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Critiques de Robert Badinter (258)
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Cellule 107

Il était peut-être temps que je revienne et écrive à nouveau des critiques de mes lectures.

Je suis passée par une période très compliquée où je n'arrivais plus à lire. La lecture est un bon baromètre de notre moral.

Puis en flânant dans une librairie qui est un lieu de perdition, je suis tombée sur cette pièce de théâtre signée Robert Badinter.

Au mois de mars, j'ai écouté la série de Podcast sur Le fantôme de Philippe Pétain qui traite évidemment de son rôle pendant la seconde guerre mondiale ainsi que celui de Laval, président du Conseil sous Pétain.

Badinter imagine ici le discours tenu entre Laval et Bousquet, préfet au moment des faits. Il a appris dans une lettre envoyée à sa fille Josée que le détenu avait reçu la visite du second la veille de son exécution.

Ces deux hommes parlent de leur rôle pendant la seconde guerre mondiale : ils tentent de minimiser leur action en disant qu'ils ont fait arrêter que les Juifs d'origine étrangère pour le bien-être des juifs français...

Leur dialogue m'a donné la nausée. Robert Badinter a su vraiment se mettre à la place de ces cruels personnages, je me demande comment il a réussi à le faire, sachant que son père a été déporté et en est mort...

J'ai également aimé la dernière partie où le fantôme d'une petite fille d'Auschwitz raconte l'horreur qu'elle a vécu lors de la rafle du Vél d'Hiv mais qui ne parvient pas à ébranler Laval...

Une pièce de théâtre qui est nécessaire de lire pour se souvenir de ce que fut la seconde guerre mondiale.
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L'Exécution

J'ai été surpris en lisant ce livre : je m'attendais à un plaidoyer en bonne et due forme contre la peine de mort, avec les arguments bien connus. Mais il s'agit en réalité d'un récit haletant d'une lutte contre une machine judiciaire implacable, qui donne parfois l'impression d'avoir été écrit comme un exutoire, le procès-verbal d'un assassinat judiciaire. Même si j'en connaissais par avance une bonne partie du contenu, même si l'issue ne faisait aucun doute, je l'ai lu presque d'une traite.



Mais c'est aussi, au fur et à mesure du récit, un puissant réquisitoire contre la peine de mort et l'institution judiciaire des années 1970, par le simple rappel des faits. le procès est ponctué d'une série de mesquineries et d'injustices qui chacune vont faire pencher davantage la balance vers ce scandale qu'est la condamnation à mort d'un homme qui n'a pourtant pas tué : une expertise innocentant Bontems, le client de Badinter, est annulée pour vice de forme et ne peut être mentionnée pour le défendre ; on interdit, absurdement, à l'accusé d'avoir ses lunettes, ce qui donnera l'impression qu'il est absent de son propre procès, etc.

J'ai également appris que les détenus étaient alors obligés de porter un costume pénitentiaire, qui semblait venu d'un autre siècle ; c'est aussi Badinter, en 1983, qui mettra fin à cette pratique.



Celui-ci montre aussi que l'exécution elle-même est totalement dénuée de la solennité qu'on attendrait d'un acte de justice. On croit plutôt assister à un assassinat : on court dans les couloirs de la prison, on surprend le condamné dans son sommeil, et on le tue avant l'aube, à la sauvette, et en catimini. La conclusion pour le lecteur, surtout pour le contemporain de la publication, alors que la peine de mort était encore appliquée, rappelle celle de Victor Hugo : si la justice d'un pays pensait que la peine capitale est légitime, elle n'exécuterait pas les condamnés presque en cachette.



Enfin, c'est une belle réflexion sur ce qu'est être avocat, et un admirable portrait par Badinter de son maître, un ancien ténor du barreau. Badinter fait en effet souvent alterner son récit de l'affaire Bontemps avec des citations et souvenirs du vieil avocat, comme autant d'exemples à suivre. Et peu à peu, ses paroles se font de moins en moins présentes, à mesure que le disciple fait siens ses enseignements, trouve sa propre voix, et forge son destin, pour devenir, sans qu'il le sache alors lui-même, le héros de l'abolition de la peine de mort que l'on sait, et le modèle de bien des avocats après lui.

