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Critiques de Jean Racine (763)
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Esther

J'ai énormément aimé cette tragédie racinienne, au point d'apprendre par cœur plusieurs tirades d'Esther.



Cette pièce occupe une place toute particulière dans l'oeuvre du grand dramaturge puisqu'elle fut commandée par Mme de Maintenon (que Louis XIV avait fini par épouser secrètement) pour ses demoiselles de Saint-Cyr, (élèves de la Maison Royale de Saint-Louis, cette école pour jeunes aristocrates désargentées créée notamment dans le souci de combler le vide poignant creusé en elle par l'absence d'enfant de son sang).



De ce fait, le thème biblique choisi par le tragédien convient à tous : à la commanditaire de l'oeuvre qui met un point d'honneur à en faire un exercice pédagogique et à l'auteur pétri de jansénisme et devenu historiographe du roi. Ce dernier viendra d'ailleurs honorer de sa majestueuse personne plusieurs répétitions et patronnera la première représentation donnée par les demoiselles au sein de leur école. "Esther" a la particularité de joindre au jeu des acteurs des scènes chantées.



Le thème de cette tragédie sacrée est issu de l'Ancien Testament. L'histoire de la Juive Esther est touchante, c'est l'incarnation de l'abnégation et du sacrifice pour sauver son peuple. A la beauté et la poésie de la langue (cette tragédie est versifiée bien-sûr) devait se mêler en parfaite harmonie la musique de Jean-Baptiste Moreau, hélas aujourd'hui introuvable.
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Andromaque

Voilà un classique du genre théâtral que beaucoup considère comme la meilleure œuvre du célèbre Racine. Le dramaturge du XVIIe siècle n'a pas son pareil pour mettre en scène les plus grandes figures féminines de l'histoire, de Bérénice à Iphigénie en passant par Athalie et bien sûr Andromaque, et comme souvent c'est dans l'Antiquité qu'il va chercher l'inspiration. Quatre protagonistes pour cette pièce : Oreste, fils d'Agamemnon et Clytemnestre, fou amoureux de sa cousine Hermione ; cette dernière, fille de Ménélas et de la belle Hélène, aime pour sa part Pyrrhus, fils d'Achille, qui se consume pour Andromaque, femme du défunt héros troyen Hector et désormais uniquement concernée par la sécurité de son fils, Astyanax (ça va vous suivez?).



L'auteur manie les mots comme personne et nous offre une œuvre bouleversante dans laquelle l'intensité dramatique ne cesse de croitre au fil des pages jusqu'à son paroxysme. Les héroïnes de Racine sont magnifiques dans leur douleur, qu'il s'agisse d'Andromaque se refusant à faire le deuil de son époux, ou d'Hermione, rongée par la jalousie et son désir de vengeance et que même l'amour d'Oreste ne pourra sauver. Moi qui ne suis pas spécialement amatrice de ceux que l'on considèrent aujourd'hui comme des « auteurs classiques », c'est toujours avec bonheur que je me plonge dans les œuvres de Racine dont Andromaque est à mon sens la plus aboutie.
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Bérénice

Bérénice, tragédie versifiée en 5 actes de Jean Racine (poète tragique du XVII° siècle, membre de l'Académie française auteur de Phèdre, Andromaque, Britannicus...)conte l'amour absolu (mais impossible car "l'hymen chez les Romains n'admet qu'une Romaine") entre Titus (nouvel Empereur de Rome suite au décès de son père) et Bérénice, reine étrangère). Elle fut jouée en même temps que Tite et Bérénice de Corneille, mais eut plus de succès.

Paradoxe éternel, le choix n'est que souffrance ( puisque à l'encontre d'Antoine "qui oublia sa gloire et sa patrie" pour Cléopâtre) Titus, par devoir, bien qu'amoureux, généreux et sensible, choisit (à contre coeur) sa mission vis à vis de Rome ("Pourquoi suis-je empereur? Pourquoi suis-je amoureux?") et sacrifie du même coup sa fidèle, radieuse et belle maîtresse éperdue d'amour qui va se désespérer (" Pour jamais! Ah! Seigneur, songez -vous en vous-même/ Combien ce mot cruel est affreux quand on aime?").

Racine suit dans cette pièce les règles du théâtre classique puisque l'unité de lieu (Rome), d'action (l'amour) et de temps (le drame se passe un jour durant) sont préservés et que cette pièce n'est pas choquante pour le public.

