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Critiques de Karel Capek (178)
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La fabrique d'absolu

Sans nul doute , moins bon que " La guerre des Salamandres " . Récit assez confus , déroutant sans utilité ultérieure mais souvent assez juste sur la vision de l'église et de ses fidèles . Heureusement , pour moi , dans la vie , ces considérations ne me touchent pas de prés et leur démonstration m'est depuis longtemps assimilée sans que je ne sois méprisant envers les adeptes qui sont pourtant bien ridiculisés dans le livre . L'écriture date un peu et la démonstration est pleine de lourdeur ..... surprenant venant d'un pays si riche en auteurs adeptes de la légèreté d'esprit .

Lecture à réserver aux adeptes de Capek dont je suis et reste quand même .
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La fabrique d'absolu

La traduction par Jean Danès de La fabrique d'absolu n'est, je crois, pas très récente. Il me semble que traducteurs ne se permettent plus ce genre de chose depuis un moment : « Souhaitant éviter de décourager les lecteurs français, le traducteur a francisé le nom des personnages et a adapté le cadre du début en le transportant à Paris, "pensant que Capek aurait agi ainsi s'il s'était adressé directement au public français".» Mouais. Déjà, c'est prendre les lecteurs pour des imbéciles en partant du principe qu'ils seraient déstabilisés par un roman ne se passant pas en France. Ensuite, cela introduit le doute en permanence. On se demande régulièrement si ce que l'on lit a un quelconque rapport avec l’œuvre originale. Enfin, passons.



Les fabriques d'absolu, ce sont de nouveaux types de réacteurs qui ont la capacité d’annihiler l'intégralité de la matière. Conséquence : ils libèrent ainsi l’essence divine contenue dans toute chose. Et cette essence divine, cet Absolu, n'a pas l'intention de rester inactif. L'Absolu, c'est Dieu en version gazeuse. Les effets se font rapidement sentir : conversions en masse, illuminations, miracles... On pourrait penser que le monde n'est pas prêt pour une telle technologie, mais l'industriel Bondy est au-delà de ce genre de détail. Ce qu'il voit, ce sont des réacteurs extrêmement performants, et donc des bénéfices renversants. Les réacteurs envahissent donc le monde, et l'Absolu avec lui.



C'est l'occasion pour le futur auteur de La guerre des salamandres de multiplier les situations croustillantes :



« Oui, j'ai essayé toues sortes d'isolants imaginables pour empêcher l'Absolu de sortir de la cave : les cendres, le sable, les blindages d'acier, rien n'est efficace. J'ai essayé d'entourer toute la cave avec les œuvres complètes d'Auguste Comte, de Spencer, d'Haeckel, et de toutes sortes de positivistes. Pense donc que l’Absolu traverse même cela ! »



Alors que Dieu envahit le monde, la société humaine tremble sur ses fondations et Capek déploie tout son talent humoristique et satirique. Les religieux eux-mêmes ne sont guère enchantés de la venue d'un Dieu un peu trop réel, bien plus encombrant et difficile à gérer que celui, plus passif, dont ils avaient l'habitude. Petit à petit les hommes sombrent dans la fièvre de la piété, et si pendant un moment on peut imaginer un monde uni dans la bonté, la réalité se révèle toute autre :



« – Je le dis pour la deuxième fois : décampez, ou bien, au nom du Seigneur, je démolis votre baraque.

– Et vous, dit Jean Binder, rentrez chez vous, ou bien, au nom du Seigneur, je vous casse la figure. »



Eh oui ! Chacun s’approprie un petit morceau de la divinité et est persuadé de l'avoir toute entière. Dans la seconde partie du roman, c'est la guerre. La guerre totale. Capek a d'ailleurs un peu tendance à s'éparpiller. Si auparavant on restait vers Paris (donc Prague en version originale) avec quelques personnages récurrents, Capek passe ensuite à une échelle mondiale. Du coup, les chapitres n'ont que peu de liens entre eux et il est plus difficile de suivre et d’apprécier la situation. Malgré ce petit regret, La fabrique d'absolu n'est est pas moins une fable débordant d'intelligence et d'humour, une satire brillante des phénomènes religieux. Ceux-ci ayant tendance à ne guère changer au fil des époques, le roman de Capek possède une puissante dimension intemporelle.


Lien : http://lespagesdenomic.blogs..
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La guerre des salamandres

Trouver un animal effrayant, découvrir une colonie, s'approcher, entrer en contact, médiatiser, s'intéresser, apprivoiser, civiliser, réduire en esclavage, partir en guerre... "La guerre des salamandres", c'est tout ça à la fois. Une utopie dans la plume d'un des plus brillants auteurs tchèques, européens, mondiaux, du XXe siècle, malheureusement trop méconnu dans nos contrées.



"La guerre des salamandres" se base sur la découverte d'une colonie de ces petites bestioles par le capitaine van Toch puis, progressivement, par ce que l'homme décide d'en faire. Jusqu'à la rébellion. Tout est dit pour l'histoire ; aussi faut-il passer au texte. Je ne l'ai pas lu en français mais en anglais puis, une fois le tout bien apprivoisé, en tchèque (ce qui m'a donné du fil à retordre). Histoire brûlante racontée avec humour, panache, sensibilité, beauté. Quelle langue, et surtout quel langage ! Karel Čapek magnifie ses dialogues et ses descriptions par une déconcertante fluidité, animée d'un sens du symbole que l'on trouvait déjà dans ses précédentes oeuvres. Les mots se percutent et chacun est choisi pour rappeler au lecteur que tout se joue sous ses yeux, qu'il est, comme les hommes, victime impassible de la cruauté qu'ils déploient.



Par-delà la qualité de la narration et la presque perfection de l'utilisation de la langue tchèque - et de son humour ! - au service du rythme, "La guerre des salamandres" brille surtout par son acuité, sa pertinence. Cette guerre inventée entre l'homme et l'animal, c'est, en 1936, tout ce que le monde embrase : le nazisme, l'antisémitisme, la croyance dans le progrès, la vacuité de la SDN (comment ne pas hurler au visionnaire quand Čapek dépeint une conférence de la dernière chance où la Chine, , n'aura pas l'occasion de parler... deux ans avant Munich, il n'y aurait pu avoir pareille similitude et pourtant...), les camps, les alliances, l'espace vital. Qui sont ces salamandres ? Les juifs brisés par la folie humaine ? Les nazis qui conquièrent des territoires ? Les esclaves du capitalisme et de ses groupes monopolistiques ? Les ouvriers du socialisme ("Salamandres de tous les pays, unissez-vous !") ? Elles sont tout cela à la fois.



Le génie de cette utopie, autrement dit, est de ne pas en être une. Brillante par sa narration, éblouissante dans sa prose, scandaleusement novatrice par le mélange des genres (notes de bas de page, journaux découpés, articles scientifiques, dialogues au style direct ou indirect, intervention de l'auteur), elle dépeint surtout le monde tel qu'il est. La métaphore ne souligne qu'une réalité qui ne peut être dévoilée que par des salamandres, qui nous font horreur, que nous prenons en pitié. "La guerre des salamandres" est à ranger au panthéon des fictions qui reflètent l'agonie de l'humanité, aux côtés de "1984", du "Meilleur des mondes" et de "Fahrenheit 451".
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La guerre des salamandres

La guerre des salamandres est un roman de science-fiction satirique de l'écrivain tchécoslovaque Karel Čapek publié en 1936. Un écrivain que, comme beaucoup, je ne connaissais que de nom pour avoir été le premier à employer le terme de « robot » dans sa pièce R.U.R.



