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Critiques de Marcel Proust (1052)
A la recherche du temps perdu, tome 4 : Sod..

Voici donc le 4e volume de la Recherche qu'on pourrait croire entièrement consacré au thème de l'homosexualité (masculine et féminine) mais qui se révèle être probablement le plus composite des 7 tomes. Toute la Recherche est une sorte de patchwork où certains thèmes reviennent de manière obsessionnelle tandis que de nouvelles digressions alimentent le cours d'un récit plus chronologique. Dans Sodome et Gomorrhe on alterne passé récent et présent, on retourne dans les salons aristocratiques comme à Balbec par un petit train local, on s'interroge sur le deuil, le sommeil et la mémoire, on s'extasie devant des changements de lumière et des pommiers en fleurs, on disserte sur l'étymologie des noms de lieux et de villes, on ressent les affres de la jalousie et on se manipule les uns les autres... La tonalité est souvent drôle et caustique, parfois grotesque, avant de redevenir plus sombre et désenchantée.



Les passages directement consacrés aux "hommes-femmes" et aux "femmes-hommes" (selon la terminologie de Proust) occupent essentiellement la première partie (Sodome et Gomorrhe I) avec la description drôle et un peu grotesque de la parade amoureuse entre Charlus et Jupien comparée à la fécondation des fleurs par un bourdon puis la longue mais passionnante dissertation sur "La race des tantes" et l'avant dernière (fin du chapitre 3) avec la relation passionnelle (mais à sens unique) entre Charlus et Morel. Le saphisme d'Albertine et de ses amies (la soeur de Bloch, Mlle Vinteuil, Andrée...) occupant de courts passages dans le chapitre 2 et le final qui conduit au désir de faire d'Albertine sa prisonnière pour l'empêcher de rejoindre une amie à Trieste. A noter que pratiquement tous les personnages féminins dont le narrateur est amoureux à un moment ou à un autre sont des féminisations de prénoms masculins: Gilbert(e), Albert(ine), André(e)... et qu'en conséquence, comme l'évoque Gide, les "jeunes filles en fleurs" peuvent être potentiellement considérées comme des garçons si on transpose la véritable orientation des désirs de Proust. Reste que le narrateur n'est pas seulement Proust et que le récit est d'autant plus complexe, troublant et ambigu que les frontières de l'homosexualité et de l'hétérosexualité sont régulièrement floues.



Gide évoquait l'orientation "grotesque et abjecte" de ce portrait de l'homosexualité masculine mais ce qu'on trouve me semble bien plus varié que ça. De la même façon qu'il n'épargne personne dans son oeuvre et qu'il observe les illusions de l'amour sous toutes ses formes avec lucidité et une certaine cruauté douloureuse, il n'allait pas adoucir son regard sur cet autre aspect de la nature humaine. On peut contester en partie certaines descriptions et positions théoriques mais l'ensemble est extrêmement brillant et finement observé. Il y a même une digression illustrative savoureuse sous la forme d'une sorte de nouvelle qui raconte la relation à travers le temps de la passion entre deux hommes. On y retrouve pratiquement les même mécanismes que dans les amours d'Odette et Swann, Saint-Loup et Rachel, le narrateur et Gilberte puis Albertine. A noter le très beau portrait très élaboré du personnage de Morel, militaire et violoniste aimé de Charlus, d'extraction plus modeste et gigolo opportuniste. Le lien entre Charlus et l'univers de Balzac est par ailleurs clairement assumé.



On trouve également d'autres morceaux de bravoure comme ce fabuleux passage des Intermittences du coeur qui raconte l'expérience du deuil d'une façon bouleversante et lumineuse. Une réflexion également formidable sur la mémoire et le sommeil dans le chapitre 1 prolongée dans le chapitre 3 avec une évocation de la théorie de Bergson (influence majeure de cet aspect "temporel" de la recherche).



Beaucoup de drôlerie dans les échanges avec le directeur de l'hôtel de Balbec qui utilise souvent un mot à la place d'un autre, avec le liftier, le Docteur Cotard...



Le passage sur l'étymologie des noms de ville est amusant mais un peu long malgré tout. Proust semble y attacher beaucoup d'importance.



La partie sur la soirée chez la Princesse de Guermantes puis le retour dans les salons des Verdurin à la Raspelière occupent une place très importante dans tout le récit mais toujours avec le même talent descriptif. On ne s'ennuie pas en observant tous ces rituels et en assistant cette fois au délitement de certaines relations dont la vanité est une des causes premières.



Le narrateur s'y montrant avec honnêteté un jaloux pathologique comme ses prédécesseurs et reconnaissant en même temps être à son tour devenu un peu snob mais toujours dreyfusard (contrairement à Saint-Loup).



Le piège se referme sur Albertine et la voici devenir "La prisonnière" à la fin du roman.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Un saut en arrière dans le temps à une époque antérieure à la naissance du narrateur qui est toujours discrètement présent même si Swann devient le personnage central. Et un narrateur d'autant plus omniscient qu'il ne peut donc que réinventer cet "amour" entre Swann et Odette à partir de récits rapportés ou imaginés.



