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Critiques de Nathacha Appanah (1057)
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Tropique de la violence

C’est une histoire de l’intérieur. La violence à Mayotte, les bidonvilles, la pression migratoire. On nous présente cinq regards qui s’entremêlent parfaitement pour le récit. Et la quatrième de couverture ne m’avait pas préparé à un contenu si engagé.



Je retiens le coup au cœur quand arrive l’humanitaire qui croit pouvoir porter tout ça à bout de bras. Et ça fait du bien au roman d’avoir aussi le regard de ce jeune gars qui vient faire du bénévolat à Mayotte. Lui, le naïf, le prêt à tout pour aider et se rendre utile. Celui qui débarque sans avoir été prévenu, ce regard neuf et ahuri de découvrir:  « Mais c’est la France ici! » Et oui Mayotte c’est la France et c’est pas souvent qu’on en parle de Mayotte, de la vie à Mayotte, du bordel inhumain qui se vit à Mayotte. Il faut en avoir entendu de près des familles de Mayotte pour y croire. Il en faut des témoignages, pour comprendre ce qui se passe là bas. Parce que c’est loin de nos vies, loin tout court. « Ça ne t’atteint pas là où ça devrait t’atteindre » p144 comment le lire plus clairement?



Lire absolument, lire attentivement ce livre pour ne pas faire semblant de ne pas savoir. C’est un roman poignant qui donne à comprendre le chaos de l’île plus que ses beautés. Quelle impuissance. Quelle désillusion. Quelle violence. La vie à Mayotte est inimaginable.

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Rien ne t'appartient

La romancière mauricienne Natacha Appanah est particulièrement habile à décrire les renoncements, les espoirs et ces solitudes dans lesquelles il est si facile de s’enfermer, d'une plume qui sonde avec beaucoup d'acuité les états d'âme éphémères et ces petites sensations du quotidien qui nourrissent le sentiment de vivre.



Dans Rien ne t'appartient, Natacha Appanah nous dévoile l'histoire d'une femme, Tara, Vijaya, dont la vie aurait pu être tout autre sans changement de régime politique, sans catastrophe naturelle, sans inégalités hommes-femmes... Heureusement, résistance, amour et sororité existent !



On retrouve avec grand plaisir après le très réussi le ciel par dessus le toit, la plume poétique de l'écrivaine, ses personnages écorchés vif, ce drame qui, plutôt qu'il sépare est une occasion de retisser des liens.



Natacha Appanah nous livre un livre superbe, d'une langue sensuelle et politique qui sait user de nombreuses figures de style pour ne pas dire les choses mais les insinuer avec poésie et sensualité.



On aime ce que nous dit de la condition des femmes et de l’état du monde, de la désormais indispensable Natacha Appanah.




Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Rien ne t'appartient

Lorsque je rentre dans un livre, je ne veux rien savoir à l'avance. Sauf parfois, le nom de l'auteur. Jamais de 4e de couverture. Je plonge. Et soit la vague m'emporte, soit je reste sur place, il n'y a pas de milieu, pour moi. Et je n'avais pas non plus ce bandeau-photo du livre, c'était l'inconnu, et j'adore ça. Pour le meilleur et pour le pire.

Lorsque le roman commence, dans la première partie intitulée "Tara", l'héroïne du roman vient de perdre son mari. Il n'y a même pas trois mois. Depuis ce moment, Tara n'y arrive plus. Ni à vivre normalement, ni à manger, parfois. Elle a beaucoup maigri. Elle se rend compte que l'appartement est devenu un foutoir total : verres, assiettes sales, linge éparpillé, et cette odeur de marécage, métallique. Elle décide de ranger tout ça, parce qu'Eli, son beau-fils, le fils de son mari Emmanuel, doit passer.

Dans pas longtemps. À peine le bras tendu vers la table du salon, elle ne sait plus. Se retrouve confuse et perdue. Et elle voit un garçon, ce garçon, assis sur le fauteuil, il arrive comme ça, de plus en plus souvent. Il ne dit rien. Il ne sourit même pas. Ses tripes lui disent qu'elle le connait, mais.... elle le connaît elle en est presque sûre ! Ses mots aussi essaient de remonter à la surface, elle le sait ... enfin, elle l'a sur le bout de la langue ! Elle est confuse, commence quelque-chose et ne le finit pas. Elle ne veut pas qu'Eli la voie comme ça.

