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Critiques de José Saramago (640)
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L'aveuglement

Si ce roman n'est pas un coup de coeur comme l'aura été "Le dieu manchot", il n'en reste pas moins que j'ai apprécié ce livre, qui est une oeuvre particulière et très sombre, montrant tous les travers et faiblesses de l'être humain. Défauts qui sont plus faciles à détecter dans une société, où, victimes d'une épidémie, tous les gens deviennent aveugles à l'exception d'une femme. Les bas-instincts et la nature imparfaite de l'homme se révèle alors, dans ce qu'ils ont de plus abjects et laids parfois. Et les immondices dans lesquels pataugent les aveugles, ne sont pas pires parfois que la nature de leurs âmes. Dans ce roman, les femmes paraissent d'ailleurs bien plus dignes et plus fortes que les hommes, plus courageuses aussi, même si elles sont souillées et avilies.

Une oeuvre très sombre... Je me demandais quelle pourrait en être l'issue...

Le texte est très dense, et comme toujours sa lecture est rendue compliquée à cause du style de José Saramago, qui se défie de la ponctuation... Un livre qu'il faut mériter, qui ne se lit pas en quelques heures... Un excellent roman.
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Tous les noms

Lire José Saramago c'est entrer dans un univers particulier, de par le style du prix Nobel, ses longues et très belles phrases, mais aussi son humour pince sans rire qui surprend le lecteur au coin d une page.

Son écriture humaniste et sa recherche de l identité, que l on retrouvent dans son œuvre, nous emmènent à suivre un petit fonctionnaire de l état civil qui, pour une fiche mal rangée, va se mettre à enquêter sur la femme inscrite sur la dite fiche.

On a fait référence à kakfa pour cet ouvrage et il est vrai que l ambiance et la personnalité de l anti héros s y prêtent très bien.

L histoire commence un peu tard à mon avis, même si le début du livre permet de s imprégner des lieux et du comportement de monsieur José, célibataire collectionneur, comme de son caractère.

Toujours intelligent, réaliste, pas forcément optimiste, ce livre, comme " l aveuglément" est un magnifique plaidoyer de la vie.
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L'aveuglement

Drôle de temps, me direz-vous, pour lire ce bouquin... Bien que moi, je l'ai trouvé très d'à propos !!! Lire un livre sur une étrange maladie qui se repends, en pleine pandémie... J'aurais pas pu trouver meilleur moment. Cette maladie : un virus qui rend aveugle et qui touche toute la population, sauf une femme. Elle deviendra nécessaire, plus qu'à l'ordinaire... Elle guidera, aidera, soignera... Tout le monde erre, tente de survivre à la noirceur... C'est une atmosphère particulièrement oppressante, étouffante, noire... Mais que c'est bon et tellement bien écrit... Un p'tit bijou de SF, qui n'est peut-être pas si SF que ça au final !
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L'aveuglement

Préparez votre mouchoir, non pas pour pleurer, mais pour vous boucher le nez.

Car ce roman pue . Vraiment. La pire puanteur littéraire qu'il m'ait été donnée de lire depuis le Parfum de Suskind. Et c'est un compliment.



En effet, vous allez entrer dans un univers totalement aveugle, Plus personne ne voit Paf, comme ça d'un seul coup, alors évidemment, ça bouleverse la vie courante. On tente maîtriser cette épidémie en mettant en quarantaine les premiers aveugles qui livrés à eux-mêmes s'en donnent à coeur joie dans la démonstration du pire et du meilleur de l'âme humaine, oui madame, j'étais là avant pour récupérer à manger, et je défèque où j'ai envie car personne ne me voit, quoi mon lit est le 5ème en partant de la porte et non le 6ème, ah bon désolée je me suis trompée, quelle heure est-il et s'il restait des gens qui voient dehors, pensez-vous ils sont comme nous à présent, je me demande si mes parents sont toujours chez eux à m'attendre.



Que les lecteurs qui sont arrivés jusqu'à cette ligne se rassurent : je n'ai pas perdu les virgules ni les points, mais je me suis livrée à l'exercice de copier, avec certes moins de verve et de talent, la manière d'écrire de l'auteur. le style est unique et suffoquant, cinglant et bourré d'humour. Et autre point particulier : aucun personnage n'est nommé par son prénom. Il y a le premier aveugle, le médecin, le garçon louchon, le chien aux larmes...



Un tour de force littéraire. Un conte philosophique sur la capacité de l'homme à vivre ensemble, à rester humain au sens physique et psychique avec un sens en moins.



Alors, faut-il le lire ? Oui un grand oui. Offrez-vous un bijou littéraire original. Encore un roman qui va vous trotter dans la tête longtemps : imaginez vivre dans un monde où plus personne ne voit...ou presque.
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L'autre comme moi

Ce livre est le quatrième Saramago que je lis autant dire que la plume du bonhomme me plait. Je trouve une certaine parenté avec Faulkner dans la recherche de se rapprocher le plus possible de la retranscription des flux de pensée des personnages.

C'est le cas ici, où se surajoute un narrateur omniscient et facétieux qui s'observe dans son travail de conteur, bref un vrai jeu de miroir particulièrement adapté au sujet.



