Citations de Lu Xun (83)
Mais tout aussitôt il se trouva un moyen de transformer sa défaite en victoire. Levant sa man droite, il se gifla de toutes ses forces deux fois coup sur coup. Sa joue gauche en fut tout endolorie et brûlante, mais la sérénité et la bonne humeur lui revinrent comme si le souffleteur eut bien été lui-même mais le souffleté un autre, ce qui se transforma sans plus tarder en un sentiment apaisant, fait de la certitude que c'est bien lui qui avait donné le soufflet, un point c'est tout.
Mon œuvre est trop sombre, car il me semble toujours que ce sont les ténèbres et le néant qui constituent la vrai réalité; mais contre cette réalité, je m'obstine à opposer une résistance désespérée.
Dans le passé, on mangeait souvent des humains, moi-même je m'en souviens, mais pas très clairement. J'ai ouvert un livre d'histoire pour vérifier, aucune indication chronologique, mais sur toutes les pages, écrits dans tout les sens, on lisait les mots "Humanité, Justice, Voie, Vertu". Ne parvenant de toute manière pas à dormir, je l'examinai minutieusement une bonne partie de la nuit et discernai finalement des caractères entre les lignes : le livre était rempli des mots "manger de l'homme" !
(Journal d'un fou.)
La première chose à faire était de changer les mentalités et comme j'estimais que la littérature était le meilleur moyen pour y parvenir, je décidai de créer un mouvement littéraire.
Lapins et chats
S'il était possible de critiquer la force qui produit les êtres, je dirais qu'à mon avis elle est excessive dans sa création de vies, et excessive aussi dans leur destruction. (p. 237)
J'ai cru un moment que j'avais exagéré, mais je ne le crois plus. Si je me mettais à décrire tels quels des événements qui ont lieu aujourd'hui en Chine, ils apparaîtraient grotesques aux gens des autres pays ou à ceux d'une Chine à venir, meilleure. Il m'arrive souvent d'imaginer des choses qui me semblent à moi parfaitement aberrantes, puis vient le moment où je me trouve devant des faits du même ordre encore plus incroyables. - Luxun, décembre 1926 [Comment j'ai écrit "Histoire d'A.Q."] (p.127)
Histoires de cheveux
Ne voilà-t-il pas des jeunes filles qui, pour s'être coupé les cheveux, n'ont plus le droit de se présenter à leur examen ou sont renvoyées de leur école ? Pour faire votre Réforme, où trouveront-elles des armes, des écoles, des usines ? Alors que si elles se laissent pousser des cheveux, elles pourront au moins arriver à se marier, à faire l'épouse et la bru dans quelque famille. En oubliant toutes ces histoires, elles pourront trouver encore quelque bonheur, tandis que si elles gardent en tête ces idées d'égalité et de liberté, elles seront malheureuses toute leur vie. (p. 91)
Demain
Elle se lève, allume la lampe, et le silence de la pièce s'impose avec plus d'évidence encore. (...)
Elle tente de se ressaisir et lance autour d'elle un regard qui aggrave son malaise.
Impossible de rester assise, impossible de se tenir debout. Non seulement il y a dans la pièce trop de silence, mais il y a aussi trop d'espace, trop de vide partout. Ce trop d'espace l'entrave, ce trop de vide l'écrase, l'empêchant de respirer. (p. 77)
Toute chose, si l'on tient à comprendre, demande réflexion.
p. 49
Cependant, pourquoi suis-je si seul à présent ? Est-il possible que même la jeunesse du monde se soit évanouie, que tous les jeunes aient sombré dans la vieillesse ?
Il aperçoit à la place d'honneur deux hauts fonctionnaires replets. A quoi ressemblent-ils exactement ? Il n'ose les dévisager.
- C'est toi, le représentant du peuple ?
- Ils m'ont dit de venir, répond-il en fixant les taches en forme de feuilles d'armoise, sur les peaux de léopards qui recouvrent le plancher.
-Que devenez-vous ?
N'ayant pas compris la question, il ne souffle mot.
- Votre vie est-elle possible ?
- Oui, grâce à l'influence de votre immense bonheur, votre Seigneurie.
Après avoir réfléchi un instant, il ajoute à voix basse :
" Couci-couça, on vivote"
- Et comme nourriture ?
- Il y a les feuilles, les algues ...
- Est-ce mangeable ?
- Oui, nous sommes habitués à tout; tout est mangeable. Seulement, les gosses piaillent quelquefois : diable, nous les fouettons !
- C'est un brave homme !
C'est aux temps reculés, parmi un peuple primitif considérant le monde avec ses étranges transformations et tous les phénomènes de la nature qui ne pouvaient procéder d'aucune force humaine, que se constituèrent les rumeurs susceptibles de les expliquer. Tout ce qui a été de cette façon expliqué, nous l'appelons aujourd'hui "mythe". D'une façon générale, le mythe a pour centre un "modèle divin" autour duquel la narration se développe.
Ainsi les badauds commencent-ils à s'ennuyer; ils sentent l'ennui qui les pénètre par tous leurs pores; ils sentent l'ennui surgi de leur cœur qui se met à exsuder de tous leurs pores, qui se répand à travers l'étendue désolée pour imbiber leurs comparses. Ils ont la gorge sèche, la langue raboteuse, le cou raide, tant et si bien qu'après s'être subrepticement entre-regardés, les voici qui lentement se dispersent; une telle aridité les envahit qu'ils en perdent le gout de vivre.
J'aurais souhaité avoir écrit sur une période du passé, comme disent les gens, mais ce que j'ai vu, je le crains, n'est pas ce qui a engendré le présent mais l'avenir — jusqu'à vingt ou trente ans d'ici. […] J'ai cru à un moment que j'avais exagéré et je ne le crois plus. Si je me mettais à décrire tels quels des événements qui se produisent aujourd'hui en Chine, ils apparaîtraient grotesques aux gens des autres pays ou à ceux d'une Chine à venir, meilleure
Du fait qu'il y avait de l'eau partout, impossible de chasser ou de cultiver la terre; les survivants étaient condamnés à l'oisiveté, aussi nombreux étaient les gens qui venaient lire les inscriptions. On se pressait sous les pins et, trois jours durant, on entendit partout des soupirs d'admiration ou de fatigue.
Il faut que chacun soit un peu conciliant. "Conciliation fait richesse", n'est-ce pas exact ?
"Les différends, mieux vaut les régler que les entretenir."
John Stuart Mill disait que la tyrannie rend les hommes cyniques. Il ne se doutait pas qu'il y aurait des républiques pour les rendre muets.
Ne croyez que ceux qui doutent.
On ne peut dire que l'espoir existe, ni qu'il n'existe pas. L'espoir est comme ces chemins sur la terre: à l'origine il n'y avait pas de chemin; mais là où les hommes passent sans cesse, un chemin nait.