La deuxième partie est intitulée "Vijaya". C'est une petite fille élevée par des parents érudits, le père l'instruit à domicile. Elle vit heureuse entourée d'une nature foisonnante. Rada, une amie de sa mère, lui donne des cours de bharatanatyan, une des danses traditionnelles, on met des grelots aux chevilles, un sari spécifique, les gestes doivent être précis. Vivent avec eux, sur la propriété, Roy, le jardinier qui a perdu un oeil à la guerre et Aya, qu'elle connait depuis sa naissance, cuisinière et qui est aussi celle qui lui ouvre le monde des senteurs et des goûts. La moindre odeur est un enchantement pour Vijaya, elle connait celle de chaque arbre, celle de chaque plante, leurs propriétés, la cuisine est aussi un lieu de découverte et d'apprentissage sensoriel.

Tout est plaisir de vivre, les oiseaux, les perroquets, la musique, la chaleur du soleil, la fraîcheur des dalles des grandes pièces. le toucher des fleurs et des graines, les traditions aussi, les temples des anciens dieux. Mais un jour sa vie bascule, ses parents et Aya sont tués par des soldats. L'armée est au pouvoir.

Elle se retrouve dans un endroit où elle est enfermée, puis dans un refuge, avec d'autres filles "gâchées" comme elle. On lui coupe sa longue natte de cheveux noirs, on l'habille tout en blanc comme les autres, on lui prend ses quelques objets qu'elle a pu emporter. La directrice de ce refuge lui dit "Rien ne t'appartient, ici". On lui arrache tout, même son prénom Vijaya. Elle s'appellera Avril, comme son mois de naissance. D'ailleurs il y a ici Avril 2, Novembre 4.......Les filles travaillent continuellement telles des esclaves, elles font la blanchisserie pour les hôtels alentour, elles n'ont pas le droit de parler. Même ça leur est retiré.

C'est un livre tellement trop court, il contient tant de beautés et de tragédies qu'on en voudrait encore. La première partie, celle d'une Tara qui tombe en morceaux, on le ressent dans l'écriture de Nathacha Appanah qui, avec des phrases sans ponctuation, ou peu, nous fait ressentir l'écroulement mental de cette femme, on se demande quel âge elle a, est-ce l'Alzheimer, est-ce une maladie mentale, voit-elle des fantômes ? Pourquoi a-t-elle ce souci avec son prénom ? Dans la seconde partie, Vijaya est une enfant choyée, et on partage son monde empli de sensualité. On se pose la question de ce pays jamais nommé. J'ai passé toute cette partie-là à me demander. Vietnam ? Inde ? Indochine ? Pakistan? Sa vie continue dans des conditions tragiques propres à de nombreux pays et pourtant, de la beauté, elle en trouve, Vijaya. Et la fin du livre répondra à toutes nos questions.

C'est un livre magnifique, d'une grande beauté, c'est une splendeur de couleurs et d'ombres. Je l'ai lu d'un trait, dévoré. C'est un immense coup de coeur.

Magnifique livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique Babelio en partenariat avec les Éditions Gallimard, collection "Blanche", merci pour cette lecture en avant-première.
Lien : https://melieetleslivres.wor..
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La noce d'Anna

Anna veut se marier. Elle dit de l'heureux élu qu'il est l'homme de sa vie. Sa mère Sonia, devrait être joyeuse mais elle parait plutôt dubitative. Sa fille ne comprend pas son attitude. C'est que sa mère a un parcours "navrant" en matière de vie conjugale.

Dissuader sa fille ou l'encourager malgré tout car c'est bien ce que l'on attend d'une mère ; ce que Anna attend de la sienne. Celle-ci parviendra-t-elle à s'y résoudre, en dépit de ses peines, ses manquements et ses regrets ?



Les relations complexes mais affectueuses entre une mère et sa fille avec le mariage comme révélateur de questionnements refoulés. Alors, Sonia a-t-elle peur que sa fille connaisse la même trajectoire ou craint-elle de se retrouver face à elle même ?

La plume de Natacha Appanah est toujours aussi brillante mais je suis loin de partager tous les tourments de la mère.

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Tropique de la violence

Nathacha Appanah décrit la vie du jeune Moïse, 15 ans. Il a été adopté par Marie, une infirmière blanche installée à Mayotte, parce que sa mère une Comorienne ne voulait pas de lui à cause d'un oeil vert, signe du mauvais sort. Après la mort subite de Marie, Moïse livré à lui-même va connaître la violence, la délinquance, l'errance et faire face à ses vieux démons.



