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Critiques de Scholastique Mukasonga (323)
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Cœur tambour

Ca débute par ce drame : la sulfureuse et magnétique Kitami, chanteuse au succès planétaire a été retrouvée morte sans qu'on sache s'il s'agit d'un accident, d'un suicide ou d'un meurtre. Originaire d'Afrique, la jeune diva avait pour habitude de se produire entourée de choristes, d'une contrebasse et, surtout, de trois tambourinaires jouant d'instruments d'origines variées. Emportée par un chant qui la mettait en transe, Kitami envoutait le public, diffusait des paroles à la portée incantatoires. Un véritable phénomène de scène. Une reine. Mais voilà, dans des conditions obscures, Kitami n'est plus. Ce point de départ est l'occasion de présenter (longuement) les autres membres de son groupe, ses suivantes et certains des mystères qui entouraient son chant.



Une deuxième partie vient donner la parole à Prisca, jeune fille tutsi d'un petit village du Rwanda dont on suit l'éducation entre les bons Pères blancs et une initiation par une mystérieuse sorcière. Assez vite, on comprend que Prisca deviendra Kitami et que c'est à sa genèse, qui contient peut-être les raisons de sa mort brutale, que l'on assiste.



La troisième et très courte dernière partie recense, dans style journalistique, les rumeurs et hypothèses qui entourent le mystère de cette mort.



L'univers des boîtes de jazz dans les années 60, le syncrétisme des rastas, l'Ethiopie, coeur de l'Afrique, la légende de Nyabingi, quel beau programme c'était ! Tout aurait dû me plaire dans ce roman. Un style délié et élégant, l'histoire du Rwanda au moment de la colonisation, le rôle de la seconde guerre mondiale dans les déchirements qui le traverseront, la grandeur des mystères animistes, l'influence de l'Eglise sur l'éducation occidentale des populations africaines, la fonction sacrée de la musique, de la transe, la place d'une femme dans cette configuration, oui vraiment il y avait tout pour me plaire.



Et ça n'a pas pris. Je crois que cela tient à la composition. C'est la première fois que j'ai eu envie de découper un livre en petits morceaux et de proposer un autre agencement. Adopter un autre point de vue, une autre chronologie ? Orienter autrement le propos ? Reprendre tout ! J'ai eu l'impression d'avoir sous les yeux une somme d'excellentes idées, très bien écrites mais dont le rythme, à mes oreilles tout du moins, ne sonnait pas, dont le souffle n'enflait pas, ne me transportait pas. Ce qui, pour un roman sur un tambour, est tout de même fort dommage.





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Notre-Dame du Nil

- Notre-Dame du Nil - est un établissement scolaire, un internat pour jeunes filles, perché sur une montagne au bord du Nil. Il est tenu par des religieuses. Les enseignants font soit partie de cette communauté religieuse, soit sont des laïcs venus de Belgique, de Grand Bretagne, ou de jeunes coopérants français. Nous sommes en 1973 au Rwanda, pays qui est indépendant depuis 1962. La stabilité politique du pays encore fortement imprégné de son histoire coloniale, est fragile ; les tensions ethniques sont déjà nombreuses et prégnantes.

En effet, ce microcosme qu'est ce lycée est le reflet de ce qu'est la société rwandaise de l'époque dans laquelle "le peuple majoritaire", les Hutus, exècre "les cafards" que sont les Tutsis.

Notre-Dame du Nil est placée sous la bienveillance d'une Vierge "noire", sculpture datant de l'époque coloniale, qui a, outre le défaut d'avoir été conçue par les colonisateurs, celui d'avoir un petit nez, un nez qui ne ressemble pas à celui du "peuple majoritaire" mais a celui des "cafards", les Tutsis.

Les jeunes lycéennes sont pour la plupart des jeunes filles du "peuple majoritaire" ; un quota de 10% étant accordé aux "cafards"... lesquels sont tolérés pour un temps dont le compte à rebours a déjà commencé.

Cette micro-société va avoir le mérite de l'effet loupe, celui de nous montrer, de nous expliquer et de nous faire comprendre, à travers des épisodes auxquels vont être confrontés religieux, enseignants, autorités civiles et militaires et surtout les jeunes filles formées pour être la future élite du pays, ce vers quoi le Rwanda se dirige inexorablement : le génocide de 1994.

Chacun a en mémoire ce que furent ces crimes contre l'humanité, cette épuration ethnique perpétrée par les Hutus à l'encontre des Tutsis... et le comportement de ce que nous appellerons "la communauté internationale".

