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Critiques de Michel Jean (397)
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Kukum

Michel Jean nous offre à hauteur de femme l’histoire de son extraordinaire arrière-grand-mère, Almanda Siméon. Elle se tient au bord du lac Pekuakami ( lac Saint-Jean au Québec. Elle est au crépuscule de sa vie et se raconte.

« Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m’apaise, car il me rappelle qui nous avons été et qui nous sommes toujours. Le vent de l’est porte les parfums du Péribonka. Tant que cela existe dans mon cœur, cela vit encore. »



Et son cœur est immense, empli de souvenirs qu’elle déroule dans un « je » omniprésent qui enveloppe le lecteur dans une narration à la fois assurée et sereine, comme suspendue au temps qui passe. Née en 1882, orpheline d’une famille de migrants irlandais fuyant la famine, elle est élevée au Québec par un couple de fermiers avant de voir son destin chamboulé à 15 ans par la rencontre avec un Indien innu, Thomas, qu’elle épouse.



Michel Jean choisit un tempo adagio pour peindre de façon très immersive le mode de vie innu qu’Almanda va adopter autour du lac Pekuakami : nomadisme et chasse aux Passes-Dangereuses le long de la rivière Péribonka, vie en forêts, vente des peaux aux Blancs. On est saisi par la capacité d’accueil des Innus qui font d’Almanda une des leurs, la guide et l’entoure avec tendresse. On est touché par l’histoire d’amour fusionnelle entre Almanda et son mari, au point de briser un tabou en accompagnant, malgré la tradition innu, Thomas lors des expéditions lointaines de grande chasse. Emu par la soif de liberté de ce peuple autochtone.



A mesure qu’elles s’ancraient dans le récit, la douceur et la bienveillance qui irradient ce roman m’ont d’abord décontenancée, habituée à trouver dans la littérature abordant le sort des Amérindiens des Etats-Unis ou du Canada multiples violences, âpre dénonciation et profonde colère. Et pourtant, jamais Kukum ne sombre dans une niaiserie romantique sur le mode de vie amérindien. Surtout, jamais Kukum n’occulte les déchirements qu’a connus la communauté amérindienne au Québec et plus largement au Canada.



Lorsque Michel Jean choisit, au bon moment, dans le dernier tiers, d’évoquer le traumatisme intergénérationnel des Innus, il le fait avec subtilité et sans aigreur, toujours par la voix puissante d’Almanda, afin de laisser au lecteur toute sa place pour comprendre et compatir. Le grand chamboulement du mode de vie autochtone commence avec la destruction du cadre de vie par déforestation, l’exploitation des arbres, la drave sur le Péribonka. Puis vient la sédentarisation forcée dans la réserve de Mashteuiasch. Et enfin les enfants arrachés à leur famille, enfermés dans des pensionnats pour les « blanchir » et les éduquer, faisant écho aux récentes découvertes de tombes anonymes d’enfants indiens qui secoue le Canada ( on estime à près de 150.000 enfants le nombre d’enfants envoyés de force dans les 139 pensionnats recensés de 1831 à 1997 ).



Ce roman respire la sincérité. Sa simplicité pleine de sensibilité et sa sobriété empreinte de dignité ont lentement infusé en moi jusqu’à me bouleverser, sans bruit, dans les dernières pages … quelques mots d’amour d’Almanda à Thomas, une photographie, l’émotion de l’auteur qui clôt son roman en prenant lui la parole, cette fois.



Je découvre la maison d’édition Dépaysage avec ce roman et suis totalement charmée par l’objet proposé, superbe illustration de couverture, haute qualité du papier, mise en page aérée fort agréable.
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Atuk

C’est le troisième roman de cet auteur que je lis, et à chaque fois, j’ai l’impression qu’il me parle comme si on se connaissait depuis très longtemps. Michel Jean a le talent de questionner l’intime sans tomber dans l’exposition de soi, parlant de lui, de sa famille, plus largement de l’histoire des Innus et encore plus largement de celle des relations entre autochtones et Canada / Québec.



Le décès de sa grand-mère agit comme un catalyseur d’émotion et d’introspection sur l’auteur, le renvoyant face à lui-même. Lors des funérailles, une cousine de Jeannette lui dit : « Michel, l’Indien, tu l’as en toi ». Lui qui se sentait si peu autochtone à ce moment de sa vie, lui qui n’a pas grandi dans une réserve, lui qui n’a pas appris la culture de ses ancêtres. Lui qui avait l’impression de marcher dans un labyrinthe alors qu’il aurait pu demander le chemin à suivre à sa grand-mère. Michel Jean déterre alors sa propre histoire pour remonter vers ses origines.



La narration se fait à deux voix, «elle », la grand-mère, et « lui », le petit-fils, remontant chacun le sentier de leur parcours respectif, pour tresser le portrait d’un monde, celui des Innus et de Nitassinan ( « notre terre », le territoire ancestral des Innus ), qui n’a pas disparu mais se transmet génération après génération. Jeannette a fait le chemin inverse de sa mère, Almanda ( la magnifique héroïne de Kukum, Irlandaise devenue véritable indienne après avoir épousé un Innu ). Jeannette est née Shashuan Pileshish, « Hirondelle », une fille des bois, de la rivière et du lac Pékuakani. Elle a quitté le quotidien des chasseurs de la forêt boréale, a perdu son prénom indien, est devenue Jeannette par amour pour Thomas, mi-indien au statut de blanc, ce qui l’a exclue de sa communauté innu, l’a fâché avec son père et l’a forcée à se sédentariser à Pointe-Bleue. Michel, lui, journaliste, urbain, cherche à se reconnecter à l’Indien qui est en lui.



Et c’est très fort de voir comment les échos du monde de Jeannette se répercute dans celui de Michel, terriblement touchant aussi car Michel Jean est un conteur sensible, tout en retenu. Son écriture pudique, simple, minimaliste enveloppe le lecteur de douceur. On remarque à peine son écriture pour se focaliser sur le récit. Moins de mots mais chaque mot en dit plus, les silences disent beaucoup.



