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Critiques de Marcel Proust (1052)
A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Devant le lire dans un cadre scolaire, j'ai d'abord renaclé à simplement ouvrir ce livre. Pourtant, je m'y suis mise et petit à petit, sans trop m'en rendre compte, j'ai fini par me plonger dans ce texte.

Il est vrai que le début m'a paru lourd, lent, difficile à intégrer et à apprécier, mais une fois que le lecteur a persévérer et a donc toutes les clés, l'histoire se révèle et se développe. Les liens, les conséquences se tissent sous nos yeux, on participe et on s'interroge. On s'intéresse et on prédit.

La fin parait alors presque brutale et on a cette sensation de trop peu, d'être coupé au milieu de l'action.

J'ignore si j'aurai la force de le relire, mais je suis heureuse de l'avoir initialement fait et cela me conforte dans mon désir de continuer ma découverte des "classiques" français.
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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

C’est un livre d’adieux : un défilé de personnages familiers de la Recherche, dans un final où les vivants et les morts tirent leur révérence. Ceux qui restent sont démasqués par l’usure des années. Les illusions du narrateur ont cédé la place à une lucidité plus cruelle. Tout s’achève donc dans une matinée – « Matinée chez la princesse de Guermantes » – où l’on assiste à une farandole des survivants. Bientôt, Marcel s’en ira…et Proust suivra.

Mais est-ce vraiment une fin ? Non, car tout serait à réécrire après l’achèvement de cette cathédrale de mots, en vue d’une nouvelle recomposition du temps, comme le suggère la dernière phrase. Ce temps, que l’auteur étire ou rétrécit, au mépris de la réalité de son mouvement, il le connaît à présent.

Proust rédigea une importante partie de ce dernier texte peu après le premier volume, Du côté de chez Swann. Le dénouement était prévu de longue date, mais l’imprévu l’obligea à se repenser – la Première Guerre mondiale ne faisait pas partie du programme ! Le temps, décidément, n’est pas prévisible !

Puis il y a cet aveu : « J’éprouvais un sentiment de fatigue profonde à sentir que tout ce temps si long non seulement avait sans une interruption été vécu, pensé, sécrété par moi, qu’il était ma vie, qu’il était moi-même, mais encore que j’avais à toute minute à le maintenir attaché à moi, qu’il me supportait, que j’étais juché à son sommet vertigineux, que je ne pouvais me mouvoir sans le déplacer avec moi. »

L’écrivain s’est enchaîné au temps, maintenant un dialogue permanent avec lui, sans échappatoire. A présent, il saurait comment donner aux hommes « une place autrement considérable » dans ce temps. Il n’en a pas eu le temps…

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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

Le coeur de la Recherche bat lentement, entre visites à l'ami Saint-Loup, mort des êtres chers qui rôde et découverte du Monde, ce long défilé de duchesses et d'altesses en tout genre qui font comprendre petit à petit au narrateur que derrière le mythe il y a le vide. Quelques figures sont brisées. Madame de Guermantes n'est pas beaucoup moins snob que la Verdurin, son mari est un cuistre, ses fréquentations des parleurs de rien. Pourtant, quand on affine l'analyse (et Proust toujours affine l'analyse, au point d'arrêter le temps, de photographier l'instant pour le dilater à l'infini), on se rend compte qu'il leur reste des traces indélébiles de leurs glorieux ancêtres, comme il reste chez le narrateur une trace de sa grand-maman morte. Ils en gardent des habitudes de langage et des gestes, même quand ils croient jouer les modernes, les républicains, les ouverts d'esprit, les dreyfusards. Le narrateur, quand il le comprend, peut enfin trouver du plaisir à les observer, comme on observe une bête au zoo. Ce plaisir, il le prend et il le donne au lecteur dans une ironie légère, subtile, élégante qui fait de ce ventre mou d'un livre immense où il semble ne pas se passer grand chose un chef-d'oeuvre d'observation d'un monde à jamais perdu.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

(...)

Cette lecture s'est avérée très intéressante (une critique sociale, l'importance de la mémoire, du temps, des noms) et très belle (un style vraiment à part),mais je pense que je pourrais plus l'apprécier avec des explications sur ce que Proust a souhaité faire de ce texte. Je gagnerais sans doute plus en compréhension, en lisant les autres livres de La recherche du temps perdu. A lire donc.
Lien : http://booksandme.canalblog...
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Un amour de Swann est la deuxième partie du roman Du côté de chez Swann, le premier tome d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Se détachant de la narration à la première personne et de l’intrigue principale car ayant pour personnage principal Charles Swann, Un amour de Swann est aussi publié comme un roman qui peut être lu indépendamment du reste de l'œuvre. En 1950, ce roman fut inclus dans la liste du Grand Prix des meilleurs romans du demi-siècle.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

livre audio savoureux lu par André Dussolier ; sa voix chaude nous transporte au pays de Proust : magnifique voyage ! merci aux Editions Thélème qui m'ont permis de découvrir ce livre audio.

