Citations de Louis Calaferte (698)
"Ou le siècle à venir sera celui du refus, ou il ne sera qu'espace carcéral."
Je m'engage à ne pas m'engager.
J'en avais assez de faire des vœux, je suis devenu étoile filante.
L'argent est obscène lorsqu'il devient puissance.
Ô, mes vénales ! Huppes renardes, lippe engrossée, siphonnez-moi ! Des dents ! Des yeux ! Des fronts ! Des nuques ! Des langues coulomelles ! Pas de nuit sans vos vulves muscates. Tel —, je me hampe sur vos sveltes fumiers. Je fouine, foutre, mange, bâfre et broie, ronge. Mes sordides nourrices ! Tous vos corps ! Tous vos corps ! Tous vos membres ! Les orties de la peau ! Vos salives qui bêlent. Vos mousses alcalines. Vulgaires ! Vos abois ! Je vous hume à la chienne. Je vous constate. Vous octroie. Couvrez, harcelez-moi de vos mamelles floches. Dans le sang ! Dans l'onguent ! Ce sirop ! Ce gluten ! Je gobe vos oursins. Bêtes crottées. Boales.J'entorse vos cheveux. Griffures ! L'acide amer sous vos aisselles. Lèche. Lape. Liche. Râpe. Grumeaux. Sorcières ! Crapulez-moi ! Mon Mal est diabolique. Ruses ! La claque des hanches. Aux lèvres charnelantes je tranche des baisers de boue. Saintes souilleuses ! Abrégez-moi ! Vos grandes bouches disloquées de félicité silencieuse sont mes Rosaires à moi. Je roule. Rauque. Courroucé. Je râle dans vos culs pluvieux. Goules !
Ne bougez plus d'un poil, ladies and gentlemen! C'est la minute! L'instant fatal! La fin promise! Les cavaliers déboulent l'avenue, chevaux écumants, brandissant le drapeau noir dans une tourmente de meurtres accumulés sur leur passage. Un gnome femelle, rabougri, va se camper en place publique, nu, accroupi, hurlant devant la foule terrorisée, les cuisses écartelées, obscène, le regard dilaté, tout entier recroquevillé sur le trou distendu de son sexe en gésine tenu au ras le sol, accouchant, déchiré, du long corps révulsé de l'Antéchrist prêchant aux hommes rassemblés, immobiles de stupeur, la révolte et la haine des jours derniers. Viendra la morsure de cette pluie de sel et de feu. Plaie noire de l'anéantissement. Dans la pesanteur étalée du silence, une fois le brasier apaisé, se soulèvera d'entre les morts un couple sans mémoire, épargné, hôtes fantomatiques de ces lieux arides, hébétés, gémissants, ne reconnaissant pas encore la délivrance de cette pauvreté sainte du dépouillement. Un couple écrasé de peur primitive, se rapprochant craintivement l'un de l'autre, joignant leurs corps brulés et retrouvant la raison simple des gestes de la tendresse dans cette nouvelle sépulture de vie. Trop tard pour vous en tirer par une grimace de piété hypocrite! Vive Dieu et bénis soient les testicules du Saint-Père!
Par nature, je suis porté aux choses de l'esprit, les seules qui aient pour moi du prix.C'est d'elles que j'ai toujours retiré mes satisfactions intimes, même au temps de ma jeunesse pauvre; à elles que, certains jours de grand épuisement moral, j'ai dû de ne pas renoncer à ma vie mesquine.
( Denoël,1971)
La peste est en moi. Et comme Dieu y est aussi, cela provoque un ravage continuel.
En aidant Adrien à transporter mes bagages, incidemment, le vers de Baudelaire m'était revenu, insistant en moi :
"Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste."
Quand peut-on rester ? Ou, aussi bien : quand peut-on partir ?
Cinq ans. Je suis de retour. Cinq ans. Rien n'a changé. Tout est prêt dans la maison.
Notes à la pièce Créon :
Il n'est pas, je crois, sans intérêt de remarquer que plusieurs siècles avant l'avènement du christianisme, la malédiction céleste qui va peser sur Laïos, sur ses descendants et sur ceux-là mêmes qui leur seront alliés par le hasard de l'union conjugale, a pour origine une faute charnelle ; puisqu'on ne saurait déjà la qualifier de péché, bien que l'interdit de l'Oracle ait, en définitive, le même sens que nous, chrétiens, lui attribuerions.
[...]
Ce perpétuel combat en soi, issu d'une exaspération des nerfs, et aussi la provoquant, ne va pas sans un certain éveil de l'intelligence, ce dont il faut se souvenir pour la compréhension du personnage de Créon.
