Citations de Yann Queffélec (604)
Je peux encore raccrocher et faire ce qu'on attend de moi. Comme avant. Pantin entre les mains de ma mère et celles de Luigi parce que trop grosse, trop moche pour décider quoi que ce soit. Qu'est-ce que tu y connais, à la vie? Je sais ce qui est bien pour toi, Clara. oui Maman. Travaille ton violon! Tue!
"J'ai besoin d'en parler, d'expliquer pourquoi je vais quitter Claire après ce qui m'est arrivé."
Et d'accord, ils le furent aussi pour considérer que leur couple, avec ses hauts et ses bas, était le plus amoureux de ceux qu'ils avaient rencontrés.
C’est quand les gens sont plus là qu’on s’en souvient.
On dit chez nous que… tout fagot trouve son lien, mais pour un fagot pareil je n’en suis pas sûre.
- Pour appeler qui?
- Anaïs.
- Qui c'est Anaïs? Un mec?
- Un pissenlit.
On y allait en train quand j'étais enfant . Le Paris Brest à vapeur des années 50 , la moleskine olivâtre du compartiment pour huit, les oeufs durs écalés sur les genoux, neuf heures de rail sans voir la mer ou si peu vers St Brieuc.