Le récit narre la découverte dans une petite île du Pacifique d'une espèce de salamandre humanoïde par le capitaine van Toch (un sacré personnage). Ces salamandres sont sociables, paisibles, corvéables et montrent une certaine habilité à se servir d'outils. Très vite, le marin va comprendre l'utilité de ces braves créatures, oubliées de l'Évolution, et va passer un marché avec eux, elles récolteront des perles contre des couteaux, un marché "gagnant-gagnant" mais qui ne s'arrêtera pas là... Car après van Toch, les salamandres passeront sous la coupe du capitalisme de marché, des firmes transnationales heureuses de trouver là une main d'oeuvre quasi-gratuite pour exécuter tout type de travaux sous-marins, puis ce seront les États (Européens surtout) qui verront dans les salamandres la chair à canon parfaite pour préparer et mener leurs guerres... On le sent cette folie ne peut que mal finir et je ne vous en dis pas plus sur ce qu'il adviendra lors de la Guerre des salamandres.



On l'aura compris, l'histoire des salamandres constitue une illustration parfaite des nombreux péchés de l'homme moderne. On y revoit son histoire, L'Histoire, sur un mode accéléré et peu flatteur. Tout y passe : colonialisme, frénésie capitaliste et recherche acharnée du profit, bellicisme, xénophobie, égoïsme, futilité et mégalomanie... L'humour ravageur de Čapek frappe toutes et tous à divers degrés : des gouvernements européens (dont l'Allemagne nazi et les puissances coloniales française et britannique) aux organisations syndicales en passant par les grandes sociétés privées et bien sur les hommes et femmes eux-mêmes : marins, scientifiques, militaires, starlettes hollywoodiennes, fils et filles à papa, actionnaires et bien sûr le citoyen moyen, « l'homme du commun » qui ne relève guère le niveau.



Mais au-delà de la satire et de la critique politique de nos sociétés, c'est aussi un vrai roman (ce n'est pas toujours le cas et c'est une chose qu'on peut reprocher à quelques ouvrages de science-fiction comme par exemple Défaite des maîtres et possesseurs où la fiction n'est qu'un prétexte) rempli d'humour et très agréable à lire. le style est très au point et le livre fourmille de trouvailles de son auteur qui font mouche : Par exemple, à un moment du livre, une des salamandres apprend l'anglais uniquement en lisant des journaux, elle devient une caricature de l'anglais moyen qui énumère des phrases toutes faites (titres sensationnalistes, phrases de réclame etc.) et des idées reçues. Un passage très savoureux parmi d'autres. Les chapitres classiques sont alternés avec divers textes (articles de journaux factices, comptes rendus de réunions etc.) qui donne une occasion de plus à l'auteur de produire quelques pastiches plutôt drôles.



Le roman n'est pas parfait mais on lui pardonne très facilement ses quelques imperfections : un rythme qui s'essouffle un peu vers les deux tiers du roman et (c'est sans doute davantage un parti pris qu'un défaut en tant que tel) la quasi absence de personnages auxquels s'attacher : seul le truculent capitaine van Toch nous est sympathique mais il s'efface avant la moitié du roman, les autres individus, peu marquants et plutôt antipathiques sont, pour la plupart, davantage des représentants d'une classe sociale ou d'une fonction que de « vrais » personnages de roman.



J'ai beaucoup apprécié cette lecture, aussi bien pour ses thèmes abordés que pour son style très original et agréable. Je recommande chaudement ce roman aux amateurs de science-fiction comme aux lecteurs curieux. Pour ma part, je reviendrai avec plaisir découvrir un autre livre de Karel Čapek.
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La guerre des salamandres

La défunte édition Marabout Fantastique semble regorger de bien des merveilles (Jean Ray, Edgar Allan Poe, Bram Stoker et j'en passe). J'ai mis la main sur le numéro 324. Il s'agit de « La guerre des salamandres » de Karel Čapek. Je vais découvrir la littérature tchèque, une grande première pour moi. Une rapide recherche sur Internet et je découvre qu'il est à l'origine du mot « Robot » car il l'a introduit dans sa pièce de théâtre « R.U.R. ». En fait, c'est son frère Josef Čapek qui en fut l'inventeur. Je tombe de haut, moi qui croyait que c'était Isaac Asimov qui l'avait inventé. Il est bon donc de rendre hommage à qui de droit.

En fin de l'ouvrage, les éditions Marabout Fantastique ont eu la bonne idée de mettre quelques pages pour présenter l'auteur et son œuvre. On y append qu'il faisait partie de la liste des auteurs recherché par les Nazis. Comme Karel Čapek est décédé en 1938 – à l'âge de 48ans –, ils n'ont pu le déporter vers les camps de la mort. Pour assouvir la mégalomanie de ces fanatiques et déséquilibrés, ils se sont vengé sur son frère Josef Čapek. Je me suis demandé s'il n'y avait pas de lien entre la salamandre et le nazisme (au sens large).

Je me souviens que Robert Merle s'était inspiré de ce livre pour écrire « Un animal doué de raison ».



Ce fut le capitaine Jon Van Toch qui rencontra pour la première fois la Salamandre ou plus exactement toute une communauté de Salamandres – en fait, il s'agissait de l'un de ses serviteurs, mais l'histoire (au sens large) veut ce soit les hommes blancs et de hauts rangs qui fassent les découvertes. Le capitaine est un homme au fort caractère et de son temps. Il faut savoir que l'entre deux guerres, beaucoup de personnalités étaient racistes et antisémites (Lovercaft, Henry Ford,…). Ainsi notre cher homme lâche nombres de jurons parfois drôles, parfois blessant quand il fait allusion au racisme.

Au début, les Salamandres, n'étaient que des simples animaux. Puis, le capitaine leur à montrer comment ouvrir des huîtres avec un couteaux. Ces êtres marins ont évolué et n'ont cessé de progresser, jusqu'à ce qu'ils deviennent les égaux de l'être humain.



Je ne peux pas noter et parler de mon ressenti devant la richesse de ce livre. Au-delà d'un simple roman, Karel Čapek nous dresse une véritable encyclopédie de l'animal et si on regarde plus en profondeur, il s'agit d'une satyre sur son monde. Bien évidemment entre son époque et le notre, il s'est passé beaucoup de chose. Ce livre mériterait d'être analysé en profondeur.

Ce récit est bien plus qu'un roman. Au gré des pages, nous suivons des histoires insolites, des réflexions, mais surtout d'innombrables articles. Durant la partie que j'ai le moins apprécié, nous avons le droit d'avoir des coupures de presses, des thèses, des conférences. Tout est absolument décrypté jusqu'au mode de reproduction détaillé. J'avoue que j'ai fait l'impasse sur la majorité de ces paragraphes long et en petit caractère. Une chose étonnante, il a ajouté des articles de langues diverses, comme les kanjis japonnais et l'écriture arabe.

Le roman est découpé en trois parties dénommé Livre. Le livre I (Andrias Scheuchzeri) décrit la découverte et l'évolution des Salamandres. Le Livre II (Sur les traces de la civilisation) est la plus ennuyeuse. Cette partie nous nous narre l'évolution des Salamandres dans la culture et la politique aux travers les pays du monde. Et ça se termine avec La guerre des Salamandres qui est le livre III.

J'ajouterai que j'ai été agacé par la lourdeur des dialogues. À chaque fois que quelqu'un parlait, il rajoutait des « dit », « répliqua », « piaula », « glapit », « criait », « s'écria » ou bien encore « acquiesça ».



Petit plaisir personnel : Il se trouve que le livre que j'ai entre les mains est la première édition de la collection Marabout Fantastique (1969). Une réédition fut faite en 1986. Plus récent, les éditions La Baconnière ont réédité ce livre en 2012, tout comme Cambourakis et sa couverture vintage.



