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Citations de Rosetta Loy (91)


...mais il ne servait plus à rien maintenant de barricader quoi que ce soit car l'eau se déversait en un énorme et unique torrent. Noire, épaisse, elle emportait avec elle des troncs d'arbre, des animaux, des charrettes aux brancards arrachés et elle les précipitait contre les portes jusqu'à en déclouer les planches. Pour qui cette cloche sonnait-elle encore, on n'en savait rien, tellement le vacarme était plus fort, plus forts les hurlements de ceux qui s’appelaient d'une maison à l'autre ou criaient au secours au milieu des mugissements des bêtes emportées par ce torrent de boue.
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La famille comme des produits isolés faits de la même matière.Une matière qui peut donner des résultats différents,réussis,lisses et denses,ou au contraire tout hérissés d'aspérités,voire d'aspect douteux.Quelquefois,mais c'est rare,très rare même,le résultat est un produit imprévisible et merveilleux.
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A présent, je cours vers Augusto, le poing fermé : "J'en ai attrapé un, crié-je triomphante, j'ai attrapé un grillon !" (...) Augusto est toujours penché, les jambes de part et d'autre du ruisseau : il se relève et le regarde, il regarde mes doigts serrés. "Donne-le-moi", dit-il en tendant une paume grise de boue. Sur cette paume, je pose ma main au poing serré, je la lui abandonne en même temps que mon coeur, et un serment de fidélité éternelle pour le meilleur et pour le pire. Ses doigts se referment avec force autour des miens. J'ai la bouche sèche. (...) mes doigts immobilisés par l'émotion, sont paralysés à l'intérieur des siens.
Jusqu'au moment où sa voix m'arrive comme un coup de fouet : "Tu vas l'ouvrir oui ou non cette main ?" La voix agressive, énervée, et le regard vert-bleu qui me fait me sentir comme une idiote, pire, comme la plus stupide des naïves.
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Mais l'amour a aussi sa part dans ce premier été de la guerre, et quand ma soeur aînée et quelques-unes de ses amies se déclarent amoureuses d'un garçon prénommé Rienzi, pour ne pas être en reste je dis moi aussi que je suis amoureuse de lui ; et bien que je sois la plus petite, je réussis à obtenir de lui un baiser. Pour l'avoir, je suis cependant obligée de monter sur un tabouret. Pour l'émotion zéro, mais l'exhibition est très gratifiante.
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Comment revenir en arrière, comment retrouver l'enfant qui courait sur la route de campagne les poches gonflées de noix, l'enfant qui séchait l'école pour aller se baigner dans le Pô et oubliait ensuite sa chemise, l'enfant avec une mère veuve dans l'été de poussière avec le verdoiement des roseaux sous le dôme de l'ombrelle de panne ?
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Peut-être suis-je folle: je suis en train de passer d'une maison avec huit salles de bains et dix chambres à un deux pièces, enterré, en rez-de-chaussée, dans un appartement de la rue Villa Emiliani. Si je ne suis pas folle, c'est que vraiment je suis assoiffée de liberté.
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De Pier Paolo Pasolini , dans " Quel coup d'état , moi je sais " paru dans le Corriere della Sera , le 14 novembre 1974 :
- Je sais
- Je sais les noms des responsables de ce que l'on appelle " coup d'état " ( et qui est en fait une succession de coups d'état institués comme système de protection du pouvoir ) .
- Je sais les noms des responsables de l'attentat de Milan du 12 décembre 1969 .
- Je sais les noms des responsables des attentats de Brescia et de Bologne dans les premiers mois de 1974 .
- Je sais les noms qui composent le " sommet " qui a manœuvré , donc , aussi bien les vieux fascistes inventeurs du " coup d'état " que les néofascistes auteurs matériels des premiers attentats , aussi bien que les auteurs matériels " inconnus " des attentats plus récents .
