Complètement fou ! Ça ressemble à une blague pour ceux qui, comme moi, vivent dans une grotte, mais figurez-vous qu'aujourd'hui 13 avril c'est l'anniversaire deuuu…? Non, personne ? de cette micro nation autoproclamée : le Liberland ! Si-si, je vous assure.
La littérature a cela de merveilleux qu'elle ne cesse de nous surprendre : On a beau avoir l'impression de savoir des choses, on en apprend tous les jours de nouvelles. Ici, Messieurs DEMEILLERS et OSOHA, journalistes et co-auteurs de ce livre de non-fiction, m'ont appris qu'il existe encore dans notre monde des parcelles de terre qui ne sont revendiquées par aucun pays. En l'occurrence, en raison de différents frontaliers entre la Serbie et la Croatie, des territoires frontaliers sont revendiqués par les deux pays… Et d'autres par aucun ! N'étant pas d'accord sur le tracé des frontières, chaque pays attribue ces bouts de territoire à l'autre.
En apprenant cette nouvelle, le 13 avril 2015, Vit Jedlicka a fait de l'une de ces terra nullius (« terre sans maître »), une micro-nation : la république libre du Liberland. La devise du Liberland est « Vivre et laisser vivre ». Son objectif est de fonder une société où l'on peut prospérer sans lois et impôts contraignants. Il prend exemple de pays comme Monaco ou le Liechtenstein. Vit appartient à la mouvance libertarienne : Il s'agit d'un mouvement philosophico-économico-politique qui prône un libéralisme radical. Autrement dit un paradis fiscal reposant sur la privatisation à outrance, afin que l'Etat ait le moins d'ingérence possible avec, par conséquent, des impôts uniquement volontaires, une solidarité à la carte, une réussite au mérite, etc…
Un tel pays peut-il seulement exister, ou ce concept n'est-il pas viable ? S'il l'est, est-il une utopie ou clairement dystopique par nature ? Ceux qui, en l'occurrence, y croient et veulent (s')investir dans ce projet - que ce soit en tant que bénévoles ou en tant que généreux donateurs - seront-ils comblés ou déçus ? Se feront-ils arnaquer ou seront-ils au contraire récompensés pour leur contribution ? Comme dans un roman, le lecteur lit pour avoir le fin mot : Ce projet a-t-il fonctionné, existe-t-il aujourd'hui ? a-t-il capoté, basculé dans le scandale ? Pour nous exposer cette véritable histoire, racontée d'une façon plaisante à mi-chemin entre le roman et l'enquête journalistique, les auteurs sont allés mener leur enquête sur place, ont réalisé des interviews de tous les acteurs, fouillé les réseaux sociaux…
Comme dans un roman, nous suivons différents personnages qui seront les acteurs de ce que les pays alentours nomment une mascarade. Vit, élu Président par les trois seuls premiers citoyens du Liberland, devra se battre sur tous les fronts : imposer leur présence physique sur place, contestée par les autorités locales, via diverses actions locales plus ou moins inspirées ; parvenir à convaincre la scène internationale de le reconnaître comme Etat en démarchant des hommes politiques reconnus ; collecter les fonds nécessaires à ce train de vie consistant à la fois à occuper la scène politique internationale et à financer des tas de projets pour faire connaître cette nouvelle entité ; établir un mode de tri des candidatures de citoyens à accepter, car le pays est trop petit pour tout le monde ; occuper le terrain des réseaux sociaux car c'est aujourd'hui sur l'espace virtuel que se joue presque tout, etc… Mais au fur et à mesure, les belles idées du début laissent place à des questions pratiques : quid de l'opacité des financements ? des petites magouilles pour devenir Président à la place du Président ? du fait que sans posséder physiquement de terre d'accueil pour ses citoyens, le Président soit discrédité, accusé d'arnaque, et même de devenir à son tour un dictateur ?
Tant de questions intéressantes, autant de droit international que d'idéologie pure, soulevées par une idée de départ certes un peu folle, mais qui a le mérite de bousculer les certitudes et acquis politiques et de les questionner. Une lecture surprenante et rafraîchissante, même s'il ne faut pas chercher dans cette non-fiction la plume et les rebondissements d'un véritable roman. En tous cas, un bel objet livre, agréable à toucher et à lire.