C'est une lecture assez difficile, voire même élitiste. J'admire le travail de l'auteur, mais d'un point de vu de lecture, je suis passé à côté. Je ne le conseille pas à tous.
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La guerre des salamandres

« La guerre des salamandres » témoigne de l’esprit visionnaire de Karel Capek (1890-1938), qui a écrit ce roman dystopique en 1935, trois ans avant le premier viol de la Tchécoslovaquie et trente-trois ans avant le second !

Au même moment, en 1935, « La Guerre des Mondes », de Wells, était publiée depuis déjà longtemps, et Fritz Lang avait tourné « Métropolis ». Georges Orwell n’avait pas encore écrit « Animal Farm » (le détonateur de la guerre d’Espagne ne devant fonctionner qu’un an plus tard).

Karel Capek, lui, avait déjà écrit 48 livres.

« La guerre des salamandres » a été proposé au Prix Nobel de Littérature, sept fois jusqu’en 1938, mais n’a jamais été récompensé, certainement à cause de sa critique trop farouche du national-socialisme.



« La Guerre des Salamandres » est un texte à l’ambiance fantasmagorique, à la lisière de Jules Verne et de la science-fiction. Ce roman dénonce la quête du progrès sans limites dans laquelle l’homme est prêt à sacrifier sa vie et vendre son âme.



Ce roman dystopique raconte tout d’abord la découverte, dans l’Océan Pacifique, de créatures semblables aux salamandres par le capitaine Van Toch, un marin de la trempe du capitaine Haddock ! Van Toch établit un système d’échange, qui consiste à fournir aux salamandres des couteaux pour tuer les requins qui les déciment. En contrepartie, les salamandres récoltent des perles et les remettent au capitaine Van Toch. Celui-ci invite par la suite une riche connaissance, G. H. Bondy, à investir dans le transport des salamandres entre différentes îles, pour récolter encore plus de perles.

Après la mort de Van Toch, la compagnie de Bondy abandonne le marché des perles pour vendre les salamandres comme main d’œuvre. C’est ce que détaille la 2e partie du roman, conçue comme un genre de revue de presse d’articles parus dans le monde entier à propos des salamandres et présentant ces animaux d’un point de vue scientifique, commercial et éthique.



Ces salamandres sont des êtres paisibles et travailleurs. Elles ont beaucoup de savoir-faire, pour bâtir des digues, pour créer de nouveaux continents et Atlantides… mais elles sont surexploitées et asservies par les hommes. Après avoir traité les Salamandres en animaux de cirque, les hommes leur inoculent leurs poisons les plus violents : le nationalisme, l’expansionnisme, le goût des explosifs, et plus grave encore, la croyance aveugle en certaines idéologies.



Mais les salamandres sont intelligentes. Sous les effets pernicieux de la pensée de Karl Marx et des droits qu’on a accordé aux ouvriers, après avoir réussi à se fédérer et à se syndiquer, elles finissent par se révolter, jusqu’à réclamer plus d’espace vital ; c’est ainsi qu’à la fin du livre, elles se mettent à faire sauter la périphérie des continents pour coloniser les nouvelles régions précontinentales ainsi créées. Emportées par leur élan, en grignotant peu à peu l’habitat terrestre, les salamandres découvriront à leur tour l’impérialisme et le nationalisme !

Les humains vont être encouragés à céder eux-mêmes leurs terres, à la demande de Chief Salamandre. Mais ils refusent, ce qui déclenche finalement « la guerre des salamandres », dont différents incidents et batailles sont relatés dans la 3e partie du livre.

Les humains en sortent toujours perdants, et le livre se termine sur un bouleversement complet de l’ordre mondial et sur une vision apocalyptique du monde.

Il y a un témoin de toute cette histoire, du début à la fin.

C’est M. Povondra, le majordome de G.H. Bondy. C’est Capek. Il se décrit lui-même, il analyse sa propre persévérance, sa manie de collectionneur. Avec son fils Frantik, il voit venir la fin d’un monde en pêchant le goujon. Il faut bien lire la pirouette finale !



Dans l’esprit de Karel Capek, les salamandres étaient les Tchèques. Mais elles pourraient aussi bien représenter tous les peuples qu’on veut utiliser comme pions dans la grande politique, et qui un jour finiront par se révolter. Avec ce roman, Karel Capek prévoyait déjà les jours sinistres où les robots à croix gammée marcheraient dans les rues de Prague. (C’est Capek qui a inventé, en 1920, le mot « robot » qui veut dire en tchèque « travailleur » -dans sa célèbre pièce « R.U.R. » = Rossum’s Universal Robots, où il décrivait la révolte des robots.)

Karel Capek a été l’objet, la cible, de rafles intellectuelles.

A chaque fois, il s’est échappé avant que le cercle ne se referme. Lorsque les Allemands occupèrent Prague en 1939, le premier Tchèque qu’ils recherchèrent pour l’emmener en camp de concentration, c’était Karel Capek. Il était déjà mort, mais les Allemands arrêtèrent son frère et le tuèrent. Son exécution servirait de compensation car le nom des Capek était pour eux un symbole de la liberté.



Karel Capek a expliqué comment lui est venue l’idée de l’écriture de « La guerre des salamandres ».

Ses réflexions l’ont amené à prendre en compte à la fois la situation mondiale de l’époque, déplorable sur le plan économique et pire encore sur le plan politique, et aussi à penser que dans des conditions biologiques favorables, une civilisation, non moins élevée que la nôtre, aurait pu se développer par exemple dans les profondeurs marines.

Les salamandres sont donc un prétexte pour parler des affaires humaines.



Il y a dans ce livre une grande diversité de formes littéraires : la forme journalistique, des pamphlets, une scène du quotidien… et il y a même un dessin représentant la salamandre fossile Andrias scheuchzeri. Cette œuvre fourmille de thèmes : réflexion sur le nationalisme, sur le nazisme, sur le totalitarisme, le racisme, l’appât du gain, le capitalisme, la mondialisation économique, sur le monde de la presse, sur le milieu scientifique, sur la langue… et aussi l’écologie, le thème le plus prémonitoire, qui est étonnant pour l’époque de Capek, mais qui aujourd’hui est un thème explosif : quand on exploite à mort la nature, cela fait un effet boomerang et cela nous retombe sur le nez !

Tout cela parle de la finitude de la Terre, et conscientise sur l’avenir de la planète.



Si le message de Capek, déjà alarmiste en 1936, est encore plus pressant en 2021, le ton de l’œuvre est loin d’être grave. Son discours est plein d’ironie. Il choisit par exemple de rendre les rapports de faux congrès scientifiques et les déclarations politiques extrêmement amusantes et très probables du roman, par des interventions régulières de journalistes, qui invitent des personnalités politiques ou scientifiques pour parler de la problématique des salamandres avec des mots savants, presque clownesques !



Le message que Karel Capek, profondément humaniste, a voulu faire passer en écrivant ce roman est clair : les totalitarismes sont toujours aux aguets du populisme, et la solution c’est la question de l’intérêt général, du discernement et de la non-exploitation de l’homme par l’homme.

Si en 1936, K. Capek n’a pas de vision absolue des camps de concentration, il sait très bien qu’un pouvoir totalitaire est en train d’arriver, que cela est toujours basé sur la famine, la misère, l’exclusion, le rejet de l’autre, le pouvoir qui se nourrit du subalterne et l’affaiblissement de certains au profit de ceux qui détiennent le pouvoir.



Ce livre présente aussi des aspects scientifiques intéressants. Il s’avère que les salamandres ont des similitudes avec les humains, et dans un article de journal scientifique, elles furent appelées Homo-sauriens.

En effet, une molécule, la MicroARN, est commune aux salamandres et aux humains.

