Citations de Mikaël Ollivier (357)
Mes parents et moi nous étions toujours très entendus, mais sans jamais vraiment avoir de dialogues intimes, sans jamais nous ouvrir les uns aux autres de nos problèmes, comme s’il était impudique et mal élevé de se confier à ceux qu’on aime !
Ma colère était passée, et je comprenais ce qui avait poussé Guillaume à me mentir, ou plutôt à ne rien me dire : la peur. La peur de me perdre, ce qui voulait dit qu’il m’aimait, ce dont j’étais certaine depuis le premier jour.
J’avais dix-sept ans, et je comprenais la rage de ces jeunes qui avaient cramé les voitures. [...] En fait, cette rage, c’était de la peur. La peur d’admettre que la vie n’est rien de plus que ce qu’elle est. Quand on a quinze, seize ou dix-sept ans, c’est vraiment dur, et presque impossible, de se dire qu’on va juste mener la même vie que ses parents, que la vie consiste seulement à trouver un boulot, se marier, faire des gosses, vieillir et puis mourir ensuite. C’est comme si on vous donnait un jeu absolument génial, aux possibilités illimitées, mais qu’en même temps on nous interdisait de dépasser le niveau 1 !
Quand on demande à un homme ce qu’il regarde en premier chez une femme, les trois quarts du temps, il répond “Les yeux !”. Ben voyons!… Moi, quand j’ai le choix, ce sont les seins sans hésitation. Mais comme ce matin-là je n’ai pas eu le choix, je peux dire sans mentir que la première chose que j’ai vue chez Clara était ses yeux.
On est là parce qu'on est retenus, par le chagrin d'un vivant, quelqu'un d'inconsolable.
Un bon diner couronne une bonne journée, ou sauve une mauvaise.
Pourquoi en grandissant, doit-on perdre sa capacité à l'émerveillement ? Pourquoi se met-on à attendre autre chose de la vie que ce qu'elle a à nous donner ?
L'adolescence était un luxe que les enfants de l'île n'avaient ni le temps, ni les moyens de s'offrir.
J'avais aimé l'idée d'être amoureux d'elle et qu'elle le soit de moi, le désir que nous avions l'un de l'autre, le plaisir que nos corps, comme par magie, étaient capables de se donner...
J'avais adoré me sentir un homme auprès d'elle.
Et c'est en vivant enfin normalement à Mayotte que j'ai compris que c'est parce que je connaissais si mal la vie sur cette île que, inconsciemment, elle me faisait peur.
Je ne crois pas avoir croisé de métropolitains fondamentalement racistes durant mon séjour sur l'île, mais je suis certain que tous, s'ils faisaient honnêtement leur examen de conscience, se rendraient compte qu'ils se sentent supérieur aux îliens, d'une manière ou d'une autre.
-Tu ressens quoi ? m'a demandé ma soeur.
-C'est comme si le printemps était venu rien que pour moi.
-Poète en plus ?
-Fait pas chier. Tu me demandes, je te réponds. C'est...
Aucun professeur de français, en nous présentant un nouveau livre, ne dit jamais :
« C’est l’histoire d’un homme qui… C’est l’aventure d’une jeune femme qui… Ce livre raconte la vie de… »
Quelle drôle d’expression, « faire dans la vie ».
Vivre ne devrait-il pas suffire ?
Je n'ai pas eu le temps de leur dire merci. Tu le feras ? Pour nous avoir adoptées, pour nous avoir élevées, aimées ...
Tu leur diras ? Et que tu les aimes aussi . Si la mort m'a appris une chose, c'est qu'il faut parler aux vivants.
(page 121)
Nous, les fantômes ? On est quoi, en fait ? Pourquoi on est encore là ?
On est là parce qu'on est retenus, par le chagrin d'un vivant, quelqu'un d'inconsolable. Du coup, on hante la vie, ou plutôt la vie hante notre mort. Et on ne peut rien y faire.
(page 81)
Les morts sont des invisibles, mais non des absents.
Évidemment, mon père s’est énervé. Il s’est mis à crier que c’était à Boisseau de rétablir le calme dans son collège, qu’il se devait d’assurer ma tranquillité et que la présomption d’innocence n’était pas faite pour les chiens. Il avait raison, bien sûr, sauf qu’en criant, il donnait raison à l’autre abruti.
Parce que je savais, au fond. Sans en avoir conscience, je savais. Tu n'existais pas, mais ton absence emplissait ma vie.
Puis est venu le sujet de Netflix, auquel ma mère était abonnée, et dont Nino ne voulait pas entendre parler non plus. Elle a lancé Je suis chez moi ici, et chez moi, personne ne regardera jamais Netflix ! On ne choisit pas un film comme des yaourts dans un rayon. (p.46)