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Critiques de Mircea Eliade (141)
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Le sacré et le profane

Mircea Eliade, historien des religions, délivre un court essai empruntant largement à l’anthropologie pour étudier le sacré à l’aune des mythes et nombreuses religions primitives peuplant notre vaste monde.



Eliade traque, dans cet ouvrage paru en 1956, les manifestations du sacré dans la vie humaine. Ces manifestations ou “hiérophanies” peuvent être spatiales, l’homme cherchant à être au plus proche de Dieu, à la fois proche du ciel et au centre de l’espace habité.

Le sacré est aussi temporel, à l’inverse du profane pour qui l’humain ne s’inscrit que dans les contingences d’un temps historique privé de sens, l’homme sacré voit dans le temps une forme de cycle, d’éternel retour, où l’on se purge du passé pour se régénérer, où l’on reproduit/commémore l’acte créateur du cosmos.



Entre sacré et profane, nous aurions tort de voir une démarcation figée, l’un engendre l’autre au cours de l’Histoire. L’auteur roumain met en évidence un processus de désacralisation du monde (que se soit notre rapport à la Nature, à la sexualité etc) toutes ces manifestations, si elles ne répondent plus à un ordre religieux défini, portent encore l’héritage d’un passé sacré qu’il soit superstitieux, politique (à l’exemple de l’eschatologie communiste) ou inconscient.



Une introduction à l’œuvre scientifique d’Eliade, par ailleurs romancier, qui en dit juste assez pour donner envie de suivre son sillon ou du moins, d’en savoir plus sur l’Histoire des religions.



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Minuit à Serampore - Le secret du docteur Hon..

Dans ces deux courts romans Mircea Eliade met en scène des situations où des humains se trouvent confrontés au surnaturel issu des traditions hindouistes. Puissance de l'esprit contre la matière, capable de transporter la conscience à travers le temps et l'espace, passage dans un monde parallèle, on retrouve là tous les ingrédients de la littérature fantastique. L'écriture est minutieuse, à la limite de la préciosité, étayée par de nombreuses références à des ouvrages écrits en sanscrit, langue que savait déchiffrer l'auteur. L'illusion est donc parfaite et la magie devrait opérer dès les premières pages. Hélas, le traducteur, croyant sans doute bien faire, a multiplié sans nécessité aucune les virgules, rendant la lecture chaotique et obligeant le lecteur à oublier les signes de ponctuation pour comprendre certaines phrases. Bizarre, bizarre…

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Le sacré et le profane

Mircea Eliade est un homme dont l’implication pendant la seconde guerre mondiale est problématique. Ces écrits savants ont été un appui pour l’idéologie nazie, il a soutenu Salazar… Malgré cela, ses écrits gardent un rôle clé dans les études actuelles. Ce qui est remis en cause, ce n’est pas ses idées mais sa méthodologie de travail. Elle n’est pas scientifiquement valide, il y a notamment un soucis avec les sources ce qui fait qu’il est maintenant considéré comme un mythologue et non un historien des religions.

Le sacré et le profane est un essai autour des différents points qui se retrouvent indépendamment dans différentes cultures et religions tout autour du monde. Il décrit une convergence des croyances entre peuples qui n’ont pas pu être en contact. Du point de vue géographique l’importance du lieu sacré et d’être le centre de son monde est mis en avant. Il existe des points communs aussi autour de la vision du temps et du sens de la vie. Le tout avec le questionnement autour de la façon de garder un sens à sa vie quand on a enlevé le sacré/la religion de son quotidien. Le coeur de ce texte est la comparaison et la mise en avant de ce qui est commun.

C’était intéressant, certaines expressions sont un peu datées et/ou des indices sur le fait qu’on est avec un auteur nazi. Il faut passer outre les occurrences de peuple primitif et autres tournures du même style qui ne sont plus accepté à l’heure actuelle. J’ai aimé qu’il parle de religions de peuple peu connus et voir comment il intègre leurs visions et celles des religions monothéistes.

Effectivement on n’est pas dans un essai d’histoire des religions sérieux mais ça reste intéressant d’un point mythologique. J’ai trouvé que ça pouvait même être une bonne base pour les auteurs par exemple de fantasy qui naviguent dans leur écrits avec des religions à inventer.

L’édition que j’ai est vraiment écrite petite et ce n’était pas agréable mais j’ai apprécié découvrir ce texte ce que je n’aurai probablement pas tenté si j’avais su le passé de l’auteur.
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Le sacré et le profane

Voilà un livre qui m'a bouleversée. Mircea Elliade a mis des mots sur bien des ressentis que j'ai eu sans trop pouvoir les exprimer. Il a su expliquer le sens premier des rites religieux (primitifs surtout). Habituellement je n'adhère pas à cent pour cent au contenu des essais, quelques chapitres épars partagent mes idées sans plus et je me sens éloignée à mille lieues des recherches des auteurs.

Ici Eliade a mis le doigt sur quelque chose de très profond: le sacré avec son temps et son espace. Bien sûr le sacré ne peut exister qu'en présence du profane. Celui-ci tient une place très peu importante dans le développement de l'essai, mais nous vivons tellement en lui en tant qu'hommes modernes qu'il est vraiment facile pour nous de le concevoir. Il n'en est plus de même pour le sacré.

Eliade s'est restreint dans son exposé, le thème est si vaste qu'il n'a pas pu développer les initiations, les rites de passages...