(pp. 123-124)
Ce n'est pas la beauté en soi qui est troublante, quel que puisse être son degré de perfection, d'épanouissement. Ce qui est troublant, c'est le contenu de la beauté, réel ou imaginaire.
Les rues sont si inextricablement entrelacées qu'il ne peut être question, par exemple, de retrouver son domicile lorsqu’on a eu l'imprudence de s'en éloigner trop.
Cela explique la présence de ces foules errantes qui emplissent les places, les squares publics, compliquent la circulation jusqu'à la rendre presque impossible.
L'excitation collective n'a pas d'autre origine, qui occasionne périodiquement des massacres au cours desquels la barbarie de chacun s'exerce sans retenue.
Ensuite, épouvantés par leurs propres atrocité, ces foules fatiguées, s'asseyent, dorment à même les trottoirs, la chaussée.
On a renoncé à remédier à la situation ? La nuit tombe sur ce spectacle d'une multitude de créatures en quête d'un hypothétique foyer qui, cependant, existe quelque part.
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Passage de la frontière
Comment ne pas songer à cet instant d'extrême solitude où c'en sera fait pour nous des choses d'ici-bas, où rien ne sera plus à modifier, à réviser, à examiner à la lueur de quelque dialectique que ce soit, où nous ne serons que ce que nous avons su être au cours de notre vie; où tout regret, tout remords seront désormais vains; où nous ne pourrons invoquer que la vérité de nous-mêmes qui, seule, nous représentera face à un infini prêt à nous absorber sans qu'aucun des travestissements auxquels nous avons habituellement recours pour nous dissimuler nos manquements et nos faiblesses n'ait plus de vertu rassurante.
Terrible minute où nous devrons nous identifier afin de répondre de nous.
A quelle illimitée clémence ne ferons-nous pas appel, qui, peut-être, ne nous sera consentie qu,à proportion de celle que nous aurons su dispenser autour de nous ?
Ne s'agira-t-il pas alors davantage de nous reconnaître que de nous quitter p 10
Le salaire de notre malédiction, c'est que l'homme soit partout étranger à l'homme.
Entrer et me liquéfier au dedans d'elle. M'y égarer. M'y éteindre. Elle me couvre de ses bras, me calfeutre, large étreinte maternelle. Nous sommes boutés l'un à l'autre.
Encochés. Arme dans l'entaille. Je m'enfonce et elle s'enfonce dans mon corps, transfuge de vie, nous nous dissolvons, elle m'accouche ...
Une jeune femme marche dans la rue .
Une traction avant noire s'arrête à sa hauteur.
Deux hommes en manteaux de cuir marron et en chapeaux sombres bondissent de la traction avant noire.
Un homme ceinture la jeune femme et lui bâillonne la bouche d’une main.
La jeune femme se débat.
Il la jette dans la traction avant noire.
Les portières claquent.
La traction avant noire démarre.
Les passants passent.
"Végétale, armée de tiges carnivores surmontées d'une infinité de petits dards aux aiguilles rétractiles, chaque nuit elle dort auprès de moi, me dévore doucement pendant mon sommeil."
Chez Calaferte, le sexe est cruauté, souillure, étrangeté. Jamais très loin de la mort, dont les images récurrentes hantent le récit..., comme si, d'évidence, le désir devait se nourrir de cette morbidité omniprésente.....
Court extrait de la très bonne critique parue ce mois-ci dans le Matricule des Anges à l'occasion de la réédition de ce livre que j'avais lu il y a 32 ans... Cela ne me rajeunit pas mais montre que Calaferte est et restera vivant
On ne supporte les infortunés qu'exemplaires.
- Comment fais-tu avec tous ces types ?
- Je m'arrange.
- Je sais ce que tu penses des hommes.
- Je n'en pense rien. Ils me baisent quand j'en ai envie, c'est tout.
- Si ce n'est que ça, alors pourquoi mens-tu ? Pourquoi es-tu toujours en train de mentir ?
- Tu veux le savoir ? Parce qu'ils s'attendent tous à ce qu'une fille comme moi leur mente.
On eût dit qu’il savait tout de nos lourdes peines d’enfants, et peut-être, vraiment, savait-il tout de ce long désespoir, de cette plainte venue de loin, cramponnée en nous comme une affreuse petite bête noire. Comme un cancer. On eût dit qu’il avait, avant nous, éprouvé cette patiente morsure de l’incurable cancer de la mauvaise chance.