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Citations de Serge Quadruppani (104)


Elle bloque le paquet du haut qui, tel un électorat contemporain, glisse dangereusement à droite
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Le libraire se coupe un morceau de dinde, le pique au bout de sa fourchette, glisse sur les dents de métal un bout de chou rouge et un débris de marron et abandonne le tout dans l'assiette pour répondre.
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- Oh moi, dit-il, je suis tueur en série. Mais aujourd'hui, je suis pas d'humeur à vous ouvrir la gorge alors si vous voulez, je vous laisse, je vais boire mon café à ma place.
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Le vivant ne peut que noter le beau contraste des deux corps, l'un si blanc (c'était un des étranges attraits de Julie, son aversion du soleil, sa panoplie de coiffes hors gabarit, canotiers et autres chapeaux de paille qui lui faisaient un visage de jeune star ou de poupée ancienne, sa pâleur languide au sortir de l'onde qui renvoyait à leur insignifiance les nageuses toniques uniformément bronzées), et l'autre si sombre que ses muscles semblent la matière même dont est faite la nuit.
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La morte présente une large blessure à la tempe, le mort a l'arrière de la nuque enfoncé, les cheveux souillés de sang et de matière cérébrale. Entre eux, sur le matelas, est posé un soc de charrue travaillé au chalumeau pour évoquer un sexe de femme et monté sur trépied. La chose crée au centre de la couche une dépression vers laquelle penchent ses occupants.
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- Tu crois pas qu’on devrait appeler les Pelletier ?
Je hausse les épaules.
- Encore ? Pour une vitre cassée ?
Il n’ose pas insister. Nous les avons déjà appelés deux fois en un mois, parce que Cécile avait « entendu quelqu’un ». Ils ont été très gentils, mais j’ai bien senti qu’on les dérangeait : la première fois, il n’y avait que madame pelletier à la maison, et elle était en pleine réunion de son Association des retraités actifs, et, la deuxième fois, ils regardaient un film à la télé, un de ces trucs en noir et blanc qui leur plaisent beaucoup.
Cécile a fait un pas vers moi.
- Reste où tu es. Allez dans votre chambre tous les deux, je dois balayer ça, je dis en montrant le verre brisé. Sinon, quelqu’un risque de se faire mal en marchant dessus.
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La technique, en devenant technologie, s'est entièrement centrée sur ce projet: mettre tout le réel au travail. Les animaux et les plantes, les atomes et les bactéries, l'air, l'eau et le soleil, et les humains, et leurs émotions, et leur attention, et leurs cellules, l'intimité de leurs organes... Tout cela a été toujours davantage soumis à la nécessité d'extraire à chaque fois plus de plus-value au profit du capital. On ne nouera pas une nouvelle alliance avec les plantes et les bêtes sans mettre fin à l'exploitation, sans remettre en cause la dynamique d'un développement technologique désormais inséparable - car il est son seul, et illusoire, espoir - du développement capitaliste. S'il y a un trou de souris par lequel l'humanité peut encore échapper à la catastrophe qui vient, c'est par là qu'on peut le trouver: dans la destruction de l'exploitation capitaliste et la sortie de sa civilisation.

Fin
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«Coincée », "frigide", et l'inusable «mal baisée », que j'ai encore entendu récemment dans la bouche d'un vieux soixante-huitard: la domination masculine version libérée avait tout un vocabulaire à sa disposition pour convaincre les femmes qu'il valait mieux passer à la casserole sans faire trop d'histoire.
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L'ANTI-TRAVAIL
Démantèlement de la puissance ouvrière et en particulier de ses forteresses usinières par la sous-traitance, l'automation, la délocalisation, la multiplication des statuts et la précarisation : la restructuration des appareils productifs nationaux lancée pour répondre à la combativité prolétarienne des années 1960-1970, accélérée par les contre-réformes thatchéro-reaganiennes mises à la sauce française par Mitterrand et ses successeurs, a rendu hégémonique l'idée que l'Emploi était le soleil unique autour duquel devaient tourner nos vies. Les gouvernants n'ont eu de cesse de répéter que c'était et serait toujours leur préoccupation centrale, tandis qu'ils continuaient de prendre des décisions qui rejetaient des masses croissantes de gouvernés hors du marché de la force de travail. Relancé comme un slogan électoral par Sarkozy, le thème de la «valeur travail » est encore repris en boucle par les politiciens adeptes de la crapuleuse tactique du «
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Vous savez bien, n'est-ce-pas, chaqun a cette expérience intime, inutile de s'étendre, que le temps c'est ce qui se dérobe : à peine avons-nous pris conscience de l'instant, qu'il est déjà passé.