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Le 1 - HS : Zola, une conscience

Ce hors-série littéraire du 1 rend un vibrant hommage à Emile Zola, le grand écrivain naturaliste et humaniste, par le biais de la plume de sept personnalités qui ont admiré l’homme et son œuvre. Sa mort suspecte n’a jamais été clairement élucidée et Jean-Paul Delfino y fait allusion en dévoilant les manquements d’une enquête bâclée pour cacher la vérité d’un assassinat prémédité.



En dépliant les feuillets, on peut y lire d’autres éditos, tous plus intéressants les uns que les autres. Ainsi, dans un article poignant, Robert Badinter confie aux lecteurs son immense estime pour le romancier épris de vérité et de justice : « Il existe chez Zola une sorte d’amour de la justice ».

L’arrière-petite-fille du romancier, Martine Le Blond-Zola tente de répondre à la question : Que dirait Zola face aux tumultes de notre temps ? Elle suppose que trois enjeux retiendraient son attention aujourd’hui : celui du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, le sujet lancinant des inégalités sociales globalisées et enfin un dernier thème d’une gravité ancestrale et qui ressurgit dans notre démocratie, celui de l’antisémitisme.

Tatiana de Rosnay revient sur le morne exil de l’écrivain en Angleterre ; Valentine del Moral nous parle de l’homme qui se révèle être, derrière le mythe, un amoureux de la vie ; Evelyne Bloch-Dano s’exprime plus longuement sur la nature des rapports qu’il entretenait avec les femmes de sa vie, l’homme de la Vérité mais qui se révélait incapable de la faire triompher dans l’intimité. Le témoignage d’Alberto Toscano relate les origines italiennes d’Emile Zola, les critiques acerbes de la presse à son encontre et les combats incessants menés par l’écrivain pour les faire taire.



D’un prix très abordable, je suggère à tous les fervents admirateurs d’Emile Zola d’acheter ce hors-série littéraire bien conçu contenant, en plus des sept articles précités, une magnifique affiche géante du texte intégral paru dans la célèbre une de l’Aurore du jeudi 13 janvier 1898 : « J’accuse… ! »

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L'Abolition

Robert Badinter a été profondément meurtri par l’horreur des exécutions capitales auxquelles il a assisté durant sa carrière d’avocat pénaliste, aussi s’est-il juré de défendre, coûte que coûte, l’abolition de la peine de mort. A la faveur de cet essai, nous découvrons un homme simple, un humaniste qui nous livre sa vision d’une justice plus humaine, plus équitable ainsi que les combats sans merci et souvent douloureux qu’il a menés, empruntant un long chemin chaotique et semé d’embûches, avant de parvenir au but de toute sa vie : l’abrogation de la peine capitale.



Le peuple fut l’un des premiers obstacles à l’abolition puisqu’au début de l’année 1981, année de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, 63 % des Français étaient favorables à la peine de mort. La deuxième difficulté, d’ordre politique, plonge les lecteurs dans les arcanes des pouvoirs successifs, depuis le Général de Gaulle jusqu’à Giscard d’Estaing, en passant par Georges Pompidou. Robert Badinter revient sur les sempiternels débats au cœur de l’hémicycle, des joutes oratoires inutiles ne débouchant jamais sur rien de concret. Sa tristesse est grande lorsqu’il décrit un appareil d’état hypocrite, davantage soucieux de défendre des causes électoralistes plutôt que d’abolir la peine de mort, encore très fortement plébiscitée par la population à cette époque.