Le livre audio en voiture c'est un régal !
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Dans une vidéo youtube Guy Schoeller raconte que Gaston Gallimard lui avait appris à lire Proust de la manière suivante : « Vingt pages par jour du lundi au samedi ». Tout comme le premier tome, cette vitesse de lecture est très agréable pour se baigner dans le fleuve proustien sans s'y noyer. Cela crée un rendez-vous quotidien avec juste ce qu'il faut pour savourer ou patienter lors des rares passages m'ayant paru longs. de plus cela permet d'avoir une autre lecture en parallèle.



Ce deuxième tome me fut plus facile à lire que le premier. Il m'a réconcilié avec Odette de Crécy qui m'avait hérissé le poil en cocotte mais m'est devenue très sympathique en épouse de monsieur Swann. Les émois et stratagèmes du narrateur sont un délice à lire parce qu'il décrit si bien les pensées adolescentes qu'elles trouvent écho en notre propre histoire : à de nombreuses reprises des souvenirs d'antan ressurgissaient dans ma mémoire.



De nombreuses descriptions sont extraordinaires (les peintures d'Elstir) et plusieurs maximes sont de véritables bonbons à déguster.



Je sens que c'est la seconde lecture de cette oeuvre sera un divin nectar, que c'est une oeuvre qui nécessite deux passages pour être pleinement savourée.



Challenge Multi-défis 2024

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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

« Mademoiselle Albertine est partie », « Mademoiselle Albertine a demandé ses malles, Mademoiselle Albertine est partie »... Ces mots résonnent comme un glas dans le coeur du narrateur. Albertine l'a quitté et il commence à réaliser que sans elle rien ne sera plus comme avant. Surtout ses habitudes seront chamboulées. Mais il ne doute pas que malgré la lettre d'adieu de la jeune fille, et sa décision irrévocable, que le soir même elle sera de retour dans sa chambre. Il croit dur comme fer ce retour imminent.

Mais il est loin de se douter à ce moment précis qu'il ne la reverra ni ce soir ni jamais.

Il envoie Saint-loup en émissaire chez Mme Bontemps. Il rate sa mission et le narrateur est furieux.

Albertine ne reviendra pas, elle lui fait bien savoir qu'il n'avait qu'à lui demander lui-même plutôt que de passer par des intermédiaires.

Comme d'habitude le jeune homme est ambigu. Il voudrait qu'Albertine revienne et puis il se ravise, et change encore d'avis, allant même jusqu'à lui écrire qu'Andrée va venir prendre sa place.



Deux télégrammes se croisent. Dans l'un Albertine lui demande expressément si elle peut revenir auprès de lui. Un autre de Mme Bontemps l'informe de la mort accidentelle d'Albertine.

Le narrateur est choqué par cette annonce brutale. Il s'enferme dans sa chambre, ne voulant plus voir la lumière du jour. Il replonge dans ses souvenirs heureux ou tristes et dans sa jalousie toujours présente. Ses soupçons reprennent toute leur importance et ont pour effet de raviver sa souffrance.

Albertine a t-elle menti et trahi ? Il envoie Aimé faire une enquête qui lui confirme le libertinage d'Albertine qui, effectivement, " avait ces goûts " pour les femmes. Andrée aussi finira par avouer qu'elle était sa maîtresse.



Il faudra du temps et le fameux voyage vénitien avec sa mère pour presque effacer totalement de sa mémoire le souvenir d'Albertine. Et finalement dans ses souvenirs elle est grosse et moche.

Comment peut-on dire avoir aimé une personne pour ensuite ne plus lui trouver aucun charme ? Pour s'éviter la souffrance ?



Je n'ai pas plus apprécié le narrateur dans ce volume-ci que dans le précédent. Plus on le connaît plus ses défauts se précisent. Il est capricieux comme le gamin gâté qu'il est resté, narcissique, manipulateur et rigide. En plus de ça n'aime que les toute jeunes filles qu'il peut mieux contrôler.

Je reste par ailleurs très soupçonneuse par rapport à la scène où il ramène et paye une petite fille chez lui pour la bercer sur ses genoux.

Bref cette scène m'a conforté dans l'opinion que j'avais déjà de lui.



Une autre peine attend le narrateur. Le mariage de Robert de Saint-Loup avec Gilberte Swann ( désormais Gilberte de Forcheville, celui-ci ayant adopté Gilberte à la suite de son mariage avec Odette). Robert n'a pas daigné informer son ami de ce mariage - conclu pour l'argent de Gilberte dont il peut disposer à sa guise.

Le narrateur, de surcroît bien naïf, apprend des mauvaises langues que Robert a le même vice que son père et l'oncle Charlus. Il aime les hommes. Morel est son amant. Le même Morel qui fut l'amant de Charlus, d'un tas d'autres, d'Albertine aussi. Ce même Morel qui attirait auprès de lui des jeunettes dont disposait ensuite Albertine. Décidément ce Morel fait parler de lui et il a un grand succès !



