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Critiques de Patrick Chamoiseau (215)
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Lettres créoles : Tracées antillaises et contin..

Très complet mais destiné aux chercheurs plus qu'à des simples lecteurs
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Une enfance créole, tome 1 : Antan d'enfance

Quel bonheur de lire ce livre généreux, plein d'humour et de poésie, riche d'une langue française enrichie de créole et de l'inventivité de l'auteur. A lire sans modération.
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Texaco

Que raconte Chamoiseau par le biais de ce bouquin? Cette histoire, c’est celle de la Martinique sur cent cinquante ans à travers le regard d’une femme Marie-Sophie. Durant les six parties du roman :



Annonciation

Temps de paille

Temps de bois-caisse

Temps de fibrociment

Temps de béton

Résurrection

Le lecteur suit la quête identitaire du peuple antillais marqué par l’esclavagisme et le colonialisme. Dès les premières pages du livre, le lecteur prend conscience de la lutte entre deux populations : les gens du quartier Texaco et ceux de l’En-ville. Texaco, c’est au départ un bidonville de Fort-de-France qui se transforme progressivement en quartier, c’est le symbole de la lutte, c’est un espace habité par des gens qui ont réussi à se libérer de leur état d’esclave, c’est la vie en communauté. Mais encore, dans les premières pages, le lecteur découvre le merveilleux personnage de Marie-Sophie Laborieux. Elle est le centre du quartier Texaco, elle est sa fondatrice. Ce dernier s’est construit autour d’elle et des réservoirs de pétrole de la célèbre compagnie. On apprend dans cette partie que la survie du quartier Texaco dépend de ce que Marie-Sophie a à raconter à un urbaniste qui souhaite voir le quartier détruit en raison, entre autres, de son insalubrité.



Alors, j’inspirai profond : j’avais soudain compris que c’était moi, autour de cette table et d’un pauvre rhum vieux, avec pour seule arme la persuasion de ma parole, qui devrais mener seule – à mon âge- la décisive bataille pour la survie de Texaco. (p. 19)



Il y a donc un profond enracinement dans l’oral qui est présenté (spécificité de la créolité dans le roman et de l’imaginaire antillais). La parole semble représenter la mémoire collective de ce peuple. En replongeant dans son passé, Marie-Sophie Laborieux (signifiant faisant référence à la mère, à la sagesse et au labeur) tente de démystifier l’idée que son quartier est primitif, qu’il ne possède aucune organisation sociale et qu’il est sans culture. La parole devient son arme. Par son discours, elle souhaite qu’il y ait une prise de conscience positive envers les siens.



De plus, par sa parole, Marie-Sophie amène l’urbaniste à changer sa position par rapport à Texaco. Elle lui fait prendre conscience de la dimension cachée de son quartier : l’harmonie.



En écoutant la Dame, j’eus soudain le sentiment qu’il n’y avait dans cet enchevêtrement, cette poétique de cases vouée au désir de vivre, aucun contresens majeur qui ferait de ce lieu, Texaco, une aberration. Au-delà des bouleversements insolites des cloisons, du béton, du fibrociment et des tôles […], il existait une cohérence à décoder, qui permettait à ces gens-là de vivre aussi parfaitement, et aussi harmonieusement qu’il était possible d’y vivre, à ce niveau de conditions. (p. 269)



Grâce à la force de sa parole, Marie-Sophie convainc l’urbaniste de la nécessité et de l’importance du quartier Texaco.



Mais encore, il est question d’une quête liée à la liberté à la fois individuelle et collective dans ce récit. Marie-Sophie aborde l’histoire de son grand-père et de son père qui ont dû vivre une prise de conscience par rapport à leur droit à l’égalité. Ils ont dû s’éveiller et lutter. À cet égard, le symbole de la liberté est associé à l’En-ville dans le roman. L’En-ville apparaît comme étant la lumière au bout du tunnel pour les noirs. Marie-Sophie ira elle-aussi y travailler afin de poursuivre le chemin amorcé par ses pères. Elle réalise que le milieu urbain n’est qu’un endroit de passage pour elle et ses semblables. Il est marqué par la solitude et le repliement sur soi. Les habitants du quartier Texaco partagent le même rêve : entrer dans l’En-ville. Ils souhaitent être enfin acceptés pour qui ils sont. En faisant annexer Texaco à l’En-ville, ils ne perdront pas leur créolité et leurs valeurs. En faisant partie de l’En-ville, les gens de Texaco auront la chance de bénéficier des biens élémentaires, ce qui constitue la base pour être dans le monde. De ce fait, ils deviendront libres et ils auront lutté ensemble tout en gardant leur identité.



