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Citations de Marion Muller-Colard (228)


Ce que Job a perdu, c'est davantage que sept fils, trois filles, sept mille moutons, trois mille chameaux, cinq cent paires de boeufs, cinq cents ânesses, une très nombreuse domesticité et la santé. Ce qu'il a pedu d'essentiel, c'est la sécurité de l'enclos. La plainte désigne les barrières arrachées, le portail battant au vent. Elle désigne l'impossibilité de reconstruire puisque la menace n'a pas dit son vrai nom et qu'in ne saurait pas comment la refouler aux marges de l'enclos. A quoi bon rebâtir ce qui peut être aussitôt arbitrairement détruit ? A quoi bon mettre des enfants au monde s'ils peuvent en être subitement retirés sans préavis ?
Job a perdu la confiance en ce Dieu contractuel qui protégeait sa vie.
Ce qu'il faut comprendre – pour comprendre mon vieux frère Job et tous les frères et soeurs qui le suivirent dans la gueule de la plainte, c'est que le contrat brutalement rompu contenait un trésor dont dépendent tous les autres trésors : l'appétence de la vie et l'appétit des vivants.
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"comme nous tous, tu mourras un jour. Mais ne t'inquiète pas: tu mourras quand tu auras fini de vivre", selon la formule de Françoise Dolto, d'une simplicité éblouissante.
(p.113)
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Est-ce l'écriture qui rend intranquille ou l'intranquillité qui rend écrivain ?
Folie que de tenter de s'extraire du bourbier de l'existence à la seule force des mots.
Folie pour celui qui écrit, communion de celui qui lit.
Jubilation, jusque dans l'angoisse, de rencontrer celui qui partage, dans sa fiction, cette malédiction bénie, cette bénédiction maudite de l'intranquillité.
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C'est un privilège inespéré de rencontrer un adulte capable d'une intranquillité enfantine.
J'y vois un gage de curiosité, d'allant, de débord, d'audace.
Tout ce sel qui agrémente nos vies
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A partir de ce jour, le pull beige, torsadé sur la poitrine, devient une obsession.
Aucun vêtement récupéré dans les tambours ne peut combler le vide de ce pull-là.
Beige. Neige. Chaud. Camouflage. Douceur. Marie-Line. Ces mots s'enchaînent devant la glace en pied. Je me regarde de bas en haut, de haut en bas, dans ce puzzle d'habits trouvés, un puzzle qui me met en morceaux. En me déshabillant, je veux que mon corps se sépare, qu'en ôtant la chemise j'ôte aussi mon torse, les jambes avec la jupe, le cou avec le foulard.
Je veux posséder ce pull ou bien me démanteler, poursuivre une existence de pièces détachées. Mais en réalité, ce n'est pas le pull que je veux mettre. Je veux mettre le corps de Marie-Line. L'enfiler comme une autre peau que la mienne.
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En vérité, je me sens chez moi partout où un chez-nous est possible.
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En réalité il n’y a aucune raison pour que mon fils se fasse charger par un sanglier ou qu’il ne se fasse pas charger par un sanglier. Il n’y avait aucune raison pour qu’il passe la première année de sa vie dans les hôpitaux. Aucune raison non plus pour que cela se passe autrement, en dépit du « raisonnement » de ma généraliste qui trouvait que ça n’aurait pas dû m’arriver à moi, parce que j’étais d’après elle une bonne mère, soignante et aimante. Son Dieu imaginaire à elle rendrait malades les enfants des mères négligentes et tout irait bien.
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Intégrer la Menace pour sortir de la Plainte et s'acheminer vers une foi qui ne revêt plus les archaïsmes du dogme, mais la majesté de la Grâce.
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Il n'y a pas de problème de la souffrance du juste, puisque aucun être - pas même Job - ne peut se prétendre juste. Il n'y a pas de problème de la souffrance du juste, puisque tout manquement à la justice rétributive relève d'un simple décalage entre la sentence et l'application effective (on imagine les dossiers qui s'empilent sur le bureau de Dieu, les rouages administratifs qui compliquent l'application immédiate de la sentence, le manque de personnel céleste...). Enfin, il n'y a pas de problème de la souffrance du juste parce que... Dieu n'a pas de compte à rendre à sa créature.
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Mais lorsque j'ai peur, je tire une toile avec des mots, et c'est le seul abri que je sais trouver. On entend le vent, la flamme orange se dresse droite dans son habitacle de fortune, on croit la nuit profonde, mais sait-on jusqu'où l'on verra cette petite lumière, jusqu'où entendra-t-on notre histoire? Á quel rescapé elles indiqueront qu'il y a là des vivants.
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"Je ne juge personne", dit Jésus, parce qu'il sait combien profondes sont nos ténèbres et terrifiante cette vie crue à laquelle nous sommes nés. Il sait aussi que nous avons plus d'aptitudes à consolider nos malheurs qu'à les consoler. Il sait que les enclos fermés de nos systèmes nous projettent plus loin dans nos enfers que le malheur lui-même, que nous sommes la seule espèce vivante qui double sa peine à se sentir maudit en plus d'être malade. Il sait (...) que les significations perverses que nous donnons aux évènements nous feront plonger en désespoir plus sûrement que les évènements eux-mêmes. Il sait notre faculté à nous mettre au ban, à ployer sous le regard imaginaire d'un Dieu totalitaire. Il connaît nos incompressibles relents de religiosité, notre compréhension pathétiquement binaire et notre quête folle d'un coupable.