Le sujet parlons-en, une trouvaille toute simple et aux multiples conséquences, que je vous laisse entièrement découvrir, pour le plaisir de la surprise. C'est une habitude de l'auteur, une idée de départ simple mais diablement originale dont il exploite ensuite toutes les facettes. Petite déception ici, certaines facilités vers la fin, qui permettent de créer un final hollywoodien qui facilita sans doute la vente des droits au cinema pour le film Ennemy.



Mais ne boudons pas notre plaisir, c'est bien écrit, innovant, intelligent, divertissant. Comment mieux passer le temps qu'en si bonne compagnie !
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La lucidité

La lucidité, ou une fable politico-philosophique des temps modernes.

Difficile de décrire ce texte : corrosif peut-être, subversif assurément, c’est en tous cas une réflexion très habile sur la crise de la représentation dans les démocraties occidentales.



Le récit commence de façon assez cocasse, presque humoristique : à l’issue d’une scrutin, les résultats donnent la majorité au vote blanc, à hauteur de 83% ! C’est la panique dans les plus hauts cercles de pouvoir. On crie au complot, on rappelle aux citoyens leurs devoirs, mais jamais, au grand jamais, on ne pose la question de la légitimité des représentants ni de leur possible démission. C’est le traditionnel « moi ou le chaos », le dernier ressort du pouvoir lorsqu’il a tout perdu.



La lecture de cet essai à haute teneur politique n’est pas facile au début, il faut s’habituer aux phrases longues et aux paragraphes denses, presque sans respiration, où le récit et les dialogues s’entremêlent. Mais on finit par se prendre au jeu, notamment dans la dernière partie du livre, construite comme un roman d’espionnage. C’est d’ailleurs, on s’en rend compte à la fin, un stratagème littéraire très puissant puisque tout est objectivé. Le pays n’est jamais nommé, la capitale n’a pas de nom, pas plus que les partis ou responsables politiques, ni même les personnages centraux de l’intrigue policière.



Le roman est construit comme un entonnoir : le peuple qui a voté blanc est d’abord présenté comme une masse informe puis, à mesure que le récit avance, des individualités émergent, parfois malgré elles, dans la recherche d’un bouc émissaire. Pour autant, les personnages n’ont pas d’identité. Les responsables politiques ou administratifs sont présentés par leurs fonctions, les autres personnages par leurs professions ou un trait caractéristique de leur physique. La force de cet anonymat est incroyable car c’est elle qui donne sa dimension universelle au récit qui, d’une analyse sans concession de la crise de la représentation actuelle des démocraties occidentales, devient une critique intemporelle des mécanismes de perpétuation du pouvoir politique.



Grâce à des situations et réflexions absurdes, José Saramago ne fait pas l’apologie du vote blanc mais celle de l’auto-organisation des sociétés. Il moque le pouvoir politique dans les règles de l’art, en offre une critique acerbe et efficace. Mais son récit est finalement profondément pessimiste quant à la possibilité de sortir du système représentatif qui est le nôtre. En un sens, La lucidité est le récit de la mise en place d’un pouvoir autoritaire par les responsables politiques (tout changer pour que rien ne change, en somme) alors que le peuple appelle, sans concertation préalable, à un changement pacifique.

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Relevé de terre

L’histoire de la famille Mau-Tempo (Mauvais Temps) et ce sont des temps difficiles que vivent ces travailleurs portugais des grandes exploitations agricoles traditionnelles. En filigrane, c’est l’histoire du Portugal au XXe siècle que raconte cet auteur lusophone, prix Nobel de littérature 1998.



C’est un texte dense, une écriture essoufflante, tout en virgules, accumulant les énumérations à perdre haleine, les longues listes, les phrases s’étirant parfois sur dix, quinze lignes, transformant les dialogues en monologues, décrivant l’atrocité, mais s’en détournant à demi, suivant au sol une colonne de fourmis dans la cour où un homme est battu à mort, regardant d’en haut grâce au vol du milan, accompagnant les anges au balcon céleste, utilisant des qualificatifs, des métaphores, des légendes, des images émouvantes, un récit qui conte la naissance et le trépas, qui parle du pays, de la faim, du travail, de la solidarité et de la vie.



Une écriture intense donc, dans laquelle je me prends parfois à espérer des pauses, des alinéas, des points de suspension qui permettrait de relever les yeux et contempler calmement le paysage.



Un roman lourd d’histoire et de misère, une épreuve de fond pour lecteurs d’endurance.

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Le Radeau de pierre

Étrange récit fantastique, c’est un récit d’errances, celle de la péninsule ibérique qui se détache du reste de l’Europe, qui s’éloigne en mer tel un radeau de pierre, et celle d’un groupe de personnes, qui semble lié à cette catastrophe géologique, sans qu’on sache vraiment pourquoi, l’un de ses membre semble sentir la terre trembler, un autre à lancé un rocher à la mer qui est allé beaucoup plus loin que prévu, un troisième est suivi par un vol d’étourneaux, une autre a tracé sur le sol avec un bâton, un trait indélébile… En réalité, ce phénomène extraordinaire est vécu de façon très ordinaire par ce petit groupe, le monde devient magique, mais pas du tout fantastique, juste ordinairement magique. La magie, c’est celle des rencontres, dans un monde où tout tombe en déliquescence, et où pourtant, tout cela paraît très naturel.

