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Citations de Jacques Ellul (211)


Nous vivons un gigantesque procès où chacun est l'accusateur avec fougue, la passion, le délire d'être le Justicier et l'Explicateur. Chaque fois que tu accuses un autre (le fasciste ou le communiste, ou le juif ou l'immigré ou le jeune...), en même temps tu te délivres et tu t'assures de ta propre justice. Tu as trouvé ton bouc émissaire. Et nous passons en effet notre temps à le chercher. Pour poser notre main sur sa tête et nous décharger ainsi de toutes nos fautes, et l'envoyer ensuite au désert, devenir la proie des guivres, des incubes, des succubes, des larves, des lémures qui représentent nos propres haines enfin expulsées.
Il faut le reconnaître, au travers de nos succès inouïs de science et d'intelligence, par le chemin de nos croyances infuses et diffuses, Satan a gagné exactement partout. Sans exister par soi. Il nous suffit d'être nous-mêmes. De croire en nous-mêmes. Alors vient le repli. Après cette phase d'expansion accusatrice, nulle autre issue que de s'enfermer en soi, de trouver en soi son contentement et sa suffisance, et de se contempler, Narcisse qui ne se noiera pas, car il est déjà mort, et il s'est assassiné dans son accusation. Mais il lui faut bien continuer à vivre. Vois la pauvreté de l'érotisme moderne. Surprenant contresens, mais un de plus seulement, de se réaliser par l'érotisme, et de nous montrer Sade comme le héros des libérations et d'un dépassement de l'homme ? De soi ? Qui ne peut s'exprimer et s'achever dans l'acte érotique. Car, relis bien, tu verras, et non par façade morale, que chacune de ces aventures s'achève par une impossibilité, par un échec. Et l'autre, qu'en as-tu fait dans ton aventure érotique ? Je trouve bien plaisante l'attitude bravache des orgueilleux inventeurs de cette liberté ! Vous avez fait de la femme un objet ; par l'érotisme elle va se libérer, enfin devenir elle-même... mais l'érotisme est toujours plaisir solitaire, et comment ne pas voir que celui qui est utilisé n'est jamais rien de plus qu'un objet pour achever mon plaisir ? Il n'y a pas d'érotisme partagé (ce serait de l'amour). L'autre n'est jamais qu'un godemiché un peu plus perfectionné. Enfermement dans soi que l'érotisme, et rien d'autre, rien de plus, cependant que cet objet, tu es prêt à le rejeter aussi, porteur encore une fois de ce qui pourrait être ta marque d'infamie que, heureusement, tu as su projeter sur lui. Repli sur toi, pour te cuirasser contre le regard d'un autre. Utilisation de l'autre en même temps pour te sauver de toute accusation et pour satisfaire ta passion terrible de Narcisse vivant mort. Voilà où nous en sommes.
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Quand je dis que l'homme n'est pas bon, je ne me place pas d'un point de vue chrétien ni du point de vue de la morale : je veux dire que les deux grandes caractéristiques de l'homme, quelle que soit sa société ou son éducation, sont la convoitise et l'esprit de puissance.
Alors si vous laissez l'homme entièrement libre de choisir son action, inévitablement, il cherchera à dominer quelqu'un ou quelque chose, inévitablement il convoitera, ce qui est à autrui, ou à personne, et la convoitise a ceci de remarquable qu'elle ne peut jamais être assouvie, qu'elle n'est jamais satisfaite, sitôt qu'un point est acquis, elle se reporte sur autre chose.
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Je dis : "Bluff technologique". C'est-à-dire le bluff gigantesque, dans lequel nous sommes pris, d'un discours sur les techniques qui ne cesse de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, de modifier notre comportement envers les techniques. Bluff des hommes politiques, bluff des médias (tous), bluff des techniciens (quand, au lieu de travailler à leurs techniques, ils font des discours), bluff de la publicité, bluff des modèles économiques...
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La technique ne se contente pas d'être, et, dans notre monde, d'être le facteur principal ou déterminant, elle est devenu système.
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C'est l'homme qui réussit qui peut parler avec autorité de la subversion, tel Pierre Boulez. Fêté par toutes les autorités, décoré de toutes les récompenses, admis par tous les régimes, il déclare paisiblement qu'il faut mettre la subversion partout.