Grâce à elle, la régénération des membres est rendue possible. Elle aide à réguler la réparation de tissus articulaires. (Pas étonnant que l’œuvre de Capek soit parsemée de références médicales, car son père était médecin…)



En dépit de l’ancrage géopolitique du roman dans l’époque à laquelle il a été écrit, celle précédant la 2e guerre mondiale, le message de Karel Capek est donc toujours d’actualité. La Guerre des Salamandres n’est pas un roman moralisateur. Jamais il n’est écrit ou suggéré : « voilà ce qui vous attend », mais on en sort en hurlant de rire, avec, toutefois, les yeux hors de la tête !

C’est un roman où le fantastique, la fantaisie et l’humour côtoient l’horreur et l’actualité politique.

Il est aussi drôle que perturbant.



Capek, c’est un peu Montaigne en Bohème. C’est un écrivain qui sent le soufre, parce qu’il a introduit le doute et la dérision dans la pensée philosophique. En quelque sorte, on peut dire que ce roman est un conte philosophique entre science-fiction et politique-fiction.

Cette histoire de prise de pouvoir totalitaire par des salamandres marines géantes a déjà presque un siècle, mais elle est loin d’être démodée, et sa notoriété a dépassé les frontières !

Ce livre est un vrai chef d’œuvre dont je ne peux que recommander la lecture !

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La guerre des salamandres

L'histoire commence comme un classique roman d'aventures. Un capitaine, chercheur de perles dans les îles du Pacifique, entend parler d'une baie mystérieuse où aucun indigène n'oserait se risquer - une baie peuplée de diables, où aucun homme sensé ne devrait se risquer. Jamais.

Evidemment, ledit capitaine n'attend pas le tournant de la marée pour y courir... et y découvre de bien étranges créatures. Des diables ? Des salamandres, plutôt. De grosses salamandres aquatiques, capables de marcher sur leurs pattes arrières, capables après démonstration préalable de manier le couteau et d'apprendre à se défendre contre les requins qui jusqu'alors les décimaient.

Des couteaux contre des perles : l'échange est avantageux pour tout le monde et le capitaine ne tarde pas à lancer un fructueux négoce, tout en prenant grand soin de protéger ces créatures, qu'il considère un peu comme ses enfants. Mais les vieux baroudeurs caractériels eux-mêmes ne sont pas éternels, et une fois Van Toch disparu, les lois du Buisness vont donner un tout autre visage aux rapports entre les Hommes et les Salamandres. Surtout lorsqu'on découvre que celles-ci sont capables de plus, beaucoup plus, que de manier le couteau et pêcher l'huître perlière. Et les Hommes, c'est bien connu, ont un don tout particulier pour se rendre dépendants de ce qui peut le mieux leur nuire, particulièrement sous couvert de progrès.



Quels pourraient être les rapports entre l'homme et un animal adoptant peu à peu toutes les caractéristiques des humains ? A quel moment l'Autre devient-il semblable... et vice-versa ? A quel moment l'exploitation d'une ressource naturelle vivante devient-elle esclavage pur et simple ? Comment l'esclavage se fait-il dépendance, et comment le simplement utile peut-il devenir arme de destruction massive ?

Autant de questions que l'auteur aborde avec autant de malice que d'intelligence dans ce roman où la science-fiction décortique avec brio l'esprit de clan, la complexité du rapport à l'Autre, la foi aveugle dans le Progrès et les excès du système capitaliste - tous ces travers qui, inexorablement, mènent à la Seconde Guerre Mondiale.

Karel Čapek n'aura pas vécu assez longtemps pour voir le début de celle-là, mais sa Guerre des salamandres en est le présage fidèle, aussi glaçant que savoureux.



Un très grand bouquin, fort injustement méconnu et qui mériterait pourtant de figurer aux côtés des grands classiques du genre. Quoique plus original, plus stylé - et nettement mieux écrit - que beaucoup !

Un grand merci à Tara pour m'avoir fait partager cette belle découverte.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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La guerre des salamandres

16 ans après « R.U.R. », en 1936 ČAPEK reprend en quelque sorte son chantier, en format roman, c’est-à-dire plus ample, plus ambitieux, plus spectaculaire, plus varié aussi.



Le livre démarre comme un gentil petit roman d’aventures sans prétention. Un capitaine de cargo au long cours, Van Toch (que l’on pourrait penser échappé d’une histoire de Robert-Louis STEVENSON), alors à la pêche d’huîtres perlières, se trouve nez à nez avec des sortes de bêtes du diable près de l’île de Tana Masa. Bestioles d’allure hybride, un peu poissons, un peu mammifères, avec des caractéristiques tout humaines. Cette découverte va faire basculer le monde.



En plein été, et alors que la planète semble se reposer sur ses lauriers, deux journalistes partent en chasse de scoops afin d’alimenter leurs colonnes. Ils ont vent de cette découverte d’animaux antédiluviens par le capitaine. Sont-ce des lézards ? Quoi qu’il en soit, les reporters rencontrent Van Toch. Qui souhaiterait apprivoiser ces animaux. Qui par ailleurs ne va pas tarder à quitter le plancher des vaches. Alors que les animaux vont enfin être appelés salamandres.



Dans ces personnages hauts en couleur se distinguent quelques figures, notamment celle d’une femme de théâtre, dans un roman lui-même fortement imprégné de jeu théâtral. Elle assiste à l’évolution de ses salamandres, des êtres qui savent parler et apprendre par cœur, les journaux notamment. Un vaste projet de développement et d’exploitation de la main d’œuvre des salamandres est monté. Il va falloir fabriquer des salamandres qui accompliront les travaux les plus pénibles à la place de l’homme. Elles sont endurantes, solides et pleine d’ardeur. Des élevages vont se former un peu partout.



« Grâce à leur instinct naturel et à leur remarquable sens technique, les salamandres se prêtent surtout à la construction de digues, de levées et de brise-vagues, à creuser des ports et des canaux, à nettoyer les bas-fonds et à déblayer les voix fluviales ; elles peuvent contrôler et aménager les côtes, élargir les continents, etc. Dans tous ces cas, il s’agit de grands travaux, exigeant des centaines et des milliers de travailleurs ; des travaux si étendus que la technique la plus moderne ne s’y attaquera que lorsqu’elle disposera d’une main d’œuvre infiniment bon marché ».



D’un ton léger, aventurier, délicieusement kitsch, pas très éloigné d’un Jules VERNE aux accents H.G. Wellsiens, le récit se dramatise tout à coup, pour devenir parfois étouffant. Un certain Povondra a permis la publicité sur cette découverte majeure. Depuis, il collectionne chaque coupure de journaux en faisant état. Il possède une véritable encyclopédie chez lui et réalise pleinement l’essor des salamandres, leur potentielle révolte, car « Seuls les puissants de ce monde peuvent faire le bonheur des autres sans dépenser un sou ».



La prolifération des salamandres entraîne une refondation totale de la société. Elles se multiplient tellement qu’elles ont de plus en plus besoin d’espaces côtiers vitaux, donc elles rognent les côtes, font des canaux pour obtenir plus de place. Elles se comptent désormais en plusieurs dizaines de milliards d’individus, se rebellent contre l’homme, totalement dépassé par ce que pourtant il a développé.



ČAPEK sait se faire philosophe et sociologue : « L’homme est-il, a-t-il jamais été capable de bonheur ? L’homme certes, comme tout être qui vit, mais pas le genre humain. Tout le malheur de l’homme réside dans le fait qu’il ait été obligé de devenir l’humanité ou qu’il l’est devenu trop tard, quand il s’était déjà irréparablement différencié en nations, races, croyances, castes et classes, en riches et en pauvres, en hommes éduqués et en ignorants, en maîtres et en esclaves. Rassemblez de force en un même troupeau des chevaux, des loups, des brebis, des chats, des renards et des biches, des ours et des chèvres ; parquez-les dans un même enclos, forcez-les à vivre dans cette mêlée insensée que vous appellerez l’Ordre Social et à respecter les mêmes règles de vie ; ce sera un troupeau malheureux, insatisfait, fatalement divisé, où nulle créature ne se sentira chez elle ».