Roman dans le roman qui explore les illusions de l'amour comme pure construction fantasmatique avec une subtilité impressionnante. L'originalité vient du fait qu'Odette n'est au départ pas du tout du goût de Swann. Il la trouve quelconque, ne la désire pas alors qu'il a beaucoup d'aventures que lui dictent ses fréquentations (allant d'une maison à une autre pour approcher telle ou telle cuisinière, servante ou femme de chambre). C'est le portrait d'un grand esthète nourri de références picturales qui transforme tout ce qu'il contemple par associations d'idées. Je pense notamment à la géniale séquence où Swann pénètre dans les salons de la soirée Saint-Euverte en comparant les serviteurs à un tableau de Mantegna. Toute sa déambulation fusionne observations et références artistiques.



Ainsi il ne commence à accorder un véritable intérêt à Odette qu'à partir du moment où il peut l'identifier en partie à une oeuvre d'art, Zéphora, la fille de Jethro dans un tableau de Botticelli. Cette ressemblance lui conférant une aura inédite.



La fascination est complète lorsqu'il associe ensuite également Odette à la fameuse phrase musicale de la sonate de Vinteuil. Autre madeleine proustienne qui devient le symbole de cette idée presque esthétique de l'amour en guidant les premiers pas du désir puis en devenant plus tard le souvenir douloureux de ces premiers émois déjà éloignés. La façon dont Proust décrit cette alchimie entre la phrase musicale et le sentiment amoureux est magnifique.



Le désir laisse place à un sentiment de possession, puis de jalousie, puis de rejet jusqu'à ce que l'illusion amoureuse s'éteigne... Mais on sait dès le départ que Swann et Odette se sont ensuite mariés et que le premier amour du narrateur, Gilberte, est leur fille! Toujours cette idée de retrouver ce temps perdu des émotions primordiales en dilatant ces instants pour en décrire toute la beauté et la fragilité en même temps que la grande part d'imagination et de fantasmes qui leur ont donné vie. Une vie comme un rêve éveillé.



Surprise de noter au passage qu'Odette est blonde et Swann roux et en partie dégarni! On est loin du couple Jeremy Irons/Ornella Mutti (quand même blonde) dans le film de Volker Schlöndorff.

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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Dans la première partie Proust tombe amoureux d'Albertine la fille d'Odette et Charles Swann. Mais le sentiment n'est pas réciproque et il s'éloigne d'elle.

Dans la deuxième partie, Il part à Balbec près de la mer avec sa grand-mère.

Il nous décrit les personnages logeant à l'hôtel puis se lie d'amitié avec un groupe de jeunes filles surtout d'Albertine et d' Andrée.

En fait, toutes les jeunes filles qui l'intéressent ont un prénom masculin féminisé. Était-ce vraiment des jeunes filles ?

J'ai ressenti dans les livres de Proust qu'il avait beaucoup d'amour pour sa mère et sa grand-mère mais parlait peu de son père.
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La Madeleine de Proust

Proust à la portée des enfants à travers de très courts extraits illustrés.

Trois extraits : La madeleine, le drame du coucher et Gilberte. Illustrations accompagnées de phrases de Proust.

A la fin de l'album, nous retrouvons ces phrases dans des extraits un peu plus longs.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

Autre Sésame fameux : "Le pépiement matinal des oiseaux semblait insipide à Françoise."



Tel l'Ulysse d'Homère, le lecteur, succédané du Narrateur proustien, poursuit son voyage initiatique en abordant le troisième volume de la Recherche.



Kaléidoscopique, le roman se diffracte. Il nous mène d'une chambrée militaire à un salon aristocratique, sublime le trivial, trivialise le sublime, déclenche le rire et les larmes, fixe l'indicible...



Le Côté de Guermantes explore des terres inconnues mais idéalisées. Oriane, duchesse aux yeux myosotis et à l'esprit mordicant, telle une Circé d'opérette, règne sur l'îlet du faubourg Saint-Germain : las, les pourceaux qui l'adorent piétinent leurs Noms aux résonances fabuleuses et ne laissent apparaître que leur banale humanité ; la fée n'est qu'une femme.



Livre du désenchantement -nos illusions ne gagnent jamais à se frotter au réel-, Guermantes est aussi celui de la mort qui rôde. L'agonie d'une grand-mère ou la maladie fatale d'un vieil ami déplorent l'enfance enfuie et assombrissent les diaprures d'un style incomparable.



Dois-je le préciser, Proust, aède aux chants aimés, est l'écrivain suprême : chacune de ses phrases, ciselée, intaillée puis pourléchée, abreuve et sustente, cycéon revigorant. Au delà d'un roman, La Recherche est le vade-mecum ultime : l'écrivain prophète met de l'ordre dans nos balbutiements et sa parole console, guérit, accompagne, révèle...



Mon bréviaire.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Voila le deuxième tome de ce monument de la littérature, À l’ombre des jeunes filles en fleur (voila un titre). Dans ce tome là, Marcel Proust aborde la période adolescente et les vicissitudes inhérentes à la quête d’identité. Et dans le style unique qui le caractérise, on plonge dans cet univers unique.



Alors oui, À la recherche du temps perdu est une autobiographie fictionnelle mais ce n’est pas simplement un cumul de souvenirs qui s’additionnent. Il y a une vraie et profonde recherche artistique dans la réalisation de cette oeuvre majeure. Marcel Proust en parle en partie. J’en veux pour preuve cette citation où il explique sa vision du génie en art « dans le pouvoir réfléchissant non dans la qualité intrinsèque du spectacle reflété ». Appliqué à son oeuvre, c’est parlant.