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Tom découvrit le corps.
As du téléchargement, il avait assez vu de films gores pour reconnaître le cadavre d’un homme à qui l’on vient de planter un pieu dans la poitrine.
Tétanisé, le garçon fixait le mort. Il inspira, expira plusieurs fois, bruyamment, par le nez. Son regard ne pouvait se détacher de la poitrine inondée de sang. « La poitrine », pensa-t-il. Le sanglot qu’il avait réprimé tout à l’heure face aux filles éclata.
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Elle s’était assise sous l’ombrelle d’un énorme saule dont la chevelure, passant par-dessus elle, allait se tremper dans l’eau étale, de sorte qu’elle pouvait suivre sans être vue les évolutions calmes d’un canard de Poméranie. Deux hautains Suédois à cou noir émergèrent sans bruit des roseaux et vinrent mêler leurs arabesques aquatiques aux siennes. Un duo de rondouillards Pékin et une femelle d’Arlequin gallois au cou couleur de miel les rejoignirent. Puis un bruit du côté du cimetière déclencha un brusque envol général au ras de l’eau d’abord et depuis le faite des arbres ensuite. Les volatiles avaient disparu.
Une porte étroite et basse, que Sylvie n’avait pas remarquée jusque là, s’était entrouverte dans l’enceinte du cimetière. Des êtres de petite taille en sortirent, sur deux ou quatre pattes. Comme la troupe zigzaguait entre de gros massifs de rhododendrons aux corymbes bleus, la capitaine repéra quatre filles, trois garçons, trois chiens, deux chats et un lapin blanc. Ce dernier était juché sur les épaules d’un des garçons, un épagneul ouvrait la marche et deux patous à l’abondante fourrure blanche encadraient le cortège tandis que les chats, qui s’étaient glissés au-dehors juste avant que l’un des enfants referme la porte, semblaient suivre plus ou moins le groupe avec cet esprit d’indépendance qui caractérise leur espèce : en s’arrêtant pour se gratter, en revenant soudain en arrière pour examiner quelque chose à terre, en bondissant tout à coup sur le côté pour tenter d’attraper quelque chose de plus rapide qu’eux. Mais enfin, le mouvement général était bien celui-là : tout le monde se déplaçait ensemble. Ils contournèrent l’étang, chacun à son allure, jusqu’à se regrouper sur une plage de vase séchée à quelques mètres de Sylvie. Au bord de l’eau, comme une énorme canine gâtée, un tronçon de tronc noirci émergeait de la vase et la troupe se disposa devant lui en arc de cercle. Les deux filles les plus grandes, maigres et anguleuses, s’avancèrent en tenant entre elles, mains serrées sur les avant-bras, un garçon nettement plus petit.
Abritée des regards par les feuilles du saule, la capitaine observait le manège.
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« Ce qu’on appelle de manière impropre le plateau de Millevaches (il faut dire paraît-il, la Montagne limousine) est une terre infertile, dont le rendement en blé sera toujours inférieur à celui de la Beauce, circonstance dont un excellent auteur comme Pierre Bergounioux qui s’appuie sur Turgot et les physiocrates, s’autorise pour assigner à ce territoire une seule production remarquable, la mélancolie littéraire. Toutefois, on observera que, comme souvent sous les climats rudes et sur les sols inféconds, il y pousse aussi la mauvaise herbe de la rébellion. Depuis les maçons de la Creuse qui importèrent dans Paris des désirs de révolution, jusqu’aux irréguliers de Tarnac qui furent la cible d’une opération de communication ratée de l’intérieur, en passant par le maquis de Guingoin et ce maire et cet instituteur de la Villedieu qui furent révoqués pour s’être opposés au passage d’un convoi de rappelés de la guerre d’Algérie, un fort taux de fortes têtes s’est maintenu ici, de sorte qu’en rencontrer une sur le bord de la route n’est pas plus étonnant que de tomber sur une vidéo de chat en errant sur Internet. »
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Un quadragénaire mince en costume bleu sombre et cravate assortie tapote du bout de son Montblanc la bouteille d’eau inentamée posée devant lui. Ce léger bruit suffit à faire tourner les visages vers lui.