Pendant ma lecture je n'ai pas arrêté de penser à la chanson "C'est ça la France" de Marc Lavoin qui se termine comme suit :



Ouais, c'est ça la France

C'est ça la France

C'est ça la France

Enfin je pense



Mayotte, on est loin d'une île paradisiaque; avec Tropique de la violence on prend une bonne claque. C'est ça la France aussi...



Challenge ABC 2019/2020

Challenge Multi-défis 2019

Challenge Plumes Féminines











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La noce d'Anna

Sonia a fait et élevé son enfant toute seule. Depuis la naissance sans ce père qu'elle n'a même pas voulu retenir en lui apprenant sa paternité, elle n'est plus femme, elle n'est pas épouse, elle est devenue mère. La mère d'Anna. Elle n'a pas su, elle n'a pas voulu prendre le risque de la vie à deux. Elle a passé son existence à fuir. A se fuir elle-même. Elle n'existe que par et pour sa fille. Anna est le miroir dans lequel elle se projette, dans lequel elle idéalise la femme qu'elle aurait voulu être.



Aussi lorsque la trop sage Anna lui annonce son intention de se marier, que la noce se prépare et se fait, quelques vingt années de peur reviennent en sa mémoire comme un film qui remonte le temps. La peur obsessionnelle de ne pas être une bonne mère surtout. Mais aussi, bien au-delà de la naissance de sa fille, son introspection la fait réfléchir sur le sort qu'elle a elle-même infligé à ses parents, s'en culpabilise a posteriori. Elle perçoit dans ce qui lui arrive comme le juste retour des choses de son propre comportement. Égoïsme, lâcheté, les regrets l'assaillent. Elle mesure la souffrance des autres devant son indifférence. Insouciance, inconséquence de la jeunesse justifient-elles l'indifférence ? La peur de ne pas être une bonne mère mute en peur panique de sombrer dans l'oubli.



Avec de court roman, le lecteur est pris au piège d'une intimité, d'une solitude de mère célibataire. C'est un roman qui s'écoute plus qu'il ne se lit. Une voix off sur des images qui se forment au gré des souvenirs qui se racontent. Le lecteur devient témoin silencieux, confident attentif, subjugué et compatissant à l'écoute de cette mère qui se livre. Avec la crainte lui-même de la voir basculer dans le gouffre qui s'ouvre devant elle. Car Anna, la petite fille sage va s'en aller, forcément trop tôt, et vivre ce que sa mère n'a pas osé faire : vivre à deux.



Mais pourquoi la séparation serait-elle un bannissement ? Pourquoi ne serait-elle pas une libération ? Une chance de faire ressurgir la femme effacée dans le rôle de la mère. Une femme qui retrouverait son corps, ses envies, une nouvelle adolescence ? C'est le roman du blues lorsque l'oiseau quitte le nid. Ça sonne juste, c'est très touchant.

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En attendant demain

Quand le quotidien, les désenchantements, les désillusions rattrapent un couple, quand mensonges et banalités s'immiscent dans la relation de ce couple, quand le désir s'amenuise, quand les rêves se heurtent à une réalité moins douce, comment ne pas renoncer à qui l'on est, comment ne pas perdre pied quand il ne reste plus d'espoir ? Adèle incarnera cet espoir, la renaissance du couple au travers d'un projet secret, lourd de conséquences.

Dès le début du livre, nous savons qu'un drame a eu lieu. Mais que s'est-il passé il y a quatre ans, cinq mois, et treize jours ? Natacha Appanah nous embarque dans une intrigue fascinante. Par petites touches, elle distille des instants de vies, des dialogues, des réflexions, des souvenirs et sans nous en rendre compte nous devenons témoins de l'existence des personnages, nous apprenons à les connaître, partageons leurs émotions, leurs désillusions, leurs renoncements...

Je me suis laissée happée par ce récit très dense, qui donne dans le thriller psychologique; de très belles séquences de vie, des personnages attachants confrontant leurs rêves à la dure réalité des choses. Ce livre aborde aussi le thème de l'exil, de l'intégration et de l'identité. «Il y a autre chose que l’amitié entre ces deux femmes, il y a un pays, des images qu’il ne faut pas légender, des gestes qu’il ne faut pas décortiquer, la petite mémoire des enfances, la petite mémoire des pays qu’on quitte.»

