Je dégaine le bandeau « Breaking news », « Alerte coup de foudre », et « Sors vite ta liste de bouquins à acheter ».
Les romans estampillés « thrillers psychologiques » sont à mon sens trop nombreux, et j’ai l’impression que la grande mode est de coller cette étiquette à tous les romans un peu tordus dans lesquels l’auteur se targue de perdre son lecteur (ça, c’est dit ! ). Là, mon cher lecteur, c’est d’un vrai thriller psychologique dont je vais te parler, et ça ne sera pas, pour une fois, une énième histoire de bonne femme sous l’emprise d’un conjoint pervers narcissique. Il en faut du talent pour écrire un vrai thriller psychologique, et du talent, Sophie Loubière n’en manque pas.
L’auteure va nous faire suivre la vie de Laurence, de sa plus tendre enfance avec ses parents et son frère jusqu’à sa vie d’adulte. Dire que son parcours familial est cabossé est un euphémisme : dernière née d’un foyer aux revenus modestes, elle grandit aux côtés d’un frère tyrannique qui s’est juré, à sa naissance, de lui pourrir l’existence. Tout est fait pour provoquer de l’attachement avec cette petite fille, et dès le début il y a quelque chose de très fort qui s’est tissé entre elle et moi. J’ai l’instinct maternel d’une huître morte sur un plateau de Noël (bon à part avec les chats), et pourtant j’ai ressenti une affection infinie pour elle, avec le besoin viscéral de la protéger contre toutes les agressions de sa misérable existence.
Cinq cartes brûlées est l’occasion pour Sophie Loubière d’évoquer des sujets sociétaux, flirtant ainsi avec le roman noir. Il est question de chômage, de maladie, de troubles psychologiques et alimentaires, du système de justice, des rapports difficiles qu’il peut exister entre des enfants et de leurs parents, de rejet de l’autre parce que trop différent, parce qu’il ne rentre pas dans le moule, parce qu’il est fragile et trop gentil. Mais la gentillesse peut parfois laisser place à quelques chose de bien plus sombre, parce qu’elle aura été trop usée, trop malmenée. On se protège alors, il y a une revanche à prendre sur cette saloperie de vie, sur ce passé qu’on traîne comme un boulet et qui nous empoisonne l’existence. Est-ce que Laurence se sentira mieux une fois sortie de sa chrysalide, les ailes déployées vers un avenir qu’elle aura choisi elle-même cette fois ? Pas certain… Parce que certaines épreuves sont trop difficiles à supporter et qu’ils changent irrémédiablement un individu, le marquant au fer rouge pour le reste de sa vie.
Derrière une intrigue magistralement déroulée, l’écriture de l’auteure est absolument remarquable dans le sens où il s’en dégage des émotions surpuissantes, une profondeur comme il y en a trop peu, il y a quelque chose de terriblement féminin dans cette écriture pourtant sans concession, elle a ce pouvoir de créer du beau, du palpable et même un peu de poésie dans un environnement tellement sombre, tellement difficile.
Le mot de la finCinq cartes brûlées ne frôle pas la perfection, il est la perfection.
Si vous ne deviez acheter qu’un roman en ce début d’année, c’est celui-ci.
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