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EAN : 9791041411849
216 pages
Points (03/05/2024)
4.11/5   147 notes
Résumé :
Deux personnages qui narrent leur propre histoire, Elle et Lui.
Elle se remémore sa jeunesse, passée entre les lacs et les forêts de son territoire ancestral, le Nitassinan, jusqu'à son mariage qui la conduit à quitter les siens et à s'installer en ville.
Lui, journaliste à Montréal, vient se recueillir sur sa dépouille à Elle, et s'interroge sur son identité, car l'Indien, lui dit-on, il l'a en lui.
Elle, c'est Jeannette, la fille d'Almanda ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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C'est le troisième roman de cet auteur que je lis, et à chaque fois, j'ai l'impression qu'il me parle comme si on se connaissait depuis très longtemps. Michel Jean a le talent de questionner l'intime sans tomber dans l'exposition de soi, parlant de lui, de sa famille, plus largement de l'histoire des Innus et encore plus largement de celle des relations entre autochtones et Canada / Québec.

Le décès de sa grand-mère agit comme un catalyseur d'émotion et d'introspection sur l'auteur, le renvoyant face à lui-même. Lors des funérailles, une cousine de Jeannette lui dit : « Michel, l'Indien, tu l'as en toi ». Lui qui se sentait si peu autochtone à ce moment de sa vie, lui qui n'a pas grandi dans une réserve, lui qui n'a pas appris la culture de ses ancêtres. Lui qui avait l'impression de marcher dans un labyrinthe alors qu'il aurait pu demander le chemin à suivre à sa grand-mère. Michel Jean déterre alors sa propre histoire pour remonter vers ses origines.

La narration se fait à deux voix, «elle », la grand-mère, et « lui », le petit-fils, remontant chacun le sentier de leur parcours respectif, pour tresser le portrait d'un monde, celui des Innus et de Nitassinan ( « notre terre », le territoire ancestral des Innus ), qui n'a pas disparu mais se transmet génération après génération. Jeannette a fait le chemin inverse de sa mère, Almanda ( la magnifique héroïne de Kukum, Irlandaise devenue véritable indienne après avoir épousé un Innu ). Jeannette est née Shashuan Pileshish, « Hirondelle », une fille des bois, de la rivière et du lac Pékuakani. Elle a quitté le quotidien des chasseurs de la forêt boréale, a perdu son prénom indien, est devenue Jeannette par amour pour Thomas, mi-indien au statut de blanc, ce qui l'a exclue de sa communauté innu, l'a fâché avec son père et l'a forcée à se sédentariser à Pointe-Bleue. Michel, lui, journaliste, urbain, cherche à se reconnecter à l'Indien qui est en lui.

Et c'est très fort de voir comment les échos du monde de Jeannette se répercute dans celui de Michel, terriblement touchant aussi car Michel Jean est un conteur sensible, tout en retenu. Son écriture pudique, simple, minimaliste enveloppe le lecteur de douceur. On remarque à peine son écriture pour se focaliser sur le récit. Moins de mots mais chaque mot en dit plus, les silences disent beaucoup.

Il n'y a rien de rageur dans cette réappropriation culturelle, ce qui n'empêche l'auteur d'évoquer des sujets lourds comme le racisme subi par les Autochtones. Un exemple des humiliations qu'ont vécues au quotidien les Innus m'a particulièrement marqué. L'auteur y raconte comment, enfant, dans le cadre d'une représentation théâtrale scolaire, il a du jouer le rôle d'un iroquois tortionnaire du missionnaire jésuite René Goupil ( 1682 ), traumatisé et honteux de devoir mimer une attaque à la hache sur ce martyr.