-Notre-Dame du Nil en est le miroir, le concentré, la synthèse admirablement pensée par son auteure, Scholastique Mukasonga.

La structure narrative est faite de petits chapitres, qui forment une sorte de crescendo vers l'inexorable.

Les personnages ont l'envergure de l'Histoire - la petite, mais surtout la grande -.

Le style est sobre, précis, tranchant (aucun mauvais jeu de mots).

Ce prix Renaudot a une autre vertu que celles déjà mentionnées, une vertu que je qualifierais de sociologico-culturelle.

Vous ne pouvez pas ressortir de cette lecture sans avoir en mémoire, les moeurs, les coutumes, les croyances, les odeurs, les parfums, les couleurs de ce pays si beau, si attachant et à la fois si "redoutable".

Dernier point auquel je tiens... la présence des gorilles et celle de Dian Fossey... dont le nom n'est pas cité, mais dont la présence parle à tous ceux qui, comme elle, comme vous et moi, sont attachés à ces êtres si attachants et à cette primatologue exceptionnelle, à cette femme hors du commun... disparue dans des circonstances tragiques.

Vous l'aurez compris, enfin je l'espère... j'ai beaucoup aimé ce livre que je recommande vivement.

PS : Atiq Rahimi, écrivain goncourisé, poète et cinéaste, a réalisé un film - que je n'ai pas vu - tiré de ce magnifique roman.
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Notre-Dame du Nil

"Il n'y a pas de meilleur lycée que le lycée Notre-Dame-du-Nil. Il n'y en a pas de plus haut non plus. 2500 mètres, annoncent fièrement les professeurs blancs. 2493, corrige Sœur Lydwine, la professeur de géographie. "On est si près du ciel", murmure la mère supérieure en joignant les mains."



Dans un pensionnat rwandais, des jeunes filles de la haute société sont élevées à l'écart du monde, sur un plateau situé à la source du Nil. Le lycée Notre-Dame du Nil, géré par des religieuses, est pourtant à la pointe de la modernité dans son action pour l'éducation des femmes : « Elle était assurée que sa fille recevrait au lycée Notre-Dame du Nil l'éducation démocratique et chrétienne qui convenait à l'élite féminine d'un pays qui avait fait la révolution sociale qui l'avait débarrassé des injustices féodales. »



Et pourtant, le lycée est le creuset des tensions qui agitent le Rwanda dans les années 1970, alors que les hutus ont pris le pouvoir, soutenu par les colonisateurs belges. Tensions entre les filles de différents partis, mais surtout tensions entre les "vraies rwandaises du peuple majoritaire" et les quelques filles tsutsies, admises pour des questions de quota (étant l'espoir de leur famille, car quand on est étudiant, on n'est plus ni hutu ni tsutsi, "comme si on appartenait à une autre ethnie, celle que les Belges appelaient naguère les 'évolués'", alors qu'elles savent qu'elles n'auront pas plus de travail après). Plus pauvres, méprisées, considérées comme des "Inyenzi, des cafards, des serpents, des animaux nuisibles" elles sont l'objet de réflexions considérées comme normales, de vexations. Jusqu'à l'apothéose final qui préfigure le génocide de 1994.



"La Mort a établi son règne sur notre pauvre Rwanda. Elle a son projet, elle est décidée à l'accomplir jusqu'au bout. Je reviendrais quand le soleil de la vie brillera à nouveau sur notre Rwanda".



C'est un roman extrêmement puissant, écrit par une rescapée du génocide tsutsi. Si certaines parties sont très dures, elles sont le reflet de la réalité et l'auteur parvient très bien à rendre l'ambiance de cette époque à travers les scènes de frustrations, de tensions. Mais elle nous plonge également au cœur de la culture rwandaise, évoquant les modes de vie, entre tradition et modernité, les fractures de la société, les croyances et superstitions, avec une plume aisée et agréable.



Elle peint également de beaux portraits de femmes : la grosse Gloriosa, avide de pouvoir; Victoria, la rêveuse qui perdra rapidement toutes ses illusions ; Modesta, mi-tutsi, mi-hutu, partagée entre ces deux "races" et désireuse d'être admise dans la dominante.



Et l'auteur retrace la montée des tensions, la moindre excuse étant utilisée pour attaquer les tutsis, le moindre prétexte à la violence, au relâchement de la haine, qui en fait un "roman" effrayant.



