire le moindre bien , si je secourais les gens, c'était que je n'avais pas le courage de faire autrement.
Défense de marcher sur les pelouses ! telle est la devise selon laquelle vivent les gens.
Je suis tout entier acquis à la cause des femmes grecques ! Je suis pour leur émancipation totale.
« Il est incontestable que la majorité des livres se chevauchent. Bien rares sont ceux qui donnent une impression d'originalité, que ce soit dans le style ou dans la pensée. Et combien rares les livres irremplaçables : il n'y en a pas plus de cinquante, peut-être, dans toute la littérature.
Une destination n'est jamais un lieu mais une nouvelle façon de voir les choses.
![Henry Miller](/users/avt_fd_3378.jpg)
Cher Maurice Nadeau,[...] L’autre jour, j’ai essayé de persuader la Viking Press de publier le « Pour saluer
Melville » de Giono, que j’adore. Ils l’ont traduit il y a plusieurs années, et il traîne toujours sur une étagère .Apparemment, ils ne le publieront pas, sous prétexte d’une part qu’il est trop court, et que, d’autre part, ils ne savent pas s’il y a ici un public pour l’œuvre de Giono ,excuse à laquelle je ne crois pas du tout !Je suis fou de rage à l’idée de ne rie ne pouvoir faire par ici pour Cendrars e t Giono. Les lecteurs ont de plus en plus mauvais goût, et cela à cause des éditeurs, du cinéma, de la radio et de tous les autres foutus impondérables qui influencent nos vies. Des conneries, voilà ce qui se vend, rien que des conneries. Rimbaud, comme je l’ai fait remarquer dans l’opuscule que je lui ai dédié, a proposé une dangereuse solution à ce dilemme, une solution à laquelle je trouve que les jeunes écrivains talentueux ici, aux Etats-Unis, ont recours, à tort ou à raison, à savoir : baisser les bras. Arrêter d’écrire, telle est la solution de l’auteur. Cela devient de plus en plus évident. En réalité, dans tous les domaines artistiques, ce sont aujourd’hui les vieux qui sont joyeux et prolifiques ,qui osent aller de l’avant, qui sont jeunes de cœur. Le jour où la vieille garde disparaîtra, il en sera comme avec la terre dans certains Etats américains : la couche supérieure aura été emportée par le vent, les champs deviendront un désert, rien ne poussera plus, pas même le génie ! [...]
DE BERKELEY, CALIFORNIE, 1
ER
AOUT 1953
Une quintessence de con, voilà ce qu'elle était
N'avez-vous jamais remarqué, après bien des expériences décevantes, que quand on recommande un livre à un ami, moins on en dit mieux cela vaut ?
À l'instant même où j'ai posé le pied sur le bateau américain qui devait me ramener à New-York, j'ai senti que j'étais dans un autre monde. Je me retrouvais parmi les joueurs de coude, parmi ces âmes inquiètes qui, ne sachant pas vivre leur propre vie, voudraient changer le monde pour tous.
Mais n'importe quelle figure humaine a quelque chose de colossal, lorsque l'individu devient véritablement et totalement humain.
Il n'est pas un de nous qui ne soit coupable d'un crime: celui, énorme, de ne pas vivre pleinement la vie.
Certains d'entre eux étaient manifestement de tels menteurs, manifestement de tels hypocrites ! On en rougissait pour eux. Et sans compter les bons apôtres - ceux qui ne nous punissaient que pour notre bien ! Quelle merde !
A quoi servent les livres s'ils ne nous ramènent pas vers la vie ?
Pour la calmer, je lui propose de monter chez moi et de tirer un coup rapide avant le feu d'artifice de ce soir, mais la salope n'en démord pas : interdiction de commencer avant l'heure fixée...ce serait comme de s'amuser avec ses jouets avant Noël...
Quand on applique l’esprit à une chose aussi simple et aussi innocente que de peindre une aquarelle, on oublie un peu de l’angoisse qui naît de notre appartenance à un monde devenu fou