Ce que j’ai aimé dans À l’ombre des jeunes filles en fleur, c’est le travail autour de la mémoire. Marcel Proust magnifie le principe de souvenirs. Il porte au pinacle la richesse de la vie à travers ce qu’il en reste. Il est vrai que l’univers de Marcel Proust est très élitiste, très privilégié et ne peint qu’une frange marginale de la société mais l’important n’est pas là. La précision de sa prose n’a pas d’égale au monde.

La suite sur le blog…
Lien : http://livrepoche.fr/a-l-omb..
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Sur la lecture

Proust se rappelle ses lectures d’enfance. Elles sont une madeleine, la renaissance d’une chambre et d’un parc, le retour d’un temps où tout devait cesser de vivre pour permettre la lecture.



Puis il réfléchit à ce qu’il reste de la lecture à l’âge adulte. Il se demande – du moins est-ce ainsi que je le lis; il faudrait écrire « je me demande » - pour quelles obscures raisons les adultes lisent encore, alors qu’il y aurait tant à faire.



La lecture est-elle une forme épurée de l’amitié qu’on entretiendrait avec des morts sans souci des convenances ? Est-elle le carburant d’un esprit qui bientôt parlera par lui-même ? Est-elle un moyen de faire revivre le passé ?



La lecture est – il ne l’écrit pas encore mais nous l’avons lu entre les lignes et à travers le temps – une recherche du temps perdu, et c’est en cela justement qu’elle n’est pas du temps perdu.
Lien : http://www.lie-tes-ratures.c..
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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

Difficile et paradoxal de commencer la Recherche du Temps perdu par Albertine disparue, mais c'est pourtant ce que j'ai dû faire l'année de ma khâgne, l'oeuvre étant au programme de lettres - même si je lisais en parallèle les autres tomes, pour ne pas passer à côté des références. Mais c'est ce qui explique que ce soit le tome que je maîtrise le mieux, et que j'apprécie le plus aussi.

Albertine disparue est le roman de l'absence, une trahison qui devient un deuil puis un oubli progressif. Albertine n'est plus là, Albertine n'est plus, mais elle reste présente dans l'esprit du Narrateur, et donc dans tout le livre qui s'érige comme un tombeau à sa mémoire. Les pages sur le deuil, sur le processus de deuil plus exactement, sont magnifiques et bouleversantes - alors que dans les tomes précédents les états d'âme du Narrateur me laissent parfois un peu ennuyée. Quelle justesse de l'analyse, quelle beauté de la période proustienne pour décrire de façon ciselée les sentiments.

C'est aussi un tome sur la déception, ou plutôt sur le charme du mystère qui perd son charme lorsqu'il est défloré : plus Marcel en apprend sur Albertine, plus il se détache d'elle, plus il découvre Venise, moins il rêve.

Derrière les fantasmes, le cloaque de la réalité empoisonne l'air...

Un tome charnière d'un point de vue de l'intrigue et de l'analyse psychologique des sentiments.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Ce livre est une merveille de la littérature : Proust, on le découvre, peut rivaliser avec le grand Balzac, et c'est beaucoup de dire, car Stendhal et Flaubert eux-mêmes succomberaient à la comparaison ! En effet, doté d'un extraordinaire talent, Proust nous écrit un chef-d'oeuvre unique au monde ; Proust nous écrit un livre d'un type rarissime : le livre inimitable. La plupart des livres peuvent être imités, combien plate fut l'imitation : pour du Côté de chez Swann, c'est impossible. Ce livre est unique. Le style en est génial, le fond est original, tout simplement merveilleux.

Proust prouve son génie et envoûte le lecteur, qui crie, ébahi : "Mais c'est merveilleux !"
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Mort de ma grand-mère

Ah ! La mort de la grand-mère de Proust !

Tout un poème !

Il est tiré du Côté de Guermantes.

C'est un passage bien connu des amoureux de Proust.

Petit texte mais dense.

Il m'a fait penser un peu à Molière, avec son ballet de médecins de tout genre, les bons comme les mauvais.

Le plus "drôle"- étant, pour moi, le Docteur du Boulbon, incorrigible optimiste, qui ne croit qu'aux maux psychosomatiques, et qui aggravera la maladie de la grand-mère en lui permettant une dernière sortie.

J'ai bien aimé le passage sur les "cabinets"des Champs-Elysées, avec "sa marquise"!

Quelques moments grandioses, sous la plume de ce génie de Proust (que l'on aime ou pas, c'est un génie), comme celui bouleversant de sa mère qui n'ose pas regarder le visage de sa propre mère de peur d'y lire le symptôme de l'attaque.

Pourquoi cette lecture ? Parce que dans Le lambeau de Philippe Lançon, rescapé miraculeux de l'attentat de Charlie Hebdo, mais atrocement mutilé au visage, il en parle sans cesse, et le lit avant chaque opération, comme une, tel qu'il le dit, prière préopératoire.

Curieuse comme je suis, j'ai donc voulu connaître ce texte.

Gageons que cette lecture lui ait porté bonheur et réconfort dans son cauchemar sans nom.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Mon tout premier livre de Proust, et j'en suis très heureuse ! Je m'étais jusque là autocensurée, de peur de trouver cette lecture difficile et ennuyeuse. Erreur ! J'ai adoré pénétré dans l'ambiance de ce livre. Certes, certaines phrases sont si longues qu'elles font la moitié d'une page, mais c'est si bien écrit que cela contribue à cette ambiance toute particulière. Et pour contribuer à ce plaisir de lecture, j'ai lu ce premier tome aux éditions de la Pléiade, emprunté à la médiathèque de ma ville.