De nombreux exemples permettent de bien comprendre la progression des idées, il y a beaucoup de reformulations, mais honnêtement ce n'est pas gênant. Cela rend vraiment la lecture abordable pour tous, c'est manifestement un livre initiatique.
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Journal Himalayen

Extraits du journal tenu en Inde par Eliade en 1928-30, voici ses carnets de route, dans lesquels la forme diariste cède le pas au style classique du récit de voyage – avec en prime les verbatims des rencontres avec le grand poète Tagore, avec une femme indienne qui parle de la condition féminine dans son pays et avec un nationaliste remonté contre le colonialisme britannique. Les voyages de Mircea Eliade sont majoritairement inspirés par sa curiosité pour les lieux saints de l'hindouisme et les célébrations religieuses qui occasionnent des pèlerinages ; contrairement à ce qu'indique le titre du livre, ses pérégrinations le poussent de la frontière de l'Afghanistan jusqu'à l'île de Ceylan, du Bengale à l'extrême sud de la péninsule indienne. Il recherche des monuments, des échanges philosophiques avec des saints hommes et des ermites, des aventures qui parfois, vu la guerre d'indépendance naissante, le font même « passer par la case prison ». Les paysages et les climats sont très variés : des hauteurs himalayennes à la jungle, du désert et relative insolation jusqu'à la mousson et cyclone afférent, et le recueil se termine par une battue de chasse au crocodile. Les descriptions sont exubérantes, les compagnons de route éphémères, l'introspection est pratiquement absente et cette Inde en partie déjà comprise par ce jeune Européen qui y a provisoirement élu domicile n'est assurément plus exotique pour lui, mais elle constitue néanmoins, dans son énorme étendue et sa diversité infinie, un réservoir inépuisable de sensations et d'expériences extraordinaires, bouleversantes, extrêmes, à la vie à la mort.
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Les routes de l'Inde

Entre 1928-1931, le très jeune Mircea Eliade réside à Calcutta, doté d'une maigre bourse, pour apprendre le sanskrit et la philosophie indienne. Ce livre est constitué d'une version très écourtée du journal intime que l'auteur tient à cette époque, pour se détendre de ses longues journées d'étude ainsi que de la rédaction d'une œuvre romanesque naissante, et pour épancher ses humeurs fortement dépressives.

Contrairement aux attentes légitimement suscitées par les deux titres successifs de l'ouvrage – Journal des Indes et Les Routes de l'Inde – Eliade décide de supprimer de cette version publiée la substance qui eût été sans doute la plus intéressante : ses impressions du pays et du milieu social qu'il découvre, le journal de l'avancement de ses travaux, ses voyages en Inde, les échanges avec ses maîtres et autres personnages importants (la rencontre avec le grand poète Tagore est lamentablement réduite aux moindres termes), la situation politique particulièrement tendue de ce pays qui commence à lutter pour son indépendance. Hélas, à part un Intermède d'un quinzaine de pages sur ce dernier point, entre le Deuxième et le Troisième cahier, lequel est formé de notes extrêmement synthétiques sur des personnes et événements, sans aucune réflexion ni commentaire, le livre porte les marques des coupures de tout ce matériau d'une grande valeur.

Que reste-t-il donc ? Principalement deux choses. Le quotidien de ses relations sociales et surtout sentimentales avec les jeunes filles qui gravitent autour de la pension de Mme P. chez qui l'auteur habite, et les états d'esprit qu'il traverse au cours de ces années de surmenage studieux. Les deux sont caractérisées par une profonde insatisfaction, allant par moments jusqu'à la haine de soi. Le jeune homme se lamente de tout ce qui est prosaïque dans ces relations, de sa manière de passer tout le temps soustrait au travail intellectuel, et pourtant s'y vautre en alternant remords et concupiscence. Son défaut d'acceptation de soi et de ses actes mêlé d'un égotisme exorbitant, qui n'est sans doute pas sans rapport avec l'âge, il le qualifie d'humiliation, à la fois de soi-même et des autres, en particulier des jeunes filles avec lesquelles il a des relations. Avide d'ascétisme, qui est aussi son sujet de recherche, il considère ses écarts comme autant de « chutes », de dégradations, de « vulgarités », il donne de lui-même une image de gros fumeur, buveur, volubile et séducteur qui est peut-être surtout une représentation auto-dénigrante du jeune myope sociopathe.

Pourtant certains fragments sonnent particulièrement justes pour qui a eu une expérience de jeunesse semblable – long séjour d'études poussées dans un pays étranger éloigné de ses origines. Je pense surtout aux pages où sourdent les sentiments de nostalgie, d'être un étranger aux autres et à soi et les interrogations sur sa place là où l'on se trouve. En dérivent aussi plusieurs observations d'une grande acuité sur l'environnement en voie d'être découvert, l'entourage mixte dans lequel on peut évoluer, et même d'ordre plus général qui méritent d'être méditées au fil des pages.
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Les dix-neuf roses

Relecture (après environ 18 ans) :

Ce roman est complexe et polysémique, pourtant son rythme et la maîtrise parfaite de sa construction le rendent addictivement accrocheur.