Alors l’avocat n’eut de cesse de se battre et mit tout son talent d’orateur au service de la défense des condamnés à mort, au cours de procès célèbres comme celui de Patrick Henry, plaidant bien souvent des causes en apparence indéfendables ; il connut des succès prometteurs mais aussi des échecs cuisants. C’est en tant que ministre de la Justice, au nom du gouvernement, qu’il présenta à l’Assemblée Nationale son projet de loi abolissant la peine de mort.

Et puis, alors qu’il n’y croyait plus, son jour de gloire arriva enfin : « Je regardai l’horloge : il était douze heures et cinquante minutes, ce 30 septembre 1981. Le vœu de Victor Hugo – « l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort » - était réalisé. La victoire était complète ». La loi fut promulguée le 9 octobre 1981.

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Idiss

L’histoire de la famille de Robert Badinter, en commençant par celle de sa grand-mère Idiss. Mais aussi l’histoire des juifs à travers l’Europe depuis la fin du 19ème siècle.



Une très belle écriture bien sûr, tendre et délicate. Mais aussi, parfois, l’impression d’un certain manque d’approfondissement, en particulier du ressenti d’Idiss. Dont on aurait aimé percevoir davantage les joies et les désillusions.



Une jolie lecture mais, me concernant, une légère déception. Sûrement liée à l’énorme attente autour de l’œuvre.
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Idiss

On ne présente plus Robert Badinter, l'avocat brillant, ministre de la Justice ayant réussi à faire abolir la peine de mort en France, sous le mandat de François Mitterrand. Je n'avais par contre qu'une vague idée de son histoire personnelle, avant de commencer ce magnifique hommage à sa grand-mère maternelle, Idiss.



La famille est originaire de Bessarabie, alors province de l'Empire russe (actuellement en Moldavie) au coeur du Yiddishland. Idiss vit dans un shtetl, dans une grande pauvreté. Elle est analphabète, l'école étant réservée aux garçons. Ce qui lui fera accorder une grande importance à l'éducation de ses petits-enfants par la suite. Elle rencontrera l'amour de sa vie, Schulim, aura deux fils avec lui et plus tard une fille, Chifra, renommée Charlotte en France, la mère de Robert et Claude Badinter.



C'est l'antisémitisme et les pogroms qui feront fuir la famille en France. Ils se font une haute idée de la République et de ce qu'elle peut offrir à des exilés comme eux.



Le livre est riche d'enseignements sur l'époque et sur l'état d'esprit d'Idiss, qui s'est accoutumée à la vie parisienne et entoure ses petits-enfants de tout l'amour dont elle est capable.



Ils propéreront à Paris jusqu'aux jours plus sombres des années trente et de la guerre. C'est tout un monde qui s'écroule alors avec son lot de tragédies.



J'ai été touchée par la grande tendresse qui se dégage de ce récit. L'écriture est sobre, l'auteur se fait parfois un peu moqueur devant les défauts ou faiblesses de certains membres de sa famille, sans jamais surcharger.



Il évoque leur quotidien, ses souvenirs d'école, il n'était pas question que son frère et lui soient autre chose que premiers de la classe. L'antisémitisme n'était pas si répandu que cela parmi leurs camarades, même avec la montée des fascismes. Le quartier du Marais où se regroupaient la plupart des familles venues de l'Est, ravivait les odeurs, les saveurs qui enchantaient sa grand-mère.



A la lecture, on comprend mieux d'où les combats de Robert Badinter prennent leur source. On voit aussi à quel point cette communauté d'exilés était reconnaissante au pays qui les avait accueillis, continuait à avoir le plus grand respect pour lui et à quel point elle est tombée de haut en 1940.



Les jours de douleurs ont profondément marqué l'auteur qui n'avait que douze ans au moment de l'arrestation de son père.



Au delà de la famille Badinter, ce livre fait revivre un monde qui a complètement disparu avec la guerre. On mesure les profonds bouleversements qui ont jalonné la vie d'Idiss et sa souffrance à la fin de sa vie, confrontée à nouveau à un antisémitisme virulent.