Une très belle écriture, captivante, saisissante, subtile, sensible...et extrêmement visuel, une plume affûtée qui ne me laisse pas indifférente.



Envie de poursuivre ma découverte de cette auteure avec Le Dernier Frère, écrit en 2007.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Tropique de la violence

Tropique de la violence nous fait découvrir l'envers du décors de Mayotte. ce livre traite de la violence, de l'effroi, et des milliers de migrants qui se retrouvent entassés dans ce quartier "gaza". On y retrouve cinq personnages qui sont attachants autant les uns que les autres et au fil des pages, on reste coi, on s'étonne, on souffre aussi de toute cette tragédie qui se joue sur cette île que l'on souhaiterait paradisiaque.

L'auteur nous permet de nous rendre compte de ce qui se passe sur le territoire de ce nouveau département Français avec ses traditions, ses codes... C'est un très beau livre que je recommande !

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Petit éloge des fantômes

Nathacha Appanah revient sur ses fantôme, nos fantômes, le fantôme des autres. Ca peut être une grand-mère décédée, toujours présente avec ses croyances et superstitions mais surtout sa bonté; mais ça peut-être aussi un fantôme qui rôde pendant les quelques jours sans électricité après un cyclone sur l'Ile Maurice, le fantôme d'une soeur emportée par la vague au Sri Lanka; ça peut même être son propre fantôme, celui ou celle qu'on a été un jour et qui s'est endormi quelque part au fond de nous.

De beaux récits, personnels - même si certains sont fictionnels - autour de ces fantômes qui continuent à nous hanter, peut-être parce qu'on ne veut tout simplement pas les lâcher.

J'ai une préférence pour ceux vraiment autobiographiques, comme celles où Nathacha se rappelle la mort de sa grand-mère , le deuil selon la tradition hindouiste (en tant que Mauricienne, Nathacha a du sang indien dans les veines), la traversée de l'âme après la mort, mais aussi ce passé, l'enfance de ces grands-parents imaginent à défaut de la connaître.



Je n'ai qu'une envie, lire d'autres récit de l'autrice (hors Tropiques de la Violence, déjà lu).

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Tropique de la violence

Mayotte, violence, pauvreté, mort.

Je pense que ces 4 mots racontent ce livre. Plusieurs narrateurs pour raconter une histoire qui commence par les migrants comoriens, l'abandon et qui se termine par la mort violente.

Entre deux, Mayotte et son immense bidonville (surnommé "Gaza" par ses habitants, c'est tout dire), pauvreté, promiscuité, violence..... loin de la France.... très loin....

Un beau texte, un peu trop court à mon goût. Une bonne entrée en matière sur cette petite île si lointaine, territoire français loin de tout et surtout des droits de l'homme les plus basiques.
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La mémoire délavée

C'est toujours un grand plaisir de retrouver la plume de Nathasha Appanah. Gracieux, précis, élégant, son style est cependant d'un naturel éblouissant alors même que l'on comprend bien le travail qu'il y a derrière chaque mot.

Dans ce récit, qui met à l'honneur ses grands-parents, elle explique combien elle a eu à cœur de trouver les mots justes pour ne pas les dénaturer et leur rendre hommage avec tout l'amour qu'elle leur a porté.

C'est aussi un récit plus universel, celui des coolies émigrés de l'Inde coloniale qui se sont retrouvés esclaves des champs de cannes à sucre, notamment sur l'île Maurice.

C'est très émouvant voire bouleversant.

Merci Nathacha de partager votre talent et vos souvenirs avec nous.