Enfin, le rapport aux Blancs est esquissé. Compliqué. Les Rwandais veulent acquérir une certaine indépendance, mais leur dévotion lors de la visite de la reine belge montre que les habitudes sont difficiles à perdre. On relève aussi une forme d'accusation des Blancs, impuissants et lâches (?) qui ne font rien pour arrêter les violences, ne s'impliquant pas dans ces querelles, alors qu'ils en sont à l'origine.



Ou l'éternelle histoire de domination, de racisme et de lutte de pouvoir ; l'éternel discours universel qui anime la haine entre deux "races", deux populations.



Un bémol cependant, qui est naturel : c'est une sorte de témoignage, du côté tsutsi, qui ont été persécutés, mais n'ont pas toujours eu le beau rôle ... Dans ce roman, utiliser des jeunes filles purs et frêles aident à propager l'idée que les Tsutsis sont uniquement des victimes. Mais lorsqu'on regarde l'histoire de plus près, ce n'est pas si simple ...



Un roman magnifique, à prendre pourtant avec précaution car les tensions sont toujours très importantes au Rwanda autour de cette question, non réglée depuis des décennies.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Notre-Dame du Nil

Depuis ma découverte fortuite des bouquins d'Hatzfeld (Une saison de machettes, La stratégie des antilopes) dans les rayons de la fantastique librairie Le Bleuet à Banon, la question du génocide rwandais me passionne. Fortement marquée par cette enquête troublante, j'ai poursuivi cette recherche par d'autres lectures (Murambi, le livre des ossements). C'est pourquoi la parution de Notre-Dame du Nil, dont l'auteure, Scholastique Mukasonga, est évoquée à plusieurs reprises chez Hatzfeld, m'a d'emblée interpellée.



"Il 'y a pas de meilleur lycée que le lycée Notre-Dame-du-Nil. Il n'y en a pas de plu haut non plus. 2500 mètres, annoncent fièrement les professeurs blancs. 2493, corrige soeur Lydwine, la professeur de géographie. "On est si près du ciel", murmure la mère supérieure en joignant les mains."



N'entre pas qui veut au lycée de Notre-Dame-du-Nil, une insitution gérée par des soeurs belges qui envisagent de former la future élite féminine rwandaise, et pour cela recrutent les filles des hommes influents, essentiellement Hutus, avec un petit quota de filles Tutsies. Situé sur la crête Congo-Nil, au fin fond du Rwanda, le lycée n'est pourtant pas préservé des enjeux qui animent la vie politique et sociale du pays.



"Mais nous, qu'est-ce que nous allons deenir ? Un diplôme tutsi, ce n'est pas comme un diplôme hutu. Ce n'est pas un vrai diplôme. Le diplôme, c'est ta carte d'identité. S'il y a dessus Tutsi, tu ne trouveras jamais de travail, même pas chez les Blancs. C'est le quota."



Sur la base d'une discrimination existante, se développent progressivement la suspicion et bientôt la haine, et, avec l'arrivée de la saison des pluies, les tensions vont croissantes entre les deux communautés, sous la houlette de Gloriosa, fille de ministre Hutu et apprentie idéologue qui attise et même parfois est à l'origine d'une violence latente insupportable, et d'autant plus cruelle qu'elle est le fait d'adolescentes, évoluant sous le regard des adultes impuissants et lâches.



"Quand les tueurs se jetteront sur nous, certains iront : en Afrique, ça a toujours été comme ça, des tueries de sauvages auxquelles il n'y a rien à comprendre et, même si certains se cloîtrent dans leur chambre pour pleurer, leurs larmes ne nous sauveront pas."



Tout y est : le contexte post-colonial, la fabrique des identités, l'inertie coupables des Européens, la folie et le cauchemar des massacres, la lucidité et le cynisme. Avec la justesse de son ton criant de vérité, la clarté de son propos, son écriture limpide et toute en finesse rendant compte des hésitations adolescentes avec talent, Notre-Dame-du-Nil questionne notre humanité profonde, et s'impose comme un roman essentiel, à portée universelle, bouleversant de bout en bout.



De très loin ma lecture préférée, à ce jour, de la sélection du Prix France Océans.



"Maintenant, j'en suis certaine, il y a un monstre qui sommeille en chaque homme : au Rwanda, je ne sais qui l'a réveillé."
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Notre-Dame du Nil

Situé dans un décor idyllique, aux sources du grand fleuve égyptien, Notre-Dame-du-Nil accueille essentiellement des Hutus, filles de militaires, d'hommes politiques, de notables... Mais pour faire bonne mesure, à chaque rentrée scolaire, quelques jeunes filles Tutsis sont autorisées à s'inscrire afin de respecter les quotas imposés par le gouvernement. Pour ces dernières, l'éducation est une faveur.