Il n’y a rien de rageur dans cette réappropriation culturelle, ce qui n’empêche l’auteur d’évoquer des sujets lourds comme le racisme subi par les Autochtones. Un exemple des humiliations qu’ont vécues au quotidien les Innus m’a particulièrement marqué. L’auteur y raconte comment, enfant, dans le cadre d’une représentation théâtrale scolaire, il a du jouer le rôle d’un iroquois tortionnaire du missionnaire jésuite René Goupil ( 1682 ), traumatisé et honteux de devoir mimer une attaque à la hache sur ce martyr.



Aujourd’hui, Michel Jean a fait inscrire sur les registres d'état civil officiels son appartenance au peuple innu. Il creuse son sillon d'écrivain d'une autre histoire des Autochtones canadiens, avec fermeté et sérénité, à l’image de ce magnifique dernier chapitre conclu en une émouvante passation culturelle avec son neveu, sur le lac Péribonka qui abrite sous ses eaux l’ancien territoire de sa famille englouti après la construction d’un gigantesque barrage hydraulique. L’indien en eux vit toujours.

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Kukum

« Kukum » est le nom que Michel Jean donnait à son arrière-grand-mère Almanda Siméon. Née en 1882, la jeune orpheline est élevée au Québec par un couple de fermiers, jusqu’au jour où elle rencontre Thomas, un indien Innu. Âgée de quinze ans, elle décide de tout quitter, pour vivre d’amour et de chasse au sein de ce peuple autochtone…



C’est à hauteur de femme et à la première personne que l’auteur partage l’histoire de son arrière-grand-mère. C’est en suivant ses pas que le lecteur découvre le mode de vie de cette communauté nomade qui vit en symbiose avec la nature, tout en faisant preuve d’un grand respect pour toute forme de vie. Cette immersion totale invite à vivre au rythme lent des saisons, passant du campement d’hiver dans leur territoire de chasse au retour printanier pour la vente des peaux au magasin de la Compagnie de la Baie d’Hudson.



Outre la belle histoire d’amour entre Almanda et Thomas, cette invitation au voyage qui restitue à merveille la soif de liberté de ce peuple nomade, évoque également la destruction progressive de ce mode de vie traditionnel avec l’arrivée du « progrès ». De la déforestation à la sédentarisation forcée dans la réserve de Mashteuiasch, en passant par l’arrivée du chemin de fer, la construction d’un barrage hydro-électrique, l’introduction de l’alcool ou l’envoi des enfants autochtones dans des pensionnats, Michel Jean évoque l’anéantissement lent et progressif de cette communauté autochtone…



Malgré une fin émouvante et une immersion réussie, ce texte très lent et trop sobre, voire trop neutre, n’est pas parvenu à m’enthousiasmer comme je l’espérais sur base des nombreux avis positifs.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Maikan



D'un roman à l'autre. Dans Kukum, son touchant précédent roman, Michel Jean évoquait la sédentarisation forcée des populations autochtones du Canada avec comme corollaire l'arrachement d'enfants à leur famille, forcés à intégrer des pensionnats pour être «  civilisés », pour tuer l'indien en eux. La cousine de sa mère, Jeannette, lui avait raconté comment sa soeur avait été « volée » puis avait « disparu » au pensionnat autochtone de Fort George, à près de 1000km de chez elle. C'est cette douloureuse thématique qui au coeur de Maikan.



La tragédie s'incarne à travers trois personnages fictionnels, Charles, Marie et Virginie, trois Innus, dont on lit le destin les poings et les mâchoires serrés tellement tout révulse dans leur parcours ancré dans les années 1930 : les missionnaires catholiques qui usent de leur influence pour mystifier des parents désarmés ; l'ambiance quasi concentrationnaire du pensionnat entre numéros attribués à chacun pour les appeler, cheveux coupés, sévices moraux et physiques allant jusqu'au viol ; les lourdes séquelles qui se révèlent à l'âge adulte, de l'alcoolisme au suicide.



Beaucoup de romanciers seraient tombés dans le piège de la colère manichéenne ou du pathos larmoyant. Ce n'est jamais le cas, sans doute parce que l'écriture de Michel Jean rompt radicalement avec l'insupportable violence qui surgit très souvent des pages. Simple en apparence, en fait posée et empreinte de douceur, toujours humble, elle n'en accentue que plus l'empathie totale qui nous envahit à l'égard des personnages. Ces enfants de papier sont devenus les nôtres, quelque chose de très fort s'est noué entre eux et nous.



Et puis, il y a cette lumière qui réchauffe, comme un miracle, lorsque naissent, à la vie à la mort, amour et amitié entre ces trois-là, lorsqu'on voit l'avocate, à la recherche des survivants pour les aider à recevoir une indemnité étatique, se transformer au fur et à mesure de ces découvertes. Jusqu'au bout d'une quête de vérité qui la dépasse et la submerge.



Ce livre est absolument bouleversant. Révoltant. Marquant, de ceux qui font voir le monde différemment. Surtout, il résonne très fort avec l'actualité outre-Atlantique. Tout récemment, c'est une part sombre de l'histoire canadienne qui ressort, une histoire qui n'est pas dans les manuels scolaires. En mai 2021 ont été retrouvés les restes des corps de 215 enfants sur le site de l'ancien pensionnat autochtone de Kamloops. Et depuis, les douloureuses exhumations se multiplient, comme en juin dernier à Marieval où ce sont 751 sépultures anonymes qui réapparaissent. Michel Jean offre à tous ces enfants martyrs, les décédés comme les survivants, le plus digne des tombeaux.
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Kukum

- Tu lis quoi ?

- Une histoire de peuples autochtones.

- Des peuples anciens ? Un livre sur la préhistoire ?

- Pas vraiment, et même une histoire plutôt récente, qui s’étend du siècle dernier à nos jours.

- Une histoire récente de peuples anciens. Tu te fous de moi ?

- Non, notre époque est encore remplie de leur histoire et eux-mêmes sont toujours-là. À nous de savoir en voir les traces.

- Te connaissant, ça doit encore être un de tes livres américains.