Ce récit, à première vue de science fiction, est en fait un puissant roman politique. En 1936, ČAPEK voit son pays la Tchécoslovaquie de plus en plus menacé par l’Allemagne nazie. Les salamandres du livre, c’est le peuple tchécoslovaque, le nazi étant représenté par l’homme. Dans cet ouvrage, ČAPEK imagine l’invasion du pays par les forces ennemies (qui se réalisera un peu plus de 2 ans plus tard). « La guerre des salamandres » est un pur chef d’œuvre tout en variations : de roman d’aventures quasi picaresque aux accents théâtraux, il se transforme en récit d’anticipation, allégorique sur la politique européenne de son temps, sous couvert de science fiction. Il se fait aussi visionnaire et en fin de volume, l’auteur Karel ČAPEK se met en scène dans un style d’essayiste : en effet, il s’interroge sur la chute de son roman, la jugeant trop dure, il fait part de ses pensées, ses ressentis. « La guerre des salamandres », pour tout ceci, est une clé majeure de la littérature dystopique du XXe siècle. Souvent réédité, il le fut par exemple en 2012 par les éditions Cambourakis.



Mais son histoire ne se termine malheureusement pas là. Les ténors nazis verront la moutarde leur monter au nez après diverses parutions de livres de ČAPEK, dont cette « guerre des salamandres ». Ils mettront tout en œuvre pour le détruire. En 1939, ils arrêtent ČAPEK, ignorant qu’il est décédé l’année précédente. C’est Josef, son frère, qu’ils traînent, croyant avoir à faire à Karel. Josef est déporté, il mourra en détention quelques années plus tard, pris pour son frère.



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La guerre des salamandres

Dans la première partie nous suivons le capitaine van Toch dans un de ses voyages, dans le Pacifique. Irascible, têtu, il pense tout savoir. Mais il va découvrir dans l'île de Tana Masa quelques chose d'inimaginable, une espèce de salamandres, étrangement intelligentes. Le vieux capitaine va s'y attacher, et vouloir les aider. En échange de perles qu'elles pêchent, il leur apporte des couteaux et autres ustensiles pour les aider à se défendre contre les requins, à construire des digues...Et leur apprend les rudiments du langage. Et les dissémine en douce dans d'autres îles dans des conditions favorables pour leur développement. Une société va prendre en main leur sort, et tout en perfectionnant leur maîtrise de la technique, vendre leur force de travail dans l'eau, les transformant en esclaves, indispensables au fonctionnement de la société humaine. Les choses suivant leur cours, un jour les esclaves se révoltent et menacent leurs maîtres dans leur existence même.



Le résumé ne peut pas réellement rendre compte de l'inventivité de ce livre, qui joue sur beaucoup de registres. Une description truculente de personnages, le capitaine van Toch en tout premier lieu. Une sorte de livre fantastique dans la première partie, avec la découverte des salamandres. Et puis la mise à nue de mécanismes totalitaires, mais aussi une logique mercantile que l'on trouve plus que d'actualité. S'en est d'ailleurs presque effrayant, un certain nombre de réactions, de même que la façon de transformer la réalité, dans la presse par exemple, pour la faire correspondre à certains schémas sonne plus vraie que nature. C'est très drôle d'ailleurs pas moments, mais par moments pas du tout. Cette manière dont les choses échappent à tout contrôle, et vont jusqu'à la catastrophe prévisible sans possibilité de stopper la folle machine en route, est d'une justesse terrifiante.



Une lecture surprenante et très riche.

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La guerre des salamandres

La guerre de salamandres est un roman de Karel Čapek, un des plus grands écrivains tchécoslovaques du 20e siècle, qui pour la petite anecdote est le créateur du mot « robot ».

Publié en 1936, largement censuré, ce roman dystopique raconte l’avènement de l’ère de salamandres marines apprivoisées par l’homme pour ses propres besoins (construire des barrages, chercher des perles au fond des océans, défendre les frontières…). Peu à peu dressées par l’homme, par les entreprises, utilisées par les Nations, les salamandres deviennent indispensables, se multiplient et prennent peu à peu le pouvoir de manière totalitaire.

Dans le contexte de l’entre deux guerres et de la montée du nazisme le livre de Čapek évoque ainsi les thèmes de son époque : racisme, antisémitisme, nationalismes, peur de l’autre, capitalisme et lutte des classes, diplomatie culturelle, armement des Nations… cette œuvre s’érige clairement contre le national socialisme et contre tous les totalitarismes.

Mais plus on lit Čapek, plus les thèmes abordés nous semblent entièrement transposables à notre époque :

L’utilisation acharnée des salamandres par les hommes ne fait-elle pas écho à l’utilisation des travailleurs par les grandes multinationales?

L’avènement des salamandres, qui travaillent de manière automatisées, ne fait-il pas écho aux nouvelles technologies et à l’intelligence artificielle, qui pourrait un jour dépasser l’homme?

La capacité de travail et de construction quasiment illimité des salamandres ne nous renvoie-t-il pas à une question actuelle : parce que l’homme peut, l’homme doit-il pour autant continuer de saccager la terre qui l’accueille ?

Finalement les hommes ne seraient-ils pas des salamandres?

L’épilogue du livre est tout aussi brillant que chacune de ses pages et nous vous invitons fortement à le lire. Si vous avez aimé 1984, ou La ferme des animaux, vous ne pourrez pas passer à côté de ce chef d’œuvre.
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La guerre des salamandres

La guerre des salamandres est un roman de science-fiction, mais l’Histoire et le contexte de l’époque se dessinent très clairement sous cette histoire incroyable. Pêle-mêle, voici ce que j’ai décelé :

- les enjeux liés aux colonies ;

- le communisme : il prend la défense de la main-d’œuvre exploitée que sont les salamandres (« Salamandres opprimées et révolutionnaires du monde entier, unissez-vous, l’heure de la lutte finale a sonné. ») ;

- le racisme : lorsque les salamandres menacent les côtes asiatiques ou africaines, ces bons Européens diront en gros « mieux vaut eux que nous » ;

- le Ku Klux Klan : les lynchages et bûchers de salamandres aux Etats-Unis, d’ailleurs dénoncés par des Noirs s’insurgeant du sort de leurs « frères », ne sont pas sans rappeler les agissements de la tristement célèbre organisation ;

- l’antisémitisme : l’Allemagne interdit les vivisections… uniquement par les chercheurs juifs) ;

- la montée du nazisme : les Allemands révèleront l’existence d’une « race supérieure de salamandres », la race aryenne du reptile, celles qui vivent dans les eaux germaniques ont la peau plus claire, la démarche plus droite, le crâne plus ceci ou cela... ;

- les tensions entre l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne (bien que pour d’autres raisons que celles retenues par l’Histoire, celles du livre étant liées aux salamandres) ;

- ou encore l’inefficacité de la Société des Nations à travers l’inutilité des grandes institutions qui échouent à trouver des solutions et même à trouver un nom correct aux salamandres : « La Commission pour l’Etude de la Question des Salamandres devait choisir l’appellation la plus appropriée et elle s’y attacha consciencieusement et avec ardeur jusqu’à la fin même de l’Âge des Salamandres ; mais elle ne fut pas en mesure d’adopter une conclusion finale et unanime. »

Et ce n’est que ce qui m’a sauté aux yeux grâce à mes petits savoirs ou de vagues souvenirs de cours d’histoire. Une meilleure connaissance du contexte de l’époque permet sans doute d’approfondir encore davantage sa lecture du roman et de la rendre plus passionnante encore.