Ce récit a été adapté en bande dessinée par Fred Bernard et Richard Malka (Editions Rue de Sèvres)
Lien : http://legoutdeslivres.haute..
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Idiss

Il est des patronymes qui résonnent si fort et qui éclairent tellement que l’envie d’en découvrir davantage titille l’intellect. « Badinter » en est pour moi un exemple saisissant.

Au-delà de ses engagements politiques, de son rayonnement médiatique, de ses triomphes juridiques, j’ai toujours été intrigué par son charisme qui impose le respect.

J’ai donc pensé qu’il serait opportun de faire plus ample connaissance du personnage par ses origines et, quoi de meilleur que l’amour d’une grand-mère pour faire tomber la gangue que sa position impose et dévoiler un passé douloureux ?

« Idiss » est son prénom, sa vie débute en 1863 dans le Yiddishland en Bessarabie (Moldavie aujourd’hui), sa vie traversera l’Europe d’Est en Ouest entre exode, pogrom et nazisme.

Cette famille restera soudée et digne durant toute cette époque, connaitra les deux guerres et les abus réservés aux juifs d’Europe centrale.

Ses trois enfants embrasseront la cause française et défendront ce pays corps et âmes.

Il faut lire ce récit pour ressentir de quelle matière républicaine et de quelle moelle laïque sont pétris ses petits-enfants, Claude et Robert, fils de Charlotte.

C’est par l’éducation et les valeurs reçues traduites dans ce récit que l’on évalue la force du souffle qui a été essentielle à Robert pour conduire et gagner les combats qu’il a mené sa vie durant.



« Il faut refuser, toujours et partout, que sous couvert de justice, la mort soit la loi. »





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Idiss

Grand orateur, écrivain, Robert Badinter ou la justesse des mots au service de la justice et de l’histoire.



Derrière ce grand homme aux convictions tenaces et à l’esprit éclairé, une empreinte indélébile, celle de sa famille et plus particulièrement de sa grand-mère bien-aimée, Idiss.



En éternelle quête de vérité, il puise dans la mémoire collective et dans ses propres souvenirs pour nous livrer un témoignage d’autant plus bouleversant. Malgré l’ombre de l’antisémitisme et ses conséquences désastreuses, il retrace avec beaucoup de tendresse le parcours d’une femme qui a construit l’identité familiale. De la Bessarabie dans l’empire russe à Paris, nous traversons l’espace et le temps auprès d’un couple et de ses enfants, tous plein d’espoirs, en quête d’une patrie plus juste et moins menaçante pour les juifs. Mais l’antisémitisme gangrènera bientôt toute l’Europe écrasant bientôt un peuple entier sous la botte d’Hitler. Les épreuves ne remettront pourtant jamais en cause la force de travail et la bienveillance d’une famille unie.



Aujourd’hui cette empreinte pleine d’ humanité, c’est Robert Badinter qui nous la laisse. N’oublions ni sa famille, ni l’homme, ni ses combats car il le savait plus que quiconque, aucun acquis ni aucune liberté ne sont inébranlables.
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''Demain vous voterez l'abolition de la pei..

Oui c'est sûrement dû à sa disparition que m 'est venue l'envie de lire ou relire l'œuvre que nous laisse Monsieur Badinter. Des essais, des pièces de théâtre, des documents, ses souvenirs de famille (parfois bien douloureux)

"Demain vous voterez l'abolition", voilà l'un de ses combats qui lui tenaient à cœur.

Abolie cette foutue peine capitale parce que mai c'est François Mitterand qui la veut dans son programme et le 18 sept de la même année parce qu'il a mit sa confiance sur l'homme qui se battrait jusqu'au bout pour que :



363 députés votent pour

117 contre et 113 s'abstiennent.



La France à été la première à abolir la torture en Europe

Et l'une des premières a abolir l’esclavage

L'un des derniers à abolir la peine de mort en Europe occidentale 



Ce discours est éloquent. C'est un document d'histoire. Notre Histoire de Français.



