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Citations de Jacques Lacarrière (282)


Tristesse de la cité
  
  
  
  
Le bruit est mort dans cette ville
inquiète. Ce qu’on entend n’est rien
qu’un écho de la vie qui s’obstine,
la voix des morts lugubres qui survit
en suspens, ne s’éloigne pas même
quand on a refermé les tombeaux.
Dans les rues vides se promène
le souvenir de ceux
qui ont vécu pleins d’élans, de passion,
et voilà ce qui reste
de ces gens
qui ont vécu leur vie dans cette ville.
Ils vont et viennent, parlent parfois
peut-être, ces troupeaux humains,
errant çà et là, sans but, délaissés,
mais partout s’est posé un affreux silence,
brisant le cri de la douleur :
et celui qui l’entend est vraiment mort.


// Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Un temps prisonnier dans les chapelles silencieuses
ni les mains qui se tendent pour réclamer, ni les chemins.
J’ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l’infini silence.

Georges Séféris, Épiphanie 1937
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Récit

Cet homme marche en pleurant ;
nul ne saurait dire pourquoi.
Certains pensent qu’il pleure sur des amours perdus
pareils à ceux qui nous obsèdent tant,
l’été, près de la mer, avec les phonographes.

Les autres pensent à leurs tâches quotidiennes,
papiers inachevés, enfants qui grandissent,
femmes qui vieillissent avec difficulté.
Lui, possède deux yeux comme des coquelicots,
comme des coquelicots cueillis au printemps,
et deux petites sources au coin des yeux.

Il marche dans les rues, ne se couche jamais,
enjambant de petits carrés sur le dos de la terre,
machine à vivre une souffrance sans limite
qui finit par ne plus avoir d’importance.

D’autres l’ont entendu parler
seul, tandis qu’il passait,
de miroirs brisés depuis des années,
de visages brisés au cœur des miroirs,
que nul jamais ne pourra restaurer.

D’autres l’ont entendu parler du sommeil,
de visions horribles aux portes du sommeil,
de visages insupportables de tendresse.

Nous nous sommes habitués à lui, il est correct, il est tranquille
sauf qu’il marche en pleurant, sans cesse,
comme ces saules au bord des fleuves qu’on aperçoit du train
dans une aube brouillée, par un réveil maussade.

Nous nous sommes habitués à lui — il ne signifie rien,
comme toute chose devenue habitude ;
et si je vous en parle c’est que je ne vois rien
qui ne soit devenu pour vous une habitude.
Mes respects.

Georges SÉFÉRIS, in Journal de bord
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Septembre sans amour


Quel est celui que tu attends marchant toujours penché
dans l’insouciance d’un septembre de miel
sans cesse on te dépasse mais reste le parfum
des kilomètres aux lumières des gares
et dans la tête les haleines chaudes et la mer.
Ils ne pourront jamais plus te voir
comme autrefois, dans les yeux ; et toi, écartant une à une
les branches du domaine pour voir la ville
tu ne verras nul signe au ciel d’automne
en t’éveillant dans le recueillement de la terre gelée
de l’espoir sale, de l’ivresse vulgaire.
Ils savent désormais pourquoi détournant les yeux
tu les nourris de drogues et tu daignes
les laisser perdre le restant de leur vie
mais cela suffit
et la musique peut bien se noyer dans le sang
car bouillonnent les bruits d’une ambiance d’hiver, moteurs, fumées
remue-ménage nouveau pour ton prochain départ

Nìkos-Alèxis Aslànoglou, Odes au prince, 1981
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Source


Que nous est-il resté du décor ? La chaise et l’autre chaise,
le tournant brusque du vent.

Ou bien, disons, feu le soleil avec ses vitres et ses oiseaux.

Nous savons avancer, approuver, oui, nous nous trouverons,
je me souviendrai de toi.

Ce qui se déplace et passe et n’est pas entendu,
à peine entendu dans les mots.

Volte-faces, reprises, béances, et l’abandon, surtout l’abandon.

Ce qui est parti sans partir, le mur qui respire, la pierre a son ombre,
l’épine a sa lune,

l’humble trésor laissé sans défense aux dents de la forêt,

le vallon oublié dans l’auge du silence, et sa goutte d’eau noire.

Dis-moi, que reste-t-il encore ?
.

Tàkis Sinòpoulos, extrait de Pierres (1972)
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Dimanche après-midi
  
  
  
  
Dimanche après-midi, les portes des immeubles me rappellent
d’anciens mausolées oubliés.
Et s’il se trouve à l’entrée un lierre
ou quelque plante grimpante, alors on s’y croirait.

Là s’endormirent nos amies, anonymes, inconnues.
Sans la force de choisir
l’ultime occasion offerte :
rester sentimentales.

Tu allumes la lumière. Tu éteins.
Je veux t’aimer avant tout.
Tu allumes la lumière. Tu éteins.
Dans un recoin une vieille bigote nourrit ses chats.
Tu joues sans te douter de rien. Longs cheveux, longues jambes, nues.

Le vent fait voler ta jupe.