A très vite Monsieur Proust pour les 6 autres volumes de "A la recherche du temps perdu" !



CHALLENGE ABC 2017 - 2018
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A la recherche du temps perdu - Intégrale, to..

Quoi de plus beau, de plus lentement pénétrant que cette lecture qui parcourt l'âme humaine et peuple notre imaginaire de paysages désormais mythiques : Combray, Balbec, le Paris des Guermantes... et jusqu'à cette Venise recomposée, paysages tous faits d'odeurs, d'émotions et de ce peu de mélancolie qui donne au temps une saveur incomparable.
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Autant j'ai aimé le premier tome, je l'ai même dévoré d'une traite, autant celui-ci m'a paru loooong, trèèès long, je me suis donc arrêtée là...
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Du côté de chez Swann est le premier tome de A la recherche du temps perdu, évoqué souvent aussi simplement par la Recherche. Ce premier livre se décompense en trois partie : Combray, Un amour de Swann, et Noms de pays : le nom. Je vais essayer de vous parler de ses trois parties avant d'en venir à ce que j'ai pensé de la globalité de cet œuvre.

La première partie Combray, est une partie que j'ai trouvée très longue. Le narrateur se souvient de son enfance à Combray. Combray est un lieu fictif, composé par Proust à partir de ses souvenirs de plusieurs maisons qu'il a connu. Donc, dans cette partie, le narrateur nous emmène au fil de ses souvenirs, on y trouve énormément de description et très peu d'action. C'est ce qui fait que cela est très long et que j'ai mit énormément de temps à en venir à bout. J'ai aussi souvent été perdu dans le fil de ses souvenirs, il parle d'un souvenir qui l'amène à un autre souvenirs, qui le fait penser à un autre souvenir, avant de revenir sur le tout premier souvenir mentionné (est ce que j'ai été clair ? Pas sûr !) Ce qui ne m'a pas fait abandonner la lecture c'est la richesse de l'écriture de Proust, j'ai été fasciné par sa façon d'écrire. Et j'ai trouvé certains passages plus riches que d'autres, des passages qui en général me parlaient à moi aussi. Je pense que beaucoup de lecteurs peuvent abandonner la lecture à cette première partie.

La deuxième partie, Un amour de Swann, le narrateur ne nous parle plus de lui mais de Monsieur Swann et de son amour pour Odette de Crécy. Cette deuxième partie est beaucoup plus prenante, il y a plus d'action, mais la description est aussi très présente. Ici la description ne se focalise pas forcément sur la description des lieux ou des caractères des personnages, mais sur la description des sentiments de Monsieur Swann, ce que j'ai trouvé très intéressant. On a aussi toujours cette richesse d'écrire qui est propre à Marcel Proust et qui m'a totalement fasciné. Il fait de si belles phrases !

La troisième partie, Noms de pays : le nom, est la plus courte. On revient sur le narrateur qui raconte cette fois sa vie à Paris. Noms de pays doit correspondent aux villes dont ils nous parlent, des villes qui le font rêver. Le nom, doit surement correspondre à Gilberte, nom qui l'a fait rêver à Combray et qu'il retrouve aux Champs-Élysées. Gilberte Swann, la fille de Monsieur Swann, dont le narrateur est amoureux. On en revient donc à l'amour, mais cette fois à l'amour du narrateur pour Gilberte...

Dans sa globalité : c'est un livre que j'ai mit beaucoup de temps à lire, mais c'est un livre auquel il faut consacrer du temps pour comprendre et ne pas se perdre au fil de l'écriture de Marcel Proust. Malgré que j'ai trouvé à certain moment la lecture longue, je suis très contente d'avoir tenu bon et d'être allé jusqu'au bout. J'ai trouvé la façon d'écrire de Marcel Proust très riche et donc très enrichissante pour moi-même. Je le conseil au lecteur qui n'ont pas peur des classiques, et de s'attaquer au style de Marcel Proust avec ses longues phrases et ses descriptions qui sont juste magnifique.
Lien : http://leslecturesdecristy.b..
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

La porte d'entrée dans le grand royaume de Proust, machiavélique introduction.



Publié en 1913 chez Grasset, à compte d'auteur (ce qui devrait continuer à nous en dire long sur le rapport auteur-éditeur, même aujourd'hui), alors que Marcel Proust fête ses 42 ans, avant d'être repris en 1919 chez Gallimard après le succès de sa "suite", le premier tome de "À la recherche du temps perdu" est donc la porte d'entrée au sein de ce monument résolument intimidant (les sept tomes comptent 2 400 pages dans l'édition intégrale en un volume chez "Quarto").



Porte d'entrée en effet : l'erreur que je commis à 17 ans de vouloir le lire "seul", et non pas comme le début d'un gros roman impossible à découper sérieusement, est funeste : pour celles ou ceux qui se poseraient la question, même si ces 2 400 pages peuvent faire un peu peur (à titre de simple comparaison, les 2 200 pages de "L'homme sans qualités" de Musil, les 1 400 pages du "Seigneur des Anneaux" de Tolkien ou du "2 666" de Bolaño, ou encore les 1 200 pages de l' "Ulysse" de Joyce), il FAUT les lire quasiment d'une traite (ou entrecoupées de brefs intermèdes qui ne risquent pas de casser les très nombreux, et parfois fragiles, tissages narratifs mis en oeuvre tout au long de cette "Recherche").