- Pas faux, mais de l’autre Amérique ! Celle qui est très au nord, au Québec, sur les rives d’un grand lac…

- Ah oui, là je sais, le lac Saint-Jean !

- Si tu veux, puisque d’aucuns l’ont désormais baptisé comme cela. Moi je préfère continuer à l’appeler Pekuakami, la perle du territoire Nitassinan.

- Pekuaquoi ?

- Pekuakami, c’est comme cela que l’appelaient les Innus.

- Ah oui, ça je connais les Inuits, les eskimos quoi.

- Mais non imbécile, les Innus. Ça n’a rien à voir !

- Connais-pas ! Et comment on sait ça ?

- Parce que leur histoire s’est transmise oralement, les plus anciens prenant le temps de raconter le passé aux plus jeunes, le soir à la veillée. Puis par écrit, comme Michel Jean, journaliste réputé au Québec et auteur de ce livre.

- Et qu’est-ce qu’il en sait, çui-là des Innus ?

- Beaucoup de choses figure-toi, puisque c’est justement l’histoire de son arrière-grand-mère qu’il nous raconte, sa kukum Almanda…

- Et Innus raconte quoi ?

- Tu es désespérant… Mais prends le risque de t’intéresser un peu à ces objets non connectés qu’on appelle des livres et ouvre Kukum. Tu y suivras Almanda et Thomas remontant chaque automne la rivière Peribonka pour retrouver la montagne, chasser et tanner durant tout l’hiver ; tu redescendras à Pointe Bleue avec eux chaque printemps pour t’y confronter avec la civilisation gangrénante ; tu y apprendras le respect de la nature, de l’être supérieur et des animaux dans une relation égalitaire ; tu y verras surtout beaucoup d’amour…

- Finalement, ça me plait bien ton truc

- Alors viens sous la tente, entre et assieds-toi ; regarde, Kukum est là…

- Et je lui dis quoi ?

- Chut… rien ; tais-toi ; et écoute… Vas-y Kukum, raconte-lui…

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Kukum

Attention , pour découvrir cette merveilleuse friandise , il vous faut , allumer un bon feu dans votre cheminée , enfiler vos " charentaises " , vous enrouler dans un plaid bien doux sur votre canapé, prévoir un bon thé bien chaud et , surtout , surtout , couper votre téléphone et fermer votre porte à clé....Ca y est ?

Et bien voilà , vous êtes maintenant au Québec , en 1977, prés de l'immense lac de Pekuakami , dans la tribu nomade des derniers représentants des Innus .Capturée ? Mais non , bien que " blanche " ,vous avez épousé Thomas , un jeune Innui et , abandonnant une culture qui vous " contraignait " trop , vous avez choisi de le suivre sur les chemins de la liberté , au milieu des eaux lacustres , au milieu des bois et forêts , traversant les ronciers , affrontant les rigueurs de l'hiver ( Bon , pour ça , je vous ai aidée ) et même certains gros animaux ...

Regardée avec un certain doute au début ,vous observez , vous apprenez , vous respectez , vous aimez .....on vous respecte , on vous aime .

Quelle vie que celle de KUKUM ! Tout est difficile , la chasse , le travail des peaux , le transport des canoës , l'enfantement , et pourtant le bonheur et la joie de vivre inondent ces pages , les drames aussi , du reste , mais à la fin de cette lecture , on ne retient que ce que nous avons sans doute perdu en grande partie aujourd'hui , la douceur du respect , de la solidarité ,de l'amour ,de la simplicité , de la vie où la nature reine punit si on la maltraite et protège quand on s'adresse à elle avec retenue .

Il fait froid , trés froid dehors mais chaud , trés chaud dans les coeurs .Tout est beau dans ce récit lent , poétique , ce roman du " cercle de la vie "où la mort , comme celle de Malek , par exemple ,n'est vécue que comme un passage de témoin , un acte naturel même s'il est douloureux .

Sans doute ceux et celles qui adorent quand " ça bouge " se sentiront - ils un peu frustrés . Attention , la route et longue et il convient de savourer le chemin des hommes avant qu'il ne devienne , progrés oblige , chemin de fer , emportant avec lui des modes de vie désormais révolus ... détruits honteusement par des politiques et une société avides de " normalisation " et de profits ...

Pensez à boire votre thé , s'il est encore chaud , ou tiède ....Et vous allez voir , vous allez , aprés avoir tourné la dernière page , avoir envie de " retourner " chez Almanda , pensive et bien pelotonnée dans votre plaid .

Un trés bon moment en perspective , c'est mon point de vue mais ...vous n'êtes pas obligés de me croire .

A bientôt .
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Kukum

Quel magnifique roman ! Tant sur la forme que sur le fond, c'est un sans faute. Un petit bijou que je serai bien contente de pouvoir partager avec mes enfants lorsqu'ils seront plus grands.



Je félicite tout d'abord les éditions Dépaysage pour leur ouvrage qui est tout simplement sublime : une couverture sobre mais accueillante, un petit format carré qui tient bien en main et une mise en page légère. Un pur instant de plaisir qu'ils ont bien voulu m'offrir via une Masse critique, et je les en remercie.



Même si le travail sur la couverture et la mise en page du livre est indispensable, nous savons bien qu'il est peu de chose face aux mots qui forment le récit. Mais il se trouve que Kukum n'est pas simplement un beau livre, il est surtout passionnant en tous points.



D'abord parce qu'il nous invite à un voyage, à la fois temporel et géographique, sur le Nitassinan (territoire Innu du Québec) à la fin du XIXème siècle. J'ai appris beaucoup de choses sur la vie des Indiens du Québec, leurs coutumes, leur artisanat (panier en écorce de bouleau, mitaines perlées...), leur mode de vie (chasse, tannage de peau...), leur langue aussi que j'ai trouvée extrêmement poétique et douce. La nature a une place essentielle dans ce roman, comme elle en avait une dans la vie des Innus. J'ai beaucoup aimé lire sur la vie en forêt, sur la remontée de la rivière Péribonka, sur le lien si fort qui unissait les hommes, les animaux et la nature.