Au premier niveau, le narrateur Eusebiu Damian, le secrétaire du grand écrivain vieillissant et en panne d'écriture A.D. Pandele, assiste et est personnellement impliqué dans la tentative d'anamnèse de celui-ci, confronté à l'impératif de se souvenir de ses actes accomplis la nuit de Noël 1938 (28 ans avant le temps de l'action narrative) dont découlèrent la naissance d'un fils inconnu et son abandon de l'écriture dramaturgique. Dimitri, son fils retrouvé, et la fiancée de ce dernier, Niculina, tous deux acteurs de théâtre talentueux, l'y feront parvenir, mais conséquemment les trois disparaîtront définitivement dans une dimension parallèle, dont Eusebiu Damian sera seul à revenir. Le côté ésotérique du roman est ainsi mis en avant, avec quelques indices d'apparitions et disparitions et sauts temporels tout au long de la trame, y compris dans le symbole convoqué par son titre.

Au deuxième niveau, l'anamnèse ainsi que le « déplacement » dans l'autre dimension s'opèrent grâce au pouvoir cathartique du théâtre (écrit ou lu outre que représenté), de la danse, de la musique. Cette idée de la catharsis chorégraphique et dramaturgique avait déjà été formulée par Antonin Artaud, mais Mircea Eliade la met ici en relation avec la psychanalyse jungienne, par la capacité que le théâtre possède de se rattacher aux mythes et aux archétypes : dans ce roman, il est question de plusieurs mythes : antiques (Orphée et Eurydice), récupérés par le christianisme (Orphée égale Jésus) ou proprement chrétiens (Pierre et Simon le Mage), ainsi que relatifs à l'épopée nationale roumaine. Il est suggéré que l'accession aux archétypes s'opère par la transe permise par les actions scéniques. Par contre, la résistance à cette lecture de l’œuvre théâtrale – que l'on pourrait qualifier de « chamanique » – comme s'y obstine Eusebiu pendant qu'il dactylographie les pièces de son « patron », le condamne à l'incompréhension totale de ces textes et de ce qui lui arrive dans la vie (ainsi qu'à l'insomnie chronique) que même un voyage en Inde ne sait éclairer.

Au troisième niveau, cette catharsis théâtrale constitue le seul moyen d'atteindre une liberté absolue, dont la modernité et les régimes politiques afférents – en particulier le communisme (le roman, écrit entre la France et les États-Unis en 1978-1979 a pour cadre la Roumanie des années 1966-1969) – tendent à déposséder les citoyens de plus en plus sévèrement. Le personnage principal, Pandele, qui redevient frénétiquement et prolifiquement dramaturge et critique théâtral, ainsi que son inspirateur et collaborateur, le mystérieux scénographe, réalisateur de cinéma et impresario Ieronim Thanase se défendent de donner de cette liberté absolue une signification uniquement ou principalement politique, mais la trame du roman ajoute un aspect d'intrigue politique haletant, avec une conspiration au sommet de l’État et l'enquête de l'inquiétant inspecteur Albini, travaillant pour la Securitate tout en étant féru de littérature gnostique.

Je ne sais plus, lors de ma première lecture, lequel de ces niveaux avait attiré le plus mon attention, sans doute le dernier, mais à présent je peux dire que les trois possèdent la même importance et que telle fut certainement l'intention de l'auteur.
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À l'ombre d'une fleur de lys...

J'ai lu plusieurs romans et ouvrages de Mircea Eliade, c'est un auteur que j'apprécie beaucoup et, quand je vois son nom sur un bouquin, je suis preneur. Peu importe ce qu'il propose, je suis certain que je vais aimer. Eh bien, pour la première fois, j'ai été déçu. Doublement. Son recueil de nouvelles À l'ombre d'une fleur de lys n'a pas réussi à capter mon intérêt, mon enthousiasme. Dans un recueil, peu importe l'auteur, il y a bien quelques unes des histoires qui rejoignent moins le lecteur. C'est normal. Incidemment, après une puis deux qui, bien qu'elles soient correctement écrites, ne m'ont pas accroché, je ne m'en faisais pas trop. Je me disais, « la prochaine, je vais l'aimer. » Eh bien non. Aucune – je précise, vraiment aucune – ne m'a accroché. Les personnages me rebutaient, ne me donnaient pas l'envie d'en savoir plus sur eux, ce qu'ils faisaient ne m'intéressait pas. Vraiment, une grosse déception.
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Le roman de l'adolescent myope

Probablement une de mes meilleures lectures de l'année.



Je préfère ne pas décrire le contenu de l'ouvrage et en rester aux impressions diffuses qu'il m'a donné. de nombreuses thématiques sont évoquées en filigrane, et ce style mi-journal mi-roman est extrêmement efficace, parlant.



J'ai parfois pu déplorer ces romans trop romancés. Celui-ci en est assurément le contre-exemple : l'ennui, le questionnement, le mal-être y tiennent des places certaines.



Suivre cette subjectivité fût très agréable, et je me suis reconnu dans l'évolution de l'auteur sur certains points : ses interrogations sur les certitudes, la duplicité, l'évolution de ses objectifs.



Doit-on forcément s'identifier à un personnage ou son auteur pour qu'un ouvrage puisse se comporter comme un miroir ?
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La nuit bengali

Une histoire d'amour qui... Encore une, mais ça touche.

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Images et symboles : essais sur le symbolis..

Sans hésitation je conseillerais à tout lecteur novice désireux de se familiariser avec les travaux de Mircea Eliade de les aborder par cet ouvrage en premier. Postérieur à ses « grands monuments », monographies et Traité d'Histoire des religions, et bien qu'il se compose principalement de cinq articles très spécifiques et assez indépendants l'un de l'autre, il est clair que le dessein du savant était désormais de tirer les conclusions d'années de labeur : les sujets des cinq chapitres per se peuvent être lus comme de simples études de cas, voire des exemples valant pour la méthode.