Il est question aussi d’Aimé Césaire dans ce récit ce que j’ai beaucoup apprécié. Marie-Sophie aborde son importance. Elle mentionne que les noirs deviennent très sensibles, grâce à lui, à des mots comme autonomie et assimilation. Césaire devient le drapeau de l’espoir :



Il nous porta l’espoir d’être autre chose. (p. 275)



Césaire permet aux noirs de réaliser qu’ils peuvent conquérir l’En-ville. Il leur démontre qu’ils peuvent réussir en étant des personnes noires. Il leur fait réintégrer leur couleur, leur âme.



Le dernier désir de Marie-Sophie Laborieux est directement relié à la parole. Elle ne souhaite pas que le nom du quartier soit changé.



Je lui demandai une faveur, Oiseau de Cham, faveur que j’aimerais que tu notes et que tu lui rappelles : que jamais en aucun temps, dans les siècles, on n’enlève à ce lieu son nom de TEXACO, au nom de mon Esternome, au nom de nos souffrances, au nom de nos combats, dans la loi la plus intangible de nos plus hautes mémoires, et celle bien plus intime de mon cher nom secret qui – je te l’avoue enfin- n’est autre que celui-là. (417-418).



Le nom du quartier ne peut qu’évoquer le discours de l’endroit. Le nom Texaco est en fait le véhicule de la mémoire et de la parole du cœur.



Dans la dernière partie du roman, les gens du quartier sont enfin libres et autonomes. Le livre est d’ailleurs clôt sur cette vision :



Je voulais qu’il soit chanté quelque part, dans l’écoute des générations à venir, que nous nous étions battus avec l’En-ville, non pour le conquérir (lui qui nous gobait), mais pour nous conquérir nous-mêmes dans l’inédit créole qu’il nous fallait nommer-en nous-mêmes pour nous-mêmes- jusqu’à notre pleine autorité. (p. 427)



Marie-Sophie devait raconter la spécificité de l’histoire de la Martinique. Il fallait qu’elle refasse ce voyage dans le temps pour plonger dans l’identité antillaise, la nommer, l’affirmer et célébrer la créolité en reconnaissant l’existence d’un quartier : Texaco. C’est la réappropriation individuelle et collective de la créolité dans toute sa grandeur qui est exprimée.



Il y a également de nombreux référents à la religion dans ce récit. L’urbaniste semble associé au Christ et les différents temps relèvent d’une symphonie quasi-biblique débutant avec le sermon jusqu’à la résurrection symbolisant la renaissance du quartier.



https://madamelit.ca/2018/12/21/madame-lit-texaco-de-patrick-chamoiseau/
Lien : https://madamelit.ca/2018/12..
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J'ai toujours aimé la nuit

Chamoiseau Patrick – "J'ai toujours aimé la nuit" – Points/Sonatine, 2017 (ISBN 978-2-7578-7075-4)

– première publication en 2013 sous le titre "Hypérion victimaire, Martiniquais épouvantable" aux éditions "La branche"



Un de ces rares romans qui allient magnifiquement la force de l'écriture avec celle des thèmes évoqués.



Le thème principal ici traité est celui de la jeunesse à l'abandon, de ces adolescent-e-s d'aujourd'hui issu-e-s de différents milieux sociaux, livré-e-s sans défense et sans recours aux trafiquants de drogue, aux illusionnistes des pires médias "conviviaux", aux créateurs de ces "réalités virtuelles" et "jeux" vidéos violents déstructurant les jeunes individus rivés à leurs écrans (cf pp. 51, 134), de cette jeunesse qui ne (re)connaît plus aucune autorité ni aucune identité (cf p. 35, 80-81, 135) puisque les puissant-e-s de ce monde ont réussi à détruire les fondements même de la vie en société, au premier rang desquels la famille (cf pp. 100-103, 154, 222), de façon à atomiser les individus ainsi manipulables et façonnables au gré des "besoins" des "marchés" mondialisés.