La sédentarisation forcée de ce peuple Indien est au coeur du récit. Étant donné que cette transformation ne s'est pas faite sans heurts ni traumatismes, tant pour les Innus que pour la nature dans laquelle ils vivaient, on pourrait craindre un ton nostalgique, voire même carrément noir, ça n'aurait rien eu d'étonnant. Eh bien non. Michel Jean a choisi d'adopter un ton plutôt optimiste, à l'image du peuple Innu si bienveillant et accueillant. Et c'est aussi ce qui fait la force du récit.



On ne peut que s'attacher à Almanda, la kukum de l'histoire (la grand-mère en innu-aimun). Il émane des personnages une grande force et une belle sensibilité, tant vis à vis de la nature que des êtres humains, même s'il s'agit de colons blancs venus leur prendre leurs enfants. Il est intéressant de savoir qu'Almanda a réellement existé, Michel Jean racontant en fait l'histoire de son arrière-arrière grand-mère, d'origine irlandaise.



Bref, je vais m'arrêter là, ne voulant pas risquer de vous perdre. J'espère vous avoir donné le goût de suivre mes pas vers Almanda et les siens.
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Maikan

Lire ce superbe et émouvant roman s'impose comme une évidence aprés avoir découvert le non moins magnifique "Kukum" du même auteur, Michel Jean .Dans ce dernier volume cité , on assistait à la transformation du monde nomade du peuple fier et libre des Innus du Québec . La forêt disparaît , les maisons en bois remplacent les tentes en peaux et , surtout , comble de malheur , les enfants sont arrachés à leurs parents et envoyés loin , loin , là-bas , dans le terrible Fort Knox où des religieux seront chargés de leur inculquer les rudiments , voire plus , d'une nouvelle culture , tout en n'oubliant pas de leur faire renier celle inculquée par leurs ancêtres. .

C'est avec Virginie , Marie et Charles que nous allons pousser les portes de ce que l'on peut bien appeler "un triste lieu de perdition ." Qu'on se le dise , on va retrouver une atmosphère découverte cette année dans le terrible "Enragé " de Chalandon , dans " Bakhita " de Véronique Olmi ,ou dans de sinistres récits évoquant aussi , pour le creusois que je suis , la déportation des petits réunionais dans des départements en danger démographique .Vous me suivez ? Pas question , aujourd'hui , de plaisanter sur un sujet dont on savait bien , en lisant les dernières pages de "Kukum " , qu'il occupait l'esprit de l'auteur . Passons sur les conditions de vie à peine imaginables que l'on va découvrir dans ces pages et préparez- vous à pénétrer dans une humanité marquée par la plus grande noirceur de l'âme des hommes et femmes pourtant au service de Dieu , des âmes dont la plus généreuse sera celle qui se tait parcequ'elle ne veut pas voir.

En parallèle , 70 ans plus tard , c'est au tour d'Audrey , une avocate , d'entrer en scène pour tenter de renouer les fils d'une période à oublier pour certains , à comprendre pour d'autres ....

Je n'en dirai pas plus si ce n'est que , malgré sa force , sa violence , ce récit est une nécessité . L'auteur sait " raconter " la douleur , sait " présenter " les choses avec pudeur , force , mais sans pathos , laissant toujours le lecteur sur " le fil du rasoir ".

Kukum m'avait séduit par la sérénité qui se dégageait chez ces gens aux conditions de vie incroyables , amoureux de la nature , de la vie , du respect des anciens ."Maikan " , qui lui fait suite , m'a violemment interpellé et la question qui me vient à l'esprit est " pourquoi? " sorte de prélude à tous les maux qui frappent aujourd'hui de plein fouet , des sociétés dites " civilisées ".

Oui , il est nécessaire de lire "Maikan " pour ne plus fermer les yeux ou se taire . Allez, chers amis et amies , je vous dis " à bientôt " , avec un sujet plus " léger".
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Maikan

Mashteuiatsh, août 1936. Si Virginie et Marie ont été ravies, deux mois auparavant, de retrouver Pekuakami et ses vastes étendues tranquilles, après un hiver dans les bois et les montagnes, elles se réjouissent du voyage qui les attend, elles et toute la communauté Innue, vers leurs territoires de chasse hivernaux, sur les rives du lac Manouane. Malheureusement, c'est un bien autre voyage qui attend les deux jeunes filles. En effet, le gouvernement canadien ayant décidé de scolariser et d'éduquer les autochtones, certain du manquement, voire de la négligence de leurs parents. Si certains sont réticents ou que d'autres tentent de s'opposer ou de refuser, ils n'ont d'autre choix que de laisser leurs progénitures s'envoler vers Fort George, un pensionnat construit très loin de là, sur une île de la baie James. Là, ces tout nouveaux pensionnaires seront nourris et logés correctement et seront instruits par des missionnaires. Du moins, c'est la promesse du gouvernement canadien. C'est entre ces murs que les deux jeunes filles feront la connaissance de Charles...

Montréal, 2013. Audrey Duval est avocate et s'est donnée pour mission de retrouver certains anciens pensionnaires afin qu'ils puissent toucher les indemnisations qui leur sont, aujourd'hui, dues. Si la tâche s'avère parfois compliquée, elle va se retrouver, cette fois, face à un problème plus mystérieux. En effet, il semblerait qu'on ait perdu la trace de trois personnes, parmi sa liste. Trois personnes qui ont disparu quasiment en même temps et seule l'une d'elle a été retrouvée au bout du monde. Marie Nepton...



