Citations de Marin Ledun (375)
Ferdinand est végétarien depuis qu'il a vécu deux ans avec une végane, une sorte de compromis avec sa petite amie précédente qui était alsacienne.
La société ? Ça signifie quoi la société ? Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est une sorte d'organisation secrète, avec un grand patron et des sous-chefs qui obéissent aux ordres et passent leur temps à réfléchir au meilleur moyen de mettre des gens comme toi et moi dans la merde ?
Les coupables ne se suicident pas.
Sartis est de ces personnes que l'on côtoie sans jamais véritablement les voir. Comme le binoclard, le "petit gros" ou le boutonneux des bancs d'école, il fait partie du paysage, est l'objet de plaisanteries, nous rassure sur notre condition. "Et puis ce n'est pas méchant, on l'aime bien..."
(p. 303)
On ne persuade pas un chercheur d'or de changer de coin de rivière sous prétexte qu'il n'y trouvera rien. Il croira toujours que vous cherchez à le voler.
Lui ou ses rêves.
Les données politiques et économiques ont changé... la mondialisation des capitaux... la montée en puissance du marketing dans tous les domaines, la perte de contrôle des gouvernements au profit des multinationales de l'informatique, du multimédia, des télécommunications, de l'armement ou du secteur pharmaceutique. La vache folle, les OGM, la biométrie, les programmes informatiques espions, le fichage généralisé.
Tout cela était imposable il y a à peine cinq ou dix ans...
Mon boulot consiste avant toutes choses à transformer les octets et les gênes en or
Bref, Bartels s'assure que tout le monde puisse fumer et faire fumer en paix.
Bartels excelle dans ce domaine.
Son travail de lobbyiste officiel consiste à user de ses réseaux politiques pour rendre la vie d'European G. Tobacco plus épanouie.
Il sait compter, Mostefa. C'est le troisième plan social qu'il voir passer. Les vieux comme lui sont indestructibles, ils en ont vu d'autres, mais les jeunes, c'est différent. Les mutations, l'incertitude, les déménagements à répétition, le dépeçage des activités, les fleurons de l'économie vendus au plus offrant, les bénéfices records, ça les dépasse et, pour finir, ça les use.
(...)
Mostefa s'écrit encore, des sanglots dans la gorge. Ses mots se perdent en partie dans le brouhaha qui suit : 'Si on ferme des usines qui fonctionnent aussi bien que la nôtre, alors on peut fermer toutes les usines du pays !'
Ça viendra, pense Rojas. Ça viendra, ça et le reste, ça viendra en temps et en heure, ils y travaillent, faites-leur confiance ! Les types comme moi continueront de vendre des cigarettes pour B* T* bien après que les types comme toi auront cessé de toucher leurs indemnités de licenciement et de pointer à l'ANPE.
[ en mai 1987 ]
(p. 156-157)
- Que ce soient les Iraniens, les Basques ou l'Action directe de la bande à Rouillan, le terrorisme engendre un sentiment de peur. Les médias alimentent cette peur dans la durée. Or, le marketing qui est devenu un outil indispensable pour promouvoir nos produits, se nourrit de deux choses, le sexe ET LA PEUR. La peur fait vendre, monsieur le président, c'est un fait. Plus les consommateurs de nos cigarettes ont la trouille des bombes et des tarés qui tirent dans le tas, plus ils fument. Voilà un autre fait. Le marketing et la consommation sont les clefs de voûte de l'économie. C'est ce qu'a bien compris Chirac [ premier ministre, en 1986 ]. En donnant aux gens ce qu'ils réclament, nous les rassurons. Ce faisant, nous faisons acte de résistance et de patriotisme. Qui pourrait nous le reprocher ?
(p. 120)
- Qu'est-ce que tu disais à propos de cette formation ?
- Que les heureux gagnants seront tout simplement sûrs de rester dans la boîte.
- Vous auriez pu me prévenir.
- Chacun pour soi.
(p. 27)
- Avant de mourir, il y a deux ans, ma mère m'a raconté qu'on était deux dans son ventre, des jumeaux. J'ai pris toute la place, j'ai bouffé tout ce qu'il y avait à prendre, l'autre ne s'est jamais vraiment développé, et à ma naissance, j'étais seul.