Commenter  J’apprécie         5431
Voici une enquête qui se lit au bout du compte comme un roman, très fouillée et complète, assez objective, pour comprendre ce qu'est le Liberland, projet surréaliste de fondation d'une micro-nation libertarienne sur un no man's land, une terra nullius située sur les rives du Danube, entre Croatie et Serbie, et comprendre aussi son fondateur, Vít Jedlička, tchèque ne pouvant pas, au sein de son pays, vivre comme il l'entend.
Entretiens avec des personnalités importantes du Liberland, dont son fondateur, ou des habitants à proximité, historique de la fondation et du développement pas toujours rose de la micro-nation retracé précisément, nous faisons un véritable voyage en cette terre de 7km2, dont l'on peut devenir citoyen contre 5000 dollars payables en bitcoins, et dans laquelle c'est, finalement sans surprise, l'argent qui prime sur les soi-disant libertés individuelles, elles-mêmes très relatives, promises. A ce jour, le Liberland n'est toujours pas reconnu comme un état à part entière, et c'est tant mieux !
Je remercie les éditions Marchialy et Babelio de m'avoir permis cette lecture, ma foi fort instructive, qui confirme bien toutes les dérives possibles du mouvement libertarien.
Commenter  J’apprécie         110
Petit quizz : connaissez-vous le Liberland ?
Si vous êtes comme moi, vous répondrez non et irez consulter une page Google pour apprendre qu'il s'agit d'un micro état.
Vous voilà bien avancés. Mais si vous souhaitez en apprendre davantage, ce livre est fait pour vous.
Il retrace la courte histoire de cet état, proclamé en 2015, et de son président Vit Jedlička.
Émule des théories libertariennes pour qui, l'état est une nuisance dans ses interventions. Les tenants de cette idéologie prône une liberté individuelle maximum, offrant ainsi la prospérité au plus grand nombre.
Décidant de mettre en pratique cette théorie, le choix de Vit et d'une poignée d'acolytes consistera à revendiquer une terra nullius, territoire non attribué à un État, entre la Croatie et la Serbie : le Liberland.
Créer un état, prônant une intervention la plus minime, au croisement des affrontements nationalistes des Balkans se révèlera être un projet vain.
Car l'opposition des voisins du Liberland, qui considèrent chacun cette étendue de terre comme la leur, rend toute occupation effective du nouvel état purement fictive.
Les tentatives diplomatiques pour faire reconnaître l'état du Liberland se solderont également par un échec.
Cela donne un livre assez étrange qui montre un projet non abouti, mis en échec dès le départ. Un livre qui, du coup, n'a pas grand chose à raconter, enchaînant la présentation d'une succession de personnes ayant gravité autour du Liberland à un moment ou un autre.
Au final, j'ai beaucoup plus apprécié les passages relatifs au nationalisme et au conflit entre la Croatie et la Serbie.
Les libertariens m'ont fait l'effet d'une bande d'enfants s'amusant avec du sable, sable qui sera lavé par la première marée.
Un livre de non fiction qui m'a laissé de marbre, plus à cause du sujet en tant que tel qu'à cause du travail des auteurs.
Commenter  J’apprécie         60
Pari de potache? Pas tout à fait. Le Liberland, dont la devise est «Vivre et laisser vivre», se veut porteur d’un grand projet libertarien, version radicale et libertaire du libéralisme.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Vous devriez aller voir le Liberland, ça vous changerait de vos recherches déprimantes.
- Le Liber quoi ?
- Le Liber-land, a-t-elle répété en articulant bien lentement pour se moquer gentiment de nous. C’est un nouveau pays qui a été créé l’année dernière à quelques kilomètres d’ici. Un peu plus en amont sur le Danube. Il y a vraiment que chez nous que ce genre de choses peut arriver.
VLEEL 224 Rencontre littéraire avec Timothée Demeillers, Jusqu'à la bête, Éditions Asphalte