Maikan, qui signifie loup en Innu, est le nom que les pensionnaires de Fort George donnait aux missionnaires catholiques. Un nom qui, de prime abord, donne une idée de ce que ces enfants pouvaient subir. Et pourtant, l'on est loin de s'imaginer, de penser ou d'entrevoir ce qui se passait réellement dans ces murs. Si le sujet, dramatique et sidérant, a déjà été abordé, aussi bien en littérature pour adultes ou pour la jeunesse, Michel Jean, en tant que membre d'une famille dont plusieurs ont fréquenté ce pensionnat (et à qui, d'ailleurs, il dédie ce livre), a su, avec ses mots puissants et lourds de sens, à la fois avec une étonnante douceur et une force incommensurable, dépeindre ce que subissaient ces enfants. Des enfants que l'on sait marqués à vie. Mais malgré ces mauvais traitements, ces viols, ces maladies non soignées, ces conditions de vie difficiles, cette violence omniprésente, scintillent toutefois ces lueurs que sont l'amitié entre Marie et Virginie, l'amour entre cette dernière et Charles, cette aide et ce soutien que tente d'apporter Jimmy ou encore cette volonté farouche d'Audrey. Si Marie, Virginie et Charles sont des enfants, parmi tant d'autres, que le gouvernement canadien a voulu assimiler, Michel Jean leur a, incontestablement, redonné une âme et une identité.



150000 enfants autochtones ont fréquenté ces établissements, plus de 4000 y sont morts. Le dernier pensionnat n'a fermé ses portes qu'en 1996, en Saskatchewan. Les excuses des différents gouvernements canadiens face à ce génocide culturel et les promesses d'indemnisation sont-elles réellement suffisantes ?



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Kukum



Voilà un livre qui m'est allé droit au coeur, qui m'a émue de la première page à la dernière et m'a fait pleurer à plusieurs reprises.



L'histoire, racontée  à la première personne  par Almanda, peut sembler simple :



Almanda, une orpheline de quinze ans, née à la fin du 19ème siècle, n'hésite pas à quitter une vie de fermière pour épouser un jeune chasseur innu, membre des premières nations canadiennes, et courir les bois avec lui.



"J'ai grandi dans un monde immobile où les quatre saisons décidaient de l'ordre des choses. Un univers de lenteur où le salut dépendait d'un bout de terre qu'il fallait travailler sans cesse." (p17)



"Vivre à la ferme relève du sacerdoce. Les agriculteurs s'imaginent que leur terre les protège de la sauvagerie. En réalité, elle en fait des esclaves." (p23)



Il m'arrivait encore de penser de temps en temps à ma tante et à mon oncle. Chaque heure du jour, où que je soit, quoique je fasse, je savais où ils étaient et ce qu'ils faisaient. En choisissant la vie en territoire, j'avais choisi la liberté. Certes, celle-ci avait un coût et entraînait des responsabilités envers les membres de son clan. Mais j'avais enfin le sentiment de vivre sans chaînes." (p98/99)



Mais Almanda sera le témoin direct de la "grande histoire" : destruction du territoire des Innus par l'arrivée du progrès (coupes à blanc, domestication des rivières par des barrages, chemin de fer, ...), assimilation forcée, déplacement des enfants dans des pensionnats autochtones, ...



Comme je le disais, ce livre m'a bouleversée !



Tout d'abord, Almanda n'est pas un personnage de fiction, c'est l'arrière-grand-mère de l'auteur, Michel Jean, et ce dernier a su s'effacer complètement pour restituer de manière vivante la voix de son aïeule. Pendant toute ma lecture, j'avais l'impression d'être au coin du feu et d'écouter Almanda.



Ensuite, j'ai adoré l'écriture de Michel Jean. Elle paraît simple mais, tout comme l'histoire, mais il n'en est rien. Il a su mettre sur papier la tradition orale de ses ancêtres pour parler directement à notre coeur, nous qui le lisons.



Pour finir, Almanda est une femme extraordinaire (elle a été tellement vivante pendant ma lecture qu'il m'est impossible de parler d'elle au passé). C'est le même genre de femme que la Jane Eyre de Charlotte Brontë. Une femme qui affronte toutes les difficultés, aussi dures soient-elles, avec l'intelligence du coeur et qui jamais ne se plaint mais continue d'avancer car "la vie est un cercle".



Et j'ai oublié, c'est également une magnifique histoire d'amour !



Bref ! Un énorme coup de coeur pour KUKUM de Michel Jean aux éditions Dépaysage.
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Kukum

Almanda , la narratrice, a quinze ans lorsqu'elle se marie avec Thomas ,très jeune lui aussi.

Ils vivent une belle histoire d'amour entre une jeune femme qui aime l'aventure et un jeune homme qui lui transmet ses valeurs.

Elle est orpheline, élevée par son oncle et sa tante dans une ferme . Elle fait partie des colons qui défrichent péniblement les terres pour les transformer petit à petit en zones agricoles.

Thomas fait partie des Innus, les autochtones du Québec. Sa famille , nomade, chasse dans les forêts autour du Lac-Saint-Jean. Ils sont trappeurs, vendent des fourrures tannent des peaux.

Almanda, très bien accueillie dans la famille de Thomas apprend petit à petit leurs coutumes et leur langue.

Ils auront neuf enfants.

Petit à petit, les chasseurs trappeurs installés dans les forêts voient leur monde disparaître au profit des usines à pulpe, des scieries. Les arbres sont abattus et descendus dans la vallée par flottage sur les rivières dont on ne distingue même plus l'eau complètement recouverte par les troncs. Leur zone de pêche devient même impossible à exploiter.

Les colons viennent chercher les enfants pour leur donner une instruction dans des pensionnats chrétiens où certains subiront les outrages des religieux.

L'actualité est revenue sur ces faits il y a peu de temps sous forme d'excuses du premier ministre.

Les Innus sont cantonnés dans des réserves où certains commencent à s'ennuyer. D'autres plus dociles, s'adaptent tant bien que mal et adoptent la culture des colons. C'est le cas de la famille d'Almanda.

On pourrait croire que cette histoire est très ancienne mais lorsqu' Almanda, déjà âgée, effectue un périple pour rencontrer le premier ministre afin que leurs enfants ne soient pas mis en danger par les véhicules des travailleurs de la région, on apprend qu'on est en 1950.

Lors de ce voyage, Kukum ( grand-mère en langue innue )nous fait remarquer la méfiance qui existe entre les Innus et les colons qui la regardent de travers.

Le racisme ou le non-respect de l'ancienne culture est encore présent.