On peut noter: la musicalité des mots, le trio amoureux (se rajoute le prince et ami Antiochus, amoureux transi et honnête qui s'efface: "D'un voile d'amitié j'ai couvert mon amour") qui relance l'intrigue, la bonne étude psychologique des personnages, le riche registre émotionnel (amour,incertitude,désespoir,espoir,tristesse,rage, ressentiments...)

Bien que cette tragédie me paraisse un peu désuète de par l'emphase de ses déclamations ( "Ah lâche!"... '"Ah! Bérénice!"...Ah prince malheureux!"..."Ah! Seigneur"...) et ses "funestes adieux", les thèmes forts de l'amour absolu, du renoncement, de l'absurdité d'un destin pouvant entrainer la mort, font de Bérénice un classique incontournable.
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Phèdre

Comment rester froid face à cette passion qui dévore Phèdre malgré elle? Comment ne pas avoir de compassion pour cette femme qui, choisissant un mari, découvre le fils et éprouve pour lui le pire sentiment qu'il soit, puisqu'il est non seulement adultère mais aussi incestueux?

Se battant désespérément contre ses propres sentiments, Phèdre est confrontée à un terrible dilemme: laisser cette passion la ronger de l'intérieur et la pousser à la mort, ou la révéler et détruire tout autour d'elle, en espérant secrètement que cet amour lui sera rendu. Or, Hyppolite, l'objet involontaire de sa passion, aime lui-même dans le secret et contre l'accord de son père la jeune Aricie, héritière légitime du trône à la mort de Thésée qui veut y mettre son fils.

Racine exploite avec perfection ces mouvements du coeur qui poussent les personnages à agir pour leur malheur et celui des autres, contre toute raison. Ils ne sont pas seuls: conseillés, manipulés par leurs confidents respectifs - c'est notamment Oenone, la nourrice de Phèdre, qui la poussera au malheur -ces personnages de tragédie subissent plus qu'ils ne décident un sort qui leur sera fatal.

Après Britannicus, je découvre une deuxième pièce de Racine avec un bonheur égal et surtout une aussi grande admiration pour cette oeuvre qui malgré les années, que dis-je, les siècles, reste intemporelle et si facile d'accès.

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Britannicus

On ne lit plus Racine, aujourd’hui. Si ce n’est par nécessité (un concours ou examen à passer, par exemple) alors c’est seulement par pur attrait pour la langue française. A l’école, je n’ai pas eu à étudier cette œuvre et c’est tant mieux : j’étais loin d’être mûr pour ça, à l’époque.

On ne lit pas Britannicus pour son histoire . On ne le lit pas plus par intérêt pour l’Histoire avec un grand h: si Racine s’est inspiré des Annales de Tacite, il s’en est écarté lorsque les canons esthétiques et littéraires le commandaient.

Non, on lit Britannicus uniquement pour entendre chanter la langue française sous la plume de Racine. Et l’on a bien du mérite car il faut s’accrocher, les modes d’écriture et la langue ayant terriblement changé en trois siècles et demi ! La tragédie est évidemment écrite en alexandrins et beaucoup de mots sont employés dans un sens fort différent de celui d’aujourd’hui.



Mais n’est-on pas récompensé de ses efforts en lisant d’aussi belles phrases que

« Vous n'aurez point pour moi de langages secrets: J'entendrai des regards que vous croirez muets ».



Ou celle-ci encore (de Burrhus, s’adressant à Agrippine, mère de Néron)

« Il est votre empereur. Vous êtes, comme nous,

Sujette à ce pouvoir qu’il a reçu de vous.

Selon qu’il vous menace, ou bien qu’il vous caresse,

La cour autour de vous ou s’écarte, ou s’empresse. »



Alors si on ne peut plus lire cet auteur sans buter sur telle ou telle phrase, sur tel ou tel mot, certains regimbent et désertent les champs du classicisme français. Et bien, c’est fort dommage car on n’a rien sans rien dans la vie, la beauté a un prix (surtout la beauté !) et l’on doit la débusquer partout où cela est possible. Il y a bien sûr des trésors à (re)découvrir chez les écrivains du XVIIe siècle.

C’est désormais au public de s’adapter à Racine: en son temps, il a déjà fait le maximum pour plaire et son style ne changera plus, n’est-ce pas ?



Et puis :

Qui suis-je vraiment, petit klakmuf dans ses tartines,

Pour chipoter ses cinq étoiles au grand Racine ?

Moi dont l’ignorance est encyclopédique,

Je tournerais boudeur, je deviendrais critique ?

Non, cela ne doit pas et ne se fera pas :

Cinq étoiles il mérite, cinq étoiles il aura !

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Bérénice

Ah! cette belle oeuvre que nous offre Jean Racine, à partir d'une histoire épurée, un moment plein de majesté.