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Le ciel par-dessus le toit

Un livre court et éprouvant, comme souvent avec Nathacha Appanah. J’ai retrouvé sa plume délicate, sa maîtrise des non-dits, de l’ellipse, ses révélations par petites touches au gré de flash-backs, …, mais là, j’ai trouvé l’intention de l’auteur plus brouillonne, on ne sait pas sur quoi elle a voulu mettre l’accent, il faut l’avoir lu en entier pour comprendre que l’essentiel est le poids d’un traumatisme vécu par une enfant sur toute sa vie adulte, et du coup sur les relations avec ses propres enfants. Ce qu’à subit Eliette, même si le mot n’est pas prononcé, s’appelle une agression sexuelle, n’en déplaise à certains lecteurs qui semblent trouver les réactions de l’enfant disproportionnées. Mais personne n’a vraiment cherché à comprendre, bien que son changement de comportement ait été immédiat. Tout le reste en découle, jusqu’à l’arrestation de son fils Loup. Le sujet est intéressant, mais c’est dommage qu’on ne le sente pas avec certitude d’entrée de jeu : dans Tropique de la violence, il est évident que c’est la violence qui est au centre de l’histoire, dans Rien ne t’appartient, tout est dit dans le titre, mais ici, rien : est-ce l’histoire de la famille qui est au centre, l’histoire de Loup et son arrestation, son enfermement en maison d’arrêt pour mineurs (qui pourtant n’occupe pas tant de pages que ça dans l’ensemble) ? En fait, vu le début du roman et le titre, j’ai l’impression que c’est les deux à la fois et du coup, ça fait beaucoup pour un livre si court et si dense. Mais quelle écriture, admirable jusque dans les moments de silence, et d’ailleurs le silence, entre Eliette et ses parents, entre Eliette et ses enfants, entre eux et le reste du monde, n’est-ce pas lui qui enracine les traumatismes ? Je sors de cette lecture un peu déçue et ce n’est pas le livre que je conseillerais pour découvrir cette auteure talentueuse.
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Rien ne t'appartient

Deux femmes se superposent dans cette histoire douloureuse.



Un pays qui peut en être plusieurs, une enfance brisée parce qu’un père montrait des idées trop avant-gardistes, un monde figé dans des coutumes ancestrales où la fille n’a aucune place si ce n’est celle attribuée traditionnellement, un tsunami qui tente de raconter l’horreur, un homme aimant, un beau-fils qui ne l’est pas moins.



Le livre s’ouvre sur une femme Tara, veuve depuis peu, en proie aux démons de sa vie précédente, dévorée par les douleurs, renonçant à ce que peut être la vie.



Car vie il y eut, mais massacrée dans l’histoire de l’autre femme Vijaya.

Une vie tout d’abord belle, idyllique, entourée d’amour.

Une vie ensuite bafouée, où comme lui dit une « gardienne » : « Rien ne t’appartient ».

À part ses souvenirs, ses pensées, ses rêves éloignés, tout est laid, humiliant, sans espoir.

Seuls l’amitié, le respect de l’autre adouciront ce semblant d’existence.

On est au-delà de l’humain dans cette histoire qui recense toutes les servitudes d’un pays, d’une mentalité et de la vie octroyée aux filles.



Une descente aux enfers qui se raconte au fur et à mesure dans ce livre à la façon d’un puzzle.

C’est progressivement que l’on reconstruit la vie de cette femme, de ces femmes, de Tara et Vijaya fusionnée dans la vie et la mort.



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Tropique de la violence

J'ai tendance à me méfier des livres avec beaucoup de prix littéraires.. généralement, ils finissent par ne pas me plaire et je ne comprends pas tout l'engouement qu'ils ont créés... Mais là, je dois dire que j'ai plutôt apprécié ma lecture. J'ai découvert une plume qui m'a plu. Sans fioriture, allant droit au but, percutante. J'ai aussi découvert des personnages vrais, avec leurs côtés sombres qui le hantent. J'ai découvert une région du monde, isolé, qui souffre d'une criminalité, mais qui est un jardin d'Éden pour les étrangers qui y viennent pour donner la nationalité française à leurs enfants, des clandestins, des boat people qui y voient la promesse d'un avenir plus clément... J'ai passé un très bon moment de lecture, même si, à quelques moments, j'ai trouvé les mots durs... Je retenterai un livre de cette autrice parce que l'écriture m'a beaucoup plu.
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Tropique de la violence

Dès les premières lignes de son sixième roman, Nathacha Appanah suit les pas de Marie qui, à 23 ans, quitte sa vallée, termine ses études d'infirmière un an plus tard et craque pour Cham, infirmier lui aussi, originaire de Mayotte. Elle l'épouse et le suit, à 28 ans, lorsqu'il revient sur cette île française nichée dans le canal du Mozambique, entre Madagascar et le continent africain.