La destruction systématique des référents représentés par les parents – et tout spécialement les pères – est ici illustrée avec une rare profondeur, et ce, jusqu'à la dernière ligne de la dernière page...



Bien évidemment, le centre de ce maelstrom est axé sur l'extrême violence engendrée par le trafic de drogue (cf pp. 48, 60, 258) – un cancer sociétal contre lequel aucun gouvernement n'a jamais entrepris quoi que ce soit, bien au contraire, on vit même en France des ministres "de gauche" et "écologistes" encourager ouvertement la consommation de cannabis, et toute la bien-pensance est actuellement en train d'imposer le "cannabis thérapeutique" en comptant bien sur l'effet domino attendu et en paralysant toutes les forces de police qui serait tentées de lutter contre ce fléau.



Ce sont là des thèmes maintes fois traités avec plus ou moins de succès par différents auteurs, depuis l'immense succès en librairie que connut en 1955 le désormais classique "Chiens perdus sans collier" de Gilbert Cesbron. Il convient de relire ce roman pour bien mesurer à quel point la délinquance juvénile n'a fait que se radicaliser et s'étendre depuis l'après guerre, là encore sans qu'aucun gouvernement ne mette en œuvre la moindre mesure réellement efficace, et ce en toute connaissance de cause puisqu'il existe un nombre incalculable d'études de toute sorte exhibant les racines du phénomène.



Évoquer ces thèmes ne suffiraient donc pas à conférer à ce roman de Chamoiseau une mention spéciale, non, ce qui frappe dans ce texte, c'est son extra-ordinaire qualité littéraire : des personnages construits et pensés, une intrigue incisive et inexorable, des décors urbains d'une effarante justesse (cf pp. 33, 220), tout contribue à la grande efficacité du récit, mais il convient encore d'évoquer un élément tout aussi extra-ordinaire, propre à cet auteur.



Cet élément, c'est la langue ici mobilisée, observée, disséquée. A l'heure où les sbires et freluquets à la Macron étalent leur arrogance en cultivant l'entre-soi du sabir franglisch ou du globish, Chamoiseau embellit, enrichit notre langue française des apports créoles, antillais, urbains.

Mieux encore, en quelques scènes magistrales, il montre comment cette jeunesse est littéralement ravagée par son manque d'outil de communication (eh oui, à l'heure des soi-disant réseaux sociaux conviviaux), que ce soit dans le vêtement (cf pp. 96, 130), dans la gestuelle (cf pp. 155, 171) ou par la langue utilisée, une langue en ruine, en lambeaux (cf pp. 116—118).



Un roman exceptionnel, à lire, à relire, à offrir...

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Solibo magnifique

Un roman truculent ou le marqueur de paroles, Patrick Chamoiseau, nous entraine dans une enquête policière ou le crime n'a pas eu lieu. Drôle et tragique, poétique et violent, un roman intense et magnifique a la hauteur de Salibo, son personnage principal.
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Frères migrants

Patrick Chamoiseau lance un appel en nommant son texte « Frères migrants ». Toi, mon frère, que je ne vois pas, toi, mon frère, que j’oublie, traversant mers agitées, voyant l’horreur, aux mains des passeurs, pardonne-moi mon indifférence. Dans un monde où les lucioles ont cessé de briller, Patrick Chamoiseau nous harangue d’être plus humains, car sur ces radeaux, sous ces camions, sur ces routes, ce sont bien des êtres humains. Des corps identiques aux nôtres. 206 os comme nous. Des hommes, des pères, des fils, des frères. Comme les nôtres. Nous gardons les paupières fermées, parce qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Et si justement nous pouvions ? et si ce n’était pas la question ? Et si nous oubliions consommation, mondialisation, frontières pour ouvrir nos cœurs ?