L'histoire ne semble pas vouloir nous laisser de clés, la prose est un peu monotone, langoureuse, sans ponctuation, une longue mélopée où les dialogues se mêlent à la narration générale. il y a assez peu d’action, et paradoxalement, assez peu d’introspection aussi. Personne ne semble maîtriser le moindre destin, on se laisse embarquer, tous sur le même radeau, société et individus sont perdus de la même façon.

Cela laisse une impression bizarre, une lecture qui semble nous avoir fait faire un tour pour rien, où la charge poétique transparaît sous son étrange lenteur, avec un humour pince-sans-rire, un livre sur les espagnols, les portugais, sur le lâcher prise, sur ceux qui ne maîtrisent pas leur destin, et aussi un livre surréaliste, sur rien et tout à la fois.

Juste un moment d’errance inutile et belle parce qu’inutile.
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L'aveuglement

Je ne connaissais pas José Saramago, même de nom et pourtant Prix Nobel de littérature en 1998, mais l'on ne peut fort heureusement tout connaître et tout savoir..... Ce roman j'en ai entendu parler pour la première fois lors du premier confinement car le rapprochement était fait par rapport à l'épidémie qui s'installait dans le Monde et le sujet de cette dystopie qui y faisait écho. Mais à l'époque impossible de le trouver car je n'ai sûrement pas été la seule à souhaiter le lire. Donc réédition en Mars 2020 des Editions Points et arrivée dans ma bibliothèque municipale..... Comme par hasard.



Un homme devient aveugle alors qu'il se trouve dans sa voiture, à l'arrêt à un feu rouge. On lui vient en aide puis peu à peu tous ceux qui l'ont approché sont atteints de cécité, la contamination est enclenchée, des mesures d'isolement sont prises, le monde est en sursis et les contaminés sont abandonnés à leur triste sort. Mais une femme, une seule, voit mais n'avoue pas qu'elle est épargnée. Va-t-elle devoir le révéler ou doit-elle le garder secret ? Est-ce une chance ou un malheur ?



Ce roman a des accents de prophéties sur le comportement de l'humanité quand elle est en proie à la peur face à une épidémie inexpliquée, inexplicable, dont on ne saura jamais d'où elle vient ni ce qu'elle est, ce qui lui donne un caractère universel mais le choix de l'auteur de prendre la perte de la vue comme virus, lui donne de nombreux sens : à la fois cécité et tout ce qu'elle entraîne dans le quotidien quand elle survient à grande échelle, mais également aveuglement d'une humanité qui revient à de bas instincts, à un comportement parfois presque animal où la force fait loi et où la raison parfois se noie. Et faut-il mieux voir comme cette femme qui devient le seul regard d'une réalité ou être aveugle et subir, imaginer et accepter.



Mais il y a malgré tout une lumière, celle d'un groupe d'hommes et de femmes, dont aucun ne porte de nom, on les identifie par rapport à une spécificité physique ou comportementale, qui n'ont rien en commun à part d'être embarqués dans la même galère et qui vont trouver et puiser en eux la force nécessaire pour survivre.



Une lecture éprouvante par le contexte (et augmenté par la situation que nous vivons), par certaines scènes mais qui sont relatées et analysées avec lucidité par le narrateur imaginant l'humain poussé dans ses plus bas retranchements mais également un monde non préparé à vivre une telle épreuve (cela vous parle je pense....).



Une narration assez particulière, où les dialogues sont insérés et non détachés, le manque de ponctuation, tout cela surprend puis finalement on s'aperçoit que cela donne une certaine fluidité et cohérence, un effet de masse oppressante, urgente,  beaucoup de rappels à des dictons, à des savoirs ancestraux qui se révèlent frappés d'un bon sens oublié et puis à travers la femme "voyante" l'importance du langage. José Saramago n'omet aucune des conséquences liées à la perte d'un sens et en particulier de la vue, ce qu'elle peut entraîner au niveau du fonctionnement du monde..... Terrifiant.



Comme je l'ai dit il y a un côté prophétique dans le récit sorti en 1995 sur ce que nous avons fait de notre monde et sur le fait que l'on a oublié de prévoir l'impensable, que ce que nous avons acquis, construit peut s'effondrer à tout moment et que nous ne sommes jamais prêts à vivre une telle apocalypse.



J'avais lu il y a quelques mois Némésis de Philip Roth qui évoquait également une épidémie et le comportement d'un homme se pensant responsable de la contamination de son entourage mais dans L'aveuglement l'auteur s'attache au comportement d'une humanité entière ramenée à l'état bestial, oubliant que le pire peut advenir et que les comportements restent identiques et qu'alors l'humain revient à une bête comme une autre.