L'auteure écrit simplement, de façon efficace et précise, permettant au lecteur de s'imprégner peu à peu de la vie, là-bas, où les clandestins ne cessent d'arriver sur ces embarcations de fortune, appelées kwassas kwassas. Devant la préfecture, la foule attend un permis de séjour alors qu'en face, c'est devant le dispensaire qu'une autre foule espère obtenir un ticket…

Marie veut avoir un enfant, sans succès. Elle donne à manger, chaque jour à une petite fille de clandestins qu'elle croise sur la plage mais sa vie bascule lorsque Cham la quitte pour une Comorienne et refuse de divorcer. Aussi, elle n'hésite guère lorsqu'une jeune fille lui donne son bébé aux yeux de couleurs différentes, un noir et un vert, l'hétérochromie. Elle le prend, l'appelle Moïse et l'élève sans oublier tous ces enfants qui naissent dans la maternité de Mamoudzou, la plus grande de France !

Moïse a grandi. Il lit et relit toujours L'enfant et la rivière de Henri Bosco mais sa mère qui souffre de maux de tête, rêve de revenir au pays et ses rapports avec son fils se dégradent de plus en plus.

À partir de là, Nathacha Appanah qui est née à Mayotte et y a vécu les premières années de sa vie, nous plonge dans le drame avec une tension grandissante sous « ce soleil de Mayotte qui fait craquer les dalles de béton et éclater le goudron. » Tour à tour, parlent Moïse, Bruce, Olivier, Stéphane puis Marie à nouveau.

Bruce, s'appelle en réalité Ismaël Saïd. Il est le caïd de Gaza, nom donné au quartier déshérité de Kaweni, à la lisière de Mamoudzou : « Gaza c'est un bidonville, c'est un ghetto, un dépotoir, un gouffre, une favela… » Et c'est la France !

Nous partageons la vie de ces clandestins toujours plus nombreux sur cette île de 200 000 habitants mais qui en compte plus du double. Nous suivons les tentatives inutiles pour sociabiliser ces gosses qui sombrent vite dans le vol, la drogue (le chimique), et la délinquance.

Devant un tel constat, que faire ? Tropique de la violence ne propose aucune solution miracle mais ce roman à la fois très réaliste et très poétique suscite émotion et révolte. Il brise le silence qui s'installe aussitôt après l'agitation médiatique sporadique que suscite le passage d'un politique venu de métropole.
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Tropique de la violence

Magnifique histoire sous les tropiques, dans un pays de fleurs, de soleil et de vacances, mais qui est aussi de misère et violence. Pas de misérabilisme, pas de bons sentiments, mais une lumière crue sur nos vies, nos espoirs déçus, nos rêves brisés. Ici le focus est sur les laisser-pour-comptes et sur cette mère déracinée et en mal d’enfant. Puissant et prenant. Et violent.



Roman choral, parfaitement réussi, avec une alternance de style selon les protagonistes parfaitement maitrisée.
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Tropique de la violence

Un coup de coeur, un coup de coeur qui remue, qui frappe fort, une lecture douloureuse, une lecture qui titille les consciences et qui va me hanter un moment. Le témoignage bouleversant, intelligent et révoltant de Nathacha Appanah sur Mayotte est dur et éprouvant, elle décrit une réalité difficile à entendre, à concevoir, à admettre, qui touche, saisit, déchire, insupporte. Une vérité crue et violente à laquelle on se doit de ne pas passer à côté.

Le message passe violemment mais ... sûrement, grâce à une écriture tour à tour poétique, sensible, vive et acérée, violente ... :

violence des mots «...ce jour-là, j'ai failli te tomber dessus et t'éclater comme une papaye et tout de toi, ton oeil vert ton sang ta merde ta bave ton foutu sac tes couilles ta bite ton coeur, tout ça je voulais le voir par terre, sur mes mains et sur les murs» ,

violence des images «...j'en ai vu des petits corps baignés d'écume».



Tropique de la violence porte bien son nom et dresse un portrait très réaliste de la sombre et miséreuse situation dans laquelle Mayotte est plongée : "l'île aux parfums" voit aujourd'hui affluer un nombre considérable et constant de migrants à bord des kwassas kwassas, augmenter la violence et la délinquance. De nombreux jeunes sont livrer à eux-mêmes, à l'instar de Moïse (personnage principal de ce roman) ou encore de Bruce.