L'entrée en matière constituée par le long et précieux Avant-propos contient à elle seule quelques idées fulgurantes : le synchronisme « particulièrement heureux » entre l'entrée dans l'Histoire - par la décolonisation - des cultures que les Européens considéraient comme « exotiques » et/ou « archaïques » et la crise de leur propre positivisme, empirisme, historicisme ; par conséquent ils s'intéressent avec davantage de rigueur, de sincérité (et, pouvait-on espérer en 1952, avec un brin d'humilité...?) aux symbolismes et aux mythologies religieuses de ceux-là, alors que les « exotiques », eux, de toute la spiritualité européenne, s'intéressent principalement à ses deux sotériologies (doctrines du salut) : le christianisme et le communisme... ; une mise en perspective de la pensée symbolique par rapport à la psychanalyse, au réalisme littéraire, à l'épistémologie philosophique, à l'imagination dans les arts : cette perspective me semble confirmée par les études en neurosciences mêmes les plus récentes.

Cependant, le Chap. Ier, ayant pour objet le « Symbolisme du "centre" » ne se pose pas en rupture avec la nature introductive de l'Avant-propos. À travers ce sujet véritablement transculturel, attesté dans une multitude de systèmes religieux antiques et vivaces, la méthode de l'Histoire des religions, dans sa dialectique avec les « psychologies des profondeurs » est décrite, et le concept jungien d'archétype sera utilisé abondamment dorénavant. On note aussi le lien entre symboles, mythes, rites et les « situations-limite » ; ce lien conduit l'auteur à parler d'une « méta-psychanalyse » (p. 43) et à formuler une hypothèse vraiment étonnante sur un éventuel rapport entre l'inconscient et le logos (cf. cit. 3 infra).

Le Chap. II, « Symbolismes indiens du temps et de l'éternité », se consacre uniquement sur la pensée et la mythologie indienne ; il suppose a minima un intérêt avéré mais de préférence des connaissances préalables sur cette métaphysique. On peut aussi simplement constater les conséquences heuristiques immenses – notamment sur l'appréhension du réel – d'une pensée du temps cyclique, plutôt que linéaire comme la nôtre. Le chapitre se clôt sur les trois types de « sortie du temps » pratiqués par le yoga.

Le Chap. III, « Le "Dieu Lieur" et le symbolisme des nœuds » est fondé sur une comparaison entre les systèmes mythologiques des Indo-Européens, et un hommage y est rendu au « maître et ami » de l'auteur, Georges Dumézil. De tout cet ensemble très complexe d'éléments magico-religieux du « liage » des dieux avec les hommes et de ceux-ci entre eux, porteur surtout de maladies, de mort et de mauvais sorts, il est facile de retenir des évidences étymologiques comme celle latine entre « fascinum » et « fascis », ou la polysémie grecque de « katadesmos » (« corde, ensorceler ») (p. 151). Et l'auteur de conclure de façon fort suggestive :

« Cette multivalence du complexe du "liage" – que nous venons d'observer sur les plans cosmologique, magique, religieux, initiatique, métaphysique, sotériologique – est due probablement au fait que l'homme reconnaît dans ce complexe une sorte d'archétype de sa propre situation dans le monde. » (p. 155).

Le Chap. IV, « Remarques sur le symbolisme des coquillages », se retrouve aussi dans monde entier et de la préhistoire aux temps modernes. L'intérêt de l'étude réside justement dans cette étendue.

Enfin le Chap. V, « Symbolisme et Histoire » constitue d'abord un élargissement du précédent, par la généralisation sur le vaste ensemble des symbolismes aquatiques qui se déclinent depuis les eaux comme « fons et origo », jusqu'aux symboles judéo-chrétiens du Déluge et du baptême, en passant par les mythes de submersion du type « Atlantide ». L'origine aquatique des protozoa avait été anticipée avec moult perspicacité par Tertullien [à se demander combien d'intuitions scientifiques contemporaines nous viennes d'images archétypales immémoriales, y compris en physique quantique et en biologie...]. Je trouve particulièrement pertinent d'avoir choisi de conclure l'étude avec des images archétypales et des symbolismes qui semblent être si proches de nous, comme l'analogie entre la Croix et l'Arbre du Monde (cf. cit. 5), afin de nous ôter le sentiment que ces images, ces symboles, ces mythes n'appartiendraient qu'à une altérité radicale et éloignée, qu'ils seraient incommensurables avec notre logos, notre conception du monde, ou pis, que le rationalisme ne saurait cohabiter avec de telles absurdités « magiques » et « primitives »...

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Le chamanisme et les techniques archaïques de..

Ce volume est une somme inégalée sur le thème du chamanisme. Travail encyclopédique s'appuyant sur plusieurs milliers de références bibliographiques (estimation que je calcule des notes de bas de page, références qui révèlent le foisonnement des études ethnographiques allemandes, secondes à peine aux anglophones), il se revendique méthodologiquement de l'histoire des religions. Pourtant cette délimitation est bousculée et dépassée dans ses deux termes : les références historiques sont quasi absentes dans un traité pourtant extrêmement détaillé, et les religions – il en est mentionné une bonne dizaine dont le christianisme – sont allégrement transcendées. En vérité, il apparaît de cet immense ouvrage le caractère proprement universel et intemporel des croyances qui constituent les prémisses de la pensée chamanique, depuis que l'être humain conçoit son propre dualisme : corps-âme.