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(...) S'il n'existe aucun système explicatif du mal, aucun dogme ni grigri qui fasse l'économie de notre vulnérabilité, il existe la solidité des montagnes, la fidélité des paysages, le foisonnement végétal qui redonne fidèlement ses fruits chaque saison. Et nous pouvons appuyer les petits pas de notre marche précaire sur la stabilité du minéral et le renouvellement du vivant.
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Les immenses chagrins et parfois même, des chagrins inconsolables. Mais on peut porter en soi d'inconsolables chagrins et ouvrir avec allant les volets chaque matin. On peut avoir subi d'irréparables pertes et boire avidement à la source du jour, s'élancer vers les rencontres, s'inscrire encore dans le cercle des vivants.
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(...) Une mère qui avait sûrement été, comme toutes les mères, cette sorcière toute-puissante et magicienne, femme unique qui fait lever les matins de nos enfances et assèche leurs chagrins. Cette mère que nos sursauts d'enfance nous font encore appeler, comme une incantation, devant une catastrophe imminente.
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Pouvoir diabolique, car diabolos est celui qui sépare et la douleur nous sépare des autres et de nous-mêmes. Rien de ce qui nous fait humains ne tient sous la tyrannie de la douleur physique. Nous voilà réduits à un morcellement d'organes, de peaux, de muqueuses, de muscles. Les nerfs clignotent sous nos paupières et tiennent d'une main de fer toute notre identité.
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Par la fenêtre, l’été me happait et je peinais à me concentrer pour rester un peu là. Je sentais le regard aiguisé de la vieille qui pesait sur mon front. Il n’y avait qu’à moi que l’été faisait de l’œil. Elle voyait bien cela, toute myope qu’elle était. Et elle savait que très vite, j’allais sortir de là. Que mon petit effort fourni quelques instants pour partager son enclos était tout à fait dérisoire. Cette ascèse d’une demi-heure ne me coûtait rien de bien précieux. Mais pour elle, c’était sa vie en substance - la succession chaotique d’heures creuses, de jours et de semaines qu’aucun appétit de vivre ne venait animer.
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La grande vieillesse est souvent une disgrâce qui s’étire nonchalamment jusqu'à la mort sans se presser - c’est bien ce qu’on lui reproche. Si l’on a réussi l’exploit de rallonger la vie, ce n’est décidément pas par son bon bout. On en vient à gaver d’existence des hommes et des femmes qui ont atteint depuis plusieurs années leur seuil de satiété. On n’imagine pas la peine qu’il y a à vivre sans appétit. La très ancienne bénédiction biblique (...) - mourir rassasié de jours -, a viré au supplice. Il faudrait pouvoir mourir en sortant de table, après avoir rendu grâce. Au lieu de quoi on nous ligote à notre chaise et nous voilà punis, condamnés à rester à la table d’un interminable repas. Si bon qu’il fût, on est écœuré à la seule vue des restes.
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Si je veux faire l'éloge de ce temps-là, ce n'est pas seulement parce qu'il est nécessaire, mais parce qu'il est beau.
Aussi beau qu'une naissance, alors que lorsque l'adolescent parait, le cercle de famille pousse des cris d'effroi. C'est injuste, et d'autres cultures j'en suis sûre l'ont compris, qui célèbrent cet âge-là. Aussi périlleux qu'une naissance et aussi sublime.
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Regardez donc les enfants opérer des trocs savants dans les cours de leurs écoles. L'un d'entre eux échangera la trousse toute neuve achetée la veille contre une plume de merle dont les noir lui a semblé si noir qu'il en devenait bleu. Si c'est votre enfant, ne le grondez pas : il n'a pas le sens de l'argent, il n'a que le sens des valeurs. Lisser du bout des doigts la soie de ce bleu-noir jusqu'alors inconnu : cela n'a pas de prix. La trousse a un prix, elle : elle ne vaut rien tant qu'elle n'est pas un peu salie d'histoires, d'heures d'ennui et de dessin. Plus tard elle vaudra le poids de tous les souvenirs dont elle a été témoin. Aujourd'hui elle est trop neuve pour vouloir dire ou rappeler quelque chose. Elle ne raconte pas le vertige du vol de l'oiseau bleu de nuit, elle ne rappelle pas à l'enfant ce désir fou qu'il a de savoir voler un jour, et tout ce qu'il est prêt à apprendre encore à l'école pour y parvenir peut-être.
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Je suis à la trace un absent. Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Le premier absent que j'ai suivi à la trace dans ma vie, ce fut ce fameux Jésus sur lequel couraient tant de bruits que l'inconscient collectif en était saturé. Cela m'a intriguée, je l'ai suivi et la silhouette que j'apercevais à l'horizon de cette filature ne faisait pas tant de bruit que tout ce qu'on m'avait raconté. Et si j'entendais quelque chose, c'était une qualité inédite de silence. Ce qui m'a séduite, c'est cette place immense qu'il laissait dans sa traîne. Et la trace. "Rencontrer un homme, c'est être tenu en éveil par une énigme", écrit Lévinas. Cela vaut pour le Christ et pour toutes nos rencontres. Résoudre l'énigme, c'est la crever et mourir avec. Le but, c'est l'enquête.
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