– S’il vous plaît, je vous serai reconnaissant de ne pas nous infliger de passes d’armes entre services. Le temps presse. Le ministre attend mon rapport dans une demi-heure, ajoute-t-il après un coup d’œil ostensible à sa montre sarkozyste. Alors, en deux mots, il est où, Dhiboun, vous avez une idée ? Quelqu’un a une trace de lui quelque part ? Oui ? dit le quadra en voyant à sa droite un quinqua en costume bleu turquin et cravate assortie lever son Montblanc à lui, la Direction du renseignement militaire a quelque chose ?
– Oui, acquiesce l’intervenant. Monsieur le conseiller, je me dois d’abord de m’inscrire en faux contre l’impression que nous pouvons vous donner. La circulation des informations entre services fonctionne. Bien qu’elle n’ait pas jugé bon de nous en faire part, nous étions au courant des difficultés de la DGSI, nous savions qu’elle n’avait trouvé aucune image de Dhiboun sur les enregistrements vidéo des caméras de la SNCF, non seulement à Modane mais ensuite dans toutes les gares françaises, puisque nos collègues ont étendu leurs investigations jusque-là…
Le conseiller soupire. Le représentant de la Direction générale de la sécurité intérieure fixe l’homme de la Direction du renseignement militaire avec des sentiments faciles à deviner, car sa mâchoire est serrée, son sourcil froncé, son front empourpré. Mais le militaire continue, imperturbable.
– Dans le cadre de la coopération entre services, il nous a donc semblé judicieux de demander de l’aide à nos principaux alliés dans la guerre contre le terrorisme. Nous nous sommes tournés vers la NSA.
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Moi, je suis amoureuse, c'est un grand Noir comme toi mais pas aussi beau que toi (je rigole, je veux dire, il est beau lui aussi).
Je crois que je sais enfin ce que je veux faire plus tard, c'est toubib (je rigole pas).
Je suis contente d'être ton amie (je rigole pas du tout).
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Marcher sur des sentiers qui montent, pousser des cris de bonheur devant des panoramas, marcher, se faire piquer par des moustiques, marcher, bouffer assis sur des petits cailloux pointus au milieu des fourmis, marcher, crever de soif, dormir par terre dans une ruine pleine de poussière, marcher, marcher, marcher !
Stéphane avait fait ça une fois, après quoi il avait solennellement annoncé à ses parents adorés que s'ils essayaient seulement de le convaincre de recommencer, il se jetterait par la fenêtre. La maison n'avait pas d'étage, mais ils avaient compris le message.
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Le brame du cerf monta vers les nuages étalés d’un vertigineux coup de pinceau jusqu’aux confins de la plaine. Dans un effort éperdu, l’animal tenta d’arracher ses pattes postérieures à l’emprise de la tourbière. Le barzoï cessa d’aboyer pour mordre le cerf au tendon d’une patte antérieure qui se souleva, secouant le museau arrimé à sa chair. Le chien sentit sur lui le souffle de la bête traquée qui inclinait la tête pour le heurter de ses bois. Alors le chasseur plongea son épieu dans la gorge du cerf et, mêlée aux fumets de terreur de la proie, aux exhalaisons de la vase, une enivrante odeur de sang emplit les narines du barzoï.
– Allez, Starky, j’ai pas toute la journée !
Le chien du tsar et des voïvodes sentit l’impérative pression de la laisse et fit où on le laissait faire, répandant sur le pavé de la rue de la Cloche la morne puanteur des espèces défaites et de leurs souvenirs.
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Les récits construits autour des guerres sont aussi vieux que les guerres elles-mêmes. Avec l’essor des médias de masse, le récit n’a cessé de s’intégrer au temps de la guerre, et le contrôle immédiat du récit s’est toujours davantage imposé comme un enjeu crucial de la guerre elle-même.
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L’ordre planétaire né de la Seconde Guerre mondiale reposait sur la dissuasion nucléaire autrement appelée équilibre de la terreur. Vers le milieu des années 1980, il est clair que cet équilibre est rompu. Tandis que le projet de « guerre des étoiles » reaganien menace d’élever jusqu’aux cieux la course aux armements, il s’allie sur terre à la manipulation des prix du pétrole pour aggraver la déconfiture économique de l’Union soviétique.
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Orwell laisse délibérément dans le flou la question de l’existence de Big Brother. On pourrait se contenter de la résoudre en disant que Big Brother est un rapport social médiatisé par des images. Mais, juste dans sa généralité, la glose sur la société du spectacle ne peut à elle seule rendre compte des complexités du réel. S’il existe bel et bien en tant que capacité à nous faire voir cinq doigts là où il y en a quatre, comme pouvoir de construire le réel en le racontant, s’il existe en tant que continuité d’une puissance d’illusion, le Grand Frère n’habite nulle part
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