Un récit vraiment intéressant sur la vie des Innus dans la forêt, des personnes aux mille ressources, proches de la nature . Un passage m'a quand même un peu heurtée au niveau de la chasse car ils semblaient chasser sans respect de la protection de la faune : en chassant des mères qui se promenaient avec leurs petits par exemple. Là,j'ai sauté de ma chaise.

Un autre passage m'a mieux plu : celui où la belle-sœur d'Alamanda lui dit que chasser n'est pas un exploit. L'animal fait le sacrifice de sa vie.

Michel Jean, l'auteur, est l'arrière petit-fils d'Almanda, la narratrice. Il regrette de ne pas avoir appris le langage de ses ancêtres bien qu'il soit complètement intégré à la population du Québec en tant que journaliste et écrivain bien connu.

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Kukum

Je me suis toujours intéressée aux premières nations, celles qui vivaient sur place, dans le pays, bien avant l’arrivée des hommes blancs. Hommes blancs installés qui commençaient l’histoire du pays par leur conquête en oubliant volontairement l’histoire des premiers habitants dont ils avaient la plupart du temps éradiquer l’existence incomplètement ou non. Comment peut-on ainsi nier l’existence des autres ?





Kukum, qui veut dire grand-mère , s'inspire de la vie de l'arrière-grand-mère de Michel Jean, une femme blanche qui a choisi d'adopter le mode de vie de la communauté innue en épousant à 16 ans Thomas Siméon, au début du XXe siècle,

C’est sur les terres canadiennes, proches de Québec, qu’Almanda nous retrace l’histoire de son peuple nomade, chasseur et cueilleur, soucieux des jeunes comme des personnes âgées. Un peuple fier d’habiter les forêts et les bords de lacs majestueux, respectueux de la nature, ne prélevant que ce qui est nécessaire à la vie. Un peuple religieux également remerciant dieu et l’animal tué qui leur permet de manger à leur fin.

« En donnant sa vie, mush (l’orignal) permet au chasseur de vivre. Il faut le remercier. Respecter le sacrifice. »



Les Innus possédaient leur propre langage. « C’est une forme de langage adaptée à un univers où la chasse et les saisons dictent le rythme de la vie. » Un langage que les jeunes générations ne parlent plus. Arrachées de force à leur famille, elles ont été transplantées dans des pensionnats pour les formater et les transformer en « personnes civilisées. »

Ils connaissaient par cœur forêts, lacs, montagnes. Des paysages qui n’existent plus, usés et souillés par le défrichage intensif des barrages, des centrales électriques, des usines à papier.

« Sorte d’Atlantide innue, ce lieu n’existe plus que dans les souvenirs des vieux comme moi et il disparaîtra pour de bon avec nous. Bientôt. Comme s’effaceront les chemins de portage tracés avec patience par des générations de nomades. Tout ce savoir s’évanouira des mémoires où il vit encore. »



On y découvre aussi les rassemblements avec les autres nomades, les cérémonies de mariages, la transhumance d’un lieu à l’autre, l’art de fabriquer les tenues ou celui des contenants… tout un monde disparu.

J’espère par ces quelques mots vous avoir donné envie d’en découvrir bien plus au sujet d’Almanda et des Innus et ce qu’ils sont devenus. J’ai été très touchée par cette histoire, par l’effacement de ce peuple, par la bêtise des hommes blancs et leur ignorance de la nature. D’autant plus quand on en voit aujourd’hui les conséquences. Et je remercie Michel Jean, son arrière-petit-fils, d’avoir allumé la bougie du souvenir et d’avoir porté à la connaissance de tous leur histoire.
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Tiohtiá:ke [Montréal]

J'avais très envie de lire ce roman et puis avec l'interview de Michel Jean sur Babelio c'est devenu une évidence. Partir à la rencontre des peuples autochtones, de leurs histoires, de Montréal et plus particulièrement du Square Cabot et de ses sans-abris. Ce sont les ombres de Montréal, ignorées des citadins.

Tiohtiá:ke c'est l'histoire d'Élie qui a purgé une peine de dix ans de prison pour le meurtre de son père et est banni à vie de sa tribu. Il a peur du monstre en lui et cache son secret, au gré de ses rencontres et avec un coup de pouce du destin nous découvrirons une belle personne.

Michel Jean raconte l'histoire de ces peuples du Canada, on leur a pris leur terre, leurs enfants, on a tué leurs chiens (ça je l'ignorais) pourtant ils sont toujours là, se reconstruisent, réapprennent leur mode de vie ancestral, font face à l'alcoolisme, aux piqueries et au racisme.

Dans Tiohtiá:ke, ils n'ont rien mais sont là les uns pour les autres, et c'est peut-être le plus important cette entraide.

C'est aussi un rapport à la nature omniprésent :

« Du gris et du bleu. Du roc et de l'eau. Entre les deux, là où le continent s'arrête, vivent six cents âmes dans un décor dantesque.

Démesurée, la nature déconcerte ceux qui viennent du sud. L'horizon prend de la distance, impose un silence à la fois beau et terrifiant. »

Et puis c'est l'écriture de Michel Jean empreinte de poésie, qui témoigne d'une dure réalité mais est porteuse d'espoir.

Merci aux éditions Seuil et à sa collection Voix Autochtones pour ce coup de coeur.

#Tiohtiá:ke # NetGalleyFrance

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Kukum

Ah, si chacun pouvait faire revivre son arrière-grand-mère de cette façon, nous serions tous enchantés et émus !

Mais tout le monde n’a pas une aïeule Innu, une « Kukum », comme Michel Jean !



Celui-ci descend d’une tribu indienne vivant au Québec, et il a voulu rendre hommage à son arrière-grand-mère Almanda, une Blanche, qui s’est mariée avec un Indien Innu.

Orpheline, elle a été recueillie par des gens bienveillants et chrétiens. Mais quand passe un bel Indien descendant la rivière sur son canot, elle succombe à l’amour.