Il y a également un passage qui m’a particulièrement perturbée. Quelques rapports présentent à un moment des expériences faites sur les salamandres. Enfin, par expériences, il faut entendre tortures. Ce qui m’a choquée, c’est que ces tortures (relatives aux températures, au jeûne, au manque d’eau, à des mutilations) rappellent celles subies par les Juifs entre les mains des « médecins » nazis. Sauf que ces « expériences » ont commencé quelques années plus tard. Ce n’est pas le seul moment où Karel Čapek se révèle visionnaire : une conférence fait étonnamment penser à celle de Munich en 1938…



Cette histoire nous est racontée d’un point de vue économique, politique, social… mais rarement émotionnel. A part le truculent capitaine Van Toch et sa touchante relation avec les salamandres, ses « tapa-boys », rares sont les personnages marquants. Nous ne sommes pas pris par la main par un personnage principal comme nous en avons l’habitude, les protagonistes passent, certains reviennent une ou deux fois, mais on ne les connaît jamais vraiment. Le point de vue change souvent de pays et reste relativement distant. Finalement, on nous présente des faits et la manière dont les choses se sont déroulées : la découverte, la fascination, l’idée commerciale, l’esclavagisme, etc. Le résultat aurait pu être froid, mais non. C’est un roman enthousiasmant, passionnant, que j’ai dévoré en quelques heures. L’auteur a réussi un véritable tour de passe-passe.



L’écriture est vivante, dynamique, moderne… Bien éloignée de ce que l’on pourrait redouter d’un roman de 1935. De nombreux comptes rendus et articles de journaux ponctuent le roman.

L’humour est omniprésent. S’il devient parfois presque saugrenu lorsque l’on nous fournit un document avec cette mention « Cf. la coupure suivante, d’un grand intérêt mais malheureusement dans une langue inconnue et donc intraduisible », il est souvent noir et cynique dans le ton, dans certaines comparaisons ou des remarques qui égratignent ici ou là les grandes nations.



Progressant dans ma lecture, je ne redoutais qu’une chose : la fin. Je craignais qu’elle ne parte en vrille et ne soit pas à la hauteur. Mais non ! Le dernier chapitre est une discussion de l’auteur avec lui-même, avec une petite voix intérieure qui l’interroge sur la suite des événements, sur les salamandres et sur les humains. C’est intelligent, fin, drôle et extrêmement original. J’adhère à 200%... sauf pour les six dernières pages. Mais peu importe pour moi, ce n’est qu’un fol espoir de sauver l’humanité, de vaines spéculations. Team salamandres ! (Même si je me doute qu’on est plus ou moins censé être pour les humains et que les salamandres, dictatrices voulant agrandir leur espace vital, représentent les nazis… Pas top…)



Commençant comme un récit d’aventures, La guerre des salamandres se révèle être un conte philosophique opposé aux totalitarismes d’une richesse inouïe. Pris un peu au hasard (pas totalement puisque j’ai réalisé par la suite avoir été attirée par le nom de l’auteur qui est le premier à avoir utilisé le mot robot inventé par son frère Josef), c’est une excellente découverte ! Un vrai coup de cœur, un concentré d'intelligence et d'humour dont je risque de parler longtemps !
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La guerre des salamandres

Etonnant, admirable, prophétique, cette oeuvre écrite en 1936  lors de l'irrésistible expansion du nazisme, est proteiforme.

Roman engagé,  le racisme, la suprematie de l'homme sont les cibles ainsi que le besoin de profit des nations. Karel Capek et son frère Josef ont été persécutés par les nationaux socialistes tchèques puis la gestapo. le premier est mort avant son arrestation, le second en déportation .

Ce roman de science-fiction débute comme un roman d'aventure : un vieux capitaine-baroudeur, chercheur de perles découvre dans une ile perdue du bout du monde des salamandres geantes douées d'une intelligence relationnelle avec les humains et serviables, en particulier dans la collecte de  ces perles.

   le show-business médiatise ces relations, une société d'actionnaires développe des contrats de travail

intercontinentaux.

   Les scientifiques émettent différents avis..

Les puissances mondiales prennent position quant à ce nouveau phénomène qui bouleverse l'Economie. Quelle place sociale attribuer à ces nouveaux venus sur le marché du travail ?

   Les journaux relatent ces faits selon leur tendance politique, philosophique ou religieuse.   leurs articles sont partiellement retranscrits dans les annexes jointes en bas des pages du roman. 

.... Et le développement de cette nouvelle population devient exponentielle.!  

    L'humanite survivra-t-elle ?

.... Et un petit bonhomme culpabilise en suivant cette actualité !

Donc, pour cette oeuvre visionnaire, dystopique, majeure, à rapprocher de "1984" ou " le meilleur des mondes", bien que d'écriture différente : 5/5.

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La guerre des salamandres

Karel Čapek est le gars qui a inventé le mot « robot » dans sa pièce de théâtre R.U.R. en 1920. Capek étant un romancier tchèque, le mot robot vient du tchèque et signifie en gros travailleur.

Mais c’est la Guerre des Salamandres qui nous intéresse aujourd’hui. Ce roman est sorti en 1935 (l’édition que j'ai date de 1986).

Il se présente un peu sous forme de chroniques, allant de la découverte des salamandres marines géantes à leur expansion. Le découpage en chapitres montre au lecteur des points de vue différents : celui du capitaine farfelu qui découvre et fait proliférer les créatures, celui des scientifiques qui les étudient, de l’agent d’entretien du muséum de Londres, d’un magnat des affaires ou du majordome de ce-dernier, entre autre.

Mais ce sont les Salamandres elles-mêmes les véritables héroïnes. Elles vivent dans l’eau bien sûr mais peuvent aller sur la terre ferme en mode bipède et uniquement la nuit. Elles ont la peau lisse et noire, sans écailles ni poils. Elles sont inoffensives pour les humains, bien qu’elles leur fassent très peur la plupart du temps. Elles sont pacifistes et corvéables. Et capables par la suite de parler si on leur apprend, même de lire, et puis de faire tout un tas de choses…

Evidemment, nous les hommes, on leur tire dessus, on les tue, notamment à cause de la peur qu’elles inspirent, on les exploite, on les exhibe, et tout un tas d’autres joyeusetés.

Ce roman dystopique est une critique de la société contemporaine à l’auteur mais toujours tellement d’actualité. Une critique du communisme, du nazisme, du capitalisme, du racisme et j’en passe. Problèmes écologiques, croyances en la toute-puissance du progrès, mondialisation économique, etc. Les thèmes abordés n’ont pas pris une ride.

Un seul regret : que cette œuvre n’ai pas la même aura que le meilleur des mondes ou 1984, par exemple.

Quelle que soit la couverture, foncez lire ce chef-d’œuvre de la SF !

Vidéo de la chronique + lecture d'extraits en cliquant sur le lien ci-dessous :
Lien : https://youtu.be/hufKm6fYzLM
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La guerre des salamandres

La pire chose qui a pu se réaliser pour les salamandres, c’est de rencontrer l’homme.



Ces créatures étaient paisibles sur une île. Même leur race s’effacer petit à petit. Mais elles ont eu un seul défaut. Fabriquer des perles. Et là, ce fut la fin.



La reproduction de masse a posé une unique question, que faire de ses salamandres : les vendre par lots, ou en couple, ou seulement leurs progénitures ??? Les mangers… ??? À vous de le découvrir !



L’histoire de l’homme est ses multiples destructions, une réalité malheureusement bien trop présente.