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(Le dhimmmi). ...bornons-nous à réfléchir à ce mot lui-même : le "protégé". Et il faut bien se demander "protégé contre qui?" Dans la mesure où cet "étranger" est en terre d'islam, cela ne peut évidemment être que contre les musulmans eux-mêmes. Le terme de protégé implique en soi une hostilité latente, c'est ce qu'il importe de bien comprendre.

p. 102
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Voici venus des temps redoutables : ceux de la "pensée molle" et de la parole humiliée.
Une indifférence empoisonnée s'élève lentement, comme un mauvais brouillard, des tumultes du moment et des querelles spectaculaires.
Les discours modernes ont basculé dans l'enflure et le dérisoire.
Rien ne serait plus vrai ni faux, tout deviendrait "égal" dans un monde du bavardage et du soupçon.
Philosophie, politique, littérature, journaux : une logorrhée de phrases vides et d'insignifiances submerge l'époque qui voit triompher l'image sur la parole, la "réalité" sur la vérité.
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L’Église a choisi l'esprit de contrainte et de domination et a rejeté l’Évangile. Elle a établi, nous avons vu comment, le primat de la loi et de la morale, par dessus la foi, l'espérance et la charité, et de ce fait, de ce fait essentiellement pour ne pas dire exclusivement, elle a éliminé la femme, elle l'a réduite au second rôle, elle l'a soumise elle aussi à la loi et aux jugements moraux. La plus grande perte éprouvée par l’Église provient de cette substitution de la morale à l’Évangile qui entraîne le rejet de la femme comme témoin vivant de cet Évangile. Une fois de plus la morale devenait l'expression du mal, de la tentation du jardin d’Éden. Et l’Église perdait sa vocation centrale spirituelle, en soumettant la femme au jugement de cette morale-là.
Je pense que nous tenons là la véritable explication de ce revirement assez stupéfiant selon lequel la femme devient objet de répulsion et de défiance en même temps qu'elle est totalement minorisée, à partir d'une Révélation biblique qui au contraire la place au centre de la volonté de Dieu pour l'humanité. [...] Cette opération a été conduite par les hommes, qui se sont comportés là en défenseurs du groupe, comme s'il s'agissait d'une agression militaire et violente.
A partir de ce moment, il a fallu procéder à deux opérations: neutraliser la femme et se justifier théologiquement. Car il ne faut pas oublier que nous nous situons dans l’Église et le milieu chrétien.
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Toute contestation, toute perturbation dans le système n'est rien d'autre qu'une provocation, une sollicitation pour que de nouvelles techniques, de nouvelles organisations, de nouvelles procédures soient mises en place, intégrant chaque fois un plus grand nombre de données (en quantité illimitée grâce à l'ordinateur). Et ceci s'effectuant non pas contre l'homme et pour le posséder ou le dominer : le système n'a aucune intention ni aucun objectif : il se déroule comme ça simplement. Et ses servants sont bien convaincus qu'ils travaillent pour le bien des hommes. Ils sont animés des meilleures intentions. Ce qui fait que le système technicien est de plus en plus humanisé. Mais par l'absorption de l'humain dans le Technique. Un autre processus est impensable.
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Nous l'avons déjà dit d'ailleurs la propagande est, elle aussi, une technique. Nous consacrons de nombreuses pages à expliquer comment la propagande est dans le monde actuel une nécessité à laquelle il n'est guère possible d'échapper. Ici, l'expérience m'a révélé la source d'un insondable malentendu. L'homme moderne est habité par la religion du fait, c'est-à-dire par l'acceptation du fait, contre lequel on ne peut rien ; par la conviction que ce qui est, est bon ; par la certitude que le fait est en soi preuve et démonstration ; par la soumission des valeurs aux faits ; par l'obéissance envers la nécessité, qui d'ailleurs est assimilée au progrès. Or, cette attitude idéologique stéréotypée conduit inéluctablement cet homme à confondre le jugement de probabilité et le jugement de valeur. Parce que le fait est critère, il faut que ce fait soit bon.
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Toi que sais-tu ?
Je ne puis dire
puisque l’ellipse d’un sourire
a plus de sens
que ma raison.