- Et ton ... jumeau, il était devenu quoi ?
- Un petit amas de cellules mortes. Le médecin lui a dit qu'il avait dû vivre deux ou trois semaines, là-dedans, pas plus. Bref, j'étais seul et personne ne m'a jamais rien dit, mais tu vois, ça ne m'a pas étonné d'apprendre ça parce qu'au fond de moi, je le savais. Ce jumeau, je l'ai cherché toute ma vie, il me manquait, ça n'a peut-être pas duré longtemps entre lui et moi, mais il y a eu quelque chose, c'est sûr, quelque chose d'important et ça fait partie de moi.
Je n’ai rien, je ne suis rien, je fais ce qu’on me dit de faire depuis si longtemps que je ne me souviens même plus quand ça a commencé.
Les gardes à vue rendent les filles dures et silencieuses. Plus sombres que jamais, les yeux de la jeune femme trahissent la fatigue d'une nuit en cellule et de deux jours d'interrogatoires. Elle est vêtue du survêtement qu'elle portait au moment de son arrestation. Ses cheveux défaits et ses cernes confèrent à ses traits une vulnérabilité que sa démarche assurée dément farouchement.
Fausses informations, préjugés, théorie du complot. Répétition, déformation, propagation. Eztia peut presque lire dans la tête des deux flics présents dans la pièce : la thèse qui fleurit sur les murs de Bayonne, celle de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu Jokin se faire enlever, n’est qu’une fable invérifiable.
Ils proposent de lui substituer une autre fable : les indépendantistes se sont foutus dedans tout seuls comme des grands.
Le communiqué d’ETA leur a donné des idées. Il a élargi leur champ de vision. Quelqu’un pourrait semer le doute dans l’esprit des Basques. Provoquer une rumeur qui enterrerait une bonne fois pour toutes cette affaire foireuse qui lève le voile sur les pratiques abjectes de certains de leurs services.
Il désigne de la main un taillis de ronces et d'aubépines. Lucas suit son geste du regard sans comprendre.
- C'est l'endroit où on a ramassé la deuxième fournée de cèpes.
- Tu veux dire...
Antonin baisse les yeux.
- Je veux dire qu'on tourne en rond, murmure-t-il sur un ton empreint de gravité.
Lucas sent sa gorge et son estomac se nouer.
- On est perdus.
Objectif numéro un : retourner à Thines. Mort au nom de ses idéaux. Mort pour elle. En vain. Numéro deux : retrouver Peter et le tuer. Elle n’éprouve aucun remord. Elle est dans le camp des bourreaux et des sorciers. Des victimes et des cobayes. Le venin et le vaccin, le rat de laboratoire et l’antidote. Elle est tout cela à la fois. Trois : s’assurer que le virus est mort.
"Les victimes ne sont jamais celles que l'on croit. La voilà, mon autre Histoire ! Les voilà, mes faits et mes résultats ! Un panier de crabes poussés à s'entre-déchirer. Des histoires d'hommes et de femmes. De machines et de procédures inhumaines. D'ordres et de contre-ordres. D'objectifs et de règles comptables. Mettez soixante hommes dans une salle, vissez-leur des écouteurs et un micro sur la tête, nourrissez-les d'injonctions paradoxales et de primes au mérite, et vous n'obtiendrez rien de plus qu'un immense charnier de morts vivants. Soulier, Sartis et Fournier, comme les autres. Et moi, perdue au milieu, droguée sur ordonnances jusqu'au bout des ongles, rongée de l'intérieur. Une histoire qui n'en finit pas de s'écrire et de se réécrire".
Le sexe, le fric et une First. On n’avait rien inventé de mieux pour réconcilier un imam, un prêtre , un sorcier et un militaire nigérians, tous quatre la main dans la culotte et le nez vissé dans le soutien-gorge balconnet d’une très belle et très jeune hôtesse.
[Rose quitte la maison]
Je ne prend que l'essentiel, mon portable, un disque dur comme discographie, Journal d'un vieux dégueulasse de Bukowski, La Divine Comédie de Dante et l'intégrale d'Erskine Caldwell.
(p. 252, édition J'ai lu)