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Citations de Timothée Demeillers (63)


Arrivé devant chez mes parents, mon chauffeur m’a demandé si c’était bien là. « C’est la première fois que je vois une Noire avec un bouquin », il a ajouté, le plus naturellement du monde, comme s’il me faisait un compliment.
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Les peurs individuelles nourrissaient la peur collective qui à son tour rejaillissait sur les peurs individuelles.
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On est déjà foutu, le coeur, les poumons, le foie, les articulations, les muscles, les os, tout ça salement amoché, et on revient s'amocher tous les lundis, retour au poste, comme aimantés, enimeux et destructeur. Qui s'infiltre dans les pores de nos peaux. Dans les fibres de nos muscles. le temps nous faisant vieillir alors que l'horloge tourne à peine. Les secondes interminables. Infinies. Le temps sans répit. Sans lueur. On n'attend plus que la mort. Et elle est la seule à nous attendre. Personne d'autre. Rien d'autre. D'ailleurs, pas besoin de grandes études pour voir le nombre de ceux qui nous ont déjà quittés. Emportés par le désespoir, par l'alcool, par la cigarette, nos drogues de destruction massive à nous. Emportés par le vide. Par l'absurdité de nos existences. Par nos gestes machinaux et répétés. Par l'impression de n'être personne. De ne servir à rien. D'être des muscles. Des bras. Des mains. Des prolongements de la machine. Qui nous impose son rythme. Auquel on s'adapte. Sur lequel on se calque. Sans même plus s'en rendre compte. Heureusement. Heureusement. Heureusement.
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Deux mondes hermétiques côte à côte. L’administration et la production. L’administration avec leurs belles affiches d’ouvriers heureux, qui ouvrent de belles bouches remplies de belles dents bien blanches. Qui rient de bon cœur. Personne n’a des dents comme ça, sur la chaîne. Tous ont la dentition amochée. Les dents noircies par des années de tabac. Les dents jaunies par les abus d’alcool. Les trous béants dans le sourire. On remplace jusqu’aux prémolaires, et après tant pis. C’est pour ça qu’on ne rie jamais à gorge déployée, à l’usine. On serre les lèvres. Qui cachent les trous. Qui cachent la misère. Mais c’est l’image que les patrons se font de leurs travailleur. Des ouvriers heureux. Des ouvriers joviaux. Des ouvriers blagueurs. Mais ici, dans cette petite salle, pas d’ouvriers radieux.

Pages 128-129, Asphalte, 2017.
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15h37, encore trois heures à trimer,

15h46, putain ça fait que neuf minutes,

16h05, mais merde la montre est bloquée aujourd’hui ou quoi,

18h07, allez plus qu’une vingtaine de minutes, plus qu’une vingtaine de minutes les mecs,

mais vingt minutes, est-ce-qu’on se rend compte ce que ça signifie au fond des abattoirs, au cœur de la paralysie du temps, c’est tellement long qu’on l’échangerait volontiers contre une année de retraite parfois, si elles pouvaient filer comme ça ces vingt minutes, qu’elles deviennent volatiles et légères, sauf que rien n’est léger là-bas, que ce ne sont pas les quelques verres de vin rouge à midi qui y changent quoi que ce soit, d’ailleur, à part peut-être nous alléger momentanément de 14h à 15h, pendant une heure, la tête ailleurs, on peut se laisser divaguer, penser à autre chose, et le temps passe alors presque normalement, tic tic tic, rime avec clac, clac, clac, mais bientôt la légère ivresse s’évapore et comme s’il fallait compenser cette brusque accélération du temps, les secondes se font soudain bien plus lentes, bien plus fatiguées, bien plus pénibles, le temps s’étire, s’étiole, les cerveaux se ralentissent, la lente descente de l’alcool, et alors les clacs, clacs, clacs [chaîne de l’usine] se feront plus forts, plus réguliers, plus bruyants, viendront davantage marteler mon crâne et le crâne de tous ceux autour de moi.

Alors, si tout devient trop bruyant, il y a toujours moyen d’alle fumer un joint, se planquer quelques minutes avec Paul, un petit jeune qu bosse aussi sur la chaîne d’abattage. Pour échapper à cet endroit. Aux gestes répétés à l’infini. Paul et moi juste à côté de la guérite des fumeurs, adossés au hangar, un peu en retrait, un peu planqués, un joint fumé en silence, en aspirant de grosses bouffées pour faire monter l’effet plus vite. L’odeur qui se répand jusqu’à la guérite. Personne n’est dupe. Mais on n’irait pas dénoncer. Chacun sa technique pour rendre l’environnement supportable. Tout le monde a sa solution.