Résumer le projet est en effet un gag digne des "Monty Python", mais pourtant, je ne résiste pas à répéter ici, en la paraphrasant, la semi-boutade d'Oliver Gallmeister : "Le petit Marcel veut evenir écrivain". L'ensemble du roman, c'est en effet l'écrivain qui nous raconte et nous explique d'une manière extraordinairement subtile et complète comment, par quels chemins parfois bien mystérieux, s'est construit le corpus - en nous fournissant de très larges exemples de ce corpus, mais orientés, tout au long de l'œuvre, par son dessein de narrateur écrivant depuis la FIN du roman, et non au fur et à mesure -, corpus qui lui a donné, un jour, le courage de vouloir vraiment écrire.



Même sans l'avoir lu, le lecteur qui aborde ce texte a - comme c'était mon cas - de nombreux éléments déjà en tête, tant Proust a été disséqué, analysé, célébré ou utilisé comme analogie facile de tout et de n'importe quoi ("Non, par pitié, pas la madeleine !"). Ce premier tome constitue toutefois avant tout une fort machiavélique installation de décor, semée (mais oui !) de dizaines de mines magnétiques, dissimulées sous les minces couches de terre des parterres normands, pour exploser à la face du voyageur-lecteur des centaines ou des milliers de pages plus tard.



Le jeu sur la mémoire sensorielle, qui apparaît souvent à tort comme le point essentiel de l’œuvre, se met, bien entendu, en place. Mais il ne prendra de toute manière son sens que quasiment à l’issue du projet, lorsque six tomes auront coulé sous le pont d’où écrit le narrateur. La lecture de « François le Champi » - que l’on verra justement à sa « bonne place » dans « Le temps retrouvé » - incarne d’ailleurs ce phénomène de manière infiniment plus complète que la malheureuse madeleine si souvent sacrifiée sur l’autel de la lecture partielle. On est en revanche d'emblée plongé dans une transmutation des correspondances baudelairiennes, où plutôt que des « choses sensibles », c’est l’hypersensibilité cérébrale qui est le moteur: , et son morceau de bravoure de ce point de vue en est l’écoute par Swann de la sonate « complète » de Vinteuil, qui donne et renouvelle tout le sens de la fameuse « petite phrase » qui en avait jadis été extraite, expérience qui annonce aussi déjà les épiphanies mémorielles et les cristallisations qui auront lieu beaucoup plus tard en d’autres points de la "Recherche".



En 135 pages consacrées (en apparence) à la résidence campagnarde de l'enfance, Combray, en 147 pages dédiées (dans un extraordinaire tour de passe-passe chronologique) au personnage de Swann, à ses amours et à son "mauvais" mariage, et en 32 pages enfin qui semblent tester ce que peut évoquer un nom (de "pays"...) avant d'être confronté à la réalité, les éléments-clé du corpus qui vont "créer" l'écrivain Marcel à partir de l'enfant et de l'adolescent d'abord mis en scène par le narrateur âgé dans "Du côté de chez Swann" apparaissent presque tous, mais le déploiement de leur pleine puissance, leur épanouissement explosif, est le plus souvent renvoyé à des tomes ultérieurs : obsession sociale du "bon milieu" et du "bon monde", extraordinaires clivages sociaux structurants - qui font de ce roman prétendant parler, pour une bonne part, d'aristocratie sur le déclin, un constat toujours inactuel, toujours intempestif, et donc parfaitement contemporain -, opposition profonde entre apparence et essence, des êtres comme des choses, distance infranchissable entre l'image intérieure de la personne aimée, créée presque ex-nihilo par l'amoureux, sombre prégnance, apparemment inévitable, de la jalousie obsessionnelle.



Même "Un amour de Swann", ces 147 pages donc, souvent présentées sous une forme "indépendante" du reste de la Recherche, ne sert en réalité que d'ébauche, de matrice, et de corde de rappel aussi - qu'elle se révèle par la suite efficace ou non -, pour les six tomes qui suivent, en installant la terrible mécanique illusion sensorielle / amour / obsession / jalousie / déchéance vs. oubli, qui planera sur Saint-Loup, sur Chrlous aussi, en un sens et beaucoup plus tard, et, surtout, sur le narrateur Marcel, jusqu'au bout ou presque.



Les visions « imparfaites » du narrateur, alors jeune, sont parfois tempérées par des interventions, plus ou moins discrètes, du narrateur plus âgé, qui vient éclaircir un point, ou au contraire exciter le suspense en dévoilant, sans en dire plus, que telle personne, telle méprise, telle mauvaise interprétation, se révéleront importantes, « plus tard ». La subtilité de la toile temporelle ainsi progressivement tissée, au mépris de la chronologie, mais en jouant sans cesse sur les à-pics ainsi ouverts, s’annonce déjà, dès ce premier tome, comme l’un des grands charmes et des grands mystères de l’œuvre.



Au contact de l’œuvre de Bergotte, le narrateur nous avoue ainsi, mine de rien, que l’affaire de sa vie sera vraisemblablement la littérature. "Devenir écrivain". Et il nous faudra attendre « Le temps retrouvé » et son étrange épiphanie pour mesurer vraiment ce qui se jouait là, dès Combray, et qui va se jouer sous nos yeux au long des 2 400 pages de l’ensemble.



