Louis Calaferte

Robe noire fermée jusqu'au cou, les bras levés, des mains blanches osseuses, le regard fixe, la vieille femme crie sur la place du village que c'est la mobilisation générale. (...)

Au garde-à-vous dans sa salopette de travail, les mains dans les poches, un homme pleure.
Il est en sabots.
Il y a du bruit et du silence, mais le silence absorbe le bruit. C'est comme aux enterrements.

Je n'ai pas peur. Si j'étais un soldat à la guerre il ne faudrait pas que j'aie peur.Je suis allé exprès dans la forêt pour savoir si j'aurais peur.Hier la petite femme ma a dit si c'est malheureux tous ces jeunes qui s'en vont les uns après les autres. Elle les plaignait mais on sentait aussi qu'elle les admirait. J'aimerais bien partir pour qu'on m'admire. On ne fait pas attention à moi.

(L'Imaginaire, mars 2022, p.28)

Je m'assimile l'ordre magique du monde vivant pour le recomposer enrichi d'une goutte de sécrétion personnelle.

La peur n’est pas un « ignoble sentiment ». C’est une exquise sensation.

Elle écrit :
Sois une bite dressée pour moi. Je te ferai jouir de mes
larmes qui, lentement te branleront.
Et mes cheveux tout fous glissent sur tes lèvres, ton sexe,
dans une immense douceur.

Passer à côté des êtres, les manquer, nous ne faisons que ça pendant toute une vie.

Ce vieil homme musulman à qui je demandais ce que représentait, selon lui, la présence divine, et qui, pour toute réponse, m'ouvrit son volet sur l'infini de la mer d'une matinée ensoleillée.

"Le sexe est l'ombre qui cache la mort."

Géza Henheim

J'entre dans un désordre effervescent assombri par la lune de seigle. Perdu dans l'impasse tavelée de murs en ruine. Les volets décousus battent en grimaçants sur leurs gonds. Au fond du couloir de décombres se dresse l'escalier denticulaire qui avorte le noir.
Qui suis-je ? Quelle folie préparatoire ?

Nous n’étions que des bêtes malfaisantes, museaux au vent, flairant une proie.

La fleur, rose tendre, parcheminée de veinules laiteuses qui se ramifient à l'approche du coeur, jusqu'à s'estomper dans une uniforme pâleur, est d'une beauté dont le charme tient à sa fragilité d'opaline.

Genevieve est sensible a ce charme filtrant du paysage. Elle a admiré la lente dégradation du jour sur la montagne qui, d'abord rosit; de larges vasques d'ombres limpides s'incurvant sur ses méplats, puis bleuit toute, comme enveloppée, nappée par un voile poussiéreux, et enfin s'assombrit, impose sa masse noire, puissante, inquietante presque; tandis que derrière elle flamboient encore, les rougeurs du soleil.

Liqueur bleue du ciel, panachée, au loin, par les traînés déchiquetés et les boules d'ouate gris blanc des nuages de chaleur.

Scintillement d'or et de vert métal tranchant
pressé
le scarabée trotte dans l'herbe rase

— Adolphe ! Tu n'es qu'un dégoutant salaud ! Adolphe, tu es un cochon, un cochon d'ivrogne ! Un assassin, Adolphe ! Vieille tante !... lope ! Raté ! Adolphe je te crache sur la gueule ! T'entends, dis, pourri ?... Dis Adolphe, t'entends ?
Ce couple épique : mes parents.
Folio, p. 89.

LE DOMESTIQUE
- Qui dois-je annoncer, monsieur?
LE MONSIEUR JAUNE
- Messié Yamakalalama Kolamayokayalakayamakamo - junior

p 41

La vie est splendide prise dans un certain sens.

L'ENTONNOIR :

Maman, à Bambi :
Tu veux que maman mange encore les petits ongles de Bambi ?... (Elle les lui mange) Gra gra gra gra gram !.... (Bambi rit) Et tous ses petits doigts aussi ?... Elle a très faim maman, elle mange tous les petits doigts de son Bambi gra gra gra gra gram !.... (Bambi rit de plus belle) Les petits doigts, les petites mains, les petits bras et gra gra gra gra gram ! Elle mange aussi le petit ventre de Bambi !

Papa, réprobateur :
Non, pas le ventre !

Maman, logique :
Pourquoi, pas le ventre ?

Papa :
Il ne faut pas faire ça avec les enfants, enfin, écoute, tu le sais aussi bien que moi.

Maman :
C'est un jeu...

Papa :
Pour nous c'est un jeu. Pas pour eux. Si on fait semblant de les manger, eux ils croient que c'est pour de bon, comment veux-tu qu'ils fassent la différence ? Ils deviennent des victimes, ça peut les marquer pour la vie. Non, non, il ne faut pas faire des choses comme ça, attention, c'est grave.

Maman :
Mais puisque ça le fait rire ?

Papa :
Tu crois qu'il rit, mais en fait, il a peur.

Maman :
Enfin, regarde-le, il n'a pas l'air d'avoir peur ?

Papa, explicatif :
C'est une peur inconsciente.

Bambi :
Glo !

Au commencement était le Sexe.
Sauveur. Chargé d'immortalité. Il y a la Bête. Héroïque. Puissante. Et au-delà de la Bête il n'y a rien. Rien sinon Dieu Lui-même. Magnifique et pesant. Avec son oeil de glace. Rond. Statique. Démesurément profond. Fixe jusqu'à l'hypnose. Tragique regard d'oiseau. Allumé et cruel. Impénétrable de détachement. Rivé sur l'infini d'où tout arrive.
Le monde s'ouvre comme un énorme utérus en feu. Le monde est femelle, comme l'est la Création. Et putain, impudique, comme l'est la femelle. Père. Fils. Esprit. Triangle sacré du pubis. Le sexe-roi. C'est partout la famine. Etreindre. Prendre. Jouir. Le monde est vautré, nu, offert à la fornication dans sa splendeur maligne et dans sa purulence, tous ses abcès ouverts. Sous les yeux mêmes de l'innocence qui cherche.

Il faut des êtres purs: qui sont les vivants sacrifices et les sauveurs de notre monde.