Pages 60-61, Asphalte, 2017.
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On commente les élections sans trop y croire. T’as vu la Marine ? T’as vu l’autre, le nabot, le Sarko ? T’as vu Hollande ? Personne n’est dupe. On ne vote plus. Ou alors Marine. Mais c’est la même chose. C’est le vote de la dernière chance pour ceux qui prennent encore la peine de se déplacer. Le seul parti qu’on ait pas essayé. Alors on se dit qu’ils ne peuvent pas être pires. Et puis que les solutions sont concrètes au moins. Des communistes, il n’en reste qu’une poignée à l’usine. Ils se font chambrer. "Alors les cocos. Alors les rouges. On partage son paquet de clopes, les soviétiques." Ils essaient de nous dire que Marine, ce n’est pas là solution. On n’en sait rien, de toute façon, ce que c’est la solution. Ce qui est sûr, c’est qu’aucun des autres n’est la solution. Surtout pas les communistes et leurs 1,5%. Marine, on n’y croit pas plus que ça, mais on se dit "on sait jamais". On sait jamais. Tous des pourris. Tous des pourris. C’est ça qu’on commente le plus quand la discussion parvient à décoller. Les affaires. Les scandales. Enfin ce qui nous sert de prétexte pour ne pas voter. Ou voter Marine. Tous des pourris.