Nous la suivons dans ses pérégrinations aux côtés de son mari et de sa famille, puisque les Innu ne sont pas sédentaires : ils se rendent les bois pour y chasser et tanner les peaux des animaux, et l’été, ils le passent auprès de l’immense lac Saint-Jean avec les autres.



A vrai dire, les innombrables descriptions de cette vie nomade m’ont un peu lassée, même si nous humons l’odeur piquante des sapins, même si nous jouissons du calme de la nature, du vent, de la neige, même si la paix nous enveloppe.



Mais à peu près aux deux tiers du livre, Almanda la narratrice nous livre son désarroi et sa colère vis-à-vis des colons blancs qui veulent introduire le progrès dans leur réserve, notamment avec le train, passant à quelques mètres de leur cabane ; ces colons blancs qui s’arrogent tous les droits en se transformant en touristes, en roulant comme des fous dans les pauvres rues de terre battue et en fauchant au passage quelques enfants ; ces colons blancs qui enlèvent les enfants pour les scolariser de force dans des internats, enfermés là-dedans pendant des mois sans aucune nouvelle de leur famille…



J’ai été beaucoup plus intéressée par cette deuxième partie car elle a fait naître en moi une révolte intense contre tous ces colonisateurs sans cœur, sans morale, sans empathie.

C’est pourquoi je viens de me procurer un autre livre de Michel Jean, qui cette fois parlera des conséquences de l’enlèvement des enfants Innus et de leur éducation à devenir Blancs.



« Kukum » : une ode à la liberté et au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, à travers une histoire familiale pleine de gestes simples et d’amour.

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Tiohtiá:ke [Montréal]

Tiohtià:ke un titre étrange? Il s’agit simplement du nom de Montréal en langue mohawk, un lieu habité depuis bien longtemps par les membres des Premières Nations, mais dans lequel ils sont présents, mais semblent devenus invisibles.



Condamné pour meurtre à 18 ans, l’Innu Élie sort de prison dix ans plus tard. Il ne peut cependant pas retourner dans sa communauté de la Côte-Nord, car la conséquence d’un meurtre y est le bannissement. Il se réfugiera dans la grande ville anonyme de Montréal où il peinera à trouver sa place. Mais il fera des rencontres précieuses, comme des jumelles du Grand Nord, des habitants d’un campement de fortune et des bénévoles généreux qui deviendront des amis qui l’aideront à accepter le passé et à affronter l’avenir.



Un roman qui n’est pas une grande œuvre littéraire, mais qui n’en est pas moins un livre essentiel, car il met ses lecteurs et lectrices en contact avec des membres de différentes communautés des Premières Nations devenus à Montréal des « itinérants », des « sans domicile ». Il lève aussi le voile sur les difficultés liées à la consommation d’alcool et de drogue, sur les problèmes sociaux et les conflits familiaux dans les communautés isolées et sur le peu d’intérêt accordé aux victimes lorsqu’elles sont pauvres et vivent dans la rue.



Un texte qui refuse cependant de s’apitoyer et de chercher des coupables. Il faut plutôt trouver des pistes pour survivre et définir son identité sans idéaliser « la vie d’avant ».
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Kukum

Quel dépaysement ! L'auteur a écrit ce livre en hommage à son arrière grand-mère qui, jeune fille de quinze ans, a quitté son oncle et sa tante pour suivre un jeune innu dont elle tombera, et restera, amoureuse toute sa vie. On suppose que l'histoire se passe avant 1900. J'ai été enchantée et surprise de voir que ce peuple, que les américains pensent inférieurs à eux, est moins sexiste qu'eux. La femme peut tenir un fusil, chasser et fumer. Alors question égalité... Des gens accueillants et attachants.

J'ai été sous le charme de cette lecture qui apporte, quelque part, du bien-être avec cette femme courageuse, combattante et libre. Michel Jean nous offre une écriture singulière qui passe de la dureté de la vie à la poésie.

À découvrir pour ceux qui ne l'ont pas encore fait.

Lu la semaine où j'étais avec mon petit-fils. Pourquoi je dis ça, moi ? Ah oui parce que kukum en langue innue veut dire grand-mère.

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Maikan

Août 1936. Alors qu’elles s’apprêtent à quitter Pointe Bleue pour entamer le périple familial qui va les ramener dans leur territoire des montagnes pour l’hiver, Marie et Virginie, deux jeunes amies adolescentes sont embarquées comme d’autres enfants de leur âge pour Fort George où elles rencontrent le jeune Charles.



Fort Georges, un bien joli nom pour un pensionnat lointain et dur, où le gouvernement canadien a décidé d’isoler les enfants autochtones « de leurs familles, pour les forcer à apprendre la langue et les manières des Blancs et ainsi les assimiler au reste de la population. » Et pour les encadrer, des religieux, qui vont rapidement montrer que les sauvages ne sont pas forcément ceux que l’on croit.



2013. Audrey Duval, avocate, recherche les rescapés de ces écoles ne s’étant pas fait connaître afin de leur restituer leur part des 1,9 Mds de dollars de compensation, octroyés par le gouvernement. Et plus particulièrement Marie, dont la trace se perd depuis des années…



Poursuivant son inlassable travail de mémoire, Michel Jean entreprend dans Maikan de rendre hommage à travers Marie, Virginie et Charles, à ces 150 000 enfants qui fréquentèrent pendant près de 20 ans ces pensionnats punitifs et criminels, destinés à « tuer l’Indien dans l’enfant ».



En sachant que sur les 139 pensionnats, 12 étaient sur le territoire du Quebec, l’auteur ne peut manquer de s’interroger : « Comment un peuple qui lutte contre l’assimilation depuis trois cents ans a-t-il pu lui-même tenter d’en acculturer un autre ? »



Comme dans Kukum, la délicatesse et la poésie mise dans chaque page de Maikan ne rend pas les châtiments et abus sexuels de ces religieux pédophiles moins abjects, mais il rend formidablement grâce au courage et à la résilience de ces enfants arrachés à leur culture, leurs terres et leur famille.