C’est un discours politique, une parole fondatrice, ou refondatrice pour un ordre moral nouveau, pour rendre hommage aux petites mains et grands cœurs qui accueillent les migrants, qui commettent les délits de solidarité, aussi indécent que ce terme puisse paraître. C’est une parole pour ouvrir les yeux. C’est une parole pour éveiller les cœurs. C’est de la littérature.



C’est un texte puissant, truffé de concepts et de références culturelles (bien trop pour moi) qui en a rendu la lecture un peu fastidieuse et c'est la raison pour laquelle je ne mets que deux étoiles. Même si il y a indubitablement des pages fulgurantes, une parole fondatrice ou qui veut l'être se doit d'être accessible, et elle ne l'est pas tant que ça, malgré tout le talent de Patrick Chamoiseau.
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Osons la fraternité !

Par delà tout bavardage stérile, toutes les formules à l'emporte-pièce ( par exemple ,celles relatives à la "misère du monde"!! ), tous les raisonnements des plus farfelus aux plus implacables, laissons parler les artistes , les écrivains , les poètes qui , dans cet ouvrage , nous disent , mieux que personne, la douleur, l'effroi,l'urgence, la souffrance mais aussi l'espoir, la Vie qui ,malgré tout, palpite et se bat.



Loin des discours ,loin du raisonnable qui cache en réalité notre trouille et notre égoïsme, écoutons ces Veilleurs qui nous disent l'Humain avec des mots si vrais ,si beaux....

Lecture indispensable!!
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Manman Dlo contre la fée Carabosse: Théâtre conté

Superbe pièce pour enfants où s'affrontent des imaginaires de divers horizons, en laquelle on peut voir une seconde lecture : celle du monde européen qui tente d’acculturer le monde colonisé, qui lui, garde ancrées ses traditions. Et cri! Et cra! Et misticri! Et misticra!
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Une enfance créole, tome 1 : Antan d'enfance

Dur dur pour moi... 3 fois que je le recommence et je n'avance pas...
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J'ai toujours aimé la nuit

J'ai toujours du mal avec les romans noirs ou j'y adhère et j'aime énormément ou cela ne prend pas et je décroche, pour celui-ci à mon grand regret j'ai rapidement peiné dans ma lecture.



Et pourtant le début était prometteur à mes yeux, un flic se fait braquer par un truand lors de sa dernière nuit de service, mais ou le récit pourrait être haletant je l'ai trouvé d'une platitude extrême et j'ai trouvé que cela tourné en rond, cela parle essentiellement de drogue, du tueur qui n'aime pas la jeunesse et je pense que les mots latins qu'il emploi tout au long du récit ont alourdi encore ma lecture.



On suit également la vie du policier mais la aussi pas de grand rebondissements, à mon plus grand regret j'ai mis très longtemps à finir ce livre pourtant plutôt court.



Aucune empathie de mon côté pour ses personnages, je n'ai également ressentie aucune atmosphère particulière ce qui est pourtant en général l'effet recherché dans ce type de lecture.
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Une enfance créole, tome 3 : A bout d'enfance

Antan d'enfance est une trilogie martiniquaise sur l'enfance et la "créolité" (ça existe, ça ?). Tant pis, je veux juste dire le plaisir que j'ai eu à lire .atrick Chamoiseau. La langue est une merveille d'humour. C'est magique.
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J'ai toujours aimé la nuit

attiré par la 4ème de couverture qui promettait plus qu'un polar, une description de la Martinique contemporaine, j'ai assez vite déchanté. Certes, ce roman de Patrick Chamoiseau, prix Goncourt, se lit facilement, mais la promesse n'est pas du tout tenue. En fait de portrait de la Martinique, l'auteur nous livre une liste interminable d'exactions commises sur l'île, la transformant en un enfer qui surpasse n'importe quel autre ghetto dans l'horreur. Et c'est là le parti pris de tout le livre : essayer de capter la fascination morbide du lecteur et d'aller toujours plus loin dans le crime, à grands coups de superlatifs. Patrick Chamoiseau semble victime de la tendance contemporaine qui frappe les romans, séries et films noirs : la surenchère du glauque et du sang, oubliant presque que l'angoisse réside au moins autant dans la psychologie que dans les faits bruts et l'hémoglobine. Presque car le personnage du tueur est assez bien étudié. Pas sa personnalité, dont le portrait est grossier (abusé quand il était petit, éducation autoritaire, bla bla bla) mais certaines de ses envolées qui ne sont pas sans rappeler Jules Winnfield, le tueur éloquent interprété par Samuel Lee Jackson dans Pulp Fiction.
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Frères migrants