Page 65, Asphalte, 2017.
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Le vent froid a gommé les frontières
La houle a atteint le sommet des arbres
A obscurci les sentiers de montagne
Laissant des villes brûlées, du gros sel
Et les cris du silence.
Seules les rôdeurs de tôle rouillée,
Le grésillement des générateurs,
Et les cumulus au-dessus des centrales
Prouvent qu’il y avait des humains
Ici avant
Dans ma Yougoslavie.
Demain la brume
Demain la brume
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Et moi qui pensais que l'abattoir n'occuperait qu'un tiers de mon temps, et me servirait à passer les deux autres tiers peinard, à l'abri du besoin, eh bien je me suis trompé. Sévèrement. Je vis pour l'usine. Je vis par l'usine. Même ici. Elle s'est greffée à moi. Il faut que je m'y fasse. Comme une horloge intérieure. Un petit cliquetis permanent.
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Enfin les voilà, pas pressés pour un sou, à étirer le temps, à rallonger leurs pauses avec leur potage à la tomate alcoolisée et à me dévisager quand je me pointe devant eux. Comme tous les autres jours à passer devant leurs visages, devant leur couperose qui leur grignotte le profil, qui leur ronge le nez. La carte IGN calquée sur le mufle. Les sillons tracés d'avoir trop bu, de s'être trop tu. Il faut bien que les mots trouvent d'autres échappatoires. Ils me regardent les yeux vides. Délavés. Un voile noir sur la rétine. Comme un vieux chien malade.
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C’est après une manifestation que j’ai rencontré Pierre-Yves. En ce mois de novembre 1990, les lycéens étaient dans la rue. Moi aussi, j’étais allée bruyamment manifester. Je séchais les cours, parcourue par un excitant sentiment de transgression. Il faisait gris. Un brouillard épais était remonté du fleuve et avait tout enveloppé de son humidité molletonnée. La ville suintait. Dissimulée dans la poisse de la brume, je riais, je chantais, je crachais mon mal-être dans des formules bien ficelées, reprises avec vigueur par toute la masse humaine autour de moi.
Jospin ta réforme tu sais où on se la met, du pognon pour les lycées par pour l’armée, des pions pour l’éducation.
L’ambiance était joyeuse. Je répétais les slogans à tue-tête. Je hurlais. Je braillais. Au fond, je ne savais pas grand-chose sur quoi que ce soit mais ça n’avait aucune importance. Le mal-être que nous ressentions était véritable, lui. Nous, les « cocus de l’histoire », les lycéens trompés par toutes les convictions auxquelles avaient cru nos parents. On nous taxait d’individualistes. On nous taxait d’égoïstes. On nous taxait de nihilistes. Mais était-ce notre faute si nous avions assisté à l’écrou¬lement de toutes les idéologies ? S’il semblait ne rester aucun idéal pour lequel s’engager ? Alors là, serrée dans la foule aux côtés de mes camarades de classe, je voulais croire que notre lutte mettrait un coup d’arrêt à ce projet liberticide et que notre manifestation serait la première d’un mouvement massif et global qui marquerait l’histoire. Une nouvelle révo¬lu¬tion dont la France, et le monde, avaient bien besoin.
Nous étions une petite bande du lycée. Une dizaine, qui, comme moi, rêvaient d’une autre vie, d’un autre avenir. Les garçons se laissaient pousser les cheveux et les filles se les rasaient. Nous nous échangions les cuirs. Les motifs écossais. Les bracelets cloutés. Nous nous achetions une culture punk dans les friperies du centre-ville, des jeans déjà troués, fatigués, des cuirs tannés, des Doc coquées déjà portées. Nous dressions nos majeurs tendus aux gens bien comme il faut et fumions à la chaîne des cigarettes roulées. Nous nous rebellions dans notre bocal clos en nous jurant que jamais nous ne rentrerions dans le rang comme les autres générations contestataires avant nous, comme les autres frondeurs devenus des vieux cons, mais tous nous lorgnions sur les quelques punks, les vrais de vrais, qui zonaient à proximité de la gare. Ils n’étaient pas légion à Nevers. Nous leur enviions ce frisson de liberté qui s’échappait d’eux. Nous les admirions avec leurs crêtes tellement hérissées qu’on aurait dit des lames, leurs chiens laineux qui grignotaient les restes de bouffe et lapaient parfois, en fin de soirée, un peu de bière versée dans leurs gamelles. Juste pour rire. Lorsque les clébards tanguaient sur leurs pattes fragiles, ils semblaient se demander de quel côté de la terre il faisait bon marcher. Pierre-Yves était l’un de ces punks. Enfin, c’est avec eux qu’il a débarqué dans le cortège de la manifestation, ce jour-là. Leur petit groupe s’agitait à côté du nôtre. Bruyant et désordonné. Dans le trottinement monotone du cortège, ils se mouvaient désarticulés, allaient, venaient, sortaient du défilé en essaim nerveux pour recouvrir d’autocollants la vitrine d’un fast-food américain, puis retournaient se fondre dans la masse compacte, s’abriter dans la chaleur des anoraks colorés. Ivres et joyeux. Libres. Pierre-Yves riait beaucoup. Je l’avais tout de suite repéré. Pourtant, il n’était pas particulièrement attirant avec son petit mètre soixante-dix et ses cheveux désespérément fins qui tombaient sur un front trop vaste, une mèche d’enfant de bonne famille. Pas qu’il soit moche non plus, enfin ce n’était pas mon genre de mec. Mais il était un peu différent des autres. Lui ne portait pas la crête. N’avait pas de chien. Pourtant, il dégageait quelque chose.
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Voilà ce qu’on est, là-bas : un nom, et puis des bras surtout. Une machine à exécuter des ordres. Des muscles interchangeables. Des membres au service de la cadence. Des membres au service de la chaîne. Des membres dont le propriétaire importe peu. Mais qu’il faut tout de même ménager, un minimum, parce que l’inspection du travail guette.

Page 112, Asphalte, 2017.
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Même les agents de maîtrise, parfois, ils craquent, parce qu’ils n’etaient pas prédestinés à devenir de petits chefs. Ce sont des ouvriers comme nous tous. Et ils se disent sûrement "pourquoi pas , si je bosse bien, je deviendrai peut-être cadre, j’aurai un bon salaire, j’irai dans les bureaux, j’aurai une voiture de fonction", etc. Tout ça, ça fait envie sur la chaîne. Surtout le salaire. Mais rapidement, on se retrouve pris en sandwich, comme on dit ici. On est tout seul. La direction continue de nous regarder comme un ouvrier. Et les ouvriers comme un chef. Alors il faut s’endurcir. Il faut accepter d’être le salaud, d’être détesté. Se faire haïr. Ce n’est pas facile, hein. Moi, j’en connaissais des types avec qui je bossais, du jour au lendemain, qui se sont retrouvés agents de maîtrise. On sait que c’est la fin d’une période. Qu’on ne pourra plus jamais partager nos déjeuners. Beaucoup ne tiennent pas. Ils demandent à la direction de les remettre sur la chaîne. De retourner à leurs postes d’avant. Mais ce ne sera jamais plus pareil non plus. On a trahi. On a voulu trahir. On a voulu s’élever de sa condition d’ouvrier, prendre le dessus sur les collègues et toute la chaîne de production s’en souviendra. Les patrons aussi, d’ailleurs. Parce qu’on n’a pas eu assez de cran.