Au fil des pages, Scholastique Mukasonga distille peu à peu des éléments qui font monter la tension. Les jeunes Tutsis subissent des brimades de la part des représentantes du "peuple majoritaire" sous le regard impassible des professeurs français et des religieuses belges qui dirigent l'établissement.

Scholastique Mukasonga nous livre un texte fort magnifiquement servi par une écriture très pudique pour décrire des évènements en apparence mineurs, mais qui ont pourtant été le prélude de l’un des plus terribles génocides du XXème Siècle.

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Notre-Dame du Nil

Un bon livre qui nous retrace l'origine des guerres civiles dans la région des grands lacs en Afrique centrale, ces guerres dues pour la plupart du temps aux conflits ethniques. A quelle ethnie appartient l'histoire des origines? A quelle ethnie revient la sagesse, l'intelligence pour diriger la nation? A quelle ethnie devrait revenir le bâton de commandement, et celle qui devrait baisser la tète? A quelle ethnie se confie la nature pour transmettre le secret de son pouvoir spirituel? A quelle ethnie doit-on l'authenticité de la beauté africaine,? Autant de conflits internes qui traversent des générations, et qui prennent des proportions énormes avec l'évolution de la société, et l'auteure les transpose dans un lycée de jeunes filles: Notre-dame du Nil. En effet, C'est dans un milieu jeune que se développe ce conflit ethnique entre Tutsi et Utu, peut-être pas de manière sanglante au départ, mais n'empêche que cela ait entrainé un certain sabotage, briser la tête de la statue de la vierge noire, parce qu'on se pose la question: porte-t-elle un nez utu ou tutsi...peu à peu cette haine va s'intensifier jusqu'à dégénérer tragiquement...

Bien que j'ai aimé ce roman, ce voyage dans l'Afrique profonde avec ses mystères, ses considérations particulières de certains actes, ses ignorances parfois, son histoire liée à l'Égypte Antique, mais j'ai eu du mal à m'attacher à ces lycéennes, beaucoup de leurs petites histoires sont restées sans suite, créant une espèce de vide dans l'intrigue, la transformation de Gloriosa en une militante assoiffée du sang ne se fait pas de manière convaincante...
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Un si beau diplôme !

Elle a passé la moitié de sa vie à courir après un modeste diplôme d’assistante sociale. Son père croit que l’école sauvera ses enfants, un beau diplôme c’est un passeport pour l’avenir, la seule preuve au monde que l’on existe, un véritable sauf-conduit, qui permet de préserver sa dignité, son indépendance, d’assurer la protection de ses enfants. Sa carte d’identité porte, comme une marque infamante, la mention TUTSI. Chassée de son pays, réfugiée au Burundi frontalier. Mais hélas ce diplôme, quand on est réfugié ne lui donne pas les mêmes chances que ses camarades, commence le long chemin chaotique et difficile pour trouver du travail.



Mariée à un Français la voilà à Djibouti où on n’a pas l’utilité d’une assistante sociale puis en France où son diplôme n’a aucune valeur, il faut un diplôme français. À la veille de ses quarante ans, elle reprend donc ses cahiers, retrouve les bancs de l’école où les élèves ont l’âge de ses enfants.



Dans ce récit autobiographique, Scholastique Mukasonga nous raconte le parcours d’une jeune fille, devenue femme qui s’obstine à obtenir un diplôme. Une écriture enjouée, remplie d’anecdotes, de traditions, de coutumes pour nous conter son histoire et à travers elle, celle de son peuple condamné à s’exiler jusqu’au génocide des Tutsis, où trente-sept membres de sa famille sont assassinés. Un hommage à son père, considéré comme un sage, devenu modeste commerçant, car un homme se déshonore s’il reste à la maison comme une femme, un père qui est persuadé que l’éducation est un laissez-passer vers la liberté.



Le parcours d’une jeune fille qui ne possède qu’un seul livre et qui va découvrir émerveillée, une bibliothèque dont les murs sont tapissés de livres. Ce récit se termine par le retour à Kigali, au Rwanda aujourd’hui, sur les traces de la terre de ses parents, un pèlerinage douloureux, même le lac où elle allait chercher de l’eau a disparu comme mort de chagrin. Hôtels, restaurants, entreprises ont poussé comme des champignons, aujourd’hui les femmes sont partout, elles sont députés, médecins, militaires, femmes d’affaires. Ce sont les femmes qui choisissent leur mari, c’est le Rwanda nouveau !