« Ce mythe de l'âme contient en germe toute une métaphysique de l'autonomie et de la liberté spirituelles de l'homme ; c'est là qu'il faut chercher le point de départ des premières spéculations sur l'abandon volontaire du corps, sur la toute-puissance de l'intelligence, sur l'immortalité de l'âme humaine. Une analyse de "l'imagination du mouvement" montrera combien la nostalgie du vol est essentielle à la psyché humaine. Le point capital ici, c'est que la mythologie et les rites du vol magique propres aux chamans et aux sorciers confirment et proclament leur transcendance par rapport à la condition humaine ; [...] » (p. 373)



Dans son essai intitulé Mythes, rêves et mystère, l'auteur avait déjà mis au point sa méthode comparatiste entre les mythes religieux et esquissé l'hypothèse que la « psychologie des profondeurs », par sa contribution à l'analyse des rêves et dans sa mission de soigner les maladies de l'esprit, puisse apporter sa pierre à l'édifice de la compréhension de ce type de phénomènes. Ici, le chamanisme peut paraître au profane un sujet beaucoup plus spécifique, presque folklorique, réactualisé aujourd'hui par des modes new age, mais même dans son domaine circonscrit, une fois défini et caractérisé avec précision, il garde une latitude temporelle, œcuménique et géographique impressionnante.

Latitude temporelle. Le paléoanthropologue Horst Kirchner a interprété le célèbre relief de Lascaux comme représentant une transe chamanique – la danse d'un homme à tête d'oiseau –, et la dernier cas de syncrétisme chamanique attesté dans l'ouvrage est la « Ghost-Dance Religion » de la fin du XIXe siècle en Amérique du Nord (cit. p. 256 sq.). Néanmoins l'auteur refuse toute chronologie, et les informations (documentaires ou archéologiques ou autres) relatives aux peuples préhistoriques ou paléohistoriques, par ex. les Indo-Européens (ch. XI), sont traitées de la même manière que les témoignages des ethnologues contemporains étudiant sur le terrain des populations océaniennes ou amazoniennes ou sibériennes etc.

Œcuménisme : « C'est dire qu'on serait mieux fondé à ranger le chamanisme parmi les mystiques que du côté de ce qu'on dénomme habituellement une "religion". On aura l'occasion de retrouver le chamanisme à l'intérieur d'un nombre considérable de religions, car il reste toujours une technique extatique à la disposition d'une certaine élite et constituant en quelque sorte la mystique de la religion en question. » (p. 24)

Géographie : entre la Laponie, la Sibérie, et l'Alaska, de l'Europe centro-orientale (Balkans, Hongrie, Roumanie) à l'Altaï, de l'Asie centrale sous influence de l'Iran, de l'Inde, de la Chine, de l'Indonésie à l'Australie et autres îles océaniennes, de l'Amérique du Nord à la Terre de Feu à travers tous les peuples précolombiens et encore survivant : seul le continent africain n'est que peu voire pas exploré, et, à en juger par mes lectures récentes (cf. La parole de la forêt initiale, de Tobie Nathan – Lucien Hounkpatin), son absence est due non au défaut de pratiques chamaniques mais au manque d'études ethnologiques sur le sujet à l'époque de la rédaction de ce traité (1946-1951). Les noms des innombrables ethnies citées m'étant par ailleurs majoritairement inconnus, j'ai souvent eu du mal à les repérer sur un territoire précis, et à savoir si elles étaient encore vivantes et indépendantes ou disparues et assimilées ou encore historiques tels les Scythes de l'antiquité.



En vérité, parmi cette matière première gigantesque, l'objet et la méthode de cet ouvrage peuvent ainsi se résumer : « Il s'agit de reconnaître dans cette masse énorme les mythes, les rites ou les techniques de l'extase qui peuvent avoir une structure chamanique. » (p. 298). Les mots-clefs sont les suivants : les mythes, conçus comme des représentations et des croyances, non comme des légendes ni des fables, sont organisés cognitivement dans des structures de pensée : souvent l'auteur utilise le terme « idéologie chamanique », mais je pense que, dans le vocabulaire d'aujourd'hui, et compte tenu des connotations de concept d'« idéologie », on dirait plutôt : « mythologie chamanique ». Définissent et appartiennent à cette structure non seulement une mythologie mais aussi des techniques de l'extase (le mot « transe » est également utilisé de manière quasi synonymique) dont certaines plus archaïques et d'autres plus « dégradées », moins puissantes, voire proches de la simulation (notamment à l'aide de narcotiques), et des rites, comme par ex. les rites d'initiation comportant une part de mystère et de secret (voire d'ésotérisme). La mythologie chamanique comporte aussi sa propre compréhension de la cosmogonie, de la mort de l'individu, de la maladie (rapt de l'âme, ou introduction magique d'un objet malfaisant, ou bien possession), et de la guérison, par intercession du chaman qui, ayant été initié donc instruit à dépasser sa condition humaine par le commerce avec les esprits, est à même de « voler » (dans les cieux, aux enfers, à l'intérieur du corps du malade) pour le sauvetage de l'âme du patient : la fonction thérapeutique, primordiale, pouvant accessoirement s'ajouter à celle de prémonition et au rôle de psychopompe (accompagnateur de l'âme des défunts). La maladie est au centre de la structure de pensée chamanique, et la vocation du chaman, même lorsqu'elle est héréditaire, a pour origine la maladie :