Pages 77-78, Asphalte, 2017.
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Au moins deux ou trois ans de retraite. Je ne demande pas vraiment plus. Deux ou trois ans. Et être suffisamment en forme pour en profiter. Pour oublier tout ça. Après, je peux crever. Mais qu’on me donne au moins ça. Au moins ces quelques années de retraite. C’est ce qui se dit, à l’abattoir. Pour les rares qui réussissent à l’atteindre intacts. Ceux que les mêmes gestes répétés à l’infini sur quarante ans n’ont pas trop amochés. Les mêmes gestes. Les mêmes mouvements du corps. Les mêmes muscles qui travaillent. Les mêmes tendon, les mêmes os. Les mêmes os, qui au fil du temps se déforment, se calcifient. On devient des sortes de mutants, à travailler à la chaîne. On devrait étudier ça en anatomie. Le corps d’un ouvrier à la chaîne. Les transformations du corps d’un ouvrier à la chaîne. Les douleurs. Les maux. La journée, ça va encore. Parce que les muscles sont chauds. Parce que les tendons sont chauds. Mais une fois au repos. La nuit. Les douleurs apparaissent. Les sales douleurs de trop répéter les mêmes mouvements mécaniques. Avec l’angoisse croissante de se dire que demain ça n’ira que plus mal. Parce qu’il faudra y retourner. Il faudra recommencer. Il faudra altérer son corps un peu plus encore. Et ne rien dire. Et se taire. Jusqu’à ce qu’on craque. Jusqu’à ce que le corps dise stop. Jusqu’à ce que la tête dise non. Les mêmes gestes heure après heure. Jour après jour. On demandera peut-être un changement de poste. Un changement de poste qui veut juste dire un changement de geste. Aller abîmer un peu l’épaule après avoir bousillé le poignet. Quand le muscle, le tendon, l’os devient trop irrécupérable. Alors terminer sans encombre jusqu’à la pleine retraite, c’est l’aspiration de tous.
Tout comme quelques années de paix après l’usine.
Juste quelques années de retraite.

Pages 49-50, Asphalte, 2017.
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Je programme les vaches à venir. Seul. Personne pour me tenir compagnie dans les frigos. Pascal qui passe et s’en va. Qui fait des allers-retours avec les bureaux. Les vétérinaires. "Re-bonjour. Comment allez-vous". Avec leur "comment allez-vous" qui sonne si différent. Pas désagréable, non, mais différent. Le "comment allez-vous" de ceux qui ont fait des études. Et qui te plaignent de te retrouver à bosser là où tu bosses, le "comment allez-vous" de pitié pour toi, mais aussi parfois qui sonne un "comment allez-vous" de mépris, le "comment allez-vous" de "c’est quand même sa faute s’il se retrouve à faire ce boulot à la con", le "comment allez-vous" qui te regarde comme un sauvage, comme un animal que tu es à force de bosser dans toutes ces déguelasseries, dans ce sang poisseux qui te colle aux basques, qui te colle aux crâne, qui te colle à la peau, le "comment allez-vous" qui te dit que toi aussi tu finiras sûrement bientôt suspendu à un de ces crochets, la tête en bas, à te vider de ta sève, estampillé, une petite fiche agraphée indiquant ton âge, ton poids, ta catégorie, ta race, ta provenance, ta qualité de muscle, ta quantité de graisse et la destination où l’on se régalera de ta chair, le "comment allez-vous" des autres, de ceux qui ne voient l’enfer que par la lorgnette des quelques heures hebdomadaires avec nous et qui peuvent ensuite aller se réconforter entre eux dans leurs bureaux ou laboratoires chauffés, avec leur paye confortable à la fin du mois. Le "comment allez-vous" de eux d’en-haut, des autres.