Aujourd'hui, Michel Jean a fait inscrire sur les registres d'état civil officiels son appartenance au peuple innu. Il creuse son sillon d'écrivain d'une autre histoire des Autochtones canadiens, avec fermeté et sérénité, à l'image de ce magnifique dernier chapitre conclu en une émouvante passation culturelle avec son neveu, sur le lac Péribonka qui abrite sous ses eaux l'ancien territoire de sa famille englouti après la construction d'un gigantesque barrage hydraulique. L'indien en eux vit toujours.
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L'Indien, tu l'as en toi…
Cette assertion traverse le livre. Un livre dont la poutre maîtresse est l'identité. Sa recherche, son affirmation, ses conséquences. 25 chapitres aux deux intitulés « Lui » et « Elle », qui se succèdent comme ces guirlandes enfantines ou des personnages se tiennent par la main : la transmission étant un autre pilier important de ce roman familial. « Lui », c'est Michel Jean, l'auteur, « Elle » c'est Jeannette, sa grand-mère. Enfin, Jeannette, ou, encore Shashuan Pileshish, ou Hirondelle. le choix d'un prénom est déjà une confrontation avec l'identité.
Jeannette a eu une très longue vie, elle a vécu les bouleversements d'un siècle où tragédies et espoirs se sont succédés : une farandole d'une autre échelle. Ce pays, aussi vaste qu'un continent, le Canada, donne l'impression, à lire Michel Jean, qu'il a vécu des transformations bien plus importantes qu'ailleurs. Parce que c'est une terre du Nouveau Monde ? Nouveau monde ? Mais qui a décidé qu'il était « nouveau » ce monde ? En traçant le portrait de son aïeule, Michel Jean nous plonge dans son histoire mais aussi celle de son pays. Comme sa famille et sa terre sont vastes et si éloignées de certains lecteurs dont je fais partie, il arrive que l'on soit presque égaré devant cette énumération de lieux et de personnes. Heureusement, le style pur et précis de Michel Jean maintient l'attention. Ce va-et-vient permanent entre l'intime, l'expérience personnelle, l'introspection d'une part et d'autre part, les mutations sociales et politiques est passionnant. Que cette mise en perspective soit en outre double, celle de Michel et celle de Jeannette, renforce la richesse de cet ouvrage.
Pour n'avoir séjourné dans la Belle Province que peu de temps, je n'ai gardé de ce séjour que les bons côtés. Bien sûr, les atouts naturels mais pour rester dans le registre de l'humain, le souvenir d'une formidable convivialité, d'un sens de l'accueil rare… Cinéma et chansons aidant, j'ai toujours eu une propension à idéaliser ce pays. Lorsque Michel Jean évoque les tensions entre autochtones et certains descendants de colons, je mesure à quel point, ma représentation du vivre ensemble québécois doit être nuancé.
J'ai aimé ce livre à la fois instructif et émouvant, notamment les descriptions de la vie d'antan ou les scènes où le petit-fils et la grand-mère échangent.
Je ne sais pas si je reviendrai à Montréal un jour mais je lirai sans doute bientôt de nouveau Michel Jean.
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Je ne suis pas indienne, moi !

Livre après livre, en racontant les siens, Michel Jean nous invite partager sa réflexion identitaire, lui qui est redevenu officiellement innu par la « grâce » du gouvernement fédéral. Comme si l'identité était affaire de paperasse plus que de filiation, d'histoire ou de souvenirs…

On avait laissé Michel Jean avec sa Kukum adorée, son arrière-grand-mère Almanda : nous le retrouvons dans Atuk avec sa grand-mère, Shashuan Pileshish, Hirondelle en innu, Jeannette pour les autres. Mère et fille, et pourtant :

« le contraste entre Almanda et Jeannette est frappant. Deux personnes peuvent difficilement paraître aussi différentes, tant dans leur tenue que dans leur attitude. Elles semblent issues de deux mondes opposés. Pourtant, il s'agit bien d'une mère et d'une fille. »

À deux voix, Atuk alterne en mode choral, les témoignages d'« Elle » et les souvenirs de « Lui ».