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Cellule 107

9 fév 2024, M.Badinter vient de nous quitter. Celui qui a, enfin, en 81,mit fin à la peine de mort nous a quittés . Je suis sur que le 15 oct 45 Robert Badinter aurait suspendu l'exécution de la peine capitale pour Laval qu'il haïssait. L'aval, l'un des bras armés de la Rafle du Vel d'hiv.

Bouquet, lui, a été grâcié et à reçu des honneurs peu mérités..

Robert Badinter a imaginer le contenu de l'entretien dans la cellule 107, le 14 oct, entre Laval et Bouquet.

Le jeu politique n'est pas simple à appréhender mais la cruauté de ses deux hommes éclate et nous répugne.
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Un antisémitisme ordinaire : Vichy et les avo..

Robert Badinter a étudié ce que les quatre années d’occupation allemande ont imposé aux avocats juifs, au sein du Barreau de Paris essentiellement.



Partant de l’antisémitisme hypocrite mais courtois qui régnait avant-guerre et qui les écartait des « honneurs et responsabilités professionnelles », Badinter se penche longuement sur ce que les statuts édictés en octobre 1940 et juin 1941 imposèrent comme conditions invivables à ses confrères de l’époque. Et en particulier sur les exigences d’un numérus clausus qui réduisait à 2% le nombre d’avocats juifs par barreau.

Seuls les barreaux importants, ceux des plus grandes villes de France, furent réellement affectés par ce diktat, et Robert Badinter s’est surtout intéressé à celui de Paris.



S’il rappelle brièvement que celui-ci « n’a pas manqué de courage face aux Allemands, ni d’indépendance face au régime de Vichy », il constate aussi que le bâtonnier et le conseil de l’ordre ne se sont pas opposés au recensement des avocats non français dans un premier temps, juifs ensuite, ni à l’élaboration de dossiers susceptibles de faire échapper certains à l’exclusion du Barreau : sur des critères d’appartenance ancienne à la nationalité française, et de mérites exceptionnels, militaires ou professionnels, dont l’appréciation était laissée à sa seule initiative, l’Ordre des avocats de Paris a présenté une quinzaine de demandes de dérogation.

Le principe de l’exclusion n’a donc pas été discuté et au total, à Paris, s’est imposé à deux cent cinquante avocats à peu près. Sans que leurs confères ne s’inquiètent de l’effet dévastateur sur leur moral ou de ce qui leur restait comme moyens d’existence.

Le bâtonnier Charpentier sera plus courageux en s’opposant à l’obligation faite aux avocats juifs exerçant encore en juin 1942, de porter l’étoile jaune sur la robe. Dispense qui ne valait que dans les murs du palais de justice, puisque la robe n’est portée que là.

Et qui ne faisait barrage ni aux internements à Drancy, les premiers en mai 1941 (rafle des notables) ni aux exécutions en tant qu’otages (20 septembre 1941), de ceux qui avaient été « omis » du Barreau.



La traversée de ces quatre années ne peut se faire sans évoquer les hommes qui ont fanatiquement poursuivi les desseins antisémites, ceux qui en ont été témoins plus ou moins passifs et certains de ceux qui ont subi cet acharnement dément.



Alibert, puis Xavier Vallat (lui-même avocat, membre du Conseil de l’Ordre...) nommé à la direction du Commissariat général aux questions juives en mars 1941, avant de laisser le poste à Darquier de Pellepoix en mai 1942 : chacun plus antisémite que le précédent, et balayant toutes les tentatives de résistance, même les plus timides, à leur programme infernal.



Jacques Charpentier, bâtonnier de 1938 à 1945, personnage ni tout blanc ni tout noir. Ne s’opposant pas au numerus clausus, mais interdisant le port de l’étoile jaune sur la robe. Se désolant de l’internement à Drancy de Pierre Masse et de six autres avocats, parmi les plus brillants. Mais venant à Drancy, au printemps 1942, notifier leur exclusion du barreau aux avocats internés, sans « un mot pour regretter, expliquer ou excuser. »

Mais aussi entré en résistance en septembre 1943...