C’est ici aussi que s’amorce ce formidable jeu entre l’écrivain et son lecteur, qui va utiliser régulièrement la dissémination d’objets, ou de scènes parfois très brèves, qui ne « s’éclaireront » que beaucoup, beaucoup plus tard, à l’instar de l’emblématique brochure écrite par Bergotte sur la tragédienne, la Berma – ou encore de la fugitive vision de Gilberte dans le jardin de chez Swann, et plus encore, à propos de la « tentation de la vocation » d’écrivain. Un maniement extraordinaire de la distillation d’informations précieuses pour la vision d’ensemble, délivrées au compte-gouttes, avec une extrême parcimonie, et uniquement dans une construction proprement machiavélique de la narration, qui n’apparaît pourtant jamais comme telle, sur l’ensemble des 7 tomes.



Enfin, ce premier tome, c'est bien entendu la découverte d'une écriture et d'une technique narrative qui justifient après coup les présentations souvent faites en termes de "dernier roman du XIXème siècle" (par la structure de ses phrases, et par ses innombrables références, directes et indirectes, à Stendhal, à Hugo, à Balzac et à Flaubert) et de "premier roman du XXème siècle" (par le renoncement apparent à la chronologie directe, par l'enchâssement narratif pratiqué avec délectation, et par le foisonnement thématique bouillonnant dans une écriture pourtant résolument monophonique), écriture et technique auxquelles il faut ajouter cet exceptionnel - et surprenant - humour pince-sans-rire poussé à l'extrême, qui permet au narrateur, l'air de rien, de se moquer sans répit de l'ensemble de ses personnages, des plus immédiatement "ridicules" jusqu'à ceux qu'un premier examen semblait devoir préserver de ces atteintes et de ces cruautés... et qui permet aussi à l'écrivain de jouer sciemment et somptueusement avec les attentes qu'il a crées chez le lecteur, et qu'il va se permettre de déjouer avec régularité pendant des centaines de pages.



A l'issue de ces 314 pages, l'obsession est donc maintenant installée, et la nécessité absolue, toutes affaires cessantes, de lire la "suite" s'impose très naturellement.
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Correspondance de Marcel Proust, tome 1 : 1..

La Correspondance, que Philip Kolb a réunie, est un monument. La lecture des lettres, mais surtout des notes, commentaires, chronologies et avant-propos, restitue une époque, une classe sociale, une famille et surtout le travail d'un grand écrivain.



Pour profiter de la Recherche, je conseillerais, de commencer, avant, par cette biographie, de Proust... par lui-même, et par Philip Kolb, ceci afin de voir où il a puisé son inspiration, comment il a su transformer les "matériaux" trouvés dans son entourage.



La Correspondance reste une œuvre à part entière, qui s'enrichira encore et, au final, supplantera la Recherche. En cela Kolb, par son énorme travail, a rendu un grand service à la littérature française.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Que dire qui n'ait été dit mille fois? Les centaines de personnages, la mémoire, les sensations, la cavalcade des souvenirs, la jalousie, les vices d'une société fastueuse, Gilberte, Charlus, Albertine, la sonate de Vinteuil, Balbec...

Bref ça finit par faire partie de ma propre vie......
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À la recherche du temps perdu - Intégrale

Proust fait dire à la duchesse de Guermantes, à propos de Zola, qu'il est le Homère de la vidange.

Proust, lui, c'est le Homère de l'introspection, le Zola des rapports de castes.

Avec son everest littéraire, il a fait beaucoup de mal à la littérature française... Tous ses suiveurs ont eu l'obligation de se trouver une place dans son sillage écumant. La sécheresse stylistique et psychologique du Nouveau Roman, c'est entre autres choses le refus de la prolifération propre à la Recherche. Les déballages des petits parisiens d'aujourd'hui, c'est la croyance que leurs "petites affaires privées" ont valeur universelle, dès lors qu'elles sont ordonnées sur le papier. Qu'est-ce qui les a autorisés à confondre nombrilisme et universalisme? Leur émoi devant les architectures proustiennes, qu'ils ont eu le mérite, autant que la malchance, de découvrir trop tôt.

Ecrire après Proust, c'est comme être un saxophoniste tenor après John Coltrane : délicat.

Marcel, génie indécent, tu as eu tant de choses à écrire et tu t'es si peu retenu. D'ailleurs tout lecteur fanatique de ta prose t'aurait su gré de lui épargner une ou deux descriptions obsessionnelles, de fleurs notamment, de couper par-ci par-là dans l'examen de tes troubles nerveux, surtout à partir du quatrième tome, parce qu'après tout, si on te suit amoureusement par delà les mille pages, c'est que tu nous as déjà un peu convaincus, qu'on a un peu compris tes états et ton propos. Pourtant on ne peut même pas t'accuser de bavardage : c'est par grande nécessité que tu chemines en circumnavigations, et à la lassitude qu'inspirent parfois tes digressions, succède toujours quelque puissante vérité vers laquelle tu ne cessais de nous conduire en tirant des bords, pendant que nous pensions à tort nous ennuyer.

Voilà pourquoi moi j'y reviens chaque printemps depuis quatre ans et quatre tomes, à cette lecture qui n'est jamais si saine qu'à l'ombre d'un jeune arbre en fleur.