Le récit émouvant d’une femme généreuse fière de ses origines, de la richesse de son peuple sacrifié.



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Ce que murmurent les collines : Nouvelles r..

A travers ces nouvelles, l'auteure nous fait découvrir l'Afrique coloniale. Plus précisément le Rwanda, ce petit pays enclavé entre l'Afrique centrale et orientale, d'abord occupé par l'Allemagne, puis par la Belgique après 1918. De son point de vue d'enfant, à l'écoute des récits des Anciens, elle se souvient de la vie au village, les histoires entre le roi déchu et le pouvoir colonial, les habitudes de la vie quotidienne, l'école...

On apprend beaucoup de choses dans un style simple, presque enfantin - c'est toujours le point de vue de l'enfant. le pouvoir colonial et l'acculturation qui s'en suit sont décrits avec légèreté, presque naïvement. C'est ce qui, à mon avis, donne de la force à ces récits. Mais c'est peut-être aussi le point négatif car j'aurais souhaité plus d'implication, de dénonciation. Mais ce n'était pas le propos de l'auteur.

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Notre-Dame du Nil

Un lycée religieux de jeunes filles qui se cotoient, s'apprécient ou se disputent, rien que de banal à priori. Oui, mais voilà, l'histoire se passe au Rwanda, et les jeunes filles sont huttus et tutsis (très minoritaires), l'une appartient au parti communiste, l'autre est fille de général et toutes sont soumises à la tyrannie des blancs. Mukasonga n'a pas son pareil pour décrire la montée des tensions dans la vie de tous les jours, le rôle des colonisateurs dans l'appartition des conflits, la lutte occulte jouée par les sorciers (et un blanc illuminé) qui tentent de préserver -et d'imposer- la culture Tutsi, le tout dans le quotidien d'un huis-clos réaliste au sein duquel les luttes de pouvoir, sous des allures sournoises, sont annonciatrices d'autres violences, infiniment plus meurtrières. J'ai beaucoup aimé l'écriture rapide, variée et précise de Mukasonga et cette histoire prenante, même si le conflit rwandais est vu ici par le petit bout de la lorgnette, si je puis dire, et si ce roman qui témoigne de ce qui se passe entre les différentes personnes n'en montre pas vraiment l'ampleur. Bon roman qui se lit avec plaisir et facilité, riche sur le plan psychologique avec des personnages concrets et attachants, riche aussi sur le plan des coutumes et des traditions, ce livre ne restera pas à mon avis parmi les plus marquants sur ce qui s'est passé au Rwanda. Tout au plus donne-t-il des pistes à approfondir, ce qui n'est d'ailleurs pas si mal comme première approche pour de grands ados et de jeunes adultes.
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Notre-Dame du Nil

Années 70 au Rwanda : les Hutus ont pris le pouvoir et organisent l’épuration ethnique, prélude aux massacres de 1994.

A Notre-Dame du Nil, pensionnat religieux de jeunes filles destiné à former l’élite féminine du pays, seules 10% de jeunes filles Tutsi sont admises. A l’instar de Gloriosa, pasionaria militante et fille de ministre, les filles de politiciens, diplomates, hommes d’affaire et notables Hutus s’organisent elles aussi avec l’ambition d’évincer les quelques élèves Tutsis admises dans leurs rangs. Le prétexte sera le nez de la vierge noire, Notre-Dame du Nil, beaucoup trop fin pour être un nez Hutu… et que Gloriosa veut détruire.

Alors qu’un vieil huluberlu français s’évertue à retracer les liens entre le peuple tutsi et les pharaons noirs en peignant inlassablement les jeunes Tutsis sous les traits de la déesse Isis, le drame prend lentement forme sous les yeux impassibles d’un personnel enseignant complaisant envers les autorités.

Au-delà de la tension croissante environnante, Scholastique Mukasonga ne se prive pas d’évoquer également quelques épisodes cocasses mettant en scène la fascination des africains pour les têtes couronnées, la tendresse des mères transformant les valises de leurs filles en garde-manger ou l’arrivée fracassante d’un hippie blond dans le bureau de la mère supérieure et les classes de jeunes filles abasourdies. Sans oublier bien sûr la magnificence d’une région montagneuse qui abrite une flore et une faune exubérante

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Notre-Dame du Nil

Gros coup de coeur pour ce roman percutant. Rwanda, début des années 70, c'est la rentrée pour l'élite des jeunes filles qui vient fréquenter Notre-Dame du-Nil, lycée pilote et modèle de modernité.