Enfin quelques-uns de ces hommes qui ont souffert et sont morts de cette haine immonde :



Pierre Masse, qui avait siégé avec Pétain au Comité de Guerre en 1917, arrêté en août 1941, à 62 ans ; avocat réputé pour sa sagesse ; d’une dignité sans faiblesse, attentif à ses compagnons de captivité, et les aidant dans la mesure de ses moyens ; déporté à Auschwitz en octobre 1942.



Jacques Franck, arrêté en même temps que Pierre Masse. Libéré pour cause de maladie. Refusant de fuir malgré le risque d’être de nouveau arrêté, mais désespéré, se défenestrant en janvier 1942.



Lucien Vidal-Naquet qui refusa de faire la moindre démarche pour éviter l’exclusion due au numerus clausus ; qui écrivait en septembre 1942 : « je ne suis plus qu’un demi-citoyen sur le sol même où je suis né et où dorment les miens ; c’est ainsi que j’ai perdu le droit d’exercer la profession qui fut celle de mon père (...) Je ressens comme Français l’injure qui m’est faite comme Juif (...) J’étais si fier de mon pays. Je le voulais au-dessus de tous – mes yeux se sont ouverts aujourd’hui : mon pays n’était beau que parce que je le croyais beau. » Qui se réfugia en zone libre, entra dans la Résistance, fut arrêté à Marseille avec sa femme. Ni elle ni lui ne revinrent de déportation.



C’est le talent de Robert Badinter, dans ce livre, d’évoquer à la fois le mécanisme tatillon, bureaucratique, désespérant, de la politique antisémite de ces quatre années, les hommes qui l’ont menée, mais surtout ceux qui ont conservé avec un courage rare, une dignité absolue face à l’humiliation qu’on leur imposait.

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L'Exécution

L'affaire de Clairvaux, la condamnation à mort et l'exécution de Claude Buffet et Roger Bontems, en 1972 : genèse du combat de Robert Badinter pour l'abolition de la peine de mort.

Le procès avait eu lieu à Troyes, dans un climat de haine d'une violence palpable. Les cris « à mort » au passage des fourgons qui transportaient les deux accusés, les regards noirs des badauds sur les avocats de Buffet et Bontems, les applaudissements frénétiques de la foule à l'énoncé du verdict, pas de doute, la peine de mort avait la faveur de la population..

Robert Badinter avait pourtant démontré, et la cour d'assises l'avait entendu, que son client, Roger Bontemps, n'avait pas tué. Il avait donc pensé que la loi du talion – tu as tué, tu seras guillotiné – ne s'exercerait pas.

Il avait cru ensuite que l'humanisme de Georges Pompidou, alors président de la République, l'inclinerait à gracier au moins Bontems.

La grâce a été refusée, Bontems et Buffet ont été exécutés le même jour à quelques minutes d'intervalle, le 28 novembre 1972.

Leurs avocats, Thierry Levy et Remi Crauste pour Claude Buffet, Philippe Lemaire et Robert Badinter aux côtés de Roger Bontems, étaient présents.



« (...) la guillotine se dressait seule comme une idole ou un autel maléfique. Les aides s'affairaient autour d'elle. le symbole était aussi machine. Et cet aspect mécanique, utilitaire, confondu avec la mort qu'elle exprimait si fortement, rendait la guillotine ignoble et terrible. »

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C.3.3. (précédé de) Oscar Wilde ou l'injustice

En écrivant la pièce de théâtre « C.3.3 », mise en scène en 1995 par Jorge Lavelli, Badinter s'est fait l'avocat d'un Oscar Wilde brisé par la détention.
Lien : https://www.nouvelobs.com/ju..
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''Demain vous voterez l'abolition de la pei..