Ce roman est exécuté sous forme d’humour. Un humour grinçant, noir… Et qui m’a laissé un goût amer…



Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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La guerre des salamandres

Karel Čapek tend le miroir à l'humanité. Un reflet noir mais drôle.



Karel Čapek est un illustre inconnu dont pourtant beaucoup d'auteurs, de scientifiques et de lecteurs emploient un terme qu'il a inventé, rentré dans le langage courant : il est en effet L’homme qui inventa le terme Robot dans la pièce « R.U.R. ».



Nous sommes dans une histoire assez classique, celle de l'exploitation d'une ressource, ici les salamandres, des êtres qui ont eu la mauvaise idée de croiser la route de l'homme et lui faire miroiter des bénéfices substantiels en leur amenant sur un tapis rouge des perles naturelles devenues extrêmement rares. Les salamandres vont révéler d'autres avantages qui pourraient bien causer leur perte, ou celle de l'homme... La guerre du titre est trompeuse, n'occupant en fait que quelques pages en toute fin du roman.



Un roman datant de plus de 80 ans, malheureusement toujours d'actualité. Le capitalisme du début du 20ème siècle n'a pas à rougir face à celui de notre époque.

De la découverte du "sauvage" qui va bientôt passer à celui de "bon sauvage", l'histoire de ces salamandres est une satire de notre société. Tout y passe : industrie, finance, vie politique, géopolitique, nationalisme, racisme, société, médias, patron/ouvrier, syndicalisme, religion, éducation, la brocarde est salutaire, le cynisme à son paroxysme, l'humour y est noir, très souvent grinçant. Notre histoire, reconstruite dans les grandes lignes et qui n'est pas à porter à notre bénéfice.



Un défaut à mon sens, qui peut expliquer l'oubli de ce livre face à d'autres "grandes oeuvres" : l'auteur emploie différents styles pour nous livrer son conte philosophique : récit, coupures de presse, extraits de livres, médias qui donnent un aspect assez décousu, il manque clairement une intrigue un peu plus conséquente pour rester dans les mémoires du lecteur.



Ceci dit, une lecture salutaire, même si l'humanité ne s'y montre pas sous son jour le plus favorable. Les années passent et n'améliorent pas notre civilisation, les erreurs du passé n'offrant que de nouvelles idées pour asservir son prochain. Mais mème si le propos est sombre, le texte pourra plaire au plus grand nombre de part son humour quasi omniprésent.
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La guerre des salamandres

La guerre des salamandres /Karel Čapek

Une fois l’ancre de son Kandong Bandoeng mouillée devant la petite île de Tana Masa située sur l’Équateur à quelques milles à l’ouest de Sumatra, le capitaine Van Toch, après avoir râlé sur ce coin sinistre peuplé de sauvages Bataks, s’informe discrètement auprès du seul métis de l’île, un cubain-portugais, des possibilités de se procurer des perles, faisant toutefois officiellement commerce d’huile de palme. Le métis lui indique une baie, Devil Bay, où personne ne va et où les huîtres perlières doivent abonder. Seulement, tous les indigènes disent que l’endroit est peuplé de petits diables marins et de requins.

Il n’en faut pas plus à Van Toch pour tenter une expédition vers Devil Bay. Avec son équipage et deux plongeurs cingalais, il fait route vers la baie à la mauvaise réputation. Le premier plongeur ramène rapidement quelques huîtres contenant des perles, mais revient rapidement comme terrorisé, après avoir vu des petits diables ressemblant vaguement à des phoques et se déplaçant comme des pingouins, alors que le second a été attaqué et blessé par un requin. Les faits sont corroborés par Jensen membre de l’équipage qui suit les plongeurs dans un canot, et rapportés à Van Toch qui, le lendemain fait route vers Padang sur la côte de Sumatra où il fait envoi vers Amsterdam d’un petit paquet assuré pour une somme considérable. Il recrute un Dajak de Bornéo tueur de requin au couteau et retourne vivre à Tana Masa.

La suite est racontée soit par Van Toch, soit par divers intervenants faisant de Van Toch une légende qui aurait apprivoisé les « lézards » comme il les appelle, afin de récolter les huîtres perlières et faire sa fortune, grâce aussi à Shark le Dajak qui va faire un massacre au sein de la population de requins, facilitant le travail des « lézards ».

Et Van Toch veut aller plus loin : une fois le site de Devil bay épuisé, il veut se déplacer avec ses « lézards » en aménageant un navire affrété avec l’aide de promoteurs et continuer sa récolte de perles.

Peu à peu l’espèce de salamandre va proliférer et essaimer parmi les îles de la région. Elles vont acquérir des facultés étonnantes et faire la gloire du zoo de Londres qui a réussi en s’en procurer quelques-unes. Le monde va aller de surprises en surprises et les scientifiques s’en mêlent pour expliquer cette évolution ou mutation de la salamandre miocène. Selon leur théorie, c’est un lac salé d’Australie isolé qui serait le berceau de cette espèce qui mena ainsi une existence sporadique jusqu’à ce que l’on en capture deux sujets (des documents en attestent), qui finirent par s’échapper pour finir par réaliser une résurrection évolutive en d’autres lieux et notamment à Tana Masa.

Quoiqu’il en soit, lés salamandres rendent bien service et l’élevage intensif se développe un peu partout en bord de mer et un trafic et commerce illégal s’instaurent qui échappe aux autorités. À présent, il est certain que l’avenir des Travailleurs de la Mer, comme on appelle les salamandres, semble assuré pour des siècles.

Plus on avance dans cette histoire plus on songe à la traite des esclaves noirs dans les siècles passés. Et cela va même plus loin puisqu’une distinction va apparaitre entre peau noire originelle et peau plus claire de salamandre plus évoluée, une mutation apparue en Allemagne. Le top de la civilisation salamandrienne, c’est la salamandre nordique, claire et droite au crâne plus allongé… !

Plus de vingt milliards de salamandres dans le monde vont finir par poser des problèmes et la révolte gronde des deux côtés, humain et salamandrien avec des expéditions punitives de chaque côté ! Les salamandres vont peu à peu grignoter l’espace vital de l’Homme, car elles ont su laisser de côté tout ce que la civilisation humaine comporte de gratuité, de jeu, de fantaisie, et n’en ont adopté que le côté pratique, technique et utilitaire, pour offrir une piteuse caricature très prospère de notre civilisation. Et le bonheur alors ?

Jusqu’où iront-elles ?

Une uchronie étonnante et originale pleine d’imagination publiée en 1935, une fable, une parabole tout à la fois pleine d’humour et de malice, une fresque parfois burlesque, une parodie des genres, une allégorie de l’homme sans aucun doute.

Il faut reconnaître que la lecture des 400 pages de ce livre est rendue délicate pour ne pas dire fatigante pour les yeux par les changements fréquents de police, souvent minuscule dans la deuxième partie, se rapportant à des encarts, des digressions souvent parodiques concernant diverses remarques sur les salamandres.

Malgré cette remarque restrictive, un très bon livre d’aventures et de réflexions.





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La guerre des salamandres

Il y a un sentiment d'injustice à constater l'oubli dans lequel est tombé ce roman. On pourrait d'ailleurs en dire autant d'autres textes de la même veine et de la même époque, à commencer par les livres de Jacques Spitz. C'était à l'époque où la science-fiction ou le fantastique n'étaient pas encore constitués en tant que genres littéraires, et moins encore en tant que ghettos. De la production européenne de l'époque, il ne subsiste plus grand chose dans la mémoire collective, hormis peut-être Barjavel quelques années plus tard. C'est ainsi que pour le grand public, le nom de Capek est tout juste cité à propos de l'invention du terme « robot », dans sa pièce de théâtre R.U.R, écrite en 1920.