J'ai beaucoup aimé même si parfois j'avais besoin d'une pause car, à trop patauger dans la fange humaine, dans les détritus, la saleté et autres immondices, certaines images montaient en moi, analogues à celles des camps durant la deuxième guerre mondiale. C'est sombre, c'est terrifiant, c'est philosophique et prophétique, maintenant on sait que cela peut arriver et dans un tel monde quel visage montrerions-nous alors ?
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L'aveuglement

Quelle lecture difficile et désagréable ! Il a fallu en premier lieu s’habituer à l’écriture : la ponctuation est quasi absente ; les dialogues non signalés pas des guillemets ou des tirets ; pas de paragraphe ; des phrases d’une longueur démesurée… !



L’auteur s’éternise sur des détails ou fait des apartés qui n’apportent rien ! L’épidémie n’est qu’un prétexte pour amener le sujet profond du livre : l’être humain et ses capacités hyper développées à faire le mal et pour certains à garder un peu d’humanité !



Je ne peux pas dire que je me sois ennuyée à la lecture car j’essayais de ne pas perdre le fil des phrases mais j’ai le souvenir d’avoir lu plus intéressant sur les travers de l’humanité face à une situation inhabituelle et cruelle ! Sous-jacente, la morale ! Je hais la morale qui autorise certains à se croire meilleurs, incapables de tomber dans les horreurs qu’ils rencontrent mais nous sommes tous capables de devenir des êtres sans empathie, sans pitié et sans retenue.



Beau travail rédactionnel mais au moins 100 pages de trop, on a vite compris que l’écrivain est brillant, pas la peine d’en ajouter des louches et ça reste de la pure masturbation intellectuelle ! Quant au Prix Nobel, je suis sceptique sur le fait que cette distinction ait encore une valeur quelconque sachant qu’elle émane d’une caste blanche et masculine : prix décerné à moins de 10 femmes depuis 1901 !



CHALLENGE MULTI-DEFIS 2020

CHALLENGE MAUVAIS GENRE 2020

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L'aveuglement

Un véritable chef d'oeuvre à mes yeux.



Dans "L'aveuglement" nous suivons l'avancée d'une épidémie de cécité qui se déploie à une vitesse exponentielle, à travers l'histoire de quelques personnages (deux couples dont un ophtalmologiste et sa femme, une jeune fille, un petit garçon, un vieillard) dont nous ne connaîtrons jamais les prénoms ni le passé, dans un pays et des lieux qui ne sont pas non plus nommés.



C'est un roman passionnant même si la lecture peut être oppressante et angoissante tant l'immersion est complète et les descriptions précises, notamment celles de la puanteur et de la crasse qui envahissent tout l'espace vital.



Le style est remarquable bien que nécessitant un temps d'adaptation au début, entrecoupé de nombreuses virgules. L'auteur mélange souvent plusieurs narrateurs et plusieurs points de vue dans une même phrase mais la lecture n'est pas ardue pour autant. Il faut simplement accepter de se laisser porter par la narration et tout devient fluide.



Le fond du propos est à n'en pas douter philosophique et amené de façon très intelligente par l'auteur, qui nous fait réfléchir sur les effets dévastateurs d'une société normée, sur l'extrême violence de l'être humain lorsqu'il se trouve en position de survie, sur l'aveuglement qui n'est pas toujours celui qu'on croit, sur le sens de la vie tout simplement.



Un très très bon livre, que je conseille vivement...
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Caïn

Le roman Caïn m’a laissé surtout perplexe. D’abord, le style de son auteur, le grand José Saramago, ne m’a pas interpelé du tout. Tout au contraire, je l’ai trouvé rebutant. Qu’était-ce que tous ces noms propres sans majuscules ? Assurément il y a une raison mais je n’ai pas poussé de ce côté-là. Pour moi, ça faisait seulement étrange. Puis, tous ces dialogues insérés à même la narration, qu’on pouvait deviner à l’aide de quelques expressions introductrices mais surtout de l’emploie de majuscules, à l’intérieur des phrases cette fois-ci ! Ça me faisait rappeler vaguement le style biblique mais je ne suis pas convaincu de cet usage dans un roman moderne. Mais bon, c’est une question de goût…



J’ai essayé de faire abstraction de ces éléments de style, espérant que l’histoire allait compenser un peu. J’ai liu quelques réécritures des évangiles ou d’autres récits bibliques, je les aime bien de manière générale. Le début allait, Adam et Ève expulsés du Paradis, Caïn qui jalouse son frère et s’en débarrasse. Puis, rapidement, des éléments de l’intrigue. Par exemple, assez rapidement, Lilith fait son apparition. Cette femme n’est pas une des plus connues des récits bibliques mais, de mémoire, elle n’intervient pas dans les péripéties de Caïn mais plutôt d’un autre. Mais bon, peut-être que je me trompe. Dans tous les cas, José Saramago ne s’embête pas de la «chronologie», alors autant faire venir Abraham, Noé et d’autres encore, et que tous soient témoin de la chute de Sodome et Gomorrhe et se réfugient dans l’Arche.