Une page d’histoire romancée et adoucie par la beauté de la relation entre ces trois ados, qui ravira les passionnés de culture amérindienne et séduira ceux qui la découvriront par ce biais le plus sombre.
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Qimmik

Assassinat sur la Côte-Nord et vie traditionnelle au Nunavik, un roman pour comprendre les Inuit.



Des policiers retraités sont assassinés alors qu’ils pêchent au bord d’une rivière à saumon.. Une avocate à qui on demande de défendre l’Inuk, accusé de ce meurtre. Celui demeure muet.



En parallèle, une jeune Inuk et son amoureux, les chasses à partir de Kuujjuarapik au bord de la baie d’Hudson. Ils se bâtissent des igloos et chassent le phoque, le béluga ou le caribou. Ils parcourent le Grand Nord avec leurs chiens de traîneaux, les Qimmik.



En plus de l’ode à la nature et de l’intrigue policière, le roman a un aspect documentaire. Il raconte le choc des sociétés, avec un historique de la « colonisation », avec la sédentarisation et l’implantation de barrages hydroélectriques.



Un roman plutôt court, au rythme soutenu, riche en informations, mais porté par une écriture à la fois précise et imagée.

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Maikan

Maikan signifie loup dans la langue Innue.

Mais un loup n'a pas le sadisme de la meute de loups cachés sous les soutanes !



Dans le pensionnat Fort George, à plus d'un millier de kilomètres des vastes territoires où vivaient ces indiens, au rythme de la nature, se retrouvent les enfants Innus.

Ils sont arrachés à leur famille, placés dans un environnement violent, dans le but de les assimiler de force.

Il vont perdre leur nom, se voir attribuer un numéro, doivent se plier à l'autorité catholique : tout est prétexte à subir des coups, des humiliations, des abus physiques,

moraux et abus sexuels.

Ils doivent oublier leur vie à parcourir les forêts, les bras et la tendresse de leur Kukum mais doivent tenir une lame de rasoir sur leur langue pour avoir oser parler leur langue première.

Tout est bon pour "tuer l'indien dans l'enfant" oublier leur langue maternelle.

C'est une lecture douloureuse qui fait mal, révolte.

J'ai lu le coeur serré, remplie de dégoût et révoltée face à cette cruauté. Car cette violence là, ces sévices sont infligés à des enfants, à la fragilité de l'enfance, à leur vulnérabilité !

On leur vole l'enfance, on efface leur passé rempli d'amour, de beauté et on les violente, les traite de sauvages, on empêche leurs mots, efface leur culture !

Même leurs rêves, la nuit, sont saccagés, violés !

Un véritable génocide culturel !

C'est ce que raconte ce roman, une réalité révoltante, insupportable : Un CRI d'indignation !



Audrey Duval est avocate spécialisée dans le droit des affaires. En parallèle elle se consacre à des missions bénévoles dont la recherche de trois Innus retirés à leurs familles lorsqu’ils étaient enfants. Ils devraient être indemnisés par le gouvernement canadien pour les violences subies.

Le récit alterne entre le regard des enfants dans leur environnement violent et celui d’Audrey partie à la recherche de trois vies anéanties.

Et c’est un soulagement pour le lecteur à chaque changement de chapitre !

L’auteur crée un lien entre les deux périodes 1930 d’une part et 2010 d’autre part.



C’est l’histoire de trois enfants qui furent arrachés à leur famille en 1936.

Virginie et Marie deux amies de toujours, deux inséparables, deux caractères différents la première courageuse, impétueuse, la deuxième plus craintive

Et émotive. Elles se soutiennent. L’une réconforte l’autre.

Le troisième Charles jeune garçon brave, débrouillard :

L’image du courage et de la bonté dans un monde qui en contient si peu. Entre Charles et Virginie un amour pur, immense : il adoucira les représailles d’une extrême violence qu’elle eut à subir.

Cet amour si puissant les portera vers une résistance, effaçant la peur du risque.



Ces trois enfants vont démontrer que dans l’enfer où rien ne leur est épargné, il persiste une lumière :

la fraternité, l’amour, la résistance.





Les phrases sont courtes, la plume d’une grande sensibilité : le pathos larmoyant n’a pas sa place

dans ce récit bouleversant. Le texte demeure tout en retenue. C’est beau, fort et éternel !



Ce grand roman porte la puissance de l’amitié, de l’amour il porte la voix de ces 150 000 enfants !

Cette voix s’élève aussi haut que les chants de ce peuple pour se souvenir toujours et graver l’injustice dans les mémoires :

L’histoire de l’extinction d’un peuple.

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Kukum

Que ce soit par le format ou la première de couverture, les livres des éditions Dépaysage attirent le regard et éveillent la curiosité.

Les avoir en mains, c'est déjà voyager.



Kukum nous emmène vers la péninsule du Quebec-Labrador, aux abords du lac Saint-Jean, à la rencontre du peuple Innu.

La vieille Almanda Siméon, arrière-grand-mère de Michel Jean, sa "kukum", nous raconte sa vie de nomade quand le territoire ancestral du Nitassinan était encore vierge de toute souillure industrielle.

Avec Thomas, le père de ses enfants et l'amour de sa vie, elle a appris à vivre au rythme des saisons de chasse, à remonter les pistes qui se hissent jusqu'en haut des montagnes pour en ramener des peaux à tanner et à vendre au marché de Pointe-Bleue durant l'été.



Et puis les bûcherons se sont mis à couper les arbres, saccageant la forêt, et les draveurs ont fait obstruction à la transhumance annuelle vers les territoires d'hiver par le lac.

Obligeant ses habitants à passer d'une vie de nomade à une vie sédentaire, de l'autonomie à la dépendance, le pauvre village de fermiers s'est petit à petit transformé en une ville industrieuse et prospère.

Le pire fut sans doute l'enlèvement des enfants par avions entiers afin de les instruire de force dans les pensionnats canadiens...dont on apprendra par la suite les agissements scandaleux.



Plus qu'un roman, ce récit est un témoignage poignant d'une lente "mise à mort" de tout un peuple et des vastes territoires qu'il occupait.

Que de peuples dépossédés à travers le monde dont on ne fait pas grand cas !!!



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