Robert de Saint-Loup se désintéresse du narrateur après son mariage avec Gilberte. Il ne peut plus être ami avec lui. Est-ce à cause de sa nouvelle situation ou un peu ausssi à cause de la dernière conversation qu'ils ont eu dès son retour de Touraine, Robert ayant failli à sa mission et le narrateur ne lui cachant pas son mécontentement.



« Je suis ennuyé parce que je vois que tu n’es pas content.

– Si, je suis touché, reconnaissant de ta gentillesse, mais il me semble que tu aurais pu…

– J’ai fait de mon mieux. Un autre n’eût pu faire davantage ni même autant. Essaie d’un autre.

– Mais non, justement, si j’avais su, je ne t’aurais pas envoyé, mais ta démarche avortée m’empêche d’en faire une autre. »

Je lui faisais des reproches : il avait cherché à me rendre service et n’avait pas réussi.

( Citation du livre )



A la recherche du temps perdu, tome 6 : Albertine disparue ne fait pas partie de mes préférés. Je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur car il m'a plongée, je ne sais pourquoi dans une profonde mélancolie, peut-être à cause de la mort d''Albertine qui clôt un chapitre de l'histoire. C'est toujours triste de perdre des personnages auxquels on s'était attaché tels Albertine ou le charismatique Swann et de les voir tomber dans l'oubli.

Albertine était un personnage intéressant parce que son charme venait de son côté mystérieux. C'était une femme libre dont l'attitude était dictée par ses désirs et qui n'aurait jamais pu appartenir entièrement à un seul homme ou une seule femme.

J'en suis venue à regretter l'enchantement des premiers volumes, la douceur des nuits estivales de Balbec, la poésie dans les descriptions de Combray. J'ai eu l'impression que toute la beauté des débuts avait disparu, les épines roses défleuries à jamais remplacées par la tristesse, le chagrin, les pensées complexes et contradictoires du narrateur, la mort qui rôde, les personnages coupables de trahisons, la plupart d'entre eux n'étant pas ce qu'ils semblent être en apparence. Ils évoluent donc dans un monde de doute perpétuel.

En tout cas Marcel Proust réussit de façon magistrale à provoquer ainsi des réactions négatives ou positives de ses lecteurs.



Les dernières pages voient le narrateur en séjour avec Gilberte à Tansonville. Le charme est rompu, il est déçu de ne pas éprouver plus de plaisir dans ces chemins empruntés plus d'une fois dans son enfance. N'étant pas profondément enfoui dans sa mémoire, le souvenir ne pouvait donc ressurgir et lui provoquer le même plaisir comme celui éprouvé après la madeleine trempée dans le thé. Sans compter que les souvenirs peuvent changer, disparaître ou se raviver.



" Et la troisième fois fut quand Gilberte me dit : « Si vous voulez, nous pourrons tout de même sortir un après-midi et nous pourrons aller à Guermantes, en prenant par Méséglise, c’est la plus jolie façon », – phrase qui, en bouleversant toutes les idées de mon enfance, m’apprit que les deux côtés n’étaient pas aussi inconciliables que j’avais cru. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut combien peu, pendant ce séjour, je revécus mes années d’autrefois, désirai peu revoir Combray, trouvai mince et laide la Vivonne."

( Citation du livre )



Gilberte lui confie alors pourquoi elle avait eu, pour attirer son attention, un geste grossier qu'il avait mal interprété dans son enfance. Chose qui lui donnera matière à fantasmer à propos du donjon et des souterrains de Roussainville, de toutes ces choses qu'il a raté par incompréhension.



Avant-dernier volume terminé avec un peu de mal à réaliser que dans ce qui pourrait ressembler à l'ascension d'un sommet, j'en suis arrivée à l'étape de la redescente sans avoir rencontré de difficultés ni d'épuisement... mais que d'émotions !



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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

J'ai eu plus de mal à lire ce second tome que le premier. Je ne saurais dire pour quelle raison. J’ai beaucoup aimé la première partie, celle dans laquelle l’héroïne est Madame Swann, un peu moins les semaines (mois ?) passées à Balbec.

Mais, est c’est pour moi l’enchantement que provoque Proust, on peut à tout moment tomber sur une phrase, un paragraphe (souvent confondus, d’ailleurs ), extraordinaire, une description d’un sentiment, d’une vue, d’un personnage, ou de tout autre chose, une description que l’on aurait aimé trouver soi-même tant elle est parfaite.

Pour moi, la magie de Proust est là.
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A la recherche du temps perdu, tome 6 : Alb..

Avant-dernier tome de la Recherche du temps perdu, Albertine disparue clôt le long épisode de la vie commune du narrateur et d’Albertine qui a débuté dans la Prisonnière. Ce qui devait arriver arrive : Albertine s’enfuit un beau matin, forçant le narrateur à affronter l’angoisse de ce que son imagination lui suggère sur la façon dont elle doit employer sa liberté retrouvée. Dans un premier temps, le livre se focalise sur les manœuvres contradictoires du narrateur pour la convaincre de revenir : envoi de lettres, d’émissaires, serment de n’y pas tenir plus que cela, humiliation servile jusqu’à promettre de se conformer désormais à ses volontés, ... Le narrateur cherche à se convaincre entre les bras d’autres femmes qu’Albertine n’était pas différente de la première venue, en vain. Dans un second temps, alors que la disparition a pris une tournure irrémédiable, c’est l’expression d’un chagrin puissant et authentique particulièrement émouvant, les plus belles pages de l’œuvre entière pour moi (dernier tome exclu), reflet en négatif d’un amour insoupçonné, ou plutôt refoulé, qui ne noie pas pour autant la volonté du narrateur de dévoiler la nature exacte des goûts d’Albertine.