Secrètement amoureux de Bérénice, le prince Antiochus est malheureux car la reine de Palestine est promise à l'empereur Titus. Or Rome refuse à Titus le mariage avec une étrangère et désespéré, celui-ci charge son ami Antiochus de l'annoncer à la reine....



Anachronisme des anachronisme, c'est par la voix de mon petit robot 'Hortense' que me parvenaient ces merveilleux alexandrins :-)

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Britannicus

Qu’être un fils-à-maman est une douce chose !

La grâce, dans ses bras, et l’amour se reposent !



Vous êtes le plus grand, vous êtes le plus beau !

A vous, tous les talents ! Vous êtes sans défaut !

Votre col est taurin, votre nez est trop rond ?

Vous êtes plein de force, vous êtes son Néron !



Vous êtes lunatique, vos rêves sont bizarres ?

Vous effrayez les filles, elles ont des cauchemars,

Vous aimez les surprendre souvent au saut du lit ?

Surtout quand il s’agit de la douce Junie,

Cette jeune captive, dans le simple appareil

D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil…

Ah, vous avez tôt fait d’en faire votre idole

Et ce n’est pas seulement dû à son baby doll !



Vous êtes un peu rebelle, alors votre Maman

Vous a doté de deux tuteurs fort compétents :

L’un est le grand Burrus, bourru et irritant,

Barbon que ses conseils ont rendu bien barbant,

L’autre a un nom de fleur, mais il sort du fumier,

On dit que de Maman il sut se faire aimer,

Mais là, c’est vous qu’il sert, ses intrigues il tisse,

Il espionne partout, le perfide Narcisse !



Mais depuis quelque temps Maman vous fait la tronche,

Se méfie de vous comme d’un cheval qui bronche :

Elle vous caresse moins, vous parle de travers,

Réserve ses câlins à votre demi-frère…

Ah quel ennui vraiment : mais qu’a donc ce minus ?

Qu’est-ce qu’on peut lui trouver, à ce Britannicus ?



Si Maman s’en entiche, adieu tous vos pouvoirs !

Car il est fils de Claude, allez donc vous faire voir !

Ce Claude, ce tonton, que Maman épousa

Et tua. Oui : Ad augusta per angusta,

Disait votre Maman. Avant, elle prit soin

De vous faire adopter, vous le bâtard taré

Et de déshériter le Britou , l’ Octavie :

Vous étiez donc promis aux couronnes qui brillent…

Mais voici qu’elle change, cette mère redoutée,

Elle vous fuit, elle vous craint, que peut-elle mijoter ?



Si un fils- à -maman est une douce chose,

Si c’est pour un garçon une vallée de roses,

Il est un cas pourtant où l’on fait grise mine :

Quand on est le fiston de maman Agrippine !



Hauts les cœurs, point de peur, quand on est un Néron,

On se jette hardiment dans l’arène, voyons !

Demandez à Locuste, la savante en poisons

Qu’elle vous débarrasse du petit avorton,

Qui n’a qu’un seul atout, le pauvre rejeton,

C’est bien d’être orphelin : pas de mère crampon !

Et c’est votre Maman qui joue les chaperons !

Il lui en cuira donc : vous abattez la tour !

Britannicus se tord devant toute la cour,

Il a bien mal au ventre, il geint, il va mourir..



Maman a tout compris, mais elle sait se tenir :

Pas un mot, pas un geste, elle demeure sereine…

A vous de renverser après ça votre reine

Dans ce grand jeu d’échecs qui se joue entre vous :

Etre un fils-à-maman c’est dangereux comme tout !



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Phèdre

J’ai toujours préféré les comédies aux tragédies parce que je trouve ces dernières un peu austères. Mais je dois avouer que la plume de Racine est tellement belle que se plonger dans l’une de ses pièces permet de passer un grand moment de lecture.



Dans Phèdre, comme dans Bérénice, la règle des trois unités est respectée, il y a une action principale et on sait dès le début quelle en sera l’issue. Mais ce n’est pas l’intrigue de cette pièce qui m’a le plus intéressée : Phèdre est en proie à une passion qui la consume, à un amour tel qu’il ne peut qu’avoir été provoqué par un dieu – Vénus en l’occurrence – qui cherchait à se venger. La fatalité est donc bien présente : comment peut-on échapper au courroux d’un dieu ? L’issue ne peut qu’être funeste. Eh oui, c’est une tragédie. On sait donc dès la scène d’exposition que la fin ne sera pas heureuse. De toute façon, le tout a une visée cathartique : faire réfléchir les lecteurs et les aider à se libérer de leurs passions. Le sort des personnages peut donc bien être funeste, la pièce n’en sera que plus cathartique.



