La vie funambule

La collection Bayard Récits est une toute nouvelle collection, née au printemps 2023, et qui a pour objectif de mettre en récit le réel. Les deux textes lus pour cette rentrée sont courts, mais intenses, condensés. Je suis ravie d'avoir choisi de les lire, et je termine avec ce tout petit livre ma rentrée littéraire… Dans celui-ci, l'autrice décide d'écrire une lettre, à l'enfant de son amie, qui vient de naître, alors que son amie est elle-même condamnée par la médecine. Terrible coup du sort dont l'autrice ne sait que faire. Alors, elle met toute son expérience, sa culture philosophique, au service de ce moment « sur un fil » qui va célébrer à la fois la vie, et la mort. Elle a promis d'être là, pour l'enfant, et c'est de cette promesse dont il est déjà question… Et comme c'était beau, cette petite chose, philosophique, littéraire et spirituelle. Et comme mon coeur a battu un peu plus fort en parcourant ce texte ! Que peut-on faire du temps, quand il est ainsi suspendu ? L'arrêter ? Ne plus y songer ? Vivre tant qu'il est encore là ? Rien ne peut préparer à cette expérience. Un témoignage pudique et bouleversant où chaque mot est pesé et a du sens.
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C'est l'histoire d'un vertige. Une jeune femme, enceinte, apprend qu'elle ne guerira pas de la maladie qui l'a prise dans ses griffes quelques semaines plus tôt. Donner la vie. Affronter la mort : c'est ce pas de deux que raconte Marion Muller Colard, théologienne, philosophe, mais surtout amie proche de la jeune mère. Dans ce livre, elle écrit une lettre à Jeanne, la toute petite fille de son amie. Qu'y dit elle ? Que désormais, il n'y a plus d'après, chacun se focalise sur le présent et le temps se suspend. Que les pourquoi n'ont plus lieu d'être, place aux comment. Comment rester vivante jusqu'au bout ? Comment traverser l'effroyable solitude et la peur ? Comment savourer ce temps et cet amour qui restent ? le livre est à la fois une déclaration d'amitié, un manuel de survie morale et d'espérance dans l'adversité et une intense réflexion sur la vie.

La vie funambule, de Marion Muller-Colard, c'est une ode à la vie. Une ode à la vulnérabilité. Une ode à l'instant, le kairos. Une ode au temps qui dure, passe, qui vient, le chronos? Une ode à Dieu peut-être? Cette lettre à Jeanne dans laquelle l'auteure joue avec les mots, oppose la vie à la mort, repousse les limites de la mort, s'interdit de penser au "pourquoi" et préfère le "comment", comme la maman de Jeanne. Cette lettre-mémoire parle d'une amie à ce nourrisson et cette amie si chère est sa maman. Une maman dont la vie est suspendue à un fil... le fil de la vie pour l'auteure. En terminant ce livre, j'ai pensé au livre Deux petits pas sur la sable mouillé, d'Anne-Dauphine Julliand qui elle aussi refusait de s'abimer dans les "pourquoi" face à la mort prochaine de ses filles et préférait les "comment". Elle avait fait sienne la citation du professeur Jean Bernard: « Ajouter de la vie aux jours lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie. » Un peu comme Marion Muller-Colard et la maman de Jeanne.