Quête illusoire de la vérité dans une atmosphère de mensonge permanent où tout le monde trouve son intérêt à transformer, à enjoliver, à calomnier, à couvrir, où le narrateur va jusqu’à interroger la facilité avec laquelle telle information est révélée par rapport à telle autre, ou à confronter ses interlocuteurs à leurs contradictions d’une conversation à l’autre, contradictions qui, bien sûr, trouvent toujours une cause plausible. Et on se surprend soi-même, lecteur, à tenter de percer la vraie nature d’Albertine, alors que l’on associe initialement cette préoccupation au délire paranoïaque du narrateur dont l’enquête n’est qu’un symptôme, et dont l’enjeu nous échappe. Voilà en effet un garçon qui se met dans tous ses états, qui remue ciel et terre pour découvrir une bonne fois pour toutes si oui ou non, cette femme qu’il prétend n’aimer pas aime les femmes, en trouvant systématiquement le moyen de ne pas prendre les preuves pour ce qu’elles sont, et demeurer ainsi dans une incertitude éternelle …



Libéré de ses contraintes, le narrateur peut enfin réaliser ce fameux voyage à Venise tant attendu dans les tomes précédents, voyage qui occupe une place somme toute assez limitée (tout est relatif, bien sûr, on est chez Proust) par rapport au fantasme dont il a été l’objet. On aurait pu s’attendre à ce que Venise, soumise aux espoirs démesurés du narrateur, soit là encore l’objet d’une déception, à l’image de la Berma ; au contraire, et c’est tout le régal de la lecture de ne pas se voir imposer de portrait pessimiste de cette cité extraordinaire, on accompagne le narrateur pour se perdre dans les ruelles, retrouver un état de paix intérieure qui ne correspond pas à un effacement du souvenir d’Albertine, idée d’ailleurs longuement associée au détail d’une peinture, mais à la transformation progressive du narrateur en un être fondamentalement étranger au narrateur de la Prisonnière, qui regarde désormais la relation passée du même œil qu’il regarde les relations présentes qui se nouent autour de lui, et où il n’a aucune part.



A ce titre, on retrouve le personnage longtemps délaissé de Gilberte, désormais devenue une jeune femme en âge de se marier, dont la fortune laissée par Swann annonce une union emblématique de l’argent et du nom comme il y en eut tant au début du siècle. On regarde avec ironie les vieilles familles antidreyfusardes de la première heure retourner leur veste, déployer des trésors d’imagination pour arranger, sans perdre la face, l’union de leurs rejetons avec des lignées nouvellement distinguées, certes vaguement juives, vaguement roturières, mais accessoirement riches. Il faut dire que ces lignées, à l’image de Gilberte, n’hésitent pas à renier leur naissance véritable pour favoriser l’élévation sociale. En dépit de ce côté détestable, Gilberte, sevrée de tous ces traits frivoles et manipulateurs qui la rendaient si pénible dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs, retrouve le narrateur avec plaisir et évoque le passé avec lui au fil de leurs promenades, dans une clarification qui met en relief les quiproquos et les contresens où nous a induit jusque-là la subjectivité du narrateur de l’époque, et qui dévoile les ressorts d’une rencontre ratée.



A l’exception d’une courte apparition de M. de Norpois, fidèle à sa prétention grotesque et scrupuleusement erronée, qui porte à sourire lors de l’épisode de Venise, Albertine disparue est un ouvrage plutôt sombre et triste, où résonnent longuement les échos de la jalousie et du regret, mais dont les lourds nuages se dissipent presque insensiblement. Récit d’une convalescence laborieuse après les crises de La Prisonnière, il se ferme sur un constat en demi-teinte où ce sont le cynisme et le matérialisme qui apaisent sans totalement l’éteindre le souvenir ardent de l’émotion passée et qui rendent le goût de l’existence et de l’observation objective de ses contemporains au narrateur.
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A la recherche du temps perdu, tome 2 : A l..

Extraordinaire hommage à l'adolescence, "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" est une mer-veilleuse contemplation à la langue exquise des émotions de Marcel lors de ses premiers émois tournés à l'extérieur de son cercle familial. C'est doux et somptueux, cette langueur balnéaire, cette admiration sans limites de l'Art, cette réjouissance des corps, ces amitiés intenses et la Manche comme théâtre. Il est étonnant qu'en ayant voulu gommer tout indice spatio-temporel, Marcel Proust ait si sublimement réussi à peindre la Belle Epoque à Paris et en Normandie.