Un très belle écriture pour parler des migrants et du monde.
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Le papillon et la lumière

Quelques pages qui suscitent 300.000 questions à la seconde. Chamoiseau, prodigue.
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Frères migrants

L’auteur de Texaco tire parti du lyrisme pour dénoncer la précarité, et à travers elle, l’antique mouvement des migrations. « L’insidieuse barbarie » est ici circonscrite au monde contemporain et occidental, par son terme géographique, l’Europe, et par ses causes, « le paradigme du profit maximal » et « la paix néolibérale ». La solution viendrait de la Mondialité, « écosystème de la relation universelle non anthropique » par opposition à la mondialisation, et d’autres entités majuscules mal définies : la Relation, l’Ouvert, l’Autre, les Lieux. On le voit, le discours hésite entre l’assurance poétique et la tentative d’analyse.



On trouve ici de belles phrases : « Islamophobie insécurité identité immigration… sont des mots tombés monstres ! » (p 16), « La vocation d’une Nation est ici d’accueillir toute la misère dont la rendent comptable son expérience, son ampleur fondatrice, sa décence historique ! » (p 63), « Tout déverrouiller en soi pour mieux ouvrir en nous le sanctuaire de l’humain, c’est notre liberté » (p 65). On y trouve aussi des formulations obscures « L’assomption de la personne dans l’individu libère une multiplicité interne qu’il faut aussi relier relayer relater… » (p 95), « Aucune clôture ne saurait contester le réel, ni invalider le passage du vent, l’envolée des oiseaux, les dégagés de l’esprit et des grands sentiments » (p 110). « On ne démondialise pas l’humain. On ne saurait l’éjecter de la mondialité ! Avec humilité, bienveillance, éclats poétiques et créativités, on ne peut que lui organiser une aisance planétaire multi-trans-culturelle » (p 118).



Il faut combattre « les mots tombés monstres » et le poète y a sa part. Un autre combat est nécessaire, dans la pédagogie et le respect de la hiérarchie des droits, avant d’aborder la complexité démographique, économique et culturelle des flux migratoires. Je ne crois pas que la « Déclaration des poètes », les 16 points en forme de manifeste qui concluent le livre, soit d’un grand secours en dehors d’un cercle amical.



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Contes des sages créoles

Un tout petit livre, planqué, l'air de rien, sur une minuscule étagère au ras du sol : sans les teintes flashy de sa couverture, son format atypique et, une fois l'objet en main, sa tranche aux couleurs chatoyantes encore plus intrigante, Contes des sages créoles serait passé totalement inaperçu si je n'avais dû me baisser pour regarder autre chose. Bon, depuis le temps, vous connaissez mon amour pour le folklore, une fois le truc repéré, c'était foutu. Enfin, surtout foutu pour le porte-monnaie, surtout si l'on considère que le machin, au format encore plus petit qu'un livre de poche standard et pas bien épais (154 pages), est facturé la bagatelle de... 19€. Oui, au premier abord, ça pique sévère. Ceci dit, l'on a ici affaire non à un poche standard, mais à un vrai beau-livre miniature : couverture rigide, marque-page ruban, présence de nombreuses illustrations, pages intégralement en couleur, papier ultra épais (et qui sent bon, c'est important de le préciser)... Bref, le prix s'avère en fin de compte totalement justifié, et même si l'ouvrage ne durera grand maximum qu'une soirée ou deux, il y a fort à parier que vous ne regretterez pas l'investissement. D'autant que les contes présents ici s'éloignent pas mal des sentiers battus.