Pages 30-31, Asphalte, 2017.
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D’ailleurs, malgré l’alcool, j’ai rencontré quelqu’un, j’ai rencontré une femme, une vraie de vraie. Une histoire pas possible, mieux que tous les shoots d’héroïne. J’étais dans le tram. Les mêmes tramways crasseux, poussiéreux, de notre temps, ceux remplis de ces déchets postcommunistes, de cette amertume qui nous hante, de ce mauvais goût capitaliste, de ces affiches publicitaires qui collent mal sur les parois d’acier froid. J’étais assis derrière un de ces galvaudeux, qui s’enracinent au plastique des sièges, dorment, chient et meurent dans les trams, le regard porté sur la nostalgie d’un passé qui semble radieux et d’un futur déjà macchabé, qui voient le tableau déprimant des Mercedes noires, chauffeurs gominés, gourmette au poignet gauche et petites minettes pas majeures au poignet droit, défiler devant leurs yeux délavés. Sortes d’animaux sauvages des temps capitalistiques, grignotant les miettes des McDonald’s et s’excitant sur les nanas à poil des tickets d’entrée de cabarets.
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Vous devriez aller voir le Liberland, ça vous changerait de vos recherches déprimantes.
- Le Liber quoi ?
- Le Liber-land, a-t-elle répété en articulant bien lentement pour se moquer gentiment de nous. C’est un nouveau pays qui a été créé l’année dernière à quelques kilomètres d’ici. Un peu plus en amont sur le Danube. Il y a vraiment que chez nous que ce genre de choses peut arriver.
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Même les jeunes qui sont embauchés, ils parlent de retraite. Même les petits nouveaux de vingt balais, ils parlent de ça. De ce qu'ils feront. D'où ils iront. De la baraque ou la bagnole qu'ils achèteront. Comme si c'était la vraie vie qui commençait. Comme si on se faisait chier pendant quarante ans pour enfin pouvoir choisir ce qu'on va faire de sa vie.
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Même les jeunes qui sont embauchés, ils parlent de retraite. Même les petits nouveaux de vingt balais, ils parlent de ça. De ce qu'ils feront. D'où ils iront. De la baraque ou la bagnole qu'ils achèteront. Comme si c'était la vraie vie qui commençait. Comme si on se faisait chier pendant quarante ans pour enfin pouvoir choisir ce qu'on va faire de sa vie. Mais souvent, la vie en décide autrement.
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C’est ce qui se dit, que le temps nous roule dessus. Nous écrase comme un 3,5 tonnes qui nous passerait sur le corps, comme si de rien n’était, comme par mégarde, et tous les jours on se relèverait un peu plus fripés, un peu plus cabossés, un peu plus déformés par la vie qui trace des tranchées dans nos gueules, des rides dans nos existences, des vallons dans nos organes, qui font qu’à vingt ans on en paraît quarante et qu’à la retraite on est bons pour la morgue. On est déjà foutus, le cœur, les poumons, le foie, les articulations, les muscles, les os, tout ça salement amoché, et on revient s’amocher tous les lundis, retour au poste, comme aimantés, pour un nouveau lundi et une nouvelle semaine. Une de plus vers la retraite. Et une autre et encore une autre. Un nouveau lundi. Et le temps qui passe. Et le temps qui ronge. Le temps qui peu à peu rend fou. On le sent. Venimeux et destructeur. Qui s’infiltre dans les pores de nos peaux. Dans les fibres de nos muscles. Le temps nous faisant vieillir alors que l’horloge tourne à peine. Les secondes interminables. Infinies. Le temps sans répit. Sans lueur. On n’attend plus que la mort. Et elle est la seule à nous attendre. Personne d’autre. Rien d’autre. D’ailleurs, pas besoin de grandes études pour voir le nombre de ceux qui nous ont déjà quittés. Emportés par le désespoir, par l’alcool, par la cigarette, nos drogues de destruction massive à nous. Emportés par le vide. Par l’absurdité de nos existences. Par nos gestes machinaux et répétés. Par l’impression de n’être personne. De ne servir à rien. D’être des muscles. Des bras. Des mains. Des prolongements de la machine. De la cadence effrénée de la machine. Qui nous impose son rythme. Auquel on s’adapte. Sur lequel on se calque. Sans même plus s’en rendre compte, heureusement. Heureusement. Heureusement.
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