Sans vouloir me donner des airs de puriste, je me questionne sur la pertinente de mélanger tous ces épisodes distincts de la Bible. Toutefois, passé ces points que, moi, je trouve négatif (tout en étant conscient que d’autres pourraient trouver cela génial et innovateur), j’ai continué ma lecture. J’ai apprécié l’humour et les messages/questionnements qu’il était possible de voir se dégager de cette aventure. On peut difficilement refermer ce livre et arrêter complètement d’y penser. Les derniers mots sont : «L’histoire est terminée, il n’y aura rien d’autre à raconter.» Eh bien non, il y a toujours autre chose à raconter, voire à réécrire, à réinventer. Il y a autant d’histoires que d’individus…
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Histoire du siège de Lisbonne

Un poche de 342 pages, mais un pavé de par la densité du texte. Saramago est avare d’alinéas et s’il y a de nombreux dialogues, ils ne sont jamais présentés avec des tirets, toujours en un seul paragraphe, les interventions des locuteurs successifs étant au mieux séparés par des points et des majuscules.



Un défi pour la lectrice ou le lecteur? Moins qu’il n’y parait au départ. La difficulté est seulement de s’habituer à une présentation différente. Plutôt une façon de pratiquer sa flexibilité cognitive…



Le point de départ du roman, c’est un correcteur expérimenté, qui a toujours agi avec un grand professionnalisme, mais qui décide de changer un mot dans le roman historique qu’il révise. Et un mot peut changer l’histoire…



On aura plein de réflexion sur le travail du correcteur et de l’écrivain, sur la documentation historique, avec en plus des touches d’humour qui font sourire et même la poésie d’une histoire d’amour. Et bien sûr, il y a Lisbonne, au moment où elle tombe aux mains de ces Lusitaniens qui deviendront les Portugais.



Une lecture intéressante et instructive !

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Relevé de terre

Le décor est planté dès les premières pages : vous voici dans l'Alentejo, région aride du Portugal où la famille Mau-Tempo (en français, « Mauvais Temps »), exploitée et misérable, travaille la terre.



Domingos Mau-Tempo, cordonnier alcoolique, Sara Mau-Tempo, sa femme, aimante et soumise, Joao Mau-Tempo, leur fils rebelle, et Antonio, un communiste de passage, révolté et martyrisé, sont les principaux protagonistes de cette saga de 452 pages que nous conte José Saramago, écrivain portugais qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1998. Paru aux Éditions du Seuil en septembre 2012, « Levantado do Chao » (en français, « Relevé de terre ») est écrit à la mémoire des paysans et travailleurs portugais assassinés. En préface, le lecteur trouvera une invitation d'Almeida Garrett, ardent défenseur d'idées libérales qui lui valurent l'exil au début du 19ème siècle, à réfléchir au nombre d'individus condamnés à la misère, au travail infantilisant, au découragement, à la pénurie et à la détresse dans le seul but de « produire un riche ».



Le ton est donné, partisan, révolté, sans concession, avec la mise en évidence du sang versé par tous ces opprimés, de leur mort lente ou brutale, de leurs hurlements sous la torture, des odeurs de pourriture propres aux corps en décomposition, le tout sous un climat capricieux où plantes, bêtes et hommes se dessèchent inexorablement. Dans cet univers terrible, l'individu est face à son destin : il crèvera, seul, dans l'indifférence la plus complète. La terre que le paysan cultive ne lui appartient même pas : exploité par son maitre, dans le silence assourdissant des prêtres ("Et on dit que Dieu existe ?"), au nom de l'argent, divinité consacrée jusqu'à la consommation des siècles, le travailleur est pressuré par les classes qui l'exploitent.



Révolté contre cet état de fait, l'auteur pétrit, façonne et étale cette boule de haine qu'il a au creux de l'estomac, vomissant au fil des pages une logorrhée obsédante qui ne laisse aucune place aux dialogues. Le lecteur est alors pris en otage et suffoque, englué, de ne pouvoir rester trop longtemps en apnée. Au cours de cette relation intarissable et nauséabonde de faits et gestes d'une famille ordinaire et surexploitée, vous découvrirez quelques rares scènes d'affection entre Sara et son fils. Des images fortes, une écriture étouffante (cf. ma citation), des redites fréquentes, un scénario inexistant, une addictivité toute relative, au final peu d'intérêt. Au bout de soixante pages, tout est dit et écrit ; vous pouvez refermer le livre, merci.



Réservé aux passionnés de l'histoire du communisme.
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L'aveuglement

Le livre repose sur une trame dans laquelle tout le monde devient progressivement aveugle, il semble qu'il s'agit d'une contagion, les premiers aveugles sont parqués, mis en quarantaine pour ne pas contaminer le reste de la population. Mais l'étrange maladie se propage quand même, finissant par atteindre tout le monde, sauf une femme, l'épouse du médecin qui a examiné le premier aveugle. Nous suivons en fait un groupe, celui des premières personnes atteintes de cécité. D'abord la façon dont l'aveuglement se produit, puis la quarantaine où ils se retrouvent, puis enfin lorsque tout le monde est devenu aveugle, leur retour dans la ville où ils essaient de survivre.



J'ai trouvé ce roman très prenant et très troublant. Difficile de le relier à un genre existant, peut être pourrait-on le qualifier de conte philosophique. Les personnages n'ont pas de noms, juste des qualificatifs comme le premier aveugle, la jeune fille aux lunettes teintées, la femme du médecin.... Plus que des personnages, des archétypes. Il y a de nombreuses interprétations qui peuvent être données de ce qui arrive, à la limite chacun peut trouver celle qui le satisfait le plus.