Oubliez les contes occidentaux somme toute assez standardisés, ici, la ruse ne triomphe pas toujours. Bonne au mauvaise fin, bien malin celui ou celle qui parviendra à deviner l'issue d'une l'histoire à l'avance ! Certes, on y retrouve tous les éléments propres au conte merveilleux : répétitions, formules magiques, créatures surnaturelles et miracles de la nature. Mais ça, c'est sans compter sur la nature humaine, à la fois pleine de ressources mais aussi empreinte de la stupidité la plus élémentaire. Si le déroulement de certaines histoires est prévisible, d'autres surprennent jusqu'au bout.



D'autant qu'on se laisse embarquer sans mal par la plume de Patrick Chamoiseau, légère et parvenant à rendre à l'écrit le ton oral originel du conte, ponctuant le texte de chansons et d'onomatopées, s'adressant directement au lecteur et ne lui épargnant pas quelques mots en créole. On a l'impression d'être en face à face avec l'auteur, écoutant son récit à la nuit tombée, à cette heure où l'on ne sait plus trop ce que peuvent dissimuler les ombres. Bref, vous l'aurez compris, en termes d'ambiance, impossible de faire mieux. Les contes en eux-mêmes ne sont pas en reste, nous amenant à la rencontre de créatures improbables terrées au fond des bois, d'oiseaux colorés à la beauté indescriptible ou d'arbres fantastiques. Et que dire de cette version créole de Barbe-Bleue, où la jeune fille séduite tombe dans les griffes d'un diable à la peau blanche... Le message est plus que transparent ! Contes fantastiques donc, mais fortement ancrés dans le réel, où l'on retrouve des problèmes de nourriture, de familles nombreuses et de maîtres abusifs rappelant sans cesse l'origine de ces histoires.



Bref, c'est court, mais c'est très bon. Un joli voyage onirique aux Antilles.
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Osons la fraternité !

Il FAUT lire ce livre.

C'est essentiel et urgent.

Il m'a fait découvrir des auteurs magnifiques que je ne connaissais pas, notamment Le Clézio, qui a écrit un texte superbe sur les migrants, et Claudio Magris.

Lire les quelques citations que j'ai publiées, cela vous donnera une bonne idée de l'ouvrage.

Parfois textes didactiques, parfois poésie, parfois dessins, parfois réflexions, parfois histoires, et je n'oublie pas le texte extraordinaire de Christine Taubira, tous ces textes sont à lire et à relire, tous humains, tous indispensables à la compréhension des migrants.

C'est très intéressant et profondément Juste.

On y trouve même des pistes de résolutions de cette migration exponentielle.

Quelle barbarie que les frontières, et la "frontièrisation" !

Quelles horreurs muettes que cette immigration forcée, forcée comme la petite jeune fille du texte "Lune, l'une d'elle" de Gisèle Pineau. Horrible. Et pourtant si vrai.

On apprend, et c'est merveilleux.

Retirons nos lunettes noires, et voyons le monde des migrants tel qu'il est.

Épouvantable.

Et si injuste.

Il va falloir se battre, sinon, tous autant que nous sommes, nous serons complices de cet immense assassinat.

Et de cela, je ne veux pas.

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Frères migrants

Une écriture somptueuse au service d'un cri d'indignation et de révolte



Patrick Chamoiseau nous dit ,de la plus belle des façons ,sa colère, constatant que ce qui est constitutif de notre commune humanité,à savoir la migration, devient faute, délit, erreur...



A la mercantile et stérile "mondialisation", il oppose la "Mondialité",belle, rebelle , vivante, vibrionnante et poétique, faite de chair et de sang



Ce texte est beau, ce texte est grand ,ce texte nous donne à penser et nous incite à l'action solidaire et généreuse



Ce grand écrivain qu'est Chamoiseau ( "L'empreinte à Crusoë ",entre autres, est un vrai régal) devient , par cet écrit, encore plus grand!
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J'ai toujours aimé la nuit

J’ai toujours aimé la nuit est une étrange confrontation entre un assassin et un inspecteur de la PJ à quelques heures de la retraite, une garde à vue inversée entre Ephraïm, Evariste Pilon, vieux flic féru de Glissant et de Saint John Perse et Hypérion Victimaire, vengeur, qui, le tient sous la menace de son arme.