Une dégustation unique et voluptueuse...
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A la recherche du temps perdu, tome 7 : Le ..

Le temps retrouvé (1927) est le 7e et dernier tome de la recherche du temps perdu, l'oeuvre majeure de Marcel Proust. L'heure est à la guerre, le narrateur a vieilli, de même que les protagonistes des premiers tomes. Il s'attèle à la rédaction de son roman, même s'il craint de ne pas avoir le temps de l'achever. Inutile de s'appesantir sur un classique, a fortiori sur un chef-d'oeuvre, mêlant, non sans une pointe d'humour, mélancolie et ironie. Avec du côté de chez Swann (1913), le meilleur roman de la série.
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A la recherche du temps perdu, tome 5 : La ..

La prisonnière (1923) est le cinquième tome de la recherche du temps perdu, l’œuvre majeure de Marcel Proust. Des mensonges d'Albertine et de la jalousie du narrateur. Cet opus est entièrement consacré à Albertine qui est loin d'être le personnage le plus intéressant. Inutile de s'appesantir sur un classique, a fortiori sur un chef-d’œuvre, mêlant, non sans une pointe d'humour, mélancolie et ironie.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

Je poursuis avec un grand plaisir le pur régal de lecture que constitue celle de ce troisième volume de La Recherche ! La famille du narrateur, occupant à présent un appartement de l'hôtel des Guermantes, sis faubourg Saint-Germain, a donc déménagé de Combray. Si on quittait dans À l'ombre (...) le narrateur occupé à faire le joli cœur à Balbec (Cabourg ?), on le retrouve avec délectation qui fait ses premiers pas dans les salons mondains d'abord de Mme de Villeparisis puis dans celui des ineffables duchesse et duc de Guermantes ! Les portraits de ces mondains et de leur "jurisprudence" bien à eux (sauvée d'un Moyen Âge généalogiquement fondateur pour leur "race" d'êtres prétentieux et mal élevés), mondains appartenant, quoiqu'encore de ce monde, déjà au passé, sont incisifs, souvent impitoyables et drôles, mais sonnant toujours aussi justes. À noter l'entrée en scène, au milieu de ce cirque mondain, de l'inénarable Charlus ! Mais la poursuite du temps devant à présent se poursuivre ...

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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

Du côté de chez Swann (1913) est le premier tome d'A la recherche du temps perdu, l’œuvre majeure de Marcel Proust. Le narrateur se remémore son enfance à Combray et raconte l'amour tumultueux de Swann pour Odette de Crécy. Inutile de appesantir sur un classique, a fortiori sur un chef-d’œuvre, mêlant, non sans une pointe d'humour, mélancolie et ironie.
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A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du ..

- DU CÔTE DE CHEZ SWAN-



J'ai décidée de me lancer dans l'aventure du romans le plus long au monde. Au début j'avais peur de ne pas aimer comme j'ai vue plusieurs critique qui disait que lire du Marcel Proust pouvait être ennuyeux. Mais personnellement, j'ai adorer. Proust dans le début de ce livre, nous mène dans un village du nom de Combray et nous allons faire la connaissance des habitants. Je ne me suis pas du tout ennuyer, j'ai trouvée même que l'histoire était remplie d'action. Peut être que si certain personne n'ont pas aimer, c'est parce qu'on peut rester plusieurs page dans les pensée du personnage sur une réflexions. Je décide de faire un résumée pour vous :



Nous suivons une famille dans le village de Combray, Quand nous la suivons, le personnage principal est encore un enfant. Cette famille va se prendre pour d'intérêt sur ce jeune voisin qui sera le remplaçant de son père décédée donc M.Swan. Il est beau, intelligent, riche, a des relations haut placée comme le prince de Galle ou le président de la république. Pendant tout l'histoire, nous allons apprendre des partie de la vie de ce M.Swan comme l'histoire de son amour pour Odette.



J'ai vraiment aimée et je crois qu'après d'avoir écrit cette critique que ce livre est un coup de coeur car l'histoire résonne encore en moi. Oui maintenant je confirme que c'est un coup de cœur, le premier de 2023.



Carlaine
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Les Plaisirs et les Jours

La préface d’Anatole France illustre à merveille ce que représente les premiers textes de Marcel Proust au regard de « La recherche » :



« Sans doute il est jeune. Il est jeune de la jeunesse de l’auteur. Mais il est vieux de la vieillesse du monde. C’est le printemps des feuilles sur les rameaux antiques, dans la forêt séculaire. On dirait que les pousses nouvelles sont attristées du passé profond des bois et portent le deuil de tant de printemps morts. »



Tout est (magnifiquement) dit, et j’oserais humblement ajouter que si, effectivement, le style est déjà présent et largement reconnaissable, le cœur même de ces petits textes souligne des axes de réflexion qui seront présents et approfondis par la suite.



Une œuvre intéressante pour les amateurs de l’auteur, destinée à nous aider à comprendre le cheminement de sa création littéraire.