La majorité sont hutus, filles de colonels et autorités bien placées, mais un quota de Tutsis permet à d'autres filles brillantes et triées sur le volet de suivre l'excellente instruction de ce lycée. En fin de terminale, ces jeunes étudiantes seront auréolées de prestige, pourront travailler, mais rapporteront avant tout à leur famille prestige, honneur, et une dot imposante.

Notre-Dame du Nil déroule une année scolaire au gré des frictions entre étudiantes et harcèlements voilés, mais distille aussi au fil des pages la haine ressentie envers les Tutsis, minoritaires au Rwanda, et peu à peu ouvertement surnommés les cafards du pays. Gloriosa en particulier, chef de partie, va s'attaquer de manière de plus en plus virulente à ses camarades Tutsis, jusqu'à provoquer une violence insoutenable.



Le roman a remporté de nombreux prix et l'autrice elle-même est une rescapée du génocide rwandais. Dans ce roman, elle sous-entend un fait peu évoqué mais de plus en plus abordé, évoquant l'influence qu'ont eu les colonisateurs belges sur les conflits entre Hutus et Tutsis, pour des questions de domination.



Une tension de plus en plus forte se développe tout au long du récit, le processus de discrimination s'installe presque imperceptiblement et longtemps on ne veut pas y croire. Le roman nous amène dans une Afrique partagée entre chrétienté et vaudou sans que les deux ne s'opposent. C'est une reconstitution déchirante d'un pays en trouble que le passé et les différentes dominations ont rendu malade. Ne vous fiez pas à l'eau qui dort.
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L'Iguifou : Nouvelles rwandaises

****

Dans ce recueil de 5 nouvelles, Scholastique Mukasonga nous fait partager la dure vie et les terribles souvenirs des Tutsis au prémices du génocide.

Avec douceur et poésie, elle arrive à poser de jolis mots sur cette période sombre.

Il est toujours compliqué de parler de nouvelles, mais ce recueil là est à savourer... En souvenir... Et pour ne pas oublier...
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Notre-Dame du Nil

Notre-Dame du Nil n'est pas un roman cathédrale (de Paris) mais un roman lycée de jeunes filles en Afrique. Au Rwanda, les jeunes filles de bonne famille sont formées dans un lycée catholique afin de devenir, après leurs études, membres de l'élite féminine d'un pays chrétien et démocratique. Elles sont destinées à épouser des hommes importants alors on attend d'elle une bonne éducation et surtout la virginité, aussi se voient-elles patronnées par la Vierge, une Notre-Dame noire à laquelle s'identifier, Notre-Dame du Nil.



Il est dit dans le roman que la source du Nil est au Rwanda, mais j'apprends d'une autre source que sa source la plus lointaine se situe dans son pays voisin du sud, le Burundi. Que dire ? Qui faut-il croire ? Il faudrait se renseigner auprès de la faiseuse de pluie du roman qui doit savoir, elle, d'où vient le Nil, étant donné qu'elle sait d'où vient la pluie (elle utilise la technique de l'index qu'on pointe dans une direction après l'avoir humecté de salive, je fais ça souvent, sans que ça marche). N'est pas faiseuse de pluie qui veut ...



Dans le roman, l'histoire n'est pas toujours bien claire, car la grande Histoire rencontre les légendes des Blancs qui fantasment sur l'Afrique, et les croyances se croisent jusqu'à se faire se rencontrer Notre-Dame du Nil et les jeunes lycéennes de Notre-Dame du Nil dont certaines aiment l'illusion, d'autres les mensonges. Et la plus grande des menteuses, Gloriosa, pour qui les mensonges ne sont pas des mensonges mais de la politique, aura son moment de gloire, tout comme celle qui s'est laissée bercer par l'illusion d'être une déesse noire, Veronica. Mais il y a d'autres histoires aussi, comme celles d'Immaculata, de Modesta, de Virginia, il y a la grande Histoire, qui nous raconte les prémisses du massacre des Tutsi, il y a l'histoire racontée par les blancs et il y a l'histoire de Scholastique Mukasonga.
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Sister Deborah

Une mission évangélique américaine fait irruption en plein coeur d’un village rwandais déjà voué au culte de la Vierge Marie et d’une grande figure, Nyabinghi.



Et si le chef Musoni se mariait à Sister Deborah, cette prêtresse et thaumaturge américaine qui séduit les foules, afin d’asseoir son autorité ?