J'ai trouvé particulièrement fascinante la façon dont l'univers craque, se désagrège; le décor quotidien devient une sorte d'enfer, et surtout quelque chose de complètement incontrôlable. Sans eau, sans le nettoyage régulier des ordures, la ville se transforme en une monstrueuse décharge. Les gens sont frappés d'impuissance, sans défense devant le monde. Bien sûr il y a l'aspect de révéler chacun dans un moment de crise, dans lequel les choses, sentiments, qualités ou défauts sont portés à leur paroxysme.



Mais au delà de toute tentative d'interprétation il s'agit d'un roman passionnant, l'auteur nous raconte une histoire dont on a du mal à se détacher. Aussi étrange et artificielle que puisse paraître la situation, le récit est tellement prenant que l'on a pas envie de s'arrêter sur tel ou tel détail qui pourrait sembler incohérent ou peu vraisemblable. On a juste envie de savoir comment les choses vont évoluer pour notre groupe d'aveugles. L'écriture de Saramago, y contribue sans doute largement, de même que l'élégante ironie présente en permanence dans son récit.
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La lucidité

La lucidité de José Saramago n'entrera pas dans la catégorie des livres qui comblent mes appétits de lecteur. J'ai été perturbé tout le long du roman par la ponctuation et ces phrases interminables à la Proust dont la répétition participa de mon manque d’enthousiasme pour cette oeuvre. Pourtant, l'auteur a été récompensé par un Nobel de littérature, mais son foisonnement rend peut-être mieux dans sa langue d'origine. Décidément, les traductions de son travail ne m'emballent guère. Cela avait bien commencé. L'idée de faire de ce vote blanc massif, le fil conducteur, me plaisait et provoqua d'abord une jubilation profonde, qui trouve sa source dans la crise politique que vivent presque toutes les démocraties occidentales. Mon cerveau construisit des ponts entre l'imaginaire et le réel, entre la parodie cynique et la situation française, entre le désir manifesté de rendre le vote obligatoire pour combattre l'abstention et le message assourdissant envoyé par près de la moitié de la population. Et comme dans le roman, des réactions aux antipodes du bon sens, de l'humilité et de la raison. Culpabiliser plutôt que de remettre en cause le système, forcer plutôt que d'analyser les ressorts d'un acte militant, dont les conséquences portent les extrêmes sur la crête d'une déferlante aux abord du pouvoir en ne représentant qu'un sixième de la société. Punir plutôt que de lutter contre la racine des maux...Malheureusement, bien vite, j'ai trouvé que le fil s'étirait en longueur, manquait de l'élasticité nécessaire pour emmener l'intrigue plus loin, ailleurs, vers des rebondissements qui auraient conservé la saveur liminaire du roman. Je suis resté sur ma faim et c'est au prochain sur la pile de l'assouvir maintenant...
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Le voyage de l'éléphant

C'est lors d'un voyage à Salzbourg, reconnaissant la tour de Belém dans la décoration du restaurant "L'Éléphant", que Saramago a découvert l'histoire véridique de ce éléphant amené du Portugal à Vienne en 1551, découverte qui entraîne l'idée de ce roman.

Et quel roman !

Journal de voyage, récit épique, chronique sociale ou réflexion philosophique, quoi que vous cherchiez vous le trouverez ici. Et vous jubilerez à chaque page.

Parlons d'abord de l'éléphant. Propriété du roi du Portugal, Salomon est arrivé de Goa à Lisbonne deux ans plus tôt, accompagné de Subhro son cornac. Après avoir été une attraction pour le peuple lisboète, il a sombré dans l'oubli, et vivote misérablement dans son enclos : à l'abandon, couvert de poussière, avec son cornac en guenilles - mais coûtant cher à nourrir. Cherchant une idée de cadeau pour l'archiduc d'Autriche, de passage à Valladolid, la reine songe donc à Salomon. Et voici comment l'éléphant part de Lisbonne à Valladolid, où l'archiduc le récupère ; puis traverse toute l'Espagne jusqu'à la Méditerranée où il embarque pour Gênes, et de là traverse les Alpes vers Vienne.

Quelle épopée !

Nous suivons le point de vue de Subhro, donc forcément au-dessus de la mêlée puisqu'il voyage à trois mètres de hauteur sur le dos de Salomon.

Et quelle mêlée !

Dans l'escorte portugaise, chacun guette l'opportunité de se faire valoir aux yeux du commandant. Lorsque Portugais et Autrichiens se rencontrent, on se mesure à la prestance des chevaux et la brillance des cuirasses. En Italie, le clergé catholique cherche à instrumentaliser l'éléphant contre le luthérianisme qui gagne du terrain.

De là-haut, Subhro contemple le monde avec une certaine candeur et cherche à fraterniser avec tous, humbles et puissants, tout en préservant sa dignité et celle de Salomon.