Moïse, au parcours incroyable, entouré d'amour et de bienveillance enfant, il partira lui comme tant d'autres à la dérive, déboussolé, désorienté, ancré dans la misère, la crasse et la violence, dépossédé de tout, ne jouissant ni de bonheur ni de plaisirs quotidiens ... Comment venir en aide à ces jeunes ? Comment guérir ce pays ? C'est tout un système à revoir, à corriger, à créer ... encore faut-il sans donner les moyens ! Les politiques, absents, sauf au moment des élections sont à vomir !

Il y a bien Stéphane qui travaille pour une ONG, mais connaît-il la réalité de la vie de ces jeunes ? «[...] je l'écoutais mais ses paroles ne rentraient jamais en moi, c'était comme de la pluie sur ma peau, ça coulait, ça coulait et, à mes pieds, il y avait une grosse flaque de mots.»

Beaucoup trop d'inégalités, de souffrances, d'indifférences ... règnent et gangrènent les quartiers difficiles. «[...] il n'y a jamais rien qui change et j'ai parfois l'impression de vivre dans une dimension parallèle où ce qui se passe ici ne traverse jamais l'océan et n'atteint jamais personne. Nous sommes seuls. D'en haut et de loin, c'est vrai que ce n'est qu'une poussière ici mais cette poussière existe, elle est quelque chose. Quelque chose avec son envers et son endroit, son soleil et son ombre, sa vérité et son mensonge. Les vies sur cette terre valent autant que toutes les vies sur les autres terres, n'est-ce pas ?»



Moïse se rattache à ses rêves «C'est une vie magnifique que d'être un baobab sur une plage.», à son livre «L'enfant et la rivière» véritable talisman protecteur, un moyen de se raccrocher à la vie, à la réalité si dure soit-elle, de retrouver Marie, de ne pas sombrer définitivement ... il est nostalgique de son enfance, il regrette certaines de ses pensées, de ses actes ... «Qu'est-ce qu'on sait de nos cœurs et de ces choses de notre enfance qui nous rattrapent par la cheville et nous retournent brusquement ?»

Un garçon extrêmement touchant ...

«J'aurais voulu pouvoir voler, regarder ce foutu monde de haute, de très haut, être inatteignable, inattaquable, invincible, invisible. J'aurais aimé être un homme oiseau, non j'aurais aimé être un oiseau tout court et piailler ici et partout. J'ai imaginé ... mes souvenirs s'envoler en fumée, mes pattes décoller, mes ailes s'ouvrir et alors, je vole ... Je suis léger et puissant à la fois. Je chante. J'allume le soleil, je suis faiseur de pluies, je fais des merveilles.»

On aurait tant aimé un destin plus gai pour lui, plus réjouissant moins difficile. Mais par manque de cadre, de soutien et même solidement armé, il est difficile voire impossible de résister à l'appel de la violence, de la rue ...

«Sa voix est douce et grave, une voix d'adulte qui sait les choses, qui pourrait tout comprendre, tout réparer. [...] Je voudrais lui dire ... que j'ai été un garçon qui lisait des livres, qui écoutait de la musique, qui était un as du Lego...que la peur m'a paralysé pendant des mois.»



J'ai beaucoup aimé la construction de ce roman, un roman à plusieurs voix, les personnages tour à tour témoignent, donnent leur point de vue, reviennent aussi d'entre les morts pour nous offrir leur ressenti, évoquer les souvenirs ou tout simplement raconter leur mort; ce procédé apporte richesse, profondeur et originalité à ce témoignage.



De l'émotion vive à chaque page, un aller simple en enfer, celui des laissés pour compte, là où le vide et le chaos règnent en maîtres !



Âmes sensibles armez-vous de courage, ceux qui sont à la recherche d'une lecture détente, revenez un peu plus tard ... et quand vous vous sentez d'attaque, faites un détour par Mayotte, ce lieu où l'on ne maîtrise plus grand chose, où tout part à la dérive, un tout petit endroit qui a tant besoin d'aide !