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Je voudrais rappeler une thèse qui est bien ancienne, mais qui est toujours oubliée et qu’il faut rénover sans cesse, c’est que l’organisation industrielle, comme la « post-industrielle », comme la société technicienne ou informatisée, ne sont pas des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à produire du profit. Exclusivement. Tout le reste est prétexte, moyen et justification. (page 571)
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Les idées dominantes d’une société sont les idées de la classe dominante. (page 82)
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La publicité, les divertissements par mass media, la propagande politique, les relations humaines et publiques, tout cela, avec des divergences superficielles, a une seule fonction : adapter l'homme à la technique. Lui fournir des satisfactions psychologiques, des motivations, qui lui permettent de vivre et de travailler efficacement dans cet univers. Tout le panorama mental dans lequel cet homme se situe est produit par des techniciens et conforme cet homme à un univers technique, le seul qui lui soit renvoyé dans toutes les représentations fournies. Non seulement il vit spontanément dans le milieu technique mais la publicité ou le divertissement lui présentent l'image, le reflet, l'hypostase de ce même milieu.
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Le roman n'a pris son essor qu'au fur et à mesure de la disparition de l'être chez l'homme. Moins tu vis, plus tu lis les histoires des autres. Moins tu es un héros, plus tu as besoin de rencontrer un héros. Moins tu as de satisfaction sexuelle vécue, plus tu dois chercher l'érotisme vu ou lu. Moins ta vie est une aventure essentielle, plus tu vivras les aventures vicaires. Ainsi nous avons le sentiment de ne pas être nuls, de ne pas être seuls. Notre vie commence dans la vie rêvée racontée par d'autres. Et cela nous permet d'éviter soigneusement de nous brûler au feu de la question dangereuse, de manipuler cette trinitrine qui consiste à se demander avec rigueur : « Qu'est-ce que tout cela vaut, ma vie, mon travail, mes amours, cette civilisation, cette culture, cette organisation, qu'est-ce que cela vaut ? »
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Si l'argent était resté à son niveau de pur instrument sans aucune illusion, sans être magnifié, pure utilité concrète sans idéologie, sans fascination, sans hypnose, il n'aurait aucun pouvoir sur l'homme et n'engendrerait aucune déformation. Mais voici qu'il a fallu y adjoindre la croyance que l'argent permettait de tout faire, que tout était à vendre, que grâce à lui la puissance était en nous ; c'est la croyance qui a nimbé le nouveau dieu de ce sacré mortel qui a entraîné les injustices et les massacres du monde moderne. Et j'en dirais autant pour le pouvoir politique. Quelle étrange alchimie a transposé le banal pouvoir de commander, de gérer, d'organiser en une sublime fonction qui concentre tous les pouvoirs et toutes les armes, tous les droits et tous les abus, avec le consentement des opprimés parce qu'ils croient. Ils croient en cette valeur, cette toute-puissance, et tendent le cou pour qu'on y mette le joug. C'est la croyance qui engendre la passivité. Mais croyance productrice d'une sorte de surréel, qui seul permet l'aliénation. L'homme, durement et simplement placé devant la réalité même, sans voiles et sans illusions, peut accéder à la liberté en combattant ce qui l'opprime. Il faut commencer par détruire ces mythes et ces croyances.
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La représentation scientifique est purement symbolique, et nous faisons confiance à ceux qui nous la montrent pour nous faire une idée d'un réel irreprésentable. Mais cela est tout autant arbitraire et artificiel que les statues des dieux.
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Par contre, ce qui me parait juste et possible, c'est la création d'institutions nouvelles à partir de la base, celle-ci engendrant ses propres institutions destinées en réalité à remplacer les pouvoirs et autorités qu'il faudrait arriver à détruire. Ne jamais fonctionner sur un mode autoritaire et hiérarchique, mais strictement démocratique, et provoquant des fédérations, le lien fédéral étant le seul lien "national".
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J'entends par là que le développement de la technique n'est ni bon, ni mauvais, ni neutre, mais qu'il est fait d'un mélange complexe d'éléments positifs et négatifs, "bons" et "mauvais" si on veut adopter un vocabulaire moral. (p.93)
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La mauvaise conscience est indétachable de la liberté. Il n'y a pas de liberté sans regard critique sur soi-même, [...] et c'est l'excès de la liberté avec le retournement critique qui se trouve à l'origine de la pensée dialectique de l'histoire.
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