Un petit livre pour un immense discours, à lire, à relire, à rerelire, tellement essentiel.

Fabuleuse idée que cette collection des éditions Points consacrée aux discours qui ont marqué l’Histoire, incarnés par des figures d’exception.

À la suite du discours de Badinter se trouve le discours de Maurice Barrès, partisan de la peine de mort, qu’il a prononcé en 1908 et qui rappelle combien le sujet fut polémique et peut encore l’être.



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Les épines et les roses

Nous avons tendance à idéaliser les années 1980 et à dire "c'était mieux avant". Mais en lisant on se rend compte que la société française était soumise aux mêmes défis, aux mêmes difficultés dans la rue. Je ne sais pas si c'est rassurant ou désolant.

Concernant le livre en lui-même, l'écriture est fluide et agréable. Au-delà de l'homme c'est la fonction de Garde des Sceaux que l'on apprend à connaître. C'est très plaisant et riche en leçons
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Vladimir Poutine, l'accusation

Préférant fermer le yeux sur ce qu'il se passe en France, l'ancien avocat et garde de sceaux R. Badinter, décide, comme tous les dirigeants occidentaux incompétents, de s'en prendre à V. Poutine, un dirigeant autoritaire qui, depuis 23 ans, parvient à maintenir l'ordre dans son pays.



Ce donneur de leçon n'a jamais demandé l'avis des Français (pour savoir s'ils étaient pour ou contre l'abolition de la peine de mort) à travers un référendum, et il se permet de faire de grands discours sur la démocratie ?! Pitoyable !



A-t-il oublié (ou le fait-il exprès) que c'est la Russie/l'URSS (mais pas que) qui a mis fin au régime nazi (les nazis eux-mêmes qui ont tué ses parents) ? Ne devrait-il pas remettre en question son amitié avec F. Mitterrand (fonctionnaire du gouvernement de Vichy, décoré de la francisque par Pétain) ? Non, il préfère s'en prendre aux juifs (qui sifflaient Mitterrand le 16 juillet 1992 lors des 50 ans du Vél-d'Hiv) et déplorer que de plus en plus de Français votent pour le RN. Mais il devrait se demander pourquoi, à cause de qui et de quoi !
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Condorcet Un intellectuel en politique

Difficile de lâcher ce livre ! Les Badinter nous livrent là une biographie passionnante du début à la fin, sur un acteur injustement méconnu de l'Histoire de France. Je n'ai pas vu passer ces 700 pages.



Nicolas de Condorcet n'aura pas ménagé sa peine pour améliorer la condition humaine. Peut-être trop tôt...

J'ai été surpris de ne trouver aucune mention d' Olympe de Gouges, qui a mené les mêmes combats et connu les mêmes hésitations au même moment. Aujourd'hui, c'est lui qui est éclipsé.



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Idiss

Idiss était la grand-mère maternelle de Robert Badinter. Elle est née dans un village de Bessarabie, province russe, devenue en grande partie, aujourd'hui, la Moldavie, mais surtout connue comme appartenant au Yiddishland (le pays des juifs) d'Europe centrale.

Au début du XXième siècle, la violence des pogroms pousse la famille à fuir vers la France. Un couple et trois enfants, deux adolescents et une petite fille, Chifra, prénom francisé en Charlotte, la maman du célèbre avocat.

La famille s'intègre bien à Paris, dans l'artisanat et le commerce. Le père, à cinquante ans, cherche même à entrer dans l'armée française en 1914 : sa nouvelle patrie était en danger !

Mais Hitler viendra, et une partie de la France se soumettra. Le petit garçon qu'était alors Robert Badinter s'en souvient.



À l'éloquence de l'avocat, Badinter ajoute le talent du conteur. Je l'avais découvert dans sa biographie de "Condorcet" (écrite à quatre mains avec son épouse, éditions Fayard) puis dans "L'Abolition" (de la peine de mort, éditions Fayard également). Ce petit livre de mémoire le confirme encore, s'il en est besoin.