// Yorgos Markopoulos / Γιώργος Μαρκόπουλος (1951 -)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Jacques Lacarrière
Il en est toujours ainsi avec la tolérance : elle ne peut par nature lutter contre le fanatisme.
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Capitale de la volupté : Alexandrie. Capitale des désirs. Des déviances. Tous les amours y avaient cours : l'amour fou, lubrique, angélique, démoniaque, platonique, primate, vénal, anal, homo, hétéro, lesbien, pédophile, nymphophile, zoophile même (assez naturel dans un pays où les animaux passaient pour le réceptacle des dieux). Alexandrie sut dépasser Athènes et Rome dans l'art d'apparier féeriquement en l'homme l'ange et la bête.
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Elle frissonnait de froid. Ses bras, engourdis par des heures d'immobilité, commençaient seulement à reprendre vie. Elle haletait là dans le noir sans pouvoir s'endormir, appuyée de toutes ses forces contre le sol pour y meurtrir son corps. Son ventre lui faisait mal, un mal complexe, car il était fait d'un violent désir de se plaquer contre la terre pour y sentir son sexe éraflé par les pierres et d'un désir tout aussi violent de clore ce sexe à jamais, de l'obturer, de le séquestrer en sa propre chair. Et se séquestrer elle aussi, à l'infini.
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Du haut de la Chora, la capitale, l'île étend sous les yeux son blason de lumières intenses et d'ombres nues : taches ocres des cultures en terrasse, lignes plus claires des murets de pierres sèches, coupoles immaculées des chapelles, bouquets verts des oliviers, alignement ténu des tamaris, indentations des eaux dans le profond des terres, multiples promontoires figés par le grand trident du soleil.
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Car ma maison est un foyer où j'ai déclos et non enclos ma vie. Elle n'est pas ma prison mais mon horizon différé.
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Ma maison est toujours imprégnée de cette sagesse sédentaire même si elle doit compter avec mon nomadisme. Car je vis au coeur de ce passé sans aucun sentiment passéiste. Cette histoire, cette ancestralité, ces fantômes, ces murs aux pierre ridées, je ne les ai pas spécialement recherchés.
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Une simple motte de terre peut vous livrer autant de secrets qu'une montagne, et la lumière d'un vers luisant, surprise au crépuscule dans le foisonnement des herbes, autant d'éblouissements que le scintillement des étoiles.
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Herbes. Non pas herbes pour les hommes, juste bonnes à être foulées, à servir de tapis aux plantes de leurs pieds, sans autre parure que ce vert qui ferait croire qu'elles tiennent à se confondre entre elles. Non pas herbes folles ou sages selon les mots des hominiens, non pas herbes nanties d'histoire agreste et de ruralité mais herbes pour non-humains, pour vers et pour insectes, pour soles et pour antennes, herbes libres, indigènes, pour tarses et pour labres, pour glosses et vibrisses, herbes pour vent d'avant l'invention du mot vent.
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Je n'avais jamais lu ce livre, une belle découverte qui m'a ramené des années en arriière avec une traversée de la France si bien racontée. Pour les personnes qui souhaitent marcher pour s'évader de notre société, voilà un livre qui donnent envie de partir. Alors je le recommande et ensuite passer à l'acte.
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Tu as chu incompris mais tu n'as pas chu oublié. Ta chute a servi d'exemple non à ceux qui rêvaient de voler mais à ceux qui vivent sans ailes.
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Et moi, entre ces deux royaumes, je me trouvais une fois de plus à la lisière de deux promesses qui ne laissaient au cœur aucun répit. Mais, après tout, pourquoi choisir ? Pourquoi ne pas rester ainsi à la lisière de deux mondes, me nourrir de la mer, me nourrir de la terre, apprendre leurs deux voies et les unir en moi ? J'aimais ces domaines indécis, cette grève où les méandres de l'écume dessinaient comme les fontanelles du sable et de la mer, le dipneuste destin de ma vie.
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La solitude, le désarroi m’étreignirent tant que je voudrais courir, courir sans fin, crier. Crier quoi ? Je ne peux que Te murmurer contre le sable ce que jamais Tu n’entendras : pardonne-moi de ne pas avoir su T’aimer comme sans doute Tu le désirais. J’étais encore trop peu oiseau pour satisfaire ton désir. Pourtant, Tu m’as appris ce que sans Toi je n’aurais jamais su. Tu m’as donné de nouveaux sens, guidé parmi les routes neuves de l’azur et l’énigme des vents. Merci de m’avoir accepté, moi, l’ex-hominien, le presque-Loir, l’apprenti-Grue, pour amant de ta migration. Merci de cette tendresse au cœur du ciel, de cette longue étreinte qui fit de nos deux corps un seul Être de plumes, de souffles et de désirs, un Ange unique et lui-même inconnu des anges.
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Imagination du moi
extrait 2
  
  
  
  
Immobile à tous les pas
sans un geste j’accomplis
une foule de gestes je sens
le moindre geste
             plaisir
tu es du temps le terrible
principe où se rencontrent
privation et multitude
angoisse durable le temps
inlassable inexorable
où j’endure, tout dure
où je me trouve, je me retrouve
et vois
à travers l’espace du temps
le temps du corps, qui prend corps.


// Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Imagination du moi
extrait 1
  
  
  
  
Parfois les pas du temps
s’arrêtent et le silence alors
s’installe, tantôt terrible
odieux obscur et plein d’angoisse
épais inéluctable
tantôt plus clair, apparaissant
pétri de lumière
pur, infini, limpide
et léger, si léger
que tu ne peux rester
là non plus
dans toute cette lumière
soudaine intense
que tu donnes et reçois
qui te brûle
au moment de calme
où le temps s’arrête
et le silence attend lumineux
et le temps attend lui aussi
que tu t’effaces


// Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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