À « Elle » les souvenirs d'enfance des migrations annuelles sur le territoire de chasse ; les histoires et légendes de Tsikapesh ou des chamans, écoutées à la veillée ; la quête périlleuse de nourriture en plein hiver ; l'école forc »e à Pointe-Bleue ; ou la rencontre avec François-Xavier, constructeur du chemin de fer qui allait signer la fin d'une époque mais ouvrir le début d'un amour, un temps devenu faute.

À « Lui » le retour sur ces terres qui abritèrent tant de batailles héroïques avant qu'elles ne cèdent la place à l'industrie galopante ; les souvenirs de la façon dont on lui apprit, petit, l'histoire du monde mais pas sa propre histoire ; l'évocation du racisme anti-indien à Radio Canada, sur un chantier à Midland ou contre une jeune autochtone en passe d'intégrer une école de Trois Rivières ; ou encore le délicieux souvenir d'une veillée de Noël en tête à tête avec sa grand-mère.

À eux deux, en commun, Nitassinan : le territoire. Mais aussi le rapport différent au temps : « Les Blancs vivent dans la crainte de l'avenir (…) L'Innu ne vit pas dans l'avenir, mais dans le présent. Qui sait ce qui l'attend demain ? ». Et enfin, ce sentiment insupportable d'illégitimité dans leur identité indienne, quand Jeannette épousera un Blanc, ou quand Michel ira en reportage à la rencontre d'autochtones « historiques ».

Atuk est une pierre de plus sur le cairn littéraire que construit Michel Jean, qui après Almanda, nous offre avec Jeannette, un deuxième et beau personnage de femme debout et aimante. Jusqu'à la fin…

« Mourir ne m'effraie plus depuis longtemps (…) Je ne le regrette pas quand je vois nos enfants réunis. Notre descendance, mon amour perdu. Je vois en eux un peu de nous. Et c'est ce qui réchauffe encore ma vieille carcasse décharnée. de savoir qu'un peu de nous vit encore et nous survivra. C'est fort, l'amour, quand on y pense, mon homme, non ? »
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Réédition d'un roman paru en 2012, qui raconte l'histoire d'une Hirondelle devenue Jeannette.

Le roman raconte la vie d'Hirondelle, la grand-mère Innue de l'auteur, devenue Jeannette par son mariage avec un homme blanc. C'était une injustice d'alors, une femme qui épousait un Blanc perdait son statut et était exclue de la communauté. La petite fille née sous la tente, habituée aux chasses de l'hiver et aux tâches traditionnelles, devra apprendre à vivre dans une maison et en utiliser les appareils domestiques. Elle élèvera ses enfants à la ville, même si elle n'oubliera jamais son clan.

Le roman c'est aussi l'histoire de l'auteur, ses interrogations sur sa propre identité, et même la confrontation au racisme gratuit. Par exemple, journaliste, une collègue refuse d'inviter un représentant des Premières Nations pour la simple raison « qu'elle n'aime pas les Indiens ». « Que ma simple identité génère le mépris et suscite en moi un mélange de honte et de colère. (Libre expression, p.104) »

Un roman à deux voix, qui apporte de belles réflexions, des émotions et des éclairages sur la condition autochtone.

Une lecture intéressante, même si je n'ai pas eu le même coup de coeur que pour le roman plus récent, Kukum qui traçait le parcours de son arrière-grand-mère. Il aurait peut-être mieux valu laisser passer un peu de temps entre la lecture des deux romans pour éviter un sentiment de répétition.
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Lorsque Michel Jean nous avait présenté Almanda, son arrière-grand-mère, nous avions été nombreux à tomber sous le charme non seulement de la personnalité envoûtante de sa Kukum, mais également de cette plume réconfortante qui de ses mots adoucissait la rudesse des hivers et du temps qui passe.

Dans Atuk, le récit se fait plus intimiste encore. Deux voix se répondent en un écho lointain. Il y a Lui et il y a Elle. L'auteur tour à tour se livre sans masque puis se glisse dans la peau de Jeannette, sa grand-mère.