Voici donc l’histoire de Victimaire (les noms propres ont leur importance chez Chamoiseau), archange exterminateur en mission à Fort-de-France, justicier au service des jeunesses perdues par la misère, la violence et le crack, que l’on lit découvre avec horreur tant certaines scènes font frémir avant de ressentir une sorte d’empathie, une fois mieux cernées les activités et les méfaits de ses victimes. Un récit que doit subir une nuit entière « l’inspectère » Pilon, lui qui s’est contenté toute sa carrière de « rêver à une belle enquête qui aurait donné du sens à sa vie policière » et a dû « se réfugier dans les romans policiers pour vivre une vraie chasse aux criminels ». Une descente dans l’abîme et le désespoir le plus noir avant que n’apparaisse une légère lueur. Comme si le crime pouvait mener à la rédemption.



Le monologue logorrhéique d’Hypérion Victimaire justifiant sa « mission » (l’inadmissible ne saurait rester impuni) et la cavalcade dans « l’en-ville » qui suit l’un de ses crimes est entrecoupé par les réflexions de Pilon sur l’enquête qu’il menait avant leur face-à-face. Dans ce huis-clos haletant, le temps de l’action et le temps de la narration semblent se confondre dans un vaste tumulte émotionnel jusqu’à l’explosion / explication finale. La structure, complexe, est servie par la plume vive, précise et oh combien lyrique de Patrick Chamoiseau. Les lecteurs retrouveront avec plaisir la langue de Texaco et des autres romans de l’auteur martiniquais avec la diglossie créole-français (« langue maman » et langue cartésienne) qui en est la marque.



Qu’est-ce qui relève du bien, qu’est-ce qui tient du mal ? Qu’est-ce qui est juste et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Autant de questions que pose ce livre fort, aussi étonnant que déconcertant.
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Frères migrants

Ce livre précieux est à la fois une analyse et un plaidoyer. En prenant comme angle d'attaque les migrants et comme interlocutrices une bénévole d'association (Jane) et une réalisatrice de documentaires (Hind), dans un court mais très dense ouvrage au style poétique autant qu'enlevé, il affronte les principaux thèmes de la mondialisation néo-libérale, requalifiée de « barbarie » – côté analyse – et prône une réinvention inclusive, hospitalière, ouverte, solidaire et vitaliste de la politique des Nations désuètes, frileuses et apeurées – côté plaidoyer. Pour cela, il convoque et cite certains concepts-clefs d’Édouard Glissant, qui ont la particularité de former par assonance des couples d'opposés avec mots bateau propres à ladite barbarie : mondialisation vs. mondialité, relationnel vs. Relation, et quelques autres partagés avec des spécialistes (Michel Agier), des philosophes (Deleuze, Morin) et des écrivains (Pasolini, et alii [cit. in extenso, p. 128]).

Le concept de Relation de Glissant, le plus propre à s'adapter au contexte migratoire, est donc particulièrement développé. Cependant le côté plaidoyer de l'ouvrage auquel il s'applique, semble plus « poétique » et plus utopique, voire plus irréaliste que l'analyse : l'indiquent entre autres choses l'intitulé du chapitre « Le Droit aux poétiques » - (alors que certains spécialistes reconnaissent le surgissement timide d'un véritable et juridique droit international relatif aux migrations, cf. Claire Rodier) – et le très réussi ch. conclusif, « Déclaration des poètes », qui, en 16 articles, sonne comme un texte de loi édicté par « les poètes », dans un vocabulaire imagé et métaphorique qui leur est propre. Nécessairement, pourra-t-on rétorquer, du fait qu'il requiert la mobilisation d'un changement d'imaginaire politique. Forcément, puisque les auteurs convoqués, et Glissant le premiers, sont d'abord des poètes... Évidemment, vu que Chamoiseau l'est aussi. Pourtant, aurions-nous oublié comment le poète devient intellectuel engagé, lorsque sa conscience le lui impose, et quels sont les horizons actuels de l'engagement ? Pourrions-nous, peut-être par méfiance envers certaines méprises de la génération précédente d'intellectuels engagés, refuser, avec leur appellation, leur fonction sociale tout entière, et faire comme si la haute responsabilité morale de dénonciation politique qui leur incombe fût dorénavant déléguée aux « poètes » et à leurs « poétiques »... ?
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