- Je sais les noms de ceux qui ont organisé les deux phases différentes , et même opposée , de la tension : une première phase anti-communiste ( Milan 1969 ) et une seconde phase anti-fasciste ( Brescia et Bologne ( 1974 ) . Je sais les noms des membres du groupe des puissants qui , avec l'aide de la C.I.A ( et en second lieu des colonels grecs et de la mafia ) , ont d'abord lancé ( en se trompant d'ailleurs misérablement ) une croisade anti-communiste ( pour endiguer 1968 ) , et ensuite , toujours avec l'aide et sous l'impulsion de la C.I.A , se sont reconstruit une virginité anti-fasciste pour endiguer le désastre du " référendum " . Je sais les noms de ceux qui , entre deux messes , ont donné des instructions et assuré leur protection politique à de vieux généraux ( pour garantir , en réserve , l'organisation d'un potentiel coup d'état ) , de jeunes néofascistes , ou plutôt néonazis ( pour créer la tension néofasciste qui devait suivre ) . Je sais les noms des personnes sérieuses et importantes qui se trouvent derrière des personnages comiques comme ce général de la Forestale qui opérait , tel un général d’opérette , à Città Ducale ( pendant que les forêts italiennes brûlaient ) , ou des personnages sans consistance purement organisationnels comme le général Miceli .
- Je sais tous ces noms et je sais tous les faits ( attentats contre les institutions et massacres ) dont ils se sont rendus coupables . Mais je n'ai pas de preuves . Je n'ai même pas d'indices .
...... Un an plus tard , il fut assassiné .
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La fragilité bien-aimée de tes os. Ta façon de dormir un peu comme un ange, recueilli. Maigre, tu me rappelles le Christ d'Holbein couché sur la pierre. Cette nuit je me suis réveillée et les yeux ouverts dans le noir j'ai vu peu à peu se recomposer les fragments du dessin qui avait fini par se défaire année après année. Stratifications géologiques, qui marquent, comme dans les montagnes, notre vie. Les morceaux du puzzle retrouvent tout à coup leur place et laissent réapparaître l'image dans tous ses détails : recroquevillée dans ton lit, papa, pendant que tu me racontais l'histoire de la petite chèvre désobéissante ou de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse qu'un éléphant, je me perdais dans le bonheur d'être au centre de ton regard, d'être moi l'écho de ta voix. Et qui sait, peut-être un jour aussi le coeur de ton coeur. De là aussi cette désaffection pour maman, cette irritation quand elle nous interrompait pour te demander si tu voulais encore du thé ou si tu avais l'intention d'aller au théâtre dans l'après-midi.
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En première lecture, je me suis perdu dans ce livre vu ses sauts et retours dans le temps, ces nombreux personnages (un petit arbre généalogique m'a aidé), de plus je l'ai lu en version originale, et j'avoue qu'il m'ennuyait un peu. Tout est construit comme un puzzle, dont les parties s'imbriquent l'une â l'autre jusqu'à ce qu'à l'ajout de la dernière pièce, tout prenne son sens. J'ai voulu le relire immédiatement après et là, la langue n'étant plus en seconde lecture un handicap, le livre m'a enchanté. Les personnages sont intéressants, les relations entre eux (dont celle liant deux demi-sœurs amoureuses du même homme), le contexte - les années peu avant, pendant et peu après la seconde guerre mondiale, les persécutions contre les juifs, la description d'une bourgeoisie suisse qui continue à vivre sans être vraiment touchée par la situation de guerre chez ses voisins, tous ces éléments sont décrits avec justesse.
La construction du roman est originale.
Un beau livre.
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Le malheur s'appelait Augusto. Tout a commencé la fois où il descendait le long de la route du tennis avec sa chemise bleu ciel et son short en toile marine. Il marchait vite, ses jambes longues et robustes indifférentes aux aspérités du sentier, et les petits cailloux jaillissaient de sous ses semelles. Ses socquettes entre le gris et le beige retombaient en plis mous autour de son talon, avalées à chaque pas par les grandes sandales poussiéreuses. Ses boucles noires,désordonnées, se soulevaient dans la descente et ses yeux se découpaient en fentes minces entre les cils, d'un bleu-vert intense, brillants comme deux petites lames. J'avais l'impression de sentir son odeur d'herbe et de toile sale. Il descendait du tennis et une balle jalousement conservée gonflait encore une de ses poches tandis qu'à sa main droite pendait sa Slazenger, enfermée dans son étui écossais. Sa manche gauche en revanche se balançait, vide, comme le petit drapeau d'un pays englouti par une antique catastrophe."