« Que de telles maladies apparaissent presque toujours en relation avec la vocation des "medicine-men", cela n'a rien de surprenant. Comme le malade, l'homme religieux est projeté à un niveau vital qui lui révèle les données fondamentales de l'existence humaine, c'est-à-dire la solitude, la précarité, l'hostilité du monde environnant. Mais le magicien primitif, le "medicine-man" ou le chaman, n'est pas seulement un malade : il est, avant tout, un malade qui a réussi à guérir, qui s'est guéri lui-même. Maintes fois, lorsque la vocation de chaman ou du "medicine-man" se révèle à travers une maladie ou une attaque épileptoïde, l'initiation du candidat équivaut à une guérison. » (pp. 39-40)



Le propos implicite de l'ouvrage est d'abord et surtout de repérer l'archétype du chamanisme le plus « pur », dans sa mythologie, ses rites et avec ses techniques à travers tout ce qui est attesté par un corpus d'études ethnographiques ; ensuite de croiser ce corpus avec d'autres mythologies et pratiques relatives à d'autres régions du monde, pour essayer de déceler des rapports de dérivation, d'influences et des syncrétismes qui, chemin faisant, diluent cette pensée en en conservant certains aspects seulement.

La structure de l'ouvrage est donc double : les chap. I-VIII, définissent les aspects caractérisant le chamanisme, sans négliger les peuples chez lesquels ils sont pratiqués ; puis les chap. IX-XII, progressivement, donnent davantage d'importance aux spécificités locales qui, de ce fait, deviennent périphériques ; enfin, le chap. XIII et la conclusion constituent une sorte de récapitulatif de certains « noyaux mythiques » communs.

Plus en détail :

Chap. Ier : « Généralités. Méthodes de recrutement. Chamanisme et vocation mystique » [Régions : Sibérie et Altaï]

Chap. II : « Maladies et rêves initiatiques » [Régions : Sibérie, Australie, Amérique du Sud, Amérique du Nord, Indonésie]

Chap. III : « L'obtention des pouvoirs chamaniques » [Peuples : Goldes, Yacoutes, Bouriates, Téléoutes, Esquimaux]

Chap. IV : « L'initiation chamanique »

Chap. V : « Le symbolisme du costume et du tambour chamanique »

Chap. VI : « Le chamanisme en Asie centrale et septentrionale : I. Ascensions célestes, Descentes aux enfers »

Chap. VII : « Le chamanisme en Asie centrale et septentrionale : II. Guérisons magiques. Le chaman psychopompe »

Chap. VIII : « Chamanisme et cosmologie »

Chap. IX : « Le chamanisme nord et sud-américain »

Chap. X : « Le chamanisme dans le Sud-est de l'Asie et en Océanie »

Chap. XI : « Idéologies et techniques chamaniques chez les Indo-européens » [chez les Germains, dans la Grèce antique, chez les Scythes, Caucasiens, Perses, dans l'Inde ancienne]

Chap. XII : « Symbolismes et techniques chamaniques au Tibet, en Chine et en Extrême-Orient »

Chap. XIII : « Mythes, symboles et rites parallèles » [Le chien et le cheval. Chamans et forgerons. La « chaleur magique ». Le « vol magique ». Le pont et le « passage difficile ». L'échelle. Le chemin des morts. L'ascension].

Conclusions : « La formation du chamanisme nord-asiatique.

Epilogue.
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Mythes, rêves et mystères

Ce livre rassemble une série d'articles datant de la première moitié des années 1950, qui démontrent la thèse suivante : plusieurs mythes religieux, mais aussi certains aspects de la religiosité (entendue comme le sentiment du sacré) voire même la symbolique liée à certains rites sont remarquablement communs entre les « modernes » et les membres des sociétés archaïques, à quelque tradition religieuse qu'ils appartiennent. Outre le rejet du concept de « primitif » et d'une quelconque hiérarchisation des religions anciennes et contemporaines, polythéistes ou monothéistes, un certain structuralisme dans l'analyse de ces mythes, croyances, pratiques ne doit pas cependant être confondu avec le matérialisme qui consisterait à corréler ceux-ci avec l'organisation (sociale, politique ou économique) de la société – même le lien entre une certaine mythologie et de prétendues sociétés matriarcales préhistoriques est récusé – ni à les réduire à des créations de l'inconscient. L'hypothèse très séduisante est énoncée, dans l'Avant-propos et passim, qu'il existe une corrélation entre les « rêves », tels qu'ils sont étudiés par ce que l'auteur qualifie de « psychologies des profondeurs » – pour ne pas l'appeler psychanalyse, bien que Freud et surtout Jung soient plusieurs fois cités –, ainsi qu'entre la « pensée collective » et les mythes religieux ; toutefois Eliade, en historien des religions, refuse totalement une approche « profane » - ou athée – qui réduirait le phénomène religieux aux fruits de l'imaginaire (cf. cit. 1).

Conformément à cette démarche, je trouve particulièrement appréciable que l'ouvrage s'ouvre par une étude de certains « mythes du monde moderne » - parmi lesquels j'ai relevé la lecture (cf cit. 2), même si je suis sûr que l'auteur, s'il avait pu écrire le texte aujourd'hui, presque 70 ans plus tard, en eût choisi d'autres...