Cette candeur permet à Saramago de moquer joyeusement l'armée, l’Église et la royauté, dans une langue extraordinaire : une sorte de pièce de théâtre omettant retours à la ligne et majuscules, entrelardée d'anachronismes hilarants, jouant sur les mots et sur l'absurde à la façon de... Dois-je l'avouer ? J'ai souvent pensé à... Raymond Devos. Si si !

J'ai ri à chaque page de cette petite pépite.

Parfaite traduction de Geneviève Leibrich.

Challenge Nobel
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L'Evangile selon Jésus-Christ

Mais, tu n’es pas le Bon Dieu

Toi tu es beaucoup mieux

Tu es un Homme….. »

Jacques Brel (Le Bon Dieu)



Le premier roman que je lis de José Saramago.

Un auteur dont je savais qu’il était un « grand », aux prises de positions politiques parfois controversées, mais quand même, Prix Nobel de Littérature, excusez du peu, malgré tout le mal qu’on a pu dire du jury de ce Prix.



Voilà un roman qui sort de l’ordinaire et qui, derrière l’ironie et l’humour, nous livre une réflexion profonde sur les religions monothéistes, ainsi que sur les relations entre l’être humain et le Dieu qu’il est sensé adorer.



Voilà une vie du Christ racontée en développant beaucoup plus son enfance que dans les Évangiles chrétiens, et dont le récit s’arrête à la crucifixion, car ici, et cela fait sens, pas de résurrection, d’apparition aux disciples, d’ascension au ciel.



L’auteur tisse, avec ironie, humour, tendresse et cruauté, mais aussi une grande profondeur philosophique, un tout autre récit, certes reconstruit à partir de la trame des Évangiles, mais dont le sens est totalement différent.



Ainsi le père de Jésus, un charpentier nommé Joseph, va laisser faire le «massacre des Innocents », l’exécution dans la ville de Bethléem, sur l’ordre du roi Hérode de tous les bébés de moins de trois mois parmi lesquels figurerait un futur roi. Joseph fera cela pour préserver son fils qui vient de naître dans une grotte proche de la ville. Mais il vivra avec un insupportable sentiment de culpabilité, et sera poursuivi toute sa vie d’un cauchemar récurrent.



Ainsi, certains des événements que nous avons appris au catéchisme quand nous étions enfants sont cités, parfois sans beaucoup de modifications (Noces de Cana) mais le plus souvent avec une vision détournée (les pêches miraculeuses dans le lac de Tibériade par exemple) voire à l’opposé de ce que nous disent les Évangiles « officiels » (la mort de Lazare).



De tous les protagonistes de l’histoire, Dieu apparaît comme le plus impitoyable, cruel avec les humains, ayant choisi de faire de Jésus son fils pour étendre son pouvoir à toute l’humanité et non plus seulement au peuple juif. Son dialogue avec Jésus en présence du Diable au milieu du lac de Tibériade (une merveille!) nous montre son dessein, sa volonté de soumettre les humains en mettant en avant leur culpabilité, la nécessité pour eux de se repentir de leurs péchés, et aussi, que l’extension de son emprise sur le monde se fera au prix de grandes souffrances pour les humains.



Le Diable, que l’auteur nous décrit de façon ambiguë (est-il ange ou démon ?) se révèle en fin de compte le plus proche des hommes. C’est lui avec lequel, sans savoir qui il est, Jésus fera son apprentissage de berger, et fera preuve de compassion à son égard, c’est lui aussi qui demandera, sans succès d’ailleurs, à Dieu de lui pardonner.



Et Jésus dans cette histoire? Sa vie humaine, son chemin de vie, Saramago nous le montre, c’est celui d’un homme, qui, on pourrait dire, pour son malheur, va découvrir qu’il est celui qui a été choisi par Dieu, et même être son Fils. Et qui va essayer jusqu’au bout de comprendre de questionner cette destinée, et à la fin d’y échapper, en vain.



C’est ce parcours qui nous est décrit avec tant d’ironie, et tant d’humanité, depuis celui d’un enfant que sa mère Marie aura beaucoup de difficultés à comprendre, d’un adolescent accablé par le destin tragique de son père Joseph, et qui ira chercher des réponses en quittant sa famille et en se rendant à Jérusalem, qui deviendra berger au coté d’un Pasteur qui se révèlera être le Diable, qui connaîtra l’amour et la tendresse de Marie de Magdala, une prostituée qui changera de vie pour l’accompagner, et qui sera aussi sa conseillère pleine de perspicacité, et sa confidente. Et puis, il y aura toutes les belles rencontres humaines de Jésus, ces apôtres pêcheurs avec qui il travaillera, et puis Marthe la sœur de Marie de Magdala, et Lazare, et tous les miracles que Jésus accomplit sans le vouloir, en raison de sa compassion pour celles et ceux qui souffrent. Et enfin, un Jésus qui précipitera son supplice en se proclamant Roi des Juifs, et fils de l’Homme et non pas Fils de Dieu. Mais Dieu le rattrapera à la fin, en apparaissant dans le ciel pour le proclamer son Fils, et, Jésus comprenant qu’il a été leurré toute sa vie par Dieu, criera avant de mourir : « Hommes, pardonnez lui, car il ne sait pas ce qu’il fait », une inversion terrible de la phrase des Évangiles.