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Car les rêves de Marlatteira étaient au-dessus de toute imagination et au lieu de morceaux confus et incohérents, c'étaient de vraies histoires avec un début et une fin. Elle s'en rappelait chaque détail, chaque odeur, depuis la puanteur du soufre jusqu'au parfum du pain à peine sorti du four. C'étaient des cavaliers au manteau couvert de sang qui l'emportaient visiter les âmes du purgatoire et tandis qu'ils la tenaient soulevée à bout de bras, la pointe de ses cheveux se consumait dans les flammes. Elle pouvait rêver d'étreintes qu'elle appelait "venteuses" et dont elle taisait par pudeur ou par ignorance l'émotion bouleversante, soufflant par le nez pour simuler l'intensité de ce "vent" ; puis elle aspirait lentement leur dénouement dans le parfum des tubéreuses et des lys. D'autres fois un diable la léchait avec une langue de feu et lui emportait le nez, mais la bienheureuse Cunégonde arrivait, qui pétrissait les brioches de Pâques et lui faisait un nez nouveau couvert d'or.
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La famille comme les produits isolés faits de la même matière
Une matière qui peut donner des résultats différents, réussis, lisses et denses, ou au contraire tout hérissés d'aspérités, voire d'aspect douteux. Quelquefois, mais c'est rare, très rare même, le résultat est un produit imprévisible et merveilleux.
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Elle lui hurle qu'il ne doit pas mettre sa bicyclette dans l'ascenseur, ni dans la loge, ni nulle part, et que de toute façon l'ascenseur il ferait bien de ne plus le prendre parce qu'il n'a pas le droit, et ensuite parce qu'il le salit toujours en mettant de la boue. Sans rien dire, le garçon soulève alors sa bicyclette et commence à monter péniblement l'escalier: je vois ses cheveux frisés , ses culottes de golf. Elsa le suit du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse, et alors seulement, rassurée, redescend dans l'obscurité de l'antre où elle vit, au ras du trottoir. Elle est peut-être concierge mais elle est Aryenne, et lui ce n'est qu'un misérable Juif.
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La tante de Mirella, Elisabetta, habitait elle aussi le quartier de Testaccio. Avertie par son beau-frère, elle sortit dans la rue, habillée comme elle était, avec ses trois enfants et son sac. C'était juste avant le couvre-feu et, prise de panique, elle monta dans un taxi. Quand le chauffeur se retourna pour lui demander où il devait l'emmener, elle répondit : "Qu'est-ce que j'en sais moi, je suis juive et il y a les Allemands qui viennent nous prendre." Le chauffeur de taxi devint tout pâle : "Oh, Sainte Vierge, et j'en fais quoi moi de ceux-là ?" Mais après un moment de terreur où ils restèrent à se regarder, aussi affolés l'un que l'autre, l'homme démarra et les emmena tous les quatre chez lui, où il vivait avec sa femme et ses deux enfants. Et ils restèrent là eux aussi pendant huit mois, entassés les uns sur les autres dans deux pièces, mangeant le peu de nourriture que la femme d'Ermete, le chauffeur de taxi, réussissait à se procurer.
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Mais le lendemain matin au tennis les dames de Milan se disputent avec celles de Turin à cause des avions qui ont éventré leurs maisons, les magasins, leurs quartiers. Elles se disputent sans qu'on sache pourquoi, comme s'il fallait mesurer qui est le plus malheureux, qui a perdu le plus dans cette misérable guerre, et nous qui venons de Rome on nous regarde avec haine parce que nos maisons sont encore debout, dans les rues la vie y continue, le réparateur de parapluies et le balayeur lancent encore leur cri le matin devant les maisons aux volets à demi fermés. Nous protestons faiblement, ce n'est pas vrai, disons-nous, nous avons été bombardés aussi, le 19 juillet et le 11 août, même qu'ils ont touché la basilique de San Lorenzo... Elles rient avec méchanceté, nous n'avons pas idée, nous, de ce que ça veut dire d'avoir les avions au-dessus de sa tête une nuit sur deux, d'être obligé de dormir tout habillé dans des maisons qui n'ont plus de vitres, prêt à se précipiter en bas au premier hurlement de la sirène. Et de trouver le lendemain matin les rues dévastées, encombrées de ruines, les gens qui creusent à la recherche des morts pendant que les incendies fument encore et coupent la respiration, que l'air empeste le cadavre.