Cela dit, amoureux de Proust, ne le surestimez pas. Sur le plan de l'analyse psychologique, il emprunte beaucoup à Bergson.
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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

Voici enfin terminé la lecture de "la recherche du temps perdu" avec "le temps retrouvé", Proust avait écrit le mot fin comme il le déclara à Celeste Albaret, et il put s'éteindre tranquillisé même s'il n'eut pas le temps de relire et de corriger toute son oeuvre. de quoi s'agit-il dans ce dernier volume qui ne parle plus du temps qui passe, mais cette fois du temps qui est passé: Cheveux blanc, visages bouffis, beautés envolées, décès des uns, cheminement difficile de fin de vie pour d'autres et le monde de la jeunesse disparu à jamais, nouvelles générations de l'après guerre qui ont changé les valeurs, de même que l'éclairage des villes et l'arrivée des automobiles scelle la fin des chevaux et du monde des bougies. Réflexion amère et lucide sur la vieillesse, il y a un paragraphe qui résume la recherche : "Et maintenant, je comprenais ce que c'était la vieillesse - La vieillesse qui de toutes les réalités est peut-être celle dont nous gardons le plus longtemps dans la vie une notion purement abstraite, regardant les calendriers, datant nos lettres, voyant se marier nos amis, sans comprendre, soit par peur, soit par paresse, ce que cela signifie, jusqu'au jour où nous apercevons une silhouette inconnue, comme celle de M d'Argencourt, laquelle nous apprend que nous vivons dans un nouveau monde; jusqu'au jour où le petit fils d'une de nos amies, jeune homme qu'instinctivement nous traiterions en camarade, sourit comme si nous nous moquions de lui, nous qui lui sommes apparu comme un grand-père; je comprenais ce que signifiaient la mort, l'amour, les joies de l'esprit, l'utilité de la douleur, la vocation, etc. Car si les noms avaient perdu pour moi de leur individualité, les mots me découvraient tout leur sens. La beauté des images est logée à l'arrière des choses, celle des idées à l'avant. De sorte que la première cesse de nous émerveiller quand on les a atteintes, mais qu'on ne comprends la seconde que quand on les a dépassées."
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Du côté de chez Swann que j’ai pourtant lu il y a quelques années maintenant me reste de bons souvenirs. Je me souviens de cette comparaison très fine dans « Un amour de Swann » entre le tableau des horaires de train et l’amour languissant du personnage mais aussi de l’évolution perverse de l’amour, quand ce qu’on chérit, ce qui déclenche notre attendrissement, est généralement ce qui à la fin devient la source même de notre désamour, car l’attendrissement nous fait nous accommoder faussement de choses que dans d’autres contextes nous méprisons. A l’ombre des jeunes filles en fleur continue à sa manière la conversation sur le sentiment amoureux et le désir. Cependant ici l’auteur explore bien plus l’éveil aux plaisirs pris dans le désir sans objet identifiable.



Quand on commence un des tomes de la Recherche du temps perdu de Proust on croit savoir déjà ce qu’on va y trouver. Et j’ai donc été surprise. Parce que ce n’est pas un livre pudique et chaste. Bien au contraire. Et l’histoire de ces fleurs écloses auraient du fortement me mettre la puce à l’oreille. Marcel, dans ce roman, est en chasse. Il voit et observe, mais ce qu’il voit, c’est la projection de son désir sur tous les corps envisagés. Pourquoi ne parle-t-on pas de cette scène où Marcel se frotte à Gilberte ? L’évocation n’est même pas à moitié tue, l’auteur insiste bien pour que le lecteur comprenne quel acte a eu lieu et précise bien que tous les acteurs savent très bien ce qu’ils font quand ils le font. Pourquoi parle-t-on de la fessée de les Confessions de Rousseau et pas des échauffements du corps dans Proust ? Rousseau apparaît plus subversif que Proust et pourtant … C’est peut-être dans le regard du lecteur, dans mon regard en l’occurrence, qu’est vraiment la perversité, mais je n’ai pu m’empêcher de penser à l’homosexualité refoulée dans le passage sur l’oncle de Saint-Loup, qui reluque (c’est bien le terme) de haut en bas, de biais, de loin, de près, le jeune Marcel, jusqu’à entrer dans ses appartements la nuit, pour, semble-t-il, lui apporter simplement un livre pour l’aider à s’endormir. Je vois peut-être le mal partout, mais tout de même, face à l’invasion du désir, tout semble en être l’évocation plus ou moins assumé par l’auteur.



L’amour pour Gilberte plonge le narrateur dans une découverte du corps et de la sensualité où l’objet n’est pas vraiment l’amour pour Gilberte mais bien la transformation de Marcel en jeune homme désirant. Proust ose des scènes qui m’ont étonnée car elles n’ont jamais été évoquées pendant les nombreuses leçons, séminaires et autres que j’ai entendus, car les professeurs préféraient se perdre dans des réflexions plus élevées et complexes sur la mémoire ou le temps, plutôt que de se préoccuper des bassesses du corps. Pourtant, j’en suis persuadée maintenant, le corps est l’objet premier du livre. Les scènes que j’invoque ici touchent à la sexualité ; elles montrent une bourgeoisie aux mœurs décontractées où les jeunes filles et les jeunes hommes s’explorent en se frottant l’un contre l’autre (littéralement) jusqu’à l’extase dans les moments d’intimité que leur prodiguent l’indifférence des parents et les coins ombragés des couloirs de grands appartements.