Dans la même optique, « l'angoisse » qui fait l'objet du chap. III, a trait à la conception contemporaine « laïque » de la mort, sentie comme une fin absolue, associée au néant : inversement, dans toutes leurs différences, les religions sont presque unanimes à « valoriser » cette angoisse, dans la mesure où elles identifient la mort à un passage. Comportent également de très fortes et profondes analogies inter-religieuses le paradis (et sa « nostalgie »), les expériences sensorielles et mystiques du sacré, le « symbolisme de l'ascension » - voire simplement de la localisation du transcendantal « là-haut » dans les cieux -, ainsi que toutes les autres mythologies que la table de matières (infra) illustre clairement. Le lien entre religion et maladie-guérison est aussi incroyablement similaire.

Les traditions religieuses explorées sont impressionnantes par leur variété, dans l'Histoire et la géographie : néanmoins, conformément avec le magnum opus d'Eliade sur le chamanisme, déjà publié avant cet ouvrage, les références aux traditions chamaniques présentes de tous temps dans quasi tous les continents, et par conséquent à tant de rites centrés sur l'initiation et les mystères (conçus comme des processus de progression spirituelle et généralement caractérisés par la présence d'un enseignement secret), concernant aussi bien des hommes que des femmes, semblent nettement prévaloir dans toutes les analyses.





Table des matières :



I. « Les mythes du monde moderne » (1953)

II. « Le mythe du bon sauvage ou les prestiges de l'origine » (1955)

III. « Symbolisme religieux et valorisation de l'angoisse » (1953)

IV. « La nostalgie du paradis [...] » (1952)

V. « Expérience sensorielle et expérience mystique [...] » (1953)

VI. « Symbolismes de l'ascension et "rêves éveillés" » (1946, 1955)

VII. « Puissance et sacralité [...] » (1952)

VIII. « La Terre-Mère et les hiérogamies cosmiques » (1953)

IX. « Mystères et régénération spirituelle » (1954)
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Le yoga : Immortalité et liberté

Le meilleur livre sur le yoga qui existe. Il n'a pas pris une ride (1933 tout de même). Pour éviter à tous ceux qui parlent du yoga de ne pas parler sans savoir de quoi parlent-ils!
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Le chamanisme et les techniques archaïques de..

Le chamanisme est une mode , on lit sur les « rérézosocios » des monceaux d’âneries sur ce qui est sans doute la plus ancienne religion . Aussi pour se mettre les idées en place sur ce sujet est-il bon de revenir à un ouvrage ancien (1946) mais de la main d’un vrai spécialiste . Mircea Eliade en est incontestablement un (quoi qu’il ait été de contestable dans son passé personnel) ,j’ai énormément appris en lisant ses études sur les religions. .Celle-ci est extrêmement complète et explore toutes les dimensions du phénomène chamanique partagé par tant de peuples à travers les siècles. Comme thème littéraire et poétique voir aussi ce qu’en fait un romancier comme Volodine.
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La nuit bengali

De Mircea Eliade je connaissais les travaux sur l’histoire des religions, je n’avais jusqu’ici pas découvert le romancier. Je n’ai pas été vraiment sensible – et cela me désole un peu – au récit des amours contrariés d’Allan et de Maitreyi.



L’histoire se déroule dans les années 30 en Inde. Un jeune ingénieur est invité par son chef, Narendra Sen, à séjourner chez lui. En acceptant, il ignore alors qu’une grande histoire va débuter avec Maitreyi d’autant que dans un premier temps il la trouve noire (!) et peu attirante. Cette dernière, très érudite, à la personnalité complexe et déroutante, va rapidement le solliciter pour qu’ils deviennent amis. Allan, peu au fait, des mœurs indiennes, se laisse progressivement aller à une relation ambiguë, où la sensualité tient une place grandissante. Les deux jeunes gens, bravant la culture et la religion, finissent par succomber alors même qu’ils savent que leur amour est interdit, qu’il n’a probablement pas d’issue.



Le parfum du jasmin et des épices n’est jamais bien loin et l’Inde dessinée par Eliade est plutôt accueillante. L’auteur ne se prive pas d’égratigner ses compatriotes européens qu’il décrit comme imbus d’eux-mêmes, certains de leur supériorité, un brin racistes – et je retiendrai surtout du roman sa dimension historique, une vision de la colonisation dans ses derniers jours.



Malgré tout, et même si l’histoire est intemporelle et exotique, il est difficile de s’identifier à l’un ou l’autre des protagonistes. Je trouve Allan peu respectueux de la jeune femme et de sa famille – extrêmement bienveillante à son égard – et Maitreyi si exaltée que toute empathie est impossible.



La quatrième de couverture nous prédit un roman qui agit comme un sortilège – il n’a pas fonctionné sur moi. Peut-être le roman n’a pas très bien vieilli…ou alors c’est moi qui suis trop vieille 😊.



Challenge ABC – 2019/2020

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La nuit bengali

Un roman mystique, mystérieux et exotique. A lire absolument!
Lien : http://clubdelecture.tubize-..
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Minuit à Serampore - Le secret du docteur Hon..

Mircea Eliade est un auteur roumain fascinant : c’est un grand érudit (il a fondé l’histore moderne des religions) ayant produit de nombreux ouvrages sérieux, mais également un romancier. Et son œuvre narrative couvre plusieurs genres, allant du roman d’amour (La nuit bengali) au fantastique (Mademoiselle Christina).