Les souvenirs sont plus tangibles, sans doute parce que les photos défilent et que nous percevons toute la force de ces racines qui nourrissent alors même qu'elles se dévoilent. Pour l'un comme pour l'autre c'est un cheminement, une prise de conscience que leur vie ne se résume pas à ce qu'ils ont vécu mais que le parcours de leurs ancêtres les a impacté.

Tandis que Michel s'imprègne de sa part d'Innu, Shashuan Pileshish (Hirondelle) doit faire le parcours inverse, découvrant que les yeux bleus de sa mère, Almanda, sont le reflet de tout un pan de son identité dont elle n' avait pas conscience.

Et il serait formidable de simplement s'émerveiller de ces mondes qui se mélangent dans un être et qui en font naître de nouveaux. Mais le kaléidoscope de la vie n'a de cesse de trouver des obstacles sur son chemin. Histoire, sociologie et décisions politiques se chargent de l'illustrer. On ne comprend jamais aussi bien ces dernières que lorsqu'on prend le temps de mesurer leur impact sur une vie particulière. C'est d'autant plus le cas lorsque ces vies se trouvent à des carrefours, lorsqu'elles franchissent des barrières sans nier leur réalité.

J'ai adoré cette lecture, tant pour les émotions qu'elle provoque que pour l'analyse qu'elle permet. Je chéris tout particulièrement les moments de compréhension muette entre Almanda et Jeannette qui m'ont tellement émue. Je dois le dire, j'ai eu bien du mal à laisser s'envoler cette merveilleuse hirondelle.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
ELLE

Dans le bois, la communication , c'est souvent un simple regard. Un mot peut faire fuir le gibier ou signaler notre présence à un ennemi. Parler n'est
pas nécessaire. " Écoute et observe, avait l'habitude de dire ma mère. Goûte ,
touche, sens aussi." C'est ainsi que j'ai grandi. Et ces cinq mots , des mots simples qui représentent les cinq sens et qui incarnent toute la philosophie
de ma mère et des miens, depuis des millénaires, je les porte toujours en moi.
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ELLE
On devenait âgé tôt, dans ces années-là. Mais les vieux ne nous dérangeaient pas. Au contraire. Mon grand-père m’avait expliqué dès ma jeunesse qu’il fallait prendre soin des aînés.
- Sois toujours polie, petite. Si tu veux vivre vieille, il fait aider les aînés. Tu comprends cela ? Si tu ne t’occupes pas des vieux de ta communauté et de ta famille, c’est que tu n’es pas une bonne personne. Ça fait partie de la vie. Ne l’oublie jamais. (Page 120)
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Nitassinan. C'est ainsi que nous appelions notre territoire, mais je comprenais par le ton de la voix de mon père qu'il parlait d'autre chose.

« Nitassinan, mon enfant, c'est toutes les formes de vie réunies. Les forêts, les rivières, les montagnes, les lacs, les plantes, les pierres et les animaux qui l'habitent. Pekuakami en fait partie. Comme la dune de sable sur laquelle nous sommes assis. Nitassinan, mon enfant, c'est plus que cet endroit où nous vivons. C'est plus qu'un bout de terre où nous pouvons prélever de quoi survivre. Tu comprends? C'est nous.»
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« Qu’on le veuille ou non, la vie place des obstacles sur notre chemin […] À force d’essayer de les contourner, on peut s’égarer, et parfois il vaut mieux escalader la montagne plutôt que d’en faire le tour. Du sommet, on distingue mieux sa propre destinée. »

(Libre expression, p.147-8)
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Mais enfants et petits-enfants ont grandi dans un monde où les vieux n’ont aucune utilité. Quand j’avais des questions ou besoin d’information, je me tournais vers mes parents ou mon grand-père, qui savaient tout ce qu’il fallait savoir. Aujourd’hui, les jeunes se tournent vers la télévision, la radio et Internet. Les aînés ne sont plus considérés comme des dépositaires du savoir. Une vieille personne pour eux est quelqu’un qui ne travaille pas et dont il faut souvent s’occuper. C’est un poids. (Pages 228-229)
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