Quand cette dernière décline, c’est l’humiliation, bientôt attisée par l’annonce que le messie tant attendu sera une femme qui libérera toutes les autres.



Lauréate du prix Renaudot en 2012 pour "Notre-Dame du Nil", l'autrice Scholastique Mukasonga offre dans son nouveau roman "Sister Deborah", une plongée aussi mystérieuse qu'aride dans le Rwanda colonial des années 1930 .



Scholastique Mukasonga revient sur l'histoire de la conversion au christianisme dans l’Afrique de l’Est, mais à partir de la figure de la prophétesse et thaumaturge Sister Deborah.



Scholastique Mukasonga distille tout au long de son roman choral, un ton assez burlesque qui pourra autant dérouter que séduire le lecteur.



Scholastique Mukasonga offre à ce dernier, qui devra, certes faire un petit effort pour rentrer dans l'univers singulier de l'autrice, un voyage picaresque et presque amer au cœur d'une société africaine partagée entre mystification et démystification.Porté par l'indéniable talent de conteuse de la romancière rwandaise, tout en suggestion et eu mystère, Sister Deborah sonde les conséquences de l’arrivée d’une religion dans une société qui a tant besoin d’espérance
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Cœur tambour

Écoutez les tambours du Rwanda, ils font battre le cœur de l'Afrique...



Construisant son livre en deux parties, Scholastique Mukasonga nous invite au voyage entre les Caraïbes, l'Ethiopie, New York et le Rwanda, avec un conte pour une reine sorcière, une mélopée aux sons des frappes des tambourinaires.



Un journaliste se penche sur la mort de Kitami, chanteuse africaine, mystérieusement écrasée par un énorme tambour sacré, retraçant ainsi la carrière d'un groupe de musiciens batteurs de tambours, issus des mouvances rastas ou des îles des Caraïbes. Voyageant aux sources de leur musique vers un pays où la colonisation a interdit les tambours, symbole de luttes d'insoumission et de guérillas, le groupe trouve son âme dans le chant envoûtant d'une jeune Tutsi, prête à toute pour fuir un pays où son statut de minorité ethnique la destine au mariage forcé avec dignitaire Hutu.



L'auteur, survivante du génocide de 1994, revient encore une fois à ses racines rwandaises, pour nous parler de colonisation, de christianisation, d'exil et d'attachement viscéral à un pays en gestation de la future guerre civile. le tambour qui bat sous les frappes répétés parle d'envoûtement, de croyances archaïques. La belle Kitami est le miroir déformé de Scholastique, enfant de la tradition et de la modernité. Ses musiciens composent l'identité des exilés africains, partageant un socle culturel commun, complété d'influences musicales multiples: jamaïcaine, guadeloupéenne, ougandaise...



Une belle lecture si on accepte de se faire envoûter par des légendes et les croyances populaires africaines. Je reste souvent en dehors de cette thématique, mais la plume de Scholastique Mukasonga est puissante, entraînante et chargée des douleurs du pays aux mille collines.



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Notre-Dame du Nil

Rien n'évoquait un sujet tragique au départ de ce livre.

Des jeunes filles de la bonne société rwandaise se retrouvent dans un lycée très "select" perché sur la crête Congo-Nil, près des sources du Nil.

C'est un lieu isolé, loin des tentations de la capitale Kigali.

C'est le meilleur lycée du pays et les filles se retrouvent sous la houlette de la mère supérieure et du père Herménégilde.

Les enseignants sont quasiment tous Blancs et d'origine belge, nous sommes dans les années qui ont suivi la décolonisation du Rwanda.

Seulement deux enseignantes sont rwandaises: Soeur Lydwine, prof d'histoire-géo et la professeur de kinyarwanda, une partie des cours étant donnée dans cette langue.

Le lycée est destiné à former l'élite féminine.

Bien vite des tensions naissent entre les élèves Hutu et les représentantes de la minorité Tutsi.

Ces tensions ne sont pas nouvelles et la narratrice évoque plusieurs fois le rôle ambigu des Belges pendant longtemps: tantôt ils ont appuyé la minorité Tutsi, tantôt ils ont "retourné leur veste" en soutenant les Hutu.

La tension monte petit à petit et les dernières pages du livre montrent l'horreur qui éclate avec les premiers massacres des Tutsi.

Le livre est très autobiographique, l'héroïne va parvenir à fuir à temps.

La montée de la tension est très bien rendue dans ce livre, de même que les rapports très complexes, amour-haine entre les deux peuples.