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Asia a reçu une lettre et elle ébauche des pas de danse, ses bras sont comme des ailes et ses chaussures éculées par toutes ces déambulations dans les rues et les métros, les musées, les jardins, se dressent sur la pointe, et sa jupe à carreaux verts et bleus s'arrondit autour d'elle : une étoffe qui n'est pas du coton, pas de la laine et sûrement pas de la soie non plus, mais qu'est-ce que c'est alors ? Carlo la palpe, et avec l'étoffe les jambes. "Bah !" répond-elle en haussant les épaules, des inflexions romaines dans sa voix, elle qui a une mère russe de vieille famille et un père qui aurait pu être ambassadeur s'il n'avait pas eu la malheureuse idée de suivre le destin de la République de Salo. La lettre comme un papillon entre ses doigts.
"De qui est-elle ? demande Federico. - Quoi ? la lettre ? d'un ami à moi. - Fais voir. - Pas question", elle a caché la lettre dans son corsage et elle rit maintenant. "C'est à cause d'elle que tu es si gaie ?" Un vent léger pousse les petits bateaux sur le bassins, les garçons vêtus d'imperméables aux pans voletants essaient à l'aide de longs bâtons de les récupérer et de les ramener vers le bord. Ce spectacle la fascine. "Alors, c'est à cause de ça ?" insiste Federico. Asia se retourne pour le regarder, un instant, et tout reste suspendu, immobile : l'eau, les petits bateaux, les nuages, les imperméables ondoyant dans le vent. Puis elle penche son visage vers lui, ses yeux regardent dans les siens, ses lèvres s'entrouvrent sur ses dents humides, "si gaie que ça?" demande-t-elle. Et la tristesse est un tampon au fond de la gorge. (Londres, pages 18-19)
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… un certain Franscesco Biondolillo va même jusqu’à écrire dans L’Unione Sarda du 14 avril 1939 : « Mais le plus grand danger est peut-être dans la prose romanesque où se tisse, depuis ce Juif roublard d’Italo Svevo jusqu’à ce juif ultraroublard d’Alberto Moravia, tout un misérable filet qui s’en va pêcher dans les fonds bourbeux de la société des figures répugnantes d’hommes qui ne sont pas « des hommes » mais des êtres abouliques, souillés par une sexualité basse et répugnante, physiquement et moralement malades (…) Les Maîtres de tous ces romanciers sont ces fous pathologiques qui s’appellent Marcel Proust et James Joyce, noms d’étrangers et de Juifs jusqu’à la moelle des os, de défaitistes jusqu’à la racine des cheveux. » Après la guerre, Francesco Biondolillo obtiendra la libera docenza, capacité à enseigner dans les universités, et donnera non seulement des cours dans un lycée romain, mais de nombreuses leçons de littérature italienne à La Sapienza, la plus ancienne université de Rome.
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Est-ce qu’on peut être malheureux à douze ans, profondément, totalement malheureux, au point que ce malheur devienne un concentré de tous les battements de cœur connus jusque là ? Et demeurer en même temps réceptif à la plus petite parcelle de ce qu’on est en train de vivre ? Comme si ce mois d’août avait marqué le partage des eaux entre le calme écoulement de l’enfance et la bousculade impétueuse et désordonnée de sentiments nouveaux, lancés ensemble dans un goulet étroit comme celui où se précipite l’Evançon.
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Evasio avait les yeux fermés, il n'avait rien vu quand son père avait mis le portefeuille sous l'oreiller et quand sa mère le fit tomber, il ne s'en aperçut pas. Mais ses doigts, oui, ses doigts, eux, se serraient fort autour des doigts de son père il n'avait plus besoin de rien d'autre. Plus de Suave, d'arbres, de neige, d'oiseaux. Plus d'angoisses, de désirs. Plus rien, juste ces doigts jusqu'à la fin.
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Mais Gavriel ne prononçait pas un mot de plus, ne faisait pas ce geste qui aurait décidé de sa vie. Le regard fixé sur les pommiers dont les formes se dessinaient sur le pré , il laissait l'attente se replier sur elle-même et les sursauts du cœur tomber comme des cailloux qui roulent en grondant jusqu'au fond du puits, de plus en plus faiblement, jusqu'à s'éteindre dans le néant.A . la fin , la jeune fille se levait et Maria disait quelque chose à propos des pommiers là dehors. Marlatteira emportait les verres sur le plateau.
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