La Guerre des Salamandres, pourtant, mérite encore amplement d'être lue aujourd'hui : dystopie à la fois loufoque et grinçante, le livre raconte la découverte d'une espèce intelligente de grandes salamandres marines, quelque part au large de Sumatra. le début fait croire à un récit d'aventures au ton léger et distancié. Mais on comprend vite qu'on ne tient là que la plus petite des poupées-gigogne du roman, dont la structure se modifie bientôt en s'élargissant progressivement, l'auteur n'ayant de cesse de déjouer les attentes de son lecteur. Les hommes apprivoisent tout d'abord les salamandres, trouvent bientôt très utile d'en faire une main d'oeuvre sous-marine corvéable à merci, et les exploitent sans vergogne en proclamant leur supposée infériorité. Puis ils comprennent l'étendue de leur erreur, mais il est alors trop tard pour revenir en arrière... Certains chapitres, qui pastichent le ton de l'étude scientifique, du reportage journalistique ou de l'analyse diplomatique sont franchement désopilants. Au terme d'un livre toujours surprenant, le final est si inattendu que l'on se demande s'il relève de la pirouette d'un auteur qui veut arriver au bout de son livre, ou bien si ce n'est pas la conclusion la plus habilement dérangeante qui soit.

Au bout du compte, voilà un livre qui est bien de son époque et qui n'a pas tant vieilli que cela : dénonciation du capitalisme à courte-vue et de la crédulité des peuples, mais aussi des égoïsmes nationalistes, tout cela avec un spectre inquiétant en toile de fond : car cet empire des salamandres, où l'individu n'est que la simple composante de masses soumises à une autorité unique, qu'est-ce donc sinon la transposition grotesque des ordres totalitaires qui s'affirment alors en Europe ? La Guerre des salamandres en 1936, tout comme La Guerre des mouches de Jacques Spitz, deux ans plus tard, sont en somme des livres qui témoignaient à leur façon et avec une imagination débridée d'une angoisse alors très répandue  : l'imminence de la fin d'un monde.
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La guerre des salamandres

Indéniablement une trouvaille! multiple, lisible, inventif...
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La guerre des salamandres

Excellente satire très visionnaire pour l'époque des excès du libéralisme économique et d'une gestion des "ressources humaines" (ou plutôt salamandresques, ici !) sans scrupules où une nouvelle espèce inteligente (les salamandres) est exploitée par les hommes comme des outils mais cela finit par se retourner contre eux.... L'humour délirant de l'auteur fait mouche !
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La guerre des salamandres

Karel Čapek (1890-1938) a écrit cette fable extraordinaire en 1935 dans un contexte particulièrement menaçant. Ce livre est considéré comme un chef-d’œuvre satirique dystopique, d'actualité (à l'époque) prémonitoire (maintenant) et diablement intemporel. Tchèque et universel. Le livre raconte la découverte (Livre I), l'exploitation des salamandres, leur prise de pouvoir totalitaire (Livre II) et enfin la guerre qui s'en suit contre les hommes (livre III). Il se termine, en guise de morale, par un dialogue entre l'auteur et sa conscience.

C'est un livre dense et protéiforme, plein de détails amusants et de parodies féroces.



Livre I

Le roman de Čapek débute comme un récit d'aventures maritime. Un narrateur anonyme raconte comment le capitaine J. van Toch, un vieux loup de mer tchèque qui se fait passer pour hollandais a amarré au large d'une île isolée de l'océan Indien, à la recherche de perles. Son équipe de plongeurs cinghalais refuse de chasser des perles dans la Baie du Diable car on y rencontre des créatures noires de plus d'un mètre de longueur. le capitaine van Toch découvre bientôt que ces créatures diaboliques sont plutôt dociles, amicales et très intelligentes. Et puis qu'elles raffolent des huîtres. Mais elles ont bien du mal à les ouvrir avec leurs petites griffes. Alors ce bon Capitaine a une fameuse idée. Il leur donne de petits couteaux en échange de perles. Il leur apprend aussi à parler et puis bientôt les équipe de harpons pour éloigner les requins, leurs seuls et uniques ennemis naturels. Alors qu'il est en congé dans sa Tchécoslovaquie natale , le capitaine Van Toch est interviewé par deux journalistes désespérés en quête de scoop. Ils lui suggèrent de rechercher un soutien financier pour l'achat de son propre bateau auprès d'un Tchèque nommé GH Bondy basé à Amsterdam. Celui-ci est un « capitaine d'industrie » que Van Toch a bien connu dans son enfance et qu'il intimidait alors en raison de ses origines juives. Quelques années après cette rencontre fatale, la population des salamandres explose et GH Bondy à la tête du « Syndicat des salamandres », annonce son programme dans un discours exalté : il exploitera impitoyablement les salamandres géantes, les élèvera et les vendra comme esclaves. Les salamandres seront désormais utilisées pour construire des sous-marins et entraînées pour protéger les rivages des pays qui les auront achetées.



« Messieurs, c'est avec regret que je conclus le chapitre qu'il me sera permis d'appeler vantochien ; nous y avons dépensé ce qu'il y avait en nous-mêmes d'enfantin et d'aventureux. Il est temps de quitter ce conte de fées avec ses perles et ses coraux. Sindbad est mort, Messieurs. La question se pose : que faire à présent ?"

Appendice : la vie sexuelle des salamandres





Livre II

Nous faisons connaissance avec Povondra le très fier portier tchèque de Bondy. C'est lui qui a introduit le vulgaire Van Toch chez Monsieur Bondy. Depuis Povondra a décidé de collectionner tout ce qui se rapporte aux salamandres. C'est par le biais d'articles qu'il a soigneusement archivés que nous apprenons l'évolution des créatures. Les parodies s'enchainent, de plus en plus terribles et toujours très ludiques. Austères compte rendus scientifiques, controverses universitaires, procès verbaux de conseils d'administration, articles de journaux sérieux ou manchettes à sensation du monde entier. Ces articles sont parodiés avec un souci du détail époustouflant y compris dans le graphisme et la calligraphie. Ils sont aussi entrelardés de slogans publicitaires désopilants. Journalistes, hommes politiques, scientifiques s'expriment et en prennent pour leur grade. Ces experts vaniteux persuadés d'avoir raison ont en commun d'être instruits et de s'adresser aux masses. On plaint d'abord ces pauvres petites créatures exploitées avant de prendre conscience que nous sommes nous aussi piégés et manipulés.



« -Justement, grommela M. Povondra inquiet. Une fois qu'elles se mettront à se défendre, ces saletés, ça ira mal. C'est la première fois qu ‘elles font ça...Bon sang, ça ne me plaît pas. Povondra eut une hésitation.

-Je ne sais pas...mais peut-être je n'aurais tout de même pas dû le faire entrer chez M.Bondy, ce capitaine. »



Livre III

Les salamandres, devenues trop nombreuses sont désormais menées par un chef (le Chief Salamander) et attaquent les littoraux humains pour les transformer en prairie marine : la guerre entre les deux races a commencé. Chaque puissance petite ou grande a une solution. Français, Anglais, Allemands, tout ce beau monde passe à la moulinette. Dans le chapitre der Nordmolch, l'auteur fait de la salamandre du Nord la plus noble des variétés de l'espèce. Elle a un besoin bien légitime d'espace vital. Deux nouveaux personnages apparaissent, l'auteur et sa conscience. Ils discutent de la situation immédiate et future.

« Et ensuite ?

-Je n'en sais pas plus long. »



Ce livre ludique et stimulant est d'une richesse stupéfiante. Les pistes d'interprétation sont multiples et la fin est ouverte.

Bref à lire et à relire.



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