Un livre qui marque et qui complète les premières connaissances que l'on peut avoir de l'histoire de ce pays.

Un très beau livre.
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Notre-Dame du Nil

Notre-Dame du Nil est une statue noire de Marie se trouvant au Rwanda et plus précisément, à la source du Nil. Pas loin de cette idole, a été construit un lycée pour jeunes filles où se déroule l’histoire de ce roman. Dans cette école, se retrouve l’élite de la société rwandaise hutu, des jeunes femmes dont on veut préserver la vertu en vue d’un bon mariage. Pour respecter les quotas, quelques Tutsi sont accueillies en son sein. Peu d’indications nous sont fournies sur l’époque, on peut deviner que cela se passe début des années 70.

Nous sommes happés dès les premières pages au cœur du sujet : la malveillance des Hutu envers les Tutsi. Dans les relations entre les filles, règnent le racisme, le pouvoir et la volonté de s’en sortir pour certaines. L’auteur n’idéalise rien. Naïveté, frivolité et cruauté de la jeunesse ne nous sont pas épargnés. Le tout est servi par une belle écriture criante de vérité où le narrateur semble appartenir à l’histoire.

C’est une plongée dans un monde que l’on connaît par l’actualité, le Rwanda et ses luttes intérieures. L’auteur réussi à nous le décrire de manière détournée. Elle raconte comment les germes de la haine se propagent déjà durant l’adolescence et comment cela peut très vite dépasser les limites du supportable.

Je conseille ce livre pour toutes ces raisons. Aussi parce qu’il nous invite à découvrir un pays dont personnellement je ne connaissais pas grand-chose. Les traditions, les mythes et le regard des rwandais sur les blancs valent aussi le coup d’œil. Et petite précision : cet ouvrage est écrit par une rwandaise, ce qui lui donne, à mon avis, encore plus de sens.
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La femme aux pieds nus

Cela commence par une bienveillante injonction :"Personne ne doit voir mon corps"; puis une mise en garde : "Personne ne doit voir le cadavre d'une mère sinon cela vous poursuivra"; et enfin un conseil : "Il vous faudra aussi quelqu'un pour recouvrir votre corps".



Mais comment faire dans un Rwanda en proie aux maladies, à la famine et aux massacres ? Quelle place pour la filiation, quelles mécanismes de transmission au sein d'une famille, dans les établissements scolaires ou même au quotidien quand le danger rôde ?



Ce récit qui aurait pu être sombre se révèle riche de vie à travers des anecdotes et souvenirs narrés par des femmes déterminées.



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Notre-Dame du Nil

Elles sont tutsies. Elles sont hutues. Ou les deux.

Elles sont toutes élèves en classe de terminale dans une institution religieuse du pays des mille collines. Elles nous emmènent à la source du génocide à venir.

Pendant une année scolaire, le romans observe les relations entre ces jeunes filles pour illustrer les tensions inter-etniques après la révolution sociale et politique rwandaise conduite par les Hutus. En arrière plan se dessinent également les rôles joués dans ce drame par l'Eglise catholique, la Belgique et la France.

Dans un climat de ressentiment historique , l'intrigue montre comment la soif du pouvoir à asséché les imaginaires et perverti les repères traditionnels pour laisser place à une société où la relation à l'autre est régie par suspicion, la peur et la haine .

Tout en mêlant le destin des jeunes filles à celui de leur pays, Notre-Dame du Nil laisse aussi la part belle à la magie africaine et ses pratiques ancestrales pour nous envoûter totalement.

Une très belle découverte, aussi instructive que dépaysante.
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Notre-Dame du Nil

Il paraît qu'en altitude l'air est plus sain. 2500 m n'est donc pas suffisamment haut pour éradiquer la bêtise humaine. Et la violence larvée de la société va jaillir parmi les jeunes filles de bonne famille hutue. 10% de tutsie, c'est toujours 10 de trop...

La tension est savamment entretenue, elle monte pas à pas, elle se retire, revient et soudain la grande vague. Pourtant, si l'on sait ce qui va se passer, jamais de panique, de terreur, de pleurs. Les tutsies le savent, elles seront courageuses jusqu'au bout ; elles se cacheront, essayeront de s'enfuir, ne se plaindront pas. Et à qui ? Le nationalisme hutu a fait en sorte que rien ni personne ne puisse leur venir en aide. Pas même Dieu.

Je n'ai pas réussi à savoir exactement quand se déroule l'action, mais elle donne une idée de ce que peut, ou a pu être, cette société rwandaise qui a fini par exploser.
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