Cette évocation de la grand-mère, qui a accompagné l'enfance de l'avocat, est particulièrement émouvante. On y retrouve toutes les épreuves subies par les juifs, en Europe centrale puis en France. Elles sont évoquées avec beaucoup de pudeur. On comprend comment le personnage de l'avocat s'est construit, dans la bienveillance de sa grand-mère, de ses parents, de son oncle.

Si l'auteur ne s'attarde pas sur les atrocités commises entre 1939 et 1945, la liste, et le destin, des trois noms qui concluent le livre est édifiante. Il n'y manque qu'une mention : "Morts pour une certaine idée de la France".
Lien : http://michelgiraud.fr/2023/..
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L'Abolition

Robert Badinter nous raconte son combat fascinant comme militant abolitionniste pendant des années jusqu'à arriver lui-même à abolir la peine de mort en tant que garde des Sceaux en 1981.

Il nous raconte de plusieurs procès dans lesquels il a empêché des condamnations à mort en tant qu'avocat et comment il a pu convaincre les jurys. Le plus surprenant étant évidemment son succès dans l'affaire Patrick Henry, celle à laquelle l'auteur accorde aussi le plus de pages.

Par ce livre dans quelque mesure, Robert Badinter élève aussi un monument à sa propre gloire. Mais pour son combat exceptionnel, il le mérite.
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L'Abolition

J’ai lu cet ouvrage dans le cadre de « lectures recommandées » à lire pour ma rentrée en prépa D1.

J’appréhendais un poil de le lire suite à la préface de Badinter que j’avais lue dans Des délits et des peines de Beccaria. Mais finalement, je fus très surprise de voir à quel point L’abolition se lit facilement !



J’ai ainsi découvert une œuvre extrêmement intéressante retraçant le parcours de lutte de Robert Badinter contre la peine de mort durant les années 70. Et autant le dire de suite : j’ai adoré ma lecture !

J’en ai appris beaucoup sur cette période que je n’ai pas vécue mais importante à connaitre que représente cette fin de XXème siècle. J’en ai appris sur Robert Badinter, bien sûr, et sur ce qu’il accomplit durant sa vie. J’en ai appris sur la peine de mort en France durant les dernières années de son utilisation. J’en ai appris sur la procédure judiciaire en France (que je connais si peu...). J’en ai appris sur toutes ces difficultés et responsabilités que représentent ces métiers dans le domaine du droit, et plus particulièrement avec le métier d’avocat. Et puis, de manière plus globale, j’en ai appris sur l’Histoire du pays et sur celle de l’abolition.



Comme quand j’avais lu l’an dernier La cause des femmes de Gisèle Halimi et découvert son combat pour l’IVG, l’écriture ici est très fluide et les pages se tournent toutes seules.

J’ai lu L’abolition dans un contexte de lecture « scolaire », dirais-je, mais je ne l’ai pas du tout ressenti comme une ‘corvée’, loin de là.



Les mises à mort par guillotine me paraissent toujours lointaines, je pense à des personnalités comme Louis XVI et j’oublie souvent que cela ne date que d’il y a quarante ans… (la guillotine, pas Louis XVI !)

Cet ouvrage, ce fut comme un petit cours d’histoire. Cours d’histoire que j’ai trouvé passionnant. Un cours vu de l’intérieur et au cœur des choses mêmes. Un cours d’histoire, mais en bien mieux.



J’ai aimé sa manière de raconter, ses détails, ses pensées, qui m’ont emportée là-bas et m’ont presque fait vivre le moment. (Je pense notamment à l’affaire Patrick Henry, à son procès à lui mais aussi à tous les autres, tous ceux que Robert Badinter retranscrivit dans son œuvre, en fait…) J’étais dans le truc, dans le récit, quasi captivée par ce qu’il racontait...



Sans nul doute, j’ai beaucoup apprécié cette lecture !
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