Enfin, et ce n'est pas la moindre des informations, cette compilation résonne comme une superbe poésie en prose qui possède le mérite de nous transporter vers nos songes les plus lointains.
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Contre Sainte-Beuve

Ce n'est pas la partie sur - ou plutôt contre - Sainte-Beuve qui m'a le plus intéressée. D'ailleurs, le titre est trompeur, dans la mesure où ce n'est pas Proust lui-même qui l'avait choisi. Si j'ai bien compris, voici une série de différents textes rassemblés et édités après sa mort. On y trouve à la fois des réflexions théoriques sur la littérature, sur la critique, sur les écrivains du XIX ème siècle, mais ce ne sont pas des exposés savants. Non, on sent la voix, l'individualité, la sensibilité de Proust. Certaines idées rejoignent d'ailleurs Sur la lecture que j'avais découvert récemment, comme par exemple l'amour du jeune Proust pour Théophile Gautier et le Capitaine Fracasse. En tant qu'adulte, qu'expert pourrait-on dire, Proust devrait pourvoir capable d'analyser les défauts ou les limites de l'écriture de Gautier. Cependant, une des thèses centrales de Proust dans ce recueil est la primauté des sensations sur l'intelligence. On doit ressentir avant de comprendre et d'analyser. Ainsi, les impressions d'enfance de la lecture du Capitaine Fracasse ont été si fortes que l'adulte n'est pas capable d'analyser, d'intellectualiser sa lecture - et, il ne le veut même pas.

Proust parle donc des auteurs qu'il aime, Balzac, Gautier, Stendhal, Baudelaire... Il accuse ainsi Sainte-Beuve d'avoir méconnu Stendhal - moi qui l'aime tant. Et sur Balzac, il évoque notamment un des romans qui est pour moi un des chef-d'oeuvres de la Comédie Humaine qui n'est sans doute pas assez connu : la Recherche de l'Absolu.

Et on retrouve différents textes qui sont des brouillons de la Recherche ? des passages écartés ? repris ? retravaillés ? Je ne sais pas exactement, ma lecture de la Recherche commence à dater et j'avoue de pas avoir cherché ce qu'en disent les chercheurs. Ce sont les prémices de la Recherche, ces textes conduisent Proust à se tourner vers le roman.

Il est en tout cas sûr qu'on y retrouve des thématiques chères à Proust, de l'amour pour la mère à la fascination pour Venise, du goût pour les mondanités à la fascination pour le nom de Guermantes - le nom plus que ses porteurs, à l'étude de la présence des homosexuels dans la société. C'est le texte "Un rayon de soleil sur le balcon" qui m'a ainsi particulièrement frappée, car une sensation fait ressurgir un souvenir et provoque l'écriture, ce qui est à l'origine même de l'oeuvre romanesque proustienne.

A titre personnel, j'ai bien aimé l'hommage à la Normandie, ma région natale, avec ses plages, ses clochers, ses campagnes... Oui, Proust a raison, il ne faut pas analyser et critiquer une oeuvre, il faut la ressentir...

Je complète pour signaler une récente émission des Chemins de la philosophie de France Culture qui traite justement du Contre Sainte-Beuve, que j'ai écoutée ensuite et qui m'a apporté des éléments de compréhension supplémentaires.
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À la recherche du temps perdu, tome 3 : Le ..

La troisième partie de la Recherche du Temps Perdu s'intitule "Le côté de Guermantes", allusion à la géographie mythique qui répartit l'espace des promenades du héros enfant, en deux directions, le "côté de chez Swann" et le "côté de Guermantes". Fidèle à cette bipartition, le narrateur raconte son entrée dans la société aristocratique des Guermantes, préfigurée déjà dans le volume précédent, et ici pleinement réalisée. Ce volume-ci donna à Proust sa réputation d'écrivain mondain, et la futilité de ses personnages rejaillit sur lui. On lui reprocha de limiter son art de romancier à un milieu minuscule "peu représentatif" de la société où il vivait, comme si un romancier était un sociologue ou un faiseur de statistiques. Nul ne songe à reprocher à Zola de concentrer son cycle romanesque sur une seule lignée biologique, mais une forme de ressentiment social a poursuivi Proust jusqu'à ce jour : romancier des duchesses, des ragots, des riches inutiles.

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Or c'est confondre la littérature, qui est un art, et l'objet qu'elle représente, à savoir une fraction du réel. L'intérêt de l'oeuvre d'art est moins dans son objet que dans la manière dont elle le représente, comme Proust l'exprime magnifiquement en parlant des toiles d'Elstir, dans ce volume comme dans le précédent. Et ce n'est pas pour rien que Proust - qui, dans la vie réelle, fréquentait plutôt l'élite du Faubourg Saint-Honoré - consacre son livre à l'aristocratie d'ancienne souche du Faubourg Saint-Germain. La raison de ce choix réside dans la poésie des noms, qu'il a développée au cours des deux parties précédentes. Les noms sont des supports de la rêverie poétique du héros, noms de lieux pour les désirs de voyage, ou noms de personnes pour la société. Or, quoi de plus poétique qu'un nom noble, qui réunit la poésie du lieu de France d'où il est tiré, et celle de l'histoire de France qu'il a traversée jusqu'à nous ? "Mais mon imagination, semblable à Elstir en train de rendre un effet de perspective ... me peignait ... ce qu'elle voyait, c'est-à-dire ce que lui montrait le nom... (il en est des noms des personnes comme des noms des pays)." (p. 856)

