Citations de Marie Sizun (356)
Est-ce qu’ils pensent toujours à ce qu’ils disent, les profs ? Est-ce qu’ils sont conscients que nous sommes là, à les entendre, chacun avec son histoire particulière et que les mots peuvent faire mal ?
Je refermai la fenêtre. Je partis en claquant la porte derrière moi. Et j'eus le sentiment que je laissais là, dans l'appartement, un monde, notre monde, le souvenir inoubliable de ce que nous avions été dans ce petit espace, les uns pour les autres, et que plus jamais nous ne retrouverions
Mais j'avais retrouvé le petit appartement avec bonheur et je m'en préoccupais pas. Ah! la joie d'arriver, d'entrer, de reconnaître le parfum du monde familier! le bonheur de redécouvrir les coins et recoins aimés de l'appartement, mon lit d'enfant, mes dessins sur les murs et les portes, et, lumineuse, magistrale, la fenêtre de la chambre et son étonnant paysage!
Oui, le regard existe entre eux : c'est le regard d'êtres qui ont l'un de l'autre une connaissance intime, profonde, mais c'est un langage silencieux, secret, invisible aux autres. (p 135)
"Vois-tu ma chérie, m'avait-elle dit en arrangeant doucement quelque chose dans mes cheveux en désordre, l'âme d'une maison, ce sont les souvenirs de ceux qui ont vécu là, de ceux qui y vivent et qui apportent parfois le souvenir d'autres maisons. Il arrive parfois que tout cela parle, que les souvenirs et les vies se mêlent, chuchotent..."
J'étais à peine arrivée à la hauteur de la maison que la pluie s'est remise à tomber, mais, cette fois, bien plus fort que l'après-midi. [...]
Vite, j'ai refermé la porte derrière moi, posé mon panier sur la table et je suis restée un moment devant la fenêtre à regarder le ciel. Il me plaisait ce mauvais temps. J'aimais ce resserrement sombre autour de la maison. La nuit s'épaississait, développait des tons surprenants de noir et de violine, tandis que la mer se couvrait d'une petit écume frissonnante. On entendant tomber du ciel et monter de la mer comme une grande respiration.
Un ange passe.Un silence impossible.
Ellen maudit sa sottise, son inconscience. Et s'étonne : elle si parfaitement insensible au trépas de Mme Zollmacher (*sa belle-mère), voilà que cette petite vieille qui ne lui est rien la bouleverse, avec sa solitude, son dos bossu, ses pauvres yeux, au point qu'elle a maintenant envie de l'embrasser pour l'empêcher d'avoir l'air si triste.Mais elle n'ose pas.
( Arléa, 2013, p.53)
Tout à coup la solitude, comme lorsqu'un nuage passe devant le soleil et qu'on voit l'ombre s'étendre autour de soi.
( Arléa poche, 2013, p.188)
Fascinée, Ellen reste là un moment à regarder.Elle ne pense plus à sa fatigue. Elle se dit que ce tableau aurait certainement plu à Ivan.Et le souvenir de l'ami perdu passe en elle dans un bref éclair d'émotion. Oui, il aurait aimé ce tableau.Son mystère. Son pouvoir de dire les choses secrètes qui sont notre vérité.
( Arléa, 2013, p.137)
Est ce que tu me vois, Armelle, depuis ta lointaine Angleterre ? Tu te rappelles nos fous rires, cette jeunesse qu'il y avait en nous, la meilleure part, je crois, et ces rares instants où, malgré tout, nous avons été sœurs ?
"Lisez, leur dit sans cesse la prof, lisez! Il faut vous cultiver!"
Encore cette affaire de culture! Comme s'il s'agissait d'un médicament à prendre, ou d'un engrais à s'administrer. Comme si les élèves étaient des légumes. Lire? Mais quoi? Il faudrait d'abord que ça fasse plaisir.
Bien sûr, il y a des gens qui sont beaux et pas fous; mais ce n'est pas cette beauté-là qui t'intéresse, tu le sais bien. La beauté dont il s'agit, c'est la beauté de l'étrange ; la beauté propre de la folie.
Pourquoi est-ce que je me suis mise à évoquer ces moments-là, si douloureux? Comme si l’ébranlement nerveux de la veille avait mis en marche une mémoire que le temps avait essayé d’endormir. Il avait suffi que je revienne dans cette maison, et, surtout, qu’il y ait eu le choc dont parlait le jeune journaliste pour que la machine à souvenirs se remette en marche. Non, je n'avais jamais vraiment oublié. C'était là, en moi, profondément ancré. p. 72
Je me suis souvenue de ces insolites brouillards de vacances , que Berthe appelait "brouillards de beau temps", car ils finissaient par s'ouvrir sur un ciel éclatant. C'était toujours un beau moment, cette métamorphose du ciel qui se terminait soudain, avec le retour de la lumière, par l'éblouissante réapparition du paysage. Comme si le monde venait de naître. (p. 206)
Ce qui a suivi le départ d'Albert, d'une certaine façon fut presque pire. Je n'aime pas y penser. On aurait dit que quelqu'un était mort. On entendait le silence. On respirait l'odeur de l'absence. (p. 67)
Elles forment toutes les deux comme une île où personne n’a accès
La guerre, pour la petite, sa guerre à elle, celle qu'elle connaît, c'est la stridence des alertes au-dessus de Paris, ces déchirants appels des sirènes, ces hurlements tristes qui font courir tout le monde jusqu'à l'abri du métro et là, tout en bas, rester à attendre, jusqu'à ce qu'un nouvel appel vous dise de rentrer à la maison.
Là, on achetait des Mistrals gagnants, des ronds de réglisse, des roudoudous, des sucettes Pierrot gourmand, des bonbons de toutes sortes que la vieille femme tirait de bocaux couchés sur le flanc, petits ours caoutchouteux, caramels, fraises Tagada très rouges au goût écœurant ; sans oublier les boîtes de cachous Lajaunie qui servaient ensuite de palets pour jouer à la marelle. L'enfant riait beaucoup après l'école avec ses amies, parlait beaucoup, s'agitait beaucoup. J'ai le souvenir de ces retours d'école, si heureux, si gais. Impossible aujourd'hui de voir des gamines rire très fort entre elles, se tenir si mal, être si heureuses de vivre sans en être émue.
A son arrivée, la petite repère d'abord le sac ou le papier qui contient ou enveloppe le nouvel objet. Ce n'est pas tant la nature du cadeau qui l'intéresse que ce qu'il signifie pour elle. La plus ou moins grande tendresse de son père. Son intérêt pour elle. Elle a besoin de le mesurer. p.125
Maman n’était pas malade, intervient Isidore. Elle était juste triste. D’être ici, dans cet affreux pays, comme nous, d’ailleurs, mais plus que nous. »
Surprise par la dureté de son regard, Livia regarde le petit garçon : « Je ne sais pas, Isidore. Et c’est vrai que la tristesse peut devenir une maladie… En tout cas, de bébé Alice n’y est pour rien, et elle a comme vous perdu sa mère. Elle a besoin de vous. »
Et à travers les mots qu’elle s’entend prononcer, dont elle voit le reflet sur le visage des quatre petits, elle éprouve elle-même singulièrement la cohésion de ces enfants là, de cette fratrie, elle sent de façon presque douloureuse la force qu’ils représentent autour du bébé tous les cinq, dans la profondeur de leur unité. Alors qu’elle, la gouvernante, n’est et ne sera jamais qu’une étrangère.