Réchauffement climatique ? C’est un terme qui nous est familier mais, je le reconnais, qui m’est également très abstrait. Dès qu’un discours (interview, documentaire…) manie plus de trois termes trop techniques ou de considérations trop scientifiques, mon attention se dérobe.
Pourtant, certains mots sont récurrents. Canicule, ouragans, fonte des glaces, pollution… tout cela, nous connaissons. C’est concret du moins, quand on prend le temps d’écouter un minimum les informations. Voilà pour la partie visible de l’iceberg. Sans être trop naïve, je savais que cela ne se limitait pas qu’à cela mais je suis incapable de faire un état des lieux pertinent. Ce qui n’est pas le cas de Philippe Squarzoni. Avec Saison brune, il nous permet d’entre-apercevoir la partie immergée de l’iceberg. Et honnêtement, vous dire que je n’ai pas eu peur serait vous mentir.
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Durant tout l’album, on sent la difficulté de l’auteur à traiter son sujet. Cette difficulté est liée à une raison : comment, aux vus des éléments en sa possession, ne pas livrer un ouvrage alarmant ? Comment laisser au lecteur la possibilité de ne pas sortir totalement abattu de cette lecture ? C’est impossible.
Dès les premières pages, on sent que le sujet sera grave. L’auteur tâtonne et tente plusieurs entrées en matière. Ainsi, il prend le temps de présenter les motivations et les constats qui l’ont conduit à la réalisation d’un album entièrement dédié à la question du réchauffement climatique. Puis, il rentre dans le vif du sujet, ce qui donnera lieu à un chapitre certes un peu didactique mais ô combien utile pour préparer le lecteur à accueillir la suite. Il y aura ensuite des redondances, des propos récurrents tout au long de l’album, mais cela aide réellement le lecteur à mémoriser les informations importantes. Cela l’aide aussi à prendre du recul et à ne pas être tétanisé par cette quantité d’informations… Cela nous aide enfin à réfléchir à la question objectivement, à nous remettre en question individuellement et à nous positionner.
A l’aide d’interviews de scientifiques, de journalistes, climatologues, économistes, ingénieurs, physiciens… on prend connaissance des savoirs actuels sur le réchauffement climatique. On accède aussi à tout un champ de possibles répercussions que cet impact climatique pourrait produire. Et elles sont nombreuses. Cela nécessite que les solutions soient pensées non pas aux plans nationaux mais à l’échelle internationale. Cela nécessite que l’on repense aussi nos modes de consommation très énergivores. Je ne vais pas vous faire un résumé de l’ouvrage car cela ne rimerait à rien, d’autant que le travail de Squarzoni est déjà un résumé très dense de la situation.
Délité davantage, le message se perdrait.
Quoi qu’il en soit, on accède aux causes et aux effets, on s’interroge sur les limites et les solutions. Mais les freins sont nombreux, hétérogènes et étroitement liés.
Alors oui, en tant que lecteur, on suffoque face au constat. On respire lorsque apparaissent quelques pleines pages disséminées çà et là ouvrant sur un massif montagneux ou une vallée verdoyante. Courbes, graphiques, tableaux cohabitent harmonieusement avec des images issues de l’imagerie collective (Peter Pan, Santa Claus…). Squarzoni n’hésite pas à conserver les slogans publicitaires qui sont associées à ces images d’Epinal, ce qui donne une dimension parfois ironique, parfois sarcastique… On avait déjà vu les bénéfices narratifs que Alpha… Direction tirait de ce procédé (lu mais une simple chroniquette sur le blog, je vous renvoie vers la synthèse kbd). On mesure tout le décalage entre l’objectif commercial (et l’idéal de vie qu’il sous-tend) et les contraintes écologiques auxquelles les sociétés doivent faire face (et face auxquelles elles se dérobent). Cela en devient parfois pathétique de voir à quel point nos comportements sont irresponsables. La faute à qui ? Aux médias qui servent les intérêts des politiques et des lobbyings industriels. En vulgarisant et en contredisant les conclusions des rapports produits par des scientifiques, les médias créent le doute dans l’opinion publique et aident les climato-sceptiques à construire leurs arguments.
Une pause. La fin d’un chapitre…
… et on repart pour une apnée de lecture et des pages qu’on ne peut que dévorer de manière boulimique. Le constat est alarmant, certes, mais dans cette nouvelle prise de conscience, nous ne sommes pas seuls. En effet, Philippe Squarzoni n’hésite pas à se mettre lui-même en scène pour partager ses doutes, ses inquiétudes, ses dégouts et ses espoirs. Car il ne faut pas oublier que quel que soit le rythme de lecture de chacun, l’album accompagnera le lecteur tout au plus sur 4 ou 5 jours ! L’auteur a consacré six années de travail (recherches documentaires, interview…) pour réaliser ce projet qui tient en « seulement » 500 pages. Les recherches bibliographiques qu’il a effectuées et les informations qu’il a récoltées l’ont mis à mal. Il ne cache pas les répercussions que cela a produit sur son quotidien et la forte remise en question tant personnelle que professionnelle que cela a suscité et que cela doit susciter encore.
Et comme il fallait conclure, l’auteur bute de nouveau sur la manière de clore son ouvrage. On le sent soucieux d’explorer son sujet sans rien omettre, soucieux de rester objectif, soucieux de ne laisser planer aucune ambiguïté sur la question et SURTOUT soucieux de ne pas laisser son lecteur sur un dénouement pessimiste. Mais cela n’est pas possible.
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