La référence à
Proust ne parlera pas aux jeunes lecteurs, c'est évident.
Mais, toutefois, l'approche de l'enfance de l'auteur du roman "Du côté de chez Swan", le souvenir, les fameuses "madeleines" de
Proust, cela créera du déja-vu aussi chez le jeune public de la façon que
Betty Bone voudra l'amener.
Betty Bone imaginera une adaptation lumineuse, astucieusement graphique. Elle donnera dans la substance efficace et ramènera la jeune cible dans le passé avec autant d'effets.
L'auteure de l'album nous replace dans la cuisine de la maman de
Marcel Proust, au retour de son grand fils, les yeux du personnage encore embués des brumes du froid du dehors.
Un thé et quelques gâteaux pour guérir le corps engourdi.
Et toc! C'est le déclic à la 1ère bouchée de madeleine.
L'image de Marcel se déstructure, le flou s'installe, se superposent composition maîtrisée et colorée à la Matisse, et un dessin plus maladroit d'enfant.
La vision n'est pas plus précise, nous sommes dans l'impression, le souvenir, le texte redonne les contours de ce qu'on tente de voir sur les images.
Avec le goût de la madeleine revient une époque, un lieu, des noms, Tante Léonie, une histoire.
Et Marcel nous raconte.
La saveur du gâteau mêlée aux émanations de la tasse de thé semble garnir le tableau imaginaire du village de Combray de végétation et on en arrive à un souvenir en particulier, puis un autre, le baiser du soir de sa maman, les tâches de rousseur de la petite Gilberte, ses attachements compliqués et sensibles d'enfant.
Nous comprenons que le sentiment s'est imprimé, attaché à l'image, parce qu'il était intense.
Cela parlera sans nul doute.
Les jeunes lecteurs en deviendront peut-être affable en refermant l'album, dans l'envie de partager une expérience similaire, un flashback du bac à sable, une période où ils n'étaient pas bien haut, et ce à partir d'un plat, d'une odeur.
Le pouvoir tendre et intense du souvenir est très abordable et bien restitué ici.