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Armé de sa seule imagination, le héros revoit le vitrail de l'église de Combray en recherchant Mme de Guermantes, rêve à de germaniques landes et forêts parsemées de burgs en entendant le nom d'un prince allemand, voit briller la Méditerranée entre deux bas-reliefs grecs antiques quand on lui présente le Prince d'Agrigente. Il est déçu, puisque les êtres ne correspondent pas à leur nom, et de nombreux effets comiques naissent de ce contraste entre le nom et le personnage qui le porte. "Les Guermantes ..., je les avais trouvés vulgaires, pareils à tous les hommes et à toutes les femmes, mais parce que préalablement j'avais vu en eux, comme en Balbec, en Florence, en Parme, des noms." (p. 730) Et puis ensuite, le narrateur observe en ces êtres décevants une sorte d'identité de race, plus encore qu'un air de famille. Comme l'un d'eux le signale, on n'est pas issu impunément de mille ans de sélection génétique et de féodalité : "tout cela faisait que, dans la matière même, si précieuse fût-elle, de la société aristocratique où on les trouvait engainés çà et là, les Guermantes restaient reconnaissables, faciles à discerner et à suivre, comme les filons dont la blondeur veine le jaspe et l'onyx, ou plutôt encore comme le souple ondoiement de cette chevelure de clarté dont les crins dépeignés courent, comme de flexibles rayons, dans les flancs de l'agate mousse." (pp. 730-731). Dans leur apparence physique, leurs manières, leurs réflexes, ces nobles portent la marque d'une histoire intelligible, aliment de la rêverie au-delà du premier mouvement de déception. Leur anti-dreyfusisme, leur antisémitisme, leur amabilité, leur élégance, leur ignorance, leur piété de façade, sont aussi des traits caractéristiques, poétiques, de leur identité noble, qui ravissent l'amateur de types humains.

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Il y a dans les six cents pages de ce livre de nombreux endroits qui sont des morceaux de bravoure, des "scènes à faire" : les baignoires de l'Opéra, les Demoiselles du téléphone, l'hôtel et le sommeil des nuits à Doncières, la mort de la grand-mère, la scène du manteau au restaurant, celle de M. de Charlus, etc. Là, Proust déploie les splendeurs de sa prose, son art de la métaphore et de la rêverie "qui donne à penser", comme il dit, au lieu de penser à la place du lecteur. Mais entre ces scènes qui figurent dans les anthologies, le récit n'ennuie jamais malgré d'apparentes longueurs qui pourraient effrayer, car (ainsi que les noms de pays et les noms des nobles), la prose de Proust porte en elle Saint-Simon, Chateaubriand, Balzac, une culture raffinée et étendue, une profonde connaissance des arts. Comme il le dit au volume précédent, le lecteur se sent chez lui grâce au "sourire d'art" qu'il rencontre à tout moment dans ce livre. Ce sourire, au-delà de l'ironie, est celui de la reconnaissance : on est en pays connu, on ne risque nulle agression dans cette ancienne France si agitée et si vivante.
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À la recherche du temps perdu - Intégrale

Celui qui s’engage dans la lecture d‘À la recherche du temps perdu sait qu’il devra y allouer, au minimum, quelques mois. Et il est possible que dès les premières pages, les premières phrases, le lecteur soit envoûté par ces réflexions énigmatiques, vaporeuses sur le sommeil, qui ébauchent, échafaudent d’immenses fondations pour quelque chose d’encore abstrait, motivées par une ferme promesse de grandeur et de transcendance. Les pensées disparates, teintées d’ensommeillement, du narrateur ; et puis, une riche mélancolie, née de la confusion que le sommeil, en disparaissant, crée entre les sens et la mémoire, celle d’un homme mûr qui a suffisamment vécu.



Le projet de Proust (du moins une partie) devient rapidement assez clair : traduire les abondantes impressions chaotiques et absconses qui ont composé tout son esprit et son imagination en mots intelligibles pour le lecteur. Et pour être exhaustif au maximum, il faut retourner au début, à Combray pour le narrateur, petit village dans lequel il passait ses étés d’enfance, et commencer ici à décrire ses tristesses, ses émerveillements, ses rêves, ses habitudes… Le projet ici est d’être fidèle, le style ne sera pas économe, ne laissera passer aucune nuance, sera en somme transparent : la langue sera poussée dans ses derniers retranchements : la grammaire et la syntaxe étirées jusqu’aux limites de ce qu’elles tolèrent, les champs lexicaux épuisés, tout, pourvu seulement que ses phrases résonnent chez le lecteur.