Mais au-delà de cette intrigue, ce qui est vraiment appréciable, c’est l’écriture, les alexandrins, les tirades, les multiples citations que l’on peut tirer de cette pièce. Il suffit d’ouvrir le livre, à n’importe quelle page, pour se rendre compte de la beauté de ses vers :



« Le voici. Vers mon cœur tout mon sang se retire.

J’oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire. »



« D’un mensonge si noir justement irrité,

Je devrais faire ici parler la vérité. »



Voilà qui donne envie de lire d’autres pièces de Racine, de temps en temps, rien que pour apprécier la beauté et la richesse de la langue.
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Bérénice

Qui n'a jamais entendu parler de l'histoire d'amour entre Titus et Bérénice ? L'action se passe à Rome, on y suit un triangle amoureux. Bérénice, princesse de Judée à l'origine est ici reine de Palestine, elle est courtisée indirectement par Antiochus. Les confidents des deux personnages ont un rôle important, ils sont sages et humbles. J'ai lu l'incipit d'Aurélien de Louis Aragon, la phrase "Je demeurai errant dans Césarée" est restée dans ma tête comme une parole marquante de chanson. Antiochus, roi de Comagène, n'a qu'un seul désir : se marier avec la belle et douce Bérénice. Titus emmène la reine à Rome après être sorti vainqueur d'une bataille, il espère se marier avec sa belle. le roi de Comagène cache son amour au début, en espérant que l'amour entre Bérénice et Titus devra surmonter des obstacles imprévus et destructeurs. L'originalité de cette pièce a été reprochée mais aussi admirée par beaucoup. La versification racinienne en cinq actes relève d'un coup de maître. Il n'y a pas beaucoup d'actions mais une confuse de sentiments est perceptible ici. le succès de Racine a été si grand que son oeuvre a été considérée supérieure à celle de Corneille. Cette pièce de théâtre est à lire pour tous les amateurs de tragédies classiques avec une fin prévisible et touchante.

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Bérénice

Étonnant que cette pièce m’ait autant plu.

Pourtant, il ne se passe pas grand-chose. Bérénice, ce n’est finalement que l’histoire d’une rupture. Et on ne peut pas compter sur un aspect sanglant. Comme le dit Racine lui-même : « ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie ». Voilà une position qui me surprend. Si je trouve que, parfois, certains auteurs en font trop en assassinant et suicidant tout le monde à tire larigot à la fin, j’ai du mal à considérer comme justifié le point de vue de Racine. Il faut un minimum quand même, sinon, on reste dans un registre tout juste dramatique.

Mais à la lecture de Bérénice, j’ai jeté ces considérations dans la poubelle de mon PC. Fi des classifications ; le texte est superbe !



Il raconte comment Titus, devenu empereur de Rome à la suite du décès de son père Vespasien, rejette contre son gré son amour pour la reine Bérénice pour des considérations politiques. Titus et Bérénice s’aiment depuis un bout de temps, mais tant qu’il n‘était que prince, cela pouvait être considéré comme une foucade. Mais dès lors qu’il est amené à représenter Rome, c’est un personnage d’une autre stature qu’attendent le peuple et le Sénat. Comment pourrait-il épouser une orientale ? Une reine de surcroît, alors que les Romains honnissent le concept de royauté depuis les balbutiements de la Ville (seulement trois rois à ses débuts, et puis fini) ? Ce serait se rabaisser à un Marc-Antoine, qui en oublia Rome avec sa Cléopâtre. Lui, jeune, en pleine gloire militaire après les guerres de Judée, obscurcirait immédiatement un règne qui s’annonce magnifique.



Mais Titus ne veut pas renoncer si facilement. Même quand il cède à son entourage, il ne trouve pas le courage d’en parler directement à son aimée. Bérénice ne comprend d’abord pas pourquoi Titus est si fuyant, lui qui lui promettait hier encore la place d’impératrice. Elle lui cherche des excuses – le désespoir dû à la mort du père – jusqu’au moment où cela ne suffit plus. La nouvelle finit par lui parvenir : elle est déchue. C’est l’incompréhension, puis la colère.

L’histoire est un peu compliquée par la présence d’Antiochus, roi de Comagène, ami de Titus et amoureux depuis toujours de Bérénice, qui apparaît comme un vrai dindon de la farce, bousculé entre les réactions de l’un et de l’autre, obligé de servir de médiateur, voyant enfin une ouverture à son amour mais qui se referme aussitôt. Pauvre gars.