Les deux nouvelles qui composent ce recueil mêlent les deux passions de l’auteur : spiritualité et fantastique. Dans la première, Minuit à Serampore, trois Occidentaux spécialistes de l’Orient vont passer la soirée chez une connaissance à quelques kilomètres de Calcutta. Sur le coup de minuit (évidemment, ça ne pouvait être à un autre moment qu’à cette heure propice aux manifestations de l’étrange !), les convives prennent leur congé. Sur le chemin du retour, ils sont témoins d’événements incompréhensibles et se perdent dans les bois. Ils croient s’en sortir en trouvant refuge dans une demeure singulière. Leurs aventures ne sont pas terminées… J’ai beaucup aimé cette histoire. Le début est un peu lent et il ne s’y produit pas tant (les romans mais surtout les films plus contemporains ont habitué les lecteurs à davantage de suspense et d’émotions fortes !) mais l’effet est tout de même réussi.



La deuxième nouvelle, Le secret du docteur Honigberger, m’a beaucoup moins plu. Le narrateur, un autre orientaliste, est de retour à Bucarest après un long séjour en Asie. Là, une vieille dame lui présente les documents de son défunt mari, lesquels contiennent les travaux du docteur mentionné dans le titre. Le reste de la nouvelle est constitué des tentatives du narrateur de déchiffrer ces documents et, conséquemment, les secrets qu’ils détiennent. Les pérégrinations de Honigberger m’avaient d’abord intrigué mais Eliade, en tentant d’expliquer ses théories philosophiques et spirituelles, m’a perdu. L’histoire devenait trop technique, trop cérébrale et je n’en comprenais pas tout le sens. Je m’attendais à une intrigue narrative, pas à un traité ésotérique. Le plaisir de lire n’y étant plu, mes yeux glissaient sur les lignes et je me suis rendu à la fin sans avoir tout saisi. Dommage.
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Les Roumains : Précis historique

Ce texte (réédition de 1992), publié pour la première fois en 1943, porte bien son nom. Il s’agit d’un très bref texte de vulgarisation sur l’Histoire des Roumains. La forme me semble parfaite, mais le contenu est inexorablement « daté » et sous le signe d’un certain parti pris. Ainsi, selon l’article wikipédia de Mircea Eliade : « En octobre 1940, après que la Garde de fer fut arrivée au pouvoir en même temps que fut instaurée la dictature militaire de Ion Antonescu (l’État national légionnaire, Statul Național Legionar), Eliade est nommé, grâce au concours d’Alexandru Rosetti, attaché culturel du régime auprès de la légation de Roumanie à Londres, poste auquel il sera mis fin bientôt à la suite de la rupture des relations diplomatiques entre la Roumanie et la Grande-Bretagne. Son séjour à Londres avait cependant duré assez de temps pour permettre aux services secrets britanniques de le cataloguer comme « le plus nazi » des membres de la légation roumaine. Après avoir quitté la capitale britannique, il remplit la fonction de Conseiller et de Responsable de presse (ultérieurement d’Attaché culturel) à l’ambassade de Roumanie au Portugal à Lisbonne, de janvier 1941 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’abord comme diplomate au service de l’État national légionnaire, puis enfin au service du régime d’Ion Antonescu. Sa fonction consistait à diffuser de la propagande en faveur de l’État roumain. »

C’est a Lisbonne que l’auteur rédige ce précis historique (cf. quatrième de couverture de la présentation éditeur).

À noter la présence d’une chronologie sommaire en fin d’ouvrage et d’une intéressante bibliographie. Le texte est divisé en trois parties presque égales dont la troisième a attiré le plus mon attention : la vie spirituelle des Roumains traite de la question du christianisme, des deux mythes de la spiritualité roumaine (cf. ma citation), des caractéristiques fondamentales de la culture roumaine ainsi que de ses personnalités marquantes (cf. mes autres citations de ce jour). Les deux autres parties traitent respectivement de l’origine et de la formation du peuple roumain, ainsi que des moments de références dans son histoire : Mircea « le Vieux »(1386-1418), grand voïévode de Munténie, l’esprit de croisade avec Jean Corvin et Étienne le Grand, Michel le Brave et l’union de toutes les principautés roumaines, les révolutions et les guerres pour l’indépendance et enfin l’unité.

À noter également la couverture qui représente le prince Neagoe Bessarab (1512-1521) et sa famille dans une peinture votive de l’intérieur de l’église du monastère de Curtea de Argeș.
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Forgerons et alchimistes

Je suis étonné d'écrire ici le premier ressenti sur l'ouvrage majeur du mythologue Mircéa Eliade. le livre ayant eu une forte influence sur les études de bon nombre d'ésotéristes et de psychiatres.

Selon les analyses de l'auteur, forgerons et alchimistes ont eu une place majeure dans l'évolution de nos sociétés se positionnant en médiums capables par leurs pratiques de transformer la nature à l'image de Dieu et avec sa permission. Transcendant le temps, ils pouvaient faire « murir » les métaux vils et les mener à la perfection de l'or.

Ces maîtres du feu se substituaient à la terre-mère pour enfanter sous leur marteau et dans leur creuset. Toujours rattrapés par le fait religieux, en plein accord avec lui.
 Eliade développe dans un ouvrage érudit, fourmillant de références ethnologiques la longue accession à la compréhension des mécanismes de ce monde. Sur tous les continents, de tout temps , les hommes ont disséqué la matière pour mieux la recomposer. C'était l'oeuvre des forgerons et des alchimistes d'autrefois, des chimistes et physiciens d'aujourd'hui que plus aucune barrière morale n'empêche de vouloir concurrencer maladroitement la nature. Les enfants de Saturne finiront par dévorer leur père.
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