Quand Marcel part pour prendre l’air de la mer, on voit bien son regard dériver de corps en corps féminin et juvénile pour apprécier leurs courbes athlétiques. Comme un lion parmi les lionnes, il participe aux pique-nique de son sérail où elles s’attachent toutes à lui faire la cour tout en essayant de le lui cacher, par bouderie et réplique désagréable. Mais loin des rivalités amoureuses qui sont balayées par l’auteur, c’est surtout un spectacle de sensualité presque chaste, sans recherche d’accomplissement, propre à une jeunesse idéalisée, un peu comme dans les pastorales. Marcel et les filles vivent les langueurs de l’été, l’apogée d’une adolescence qui semble sans fin, éternelle. Mais cette période trouve sa fin quand tout le monde part, car l’été n’est plus, alors que Marcel reste dans cet univers bien triste qui lui rappelle sa solitude existentielle, motif de l’écriture du roman depuis le premier tome, où l’enfant souffre et en même temps jouit de la solitude de sa chambre. Marcel reste cet enfant. C’est d’autant plus vrai que la chambre de l’hôtel à toute son importance quand il arrive sur le lieu de villégiature, parce que la chambre pour Marcel c’est la tanière de celui qui secrètement jouit d’abord de sa propre compagnie avant d’apprécier celle des autres, qui n’est finalement qu’une ersatz de la vraie intimité qu’on peut avoir avec soi-même. D’ailleurs, Marcel papillonne mais il ne crée jamais ce lien profond d’âme-à-âme (sauf peut-être avec ce fameux Saint-Loup, mais en tout cas jamais avec une femme, ou tout du moins ce lien avorte avec Gilberte).



Le corps sensuel est contrebalancé par celui malade. Marcel es la pâle figure de l’adolescent. Son hypersensibilité fait que chaque variation dérange bien vite sa fragile constitution. Il est bien obligé de nous conter les longues heures allongé sur son lit. Mais là on découvre une autre face de l’adolescence qui est seulement un prolongement de l’enfance : Marcel semble aimer sa souffrance parce qu’il peut profiter de la solitude, mais aussi, paradoxalement, parce qu’il peut ainsi vérifier l’amour des siens, sa grand-mère et sa bonne, qui le couvrent de soin. Maître dans sa demeure (sa chambre), roi alité, on voit bien qu’il prend goût à devoir rassurer sa grand-mère. Me revient une scène où Marcel mime la toux pour encourager sa grand-mère dans son soin, qui lui semble être ce qui la maintient en vie. Et Marcel de dire « pauvre mamie qui souffre tant de mon mal ». Indolent et sensuel, Marcel se roule dans toutes les formes de l’amour dont on l’entoure.



A la fin du roman me reste une interrogation : mais quel âge a-t-il ? Quelques indices (et la préface) donnent entre dix-huit et dix-neuf ans au personnage-narrateur mais à cet âge-là n’est-on pas déjà un jeune homme indépendant à cette époque ? A l’ombre des jeunes filles en fleur montre bien ce phénomène qui a pris de l’ampleur dans notre société où on reste, dans certaines classes sociales privilégiées tout du moins, des ados attardés bien longtemps, plongés dans une découverte de soi et du monde qui paraît s’étirer en longueur. Marcel ne semble jamais devoir devenir un adulte, car il est entouré des soins des autres, protégé dans son univers. D’ailleurs Marcel incarne bien les traits caractéristiques de l’enfant qui survivent chez l’adolescent. Narcissique et égoïste, le monde autour de lui n’est là que pour le servir. Marcel n’est pas vraiment dans une quête de la découverte du monde extérieur, bien souvent il se contente des opportunités qu’on lui offre et il se laisse bercer par les désirs des autres. En cela il a l’air plus passif qu’égoïste.



Son égoïsme transparaît plus dans les aventures avec Albertine et les autres jeunes filles : les malheurs intimes des unes et des autres, même leur rivalité, sont perçus par lui comme des obstacles à sa jouissance ou plutôt à son contentement, léger et éphémère. Marcel se sert de ceux qui ont beaucoup à lui apprendre comme le peintre pour assouvir ses désirs sensuels (entrer en contact avec les jeunes filles par exemple), sans jamais ressentir ni gratitude, ni même reconnaître que le peintre lui offrait bien plus en lui ouvrant une fenêtre sur le monde l’art, source de bonheur un peu plus profonde, peut-être, que les pique-nique avec les jeunes filles. Marcel adolescent vit dans un présent dont il faut savoir s’extirper pour percevoir sa superficialité. Quand le peintre en passe aux confessions, Marcel n’est pas capable de les recevoir ou cela le plonge dans sa propre expérience bien maigre du monde. Le début de la compassion ? On pourrait imaginer que sa propre expérience lui permette de ressentir de l’empathie, mais pas du tout. Marcel divague et les discours du peintre sont un bruit de fond qui lui permet de trouver les variations fantasmagoriques dans son for intérieur. Mais peut-être tout cela n’est qu’une fausse interprétation de ma part, liée à une vision un peu noire de l’adolescence et à l’illusion d’optique produite par la narration à la première personne qui donne souvent l’impression que le narrateur se contemple et se perçoit comme le seul spécimen d’étude digne d’intérêt.



On peut comprendre Gilberte, tout aussi narcissique et égoïste que lui, quand elle décide qu’après tout elle ne lui doit rien et sûrement pas de se soumettre à son fantasme d’une amitié parfaite, qui n’existe que pour le nourrir lui, ses névroses et ses idéaux d’enfant trop seul ayant peur d’être le perpétuel mal-aimé de l’histoire et donc, fatalement se comportant comme tel.
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