Les souvenirs, le passé que content le narrateur, prennent, à mesure de la lecture, une étrange mélancolie, qui ne semble pas totalement venir du livre. Le lecteur lit une fiction, il le sait. Et pourtant, bien que le passé conté ne soit qu’imaginaire, il est si transparent, si facilement transposable à ses souvenirs – À la recherche du temps perdu pousse le lecteur à une introspection réellement profonde, il réexplore, retrace son vécu avec une clarté nouvelle, en mettant des mots sur des tristesses, des joies, des craintes rarement descriptibles ou même définissables – que naît chez le lecteur une insidieuse confusion schizophrénique entre les souvenirs réels et imaginaires (un des grands axes de La Recherche, justement – le livre diagnostique les effets qu’il administre – en effet, ne font-ils pas maintenant partie du vécu du lecteur ?). Les visages et les souvenirs de La Recherche se sont mélangés avec ceux que le lecteur puise de son vécu, et maintenant, quand le narrateur repense avec nostalgie à son amour d’enfance, le lecteur, inconsciemment, repense au sien, duquel il a prêté les traits à celui du narrateur. Et ce passé composite, bâtard, en prenant racine dans la temporalité de la vie du lecteur et de celle de La Recherche – volontairement floue – gagne un caractère extratemporel : de quand ces souvenirs datent-ils ? Alors bientôt, il se retrouve nostalgique de ces souvenirs qui ne lui appartiennent pas, pas complètement, ou plus, peut-être qu’il les a oubliés, peut-être aussi qu’il les vivra : il semblerait qu’il vive la vie, les souvenirs, de quelqu’un d’autre, trop intangibles pour pouvoir complètement se fondre dans les siens, et qui restent quelque peu flottants dans sa mémoire, imparfaitement fusionnés à ses souvenirs, desquels ils forment une prodigieuse excroissance.



Perdu dans des immensités encore indistinctes, agité, torturé, par l’analyse chirurgicale de son être, le lecteur semble complètement démuni. Mais, errant dans ce brumeux désordre, il sait que sa première impression était vraie, il se rappelle les fondations qu’il a aperçues il y a quelques semaines, ou quelques mois (tous les lecteurs ne lisent pas au même rythme), et continue, euphorique, déterminé. Son instinct ne l’a pas trahi : les fondations s’édifient en piliers, le brouillard se dissipe et la cathédrale se dévoile. Proust a architecturé quelque chose de formidable. Deux piliers convergent, se rejoignent en une voûte inattendue et, passé la surprise de l’union de deux éléments pourtant assez hétérogènes, parfaite. Certes, le flou paraît toujours omniprésent, il reste encore des milliers de pages, mais tout retombera toujours parfaitement dans la totalité de La Recherche. Et c’est empli d’allégresse que le lecteur s’élance à continuer son exploration, sa découverte : un élégant contrefort, finalement essentiel à la stabilité de la structure, un nouvel accès menant à la nef centrale, une antichambre exotique dont il n’avait pas vraiment saisi la fonction lors de son premier passage ; extatique, blasé, amusé, tourmenté, épuisé, le lecteur ne s’arrête pas, ne peut pas s’arrêter, pas avant d’avoir vu la cathédrale aboutir, pas avant d’avoir retrouvé le Temps perdu.



Et quand le lecteur ressort, referme la cathédrale, la repose sur sa table de chevet, il sait que c’est pour en profiter et se l’approprier différemment. L’œuvre a durablement impacté sa réalité. Elle possède une quantité énorme et dense de matière objective, mais pour le lecteur un petit peu investi, elle ouvre un infini. La spontanéité et la facilité apparentes avec lesquelles Proust extrait de la beauté de choses banales et communes est une invitation à la créativité. La Recherche expose tacitement au lecteur une méthodologie pour construire ses propres métaphores, hyperboles, personnifications à partir de n’importe quoi et exacerber au maximum chaque impression un peu originale. Une heure morne de la journée du lecteur se retrouve éclairée par les quelques petits mots qu’il ébauche mentalement pour embellir l’impression d’une rocade bruyamment encombrée ou dépasser la beauté d’une charmante inconnue. L’important n’est pas d’ailleurs que ces rêveries volatiles dépassent les heures dans lesquelles elles ont été assemblées, mais plutôt de leur donner une identité, une singularité. En s’accumulant, elles finiront par émailler la mémoire du lecteur d’images suffisamment éclectiques pour la mystifier et la colorer, pour consoler certains regrets par la poésie qu’elles rendent possible.



Ce lecteur, c’est n’importe qui de suffisamment intéressé par La Recherche pour y allouer le temps et les efforts particuliers qu’elle requiert. Les thèmes sont universels. Il n’y pas d’engagement : ne lire que le premier tome apporterait déjà infiniment. Se laisser porter par sa beauté et ses réflexions ou essayer de déchiffrer et cartographier ses énigmes semblent deux façons également légitimes de l’aborder, à condition de rester suffisamment investi pour ne pas se perdre.



Tout ce qu’il faut retenir finalement, c’est que chaque effort vous sera rendu au centuple.
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