Les raisons politiques, les tergiversations, les passions, les colères sont sublimées par les vers de Racine, et ce faisant prennent effectivement une teinte tragique. Seul défaut à mon avis, ce sont les chantages au suicide qu’imposent les trois acteurs à la fin. Chacun dit aux deux autres « tu auras ma mort sur la conscience » avant que la raison vienne mettre de l’ordre dans tout cela.



Avec cette pièce, j’achève le premier tome du théâtre complet de Racine. Le tome 2 attendra un peu.

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Phèdre

Créée en 1677, avant un longue pause dans la carrière de dramaturge de Racine, puisqu’il n’écrivit plus de pièce pendant douze ans, ne reprenant la plume que pour satisfaire Mme de Maintenant, en composant ses deux dernières ouvres théâtrales, Esther et Athalie, sur des sujets religieux, pour les demoiselles de Saint-Cyr.



Phèdre est sans toute la pièce la plus célèbre de son auteur, celle qui continue à être la plus jouée encore maintenant, et qui est souvent considérée comme l’apogée de la tragédie classique à la français.



Pourtant, elle ne représente qu’une des facettes de cette forme théâtrale, qui a connue une longue histoire de près de trois siècles, avec des conceptions, pré-supposés bien différents. A l’origine, au XVIe siècle, elle était censée être un genre au service de l’instruction morale. L’émotion que provoque la tragédie est au service de l’instruction, elle a un but d'utilité morale.



On en est loin chez Racine. L’émotion a pris le pas, et surtout « la poésie dramatique a pour but le seul plaisir des spectateurs » a écrit Corneille en 1660. Un plaisir un tant soit peu étrange, car il naît de la vision de la souffrance des personnages sur la scène. La compassion et la terreur amènent le spectateur au plaisir.



L’action de Phèdre vient de la mythologie grecque. Dans le mythe, Aphrodite a décidé de punir, Hippolyte, le fils de Thésée et d’une fière Amazone, qui refusait de reconnaître son pouvoir, le pouvoir de l’amour, en allumant dans le cœur de sa belle mère, Phèdre, un amour coupable et irrésistible pour le jeune homme. Phèdre se déclare, mais Hippolyte la fuit avec horreur ; elle l’accuse d’avoir voulu la violer, et Thésée demande à Poséidon de faire mourir son fils, ce que le dieu exécute à l’aide d’un monstre marin.



Chez Racine, pas de référence à Aphrodite, et Hippolyte est même amoureux d’une jeune fille, Aricie, survivante d’une famille ennemie de Thésée, qui la maintient dans une stricte captivité. L’amour, la passion de Phèdre trouve son origine en elle-même. Encouragée par Oenone, sa nourrice, qui exprime les désirs et envies les plus secrètes et inavouables de Phèdre, qui n’a plus qu’à les suivre, après un semblant de résistance, elle exprime à voix haute ses sentiments coupables. La mort de Thésée étant annoncée, elle projette de se marier à Hippolyte et lui déclare sa flamme, qui la rejette. Thésée revenu, Oenone accuse Hippolyte, qui le condamne à mort par l’entremise de Neptune. Oenone et Phèdre se suicident.



Plus de dieux pour expliquer le dérèglement des passions humaines. « La faiblesse aux humains n’est que trop naturelle » dit Oenone. Les passions, les emportements, aussi inacceptables qu’ils semblent du point de vue social, sont au cœur de la nature humaine. Et mènent les pauvres êtres à leur perte, jouets non plus de dieux, mais de leurs propres folies. Les plus nobles rois et reines n’y échappent pas. La fatalité n’est pas extérieure, mais inhérente à l’être humain.
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Iphigénie

Encore une magnifique tragédie de Racine qui même à la musicalité des alexandrins un récit mythologique issu de la tradition grecque.



Agamemnon, Achille, Ulysse, Iphigénie, Clytemnestre... autant de personnages dont les noms ou les auras peuvent effrayer le lecteur d'aujourd'hui de par la complexité de leurs destins croisés et des enjeux emphatiques de leurs actes. Toutefois, pour moi, c'est un réel plaisir de voyager dans ce style, cette langue, cette poésie qui sont menacés d'oubli, d'autant que les tragédies de Racine sont souvent (et continuent peut-être de l'être ?) imposées à l'école sans que les jeunes lecteurs comprennent vraiment de quoi il retourne.



Agamemnon a été contraint de rejoindre la coalition des rois grecs ligués contre Troie. Mais sa flotte stagne, faute de vent, à Aulis. le devin Calchas lui révèle alors que seule la mort de sa fille Iphigénie apaisera la colère divine et permettra aux vents de se lever. Agamemnon refuse d'abord le sacrifice d'une fille chérie, mais influencé par Ulysse, il s'y résigne et met tout en oeuvre, même la ruse, pour parvenir à ses fins. Rien qu'avec ce pitch, on comprend la densité du drame qui se joue ici et quand on y ajoute l'amour filial, parental et conjugal, tout se complique encore.





Challenge MULTI-DEFIS 2021

Challenge SOLIDAIRE 2021

Challenge RIQUIQUI 2021

Challenge COEUR D'ARTICHAUT 2021

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Phèdre

Toujours dans mon défi de lire (ou de relire) le théâtre classique, je continue ma découverte en lisant Phèdre de Racine. Je peux dire que j'adore, même si la tâche n'est pas aisée, d'autant plus que je ne connais absolument rien en mythologie.



Quelle est l'histoire de Phèdre ? En 2 mots, Phèdre est la femme de Thésée roi d'Athènes et père d'Hippolyte. Jusqu'ici, tout va bien. Seulement, Phèdre, qui est donc le personnage principal, est amoureuse de… son beau-fils. Crime incestueux donc, elle a tout fait pour le faire fuir, pour l'oublier, mais, même éloigné, elle retrouvait chez Thésée, les traits de son beau-fils. Hippolyte, quant à lui, la déteste. Il faut dire qu'elle a tout fait pour.



A coup de quiproquos, de malentendus, de manigances, Racine nous emporte dans cette tragédie passionnante. Il faut dire que la lecture est tout à fait agréable à lire, mais résumer l'histoire est relativement difficile à formuler. Elle est évidemment plus compliquée que je ne l'indique plus haut.



En bref, une bonne lecture. Je compte persister par une autre pièce le mois prochain.
Lien : https://letempsdelalecture.w..
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Les Plaideurs

Dans mon adolescence, quand je croisais mon père , la robe noire sous le bras, qui partait dès potron-minet après une rude nuit passée à répéter ses plaidoiries en arpentant son bureau, je lui lançais , comme un rituel:



"Mais où dormirez-vous, mon père?"

"A l'audience!" me répondait-il, invariablement.



Pendant longtemps ce furent les deux seuls vers des Plaideurs que j'eusse (!!) connus... Je devais bien faire à ce rite filial un hommage tardif : chroniquer la seule comédie du sévère Racine, janséniste austère et tragédien tourmenté..



Dans les Plaideurs, Racine se lâche et nous fait du Molière!



Au milieu d'une bande de valets imbéciles, et de fous furieux frappés de manie procédurière- une vraie psychose, si, si, elle existe!- un jeune couple , Léandre et Isabelle, deux jeunes gens raisonnables et néanmoins amoureux, essaient de trouver un truchement pour se marier...



On ne prend pas les mouches avec du vinaigre: pour appâter leurs pères, l'un chicaneur de profession, l'autre juge à la cour , maintenu sous ...séquestre par les siens pour l'empêcher de juger jour et nuit, nos deux amoureux lancent un simulacre de procès- un chien est l'accusé- ....et font signer leur contrat de mariage par la même occasion.



On est dans la grosse farce plus que dans la comédie fine, - un des modèles de Racine est Aristophane qui n'a jamais reculé sur la gaudriole ou la scatologie- et les chiens, même en comparution directe, ignorent tout des lois de bienséance:



"Quels vacarmes! Ils ont pissé partout!"



Mais la charge des milieux de justice est vive: corruption, intrigues, prévarication, et celle des hommes de lois, féroce : juges à enfermer, plaideurs - et plaideuse- à lier, greffiers et huissiers analphabètes, avocats sans mémoire -que le Souffleur du théâtre, sorti de son trou, par une surprenante mise en abyme, vient sortir de LEURS TROUS...de mémoire :



"Dandin: Vous?

Le Souffleur: Je viens secourir leur mémoire troublée.."



La charge est enlevée...mais je dois quand même avouer que malgré ma petite madeleine filiale ce n'est pas un chef d'oeuvre...



Racine n'est ni Molière ni Aristophane: il reste avant tout un tragédien, et, pour moi du moins, le plus grand- avec Shakespeare.
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Bérénice

Vespasien n'est plus. Titus est le nouvel empereur et le deuil parvenu à son terme, le bruit court que ce dernier va épouser Bérénice,la reine de Palestine.

Antiochus, roi de Commagène et ami de Titus prend la décision de partir mais non sans avoir avoué son amour secret à Bérénice elle-même.

Aimant passionnément le nouvel empereur la jeune femme courtisée couvre de mépris son courtisan avant de le laisser partir.

Mais Antiochus est chargé par le maître de Rome de raccompagner Bérénice jusqu'en Orient. et de lui annoncer cette décision.

Bérénice désespérée et offensée d'être délaissée pour raison politique menace de mettre fin à ses jours. Antiochus tremble pour la vie de sa bien-aimée et avoue à Titus être son rival, ce dernier se résigne à perdre son amour pour le bien de Rome.

Bérénice rentrera seule en Palestine et ces trois destins sacrifiés seront un exemple pour les hommes de vertu et de sacrifice...

C'est une tragédie en vers de cinq actes que Jean Racine crée en 1670 pour le Théâtre de l'hôtel de Bourgogne.

C'est sa sixième pièce, c'est une tragédie sans mort mais emplie de passion . C'est un drame amoureux et politique d'une écriture très belle et très stylisée.

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Bérénice

On ne peut pas critiquer une oeuvre d'un auteur classique de cette qualité, mais uniquement faire part de son ressenti.

Bérénice peut paraître une oeuvre difficile, car rédigée en vers dans le français de son époque (XVIIe siècle de la Cour de Louis XIV) avec des phrases ampoulées. Cependant, le lecteur s'adapte aisément et est rapidement séduit par la pureté de la langue et la qualité de l'écriture. L'intrigue de cette tragédie est simple, Titus et Antochius aiment Bérénice. Bérénice aime Titus, mais ce dernier est tiraillé entre son amour et son statut d'Empereur Romain.

L'Antiquité et l'étude des auteurs gréco-romains sont en vogue depuis longtemps déjà et un nombre important d'auteurs se sont inspirés des mêmes sujets, mais sans doute pas avec le brio de Racine, très érudit et fin lettré, ayant une connaissance approfondie du Grec, du Latin et de l'Histoire. Toutefois, si les protagonistes de la tragédie ont vraiment existé pendant l'antiquité romaine, Racine a eu le génie d'adapter la pièce à la vie de Cour contemporaine du 17 ème siècle, écrivant pour plaire au Roi et aux puissants qui assuraient sa subsistance.

Une tragédie rédigée par un courtisan talentueux, et un chef-d'oeuvre qui a su traverser les siècles.
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Andromaque

L’humain dont la passion a fait son sujet et son esclave se demande « l’amour peut-il si loin pousser sa barbarie ? » Andromaque, Acte III, scène VIII.

La tragédie Andromaque laisse le pouvoir destructeur à la raison de la passion dans une chaîne d’amour à sens unique où l’amour se transforme en haine, vengeance et sacrifice, un sans retour pour les personnages vécu comme un destin qui les entraîne et contre lequel ils essaient de lutter sans chance de gagner.

Andromaque, veuve de Hector, héros troyen tué par Achille, ne garde de Troye que son fils Astyanax. et porte un amour fidèle à son mari défunt. Pyrrhus, fils d’Achille, roi d’Epire est amoureux d’Andromache, Hermione, aimée par Oreste, est promise à Pyrrhus qui ne l’aime pas. Le cercle se ferme et couve la vengeance, la pitié n’a pour elle que les larmes.

Oreste, Hermione et Pyrrhus se livrent à leur passion mais dans la chaîne il y a Andromaque et tous les quatre sont liés les uns aux autres dans un jeu de cartes lourd dangereux et funeste.

Ambassadeur des grecs, Oreste doit réclamer le fils d’Andromaque craignant que Astyanax pourrait, plus tard, venger la mort de son père. Le point faible se dessine et l’erreur s’engendre : Oreste vit avec sa passion mais ignore que les autres font pareil, et qu’ils ne peuvent pas avoir un jugement cohérent, ils s’égarent, hésitent, reviennent sur leur décision et tombent dans le piège de la maille faible. La force de la passion cède, et l’inévitable ou le destin se joue de tous, conséquence naturelle.

Pylade plaint cette faiblesse  et dit à son ami Oreste :

«Ainsi n’attendez pas que l’on puisse aujourd’hui

Vous répondre d’un cœur si peu maître de lui :

Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,

Épouser ce qu’il hait, et punir ce qu’il aime. » Acte I, scène I



Chaque changement d’attitude d’un personnage entraîne fatalement des réactions en chaîne des autres pris dans ce jeu de domino. Logique absurde et naturelle à la fois de la chaîne tragique ! L’amour-passion-destruction, on n’y peut rien. Chaque action de chacun des 4 personnage ne peut que faire le malheur de l’autre.

La passion s’attaque à des forces aussi puissantes qu’elle et le résultat est malheureux. La profondeur psychologique de l’analyse racinienne nous parle du doute des personnages, dans leurs interrogations :

« L'amour n'est pas un feu qu'on renferme en une âme ;

Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux,

Et les feux mal couverts n'en éclatent que mieux. »  Oreste Acte II, scène II



« Que sais-je ? De moi-même étais-je alors le maître ?

La fureur m’emportait, et je venais peut-être

Menacer l’ingrate et son amant. » Oreste, Acte III, scène I



La construction rigoureuse, le crescendo de la passion folle et funeste qui sert l’unité de temps et augmente son côté dramatique sont d’une efficacité digne d’un grand maître.

Les vers alexandrins de Racine sont à lire à haute voix pour écouter leur grande musicalité et pour les sentir pénétrer, fluides, dans les consciences torturées des personnages, les mots se répondent, les rythmes s’harmonisent, beauté qui enchante et profondeur qui bouleverse.

Les personnages vivent intensément, mordent dans leur chair et combattent au-delà de leur vie croyant à chaque instant en la réussite de leur action. Aveuglés par le déchaînement de leur passions ils se jettent à corps perdu dans cette folie qui les engloutit sans espoir.

On se demande, comme Pyrrhus : « Peut-on haïr sans cesse ? et punit-on toujours ? » Acte I, scène IV.

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Andromaque

Je n'avais encore jamais lu une pièce de Racine, et j'avoue être déçue. J'ai cherché à comprendre pourquoi je n'avais pas été conquise, et j'ai trouvé plusieurs réponses.



La 1ère d'entre elle est que, bien qu'elle soit effectivement très belle, la plume de Racine est beaucoup trop pompeuse à mon goût. Je m'excuse par avance d'oser écrire cela, ayant bien conscience que je lis une pièce écrite au 17ème siècle. Mais, les pièces de Molière datent elles aussi du 17ème siècle et sont pourtant plus accessibles.



Les choix opérés par Racine pour traiter son sujet ne me sont pas apparus très judicieux pour la postérité (eh oui, nous connaissons moins bien la mythologie grecque qu'au 17ème siècle me semble-t-il). Car, s'il ne connaît pas (ou mal) l'Iliade, le lecteur/spectateur risque d'être vite perdu. Ça commence mal dès la scène d'exposition, dans laquelle les liens entre les personnages ne sont pas évidents. Pourtant, à défaut d'avoir lu l'Iliade, j'ai beaucoup lu sur la mythologie grecque et j'avais donc tout de même de bonnes bases.



J'ai trouvé aussi des lacunes dans le traitement des personnages. Ils sont tous excessivement versatiles, à tel point que ça devient même invraisemblable. Hermione est la plus forte à ce jeu et cela nuit fortement au personnage, qui n'a pas réussi à m'attendrir une seule fois. Andromaque, dont la pièce porte le nom, est peu présente finalement même si ses choix sont importants pour le devenir des autres personnages de la pièce. Seul Oreste a su me toucher.



Me laisserais-je tenter par Phèdre ?
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Esther

Le style de Racine est plus émouvant, plus flamboyant et plus évocateur que jamais, dans ses deux dernières pièces, dont Esther fait partie. J'ai souvent pensé en lisant cette pièce à la poésie de Hugo, à son style imagé, à ses élans lyriques, tellement, tellement évocateur. Le style d'Andromaque n'était qu'exceptionnel ; celui d'Esther est inégalable. La fin est un peu classique, et Athalie est plus réussi. Et cependant, comment être insensible à ce torrent de vers, à ces scènes qui s'enchaînent, comme un torrent et qui émeuvent tant ? Comment être insensible à ce génie de Racine, bouillonnant d'images, de visions, de pensées ? Comment peut-on ne pas sentir la résonance de ces vers, qui sont comme une tempête, et qui emportent tout, et qui nous font partager les émotions de tous les personnages ? Comment peut-on ne pas être ému, plus qu'ému, bouleversé, à ce torrent de vers, si beaux, si grands ?
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Phèdre

Lu et relu... Vu et revu sur scène avec toujours autant de plaisir. Repris en mains tout récemment après la lecture de "Titus n'aimait pas Bérénice" de Nathalie Azoulai qui donne envie de relire toute l’œuvre de Racine. La magie opère à chaque fois. Toujours le même émerveillement devant tant de génie pour exprimer toute la palette des sentiments et particulièrement ceux qui ont trait à la passion amoureuse. Une bonne dose d'alexandrins parfois, ça repose du langage texto... Les textos passent, Racine demeure pour l'éternité !
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