«Mayotte connaît depuis plusieurs années une montée inquiétante de la violence et de la délinquance. Le cent unième département, surnommé l'île aux parfums ou l'île du lagon, fait également face à une pression migratoire constante venue des Comores, de Madagascar et même de quelques pays africains. Presque vingt mille personnes ont été reconduites à la frontière en 2014 mais les kwassas kwassas continuent d'arriver tous les jours sur les côtes mahoraises. Cinq cent quatre-vingt-dix-sept embarcations ont été interceptées en 2014. On estime à trois mille le nombre de mineurs isolés qui vivent durablement dans le cent unième département de France, sans foi ni loi.»
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La mémoire délavée

Acheté en prévision de mon séjour l'ile Maurice ( que je connaissais deja) et lu lors du voyage aller et fini le premier jour ( la tempête forçant à rester cloitré!) . Très beau récit, intime, de cette remarquable écrivaine sur ses parents , grands parents et arrière grands parents...C'est plein d'émotions, de poésies et c'est un regard sur l'histoire de cette ile biensur mais plus généralement sur les émigrés et leurs façons de s'intégrer en gardant puis en laissant leurs racines ....de génération en génération. pas de jugement sur cela et c'est tant mieux!
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La mémoire délavée

De souvenirs et pensées en mémoire familiale.



« Quand revient le temps des étourneaux qui se déploient dans le ciel pour dessiner des figures […]

J’essaie de décrypter le ballet des étourneaux […]

C’est à la tombée du jour qu’ils apparaissent. C’est à la tombée du jour que nous sommes les plus vulnérables.[…]



L’autrice délivre ses confidences sur l’histoire de sa famille, la découverte des non-dits et des silences, des joies et des peines. C’est un récit très intime et personnel, raconté avec pudeur, délicatesse et poésie. Je l’ai beaucoup apprécié.

J’ai trouvé les interprétations avec les étourneaux – dont j’ai livré quelques extraits - d’une très belle puissance évocatrice ; à l’orée, subtile et poétique, du récit.



Il y a dans cette quête comme une investigation sur les traces d’un passé, un besoin de marcher sur des empreintes fragiles pour mieux comprendre son chemin et se réaliser, c’est un vibrant hommage à ses grands-parents, à ses ancêtres, empreint de respect et de tendresse.



J’ai découvert aussi l’histoire des engagés indiens que je ne connaissais pas.

Leur exil… De l’autre côté de « l’Eau noire » sur l’Ile Maurice.



C’est un récit familial poignant de toute beauté sur la puissance de l’héritage de nos ancêtres, sur le pouvoir de la littérature aussi.

La violence côtoie la douceur dans leur histoire. J’ai trouvé beaucoup de dignité aussi.

Une belle déclaration d’amour à ses aïeux.

*

J’ai été ravie de rencontrer Nathacha Appanah lors d’un salon littéraire, elle dégage tellement de douceur et de sérénité, une force tranquille.



J’ai ressenti de belles émotions avec cette lecture grâce à la plume de Nathacha Appanah.

Certaines lectures résonnent en nous, elles touchent des cordes sensibles par rapport à notre vécu, notre histoire familiale. Ce fut le cas ici pour moi grâce aux liens très forts que j’ai entretenus avec mes grands-parents et aux souvenirs d’enfance à la fois très prégnants et nébuleux parfois.



J’ai lu jusqu’à présent quelques romans de l’autrice, et j’imagine que « Les rochers de Poudre d’Or » son premier roman doit être pertinent à lire après ce récit.

De plus, j’ai beaucoup aimé l’objet livre – édition Mercure de France, collection Traits et portraits, contenant des photos archives de l’autrice, et d’autres illustrations.

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En attendant demain

Quelle belle prose, sensible et juste, évocatrice, que celle de Natacha Appanah, que je découvre avec En attendant demain. Dès le début, nous savons qu'un drame s'est produit, il y a quatre ans, cinq mois et treize jours. Je l'ai d'abord lu comme un thriller psychologique, dans la hâte de découvrir ce qui est arrivé à Anita et à Adam, à Laura, à Adèle, pour changer ainsi leurs vies irrémédiablement. Ne pouvant me défaire d'un sentiment persistant d'insatisfaction, et n'arrivant pas à passer à un autre roman, je l'ai repris du début. Je n'avais pas remarqué certains détails, à prime abord, qui font la beauté du texte. Le foisonnement des thèmes qui y sont abordés: les sentiments et les aspirations de la jeunesse, les choix de vie, le deuil des idéaux, la perte, le traumatisme, les préjugés de classe, de race, la création artistique, l'inspiration... La couleur jaune, omniprésente, pour contrebalancer, peut-être, la noirceur. La symétrie, dans la construction romanesque, qui relie les êtres. Je ne l'ai pas regretté.



Look at the stars / Look how they shine for you / And everything you do / Yeah they were all yellow

Coldplay, Yellow
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