En toile de fond de ce roman, il y a pour moi un plaidoyer pour les humains que je partage, pour l’amour et la solidarité entre les humains, et un rejet du sentiment de culpabilité, de la notion de faute de l’Homme, du péché qui serait sa marque de fabrique. Et un rejet d’un Dieu tout puissant, sans âme et qui punit. Cette absence d’amour divin pour l’humanité, ça n’a pas plu aux catholiques portugais, surtout à la hiérarchie catholique, on le comprend, et on comprend que Saramago ait choisi de s’exiler aux Îles Canaries. Mais au moins, il n’y a pas eu de Fatwa contre lui.



Et tout cela est raconté avec tant de verve, avec ce style si particulier de Saramago, ces longues phrases rythmées seulement par des points et des virgules, ces discours qui se superposent, cette sorte de polyphonie des voix, y compris celle du narrateur qui intervient parfois. Mais ce n’est pas le chaos, au contraire cette écriture quasi-contrapuntique est sinueuse et fluide, et contrairement à d’autres lectrices ou lecteurs, j’ai beaucoup apprécié.
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L'aveuglement

Pourquoi lire ce Saramago en période de confinement ? Peut-être pour se dire que la situation actuelle n'est pas si pire.

En tout cas, dans ce livre la situation est loin d'être reluisante : les gens deviennent aveugle un par un, en épargnant personne (ou presque). Face à cette épidémie, le gouvernement agit de manière radicale : mettre en quarantaine les malades et les faire garder par l'armée. Et pas une quarantaine "club med",non, une quarantaine dégradante, maltraitante, violente et inhumaine. C'est parfois bien bien glauque et difficile à lire.

Difficile à lire aussi car il faut se faire au style de Saramago. La ponctuation est réduite le plus souvent à des virgules et des majuscules. Les styles directs et indirects fusionnent, au risque de perdre le lecteur qui doit prendre le rythme. Mais une fois que celui-ci est acquis, la fluidité est de mise.

Je reproche juste (oui, je me permets) un peu de lassitude que j'ai pu ressentir. Tellement de surenchère...je n'en pouvais plus de toute cette crasse, cette misère, ce tunnel dont on ne voyait pas la fin... Mais cela passé, c'était reparti pour une lecture bien prenante.
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Caïn

Avec quelques appréhensions eût égard à la particularité stylistique de José Saramago, dont m'avait parlé mon libraire, je me lance dans l'univers du Prix Nobel avec Caïn, son dernier ouvrage. Très vite, je trouvai mes appréhensions ridicules tant la prose de l'écrivain portugais est un bonheur de lecture. On se fait très vite à ses phrases à la ponctuation toute personnelle.



Avec Caïn, Saramago revisite à sa manière les grands moments du Pentateuque, à commencer par le début - ou peu s'en faut - c'est-à-dire Adam et Ève. Le tout est d'arriver au protagoniste principal de l'histoire, Caïn après le fratricide. A travers lui et sa réprobation et sa colère s'exacerbant toujours plus, l'auteur dresse un réquisitoire envolé contre "le seigneur, aussi connu sous le nom de dieu". Qu'il s'agisse du sacrifice d'Isaac par Abraham, la destruction de Sodome et Gomorre, Job et tant d'autres faits, Caïn interpelle sur l'iniquité, la cruauté, la partialité, le caractère rancunier et amateur en tant que créateur de dieu. le Caïn de Saramago pourrait serrer la main avec plaisir au russe Vitaly Malkin, auteur des Illusions dangereuses parues en mai 2018.



Au-delà de la critique sarcastique des agissements divins se fait sentir également une réflexion sur le destin contre l'envie de libre arbitre qui était sensé revenir à l'humanité après sa création. Caïn, personnage meurtrier, réprouvé et marqué au front du sceau du seigneur afin que nul n'attente à sa vie, cherche au fil de ses pérégrinations à briser l'emprise de dieu sur son existence et acquérir ainsi sa liberté.



L'auteur met une verve extraordinaire dans son récit, recourant à de longues phrases de haut vol, au lexique parfois rare et très recherché (comme l'adjectif coruscant pour définir les yeux furibards de dieu au moment du péché originel - lexique très précieux dont il se moque lui-même en en reconnaissant le caractère inusité).



Rompant régulièrement avec la trame de son histoire, José Saramago se lance dans des digressions dans lesquelles il s'adresse directement au lecteur. Pour faire un point épistémologique ou exégètique, pour le prendre à témoin, pour le plaisir de rajouter son grain de sel aussi sans doute.

Chaque page ou presque transpire une ironie vive et mordante, offrant des scènes parfois proprement désopilantes. Et une lecture assurément jubilatoire.



Connaissant encore très mal la personnalité de José Saramago, je me dis néanmoins qu'avec de tels textes (L'Évangile selon Jésus doit être pas mal aussi, sur ce sujet), il n'a pas dû se faire que des copains au sein de l'Église et des religions en général.

Une chose est certaine, cette première incursion dans la prose du Portugais ne sera pas la dernière tant j'imagine ses autres romans fascinants, abordant des thèmes aussi intéressants que variés. Et aisément polémiques, j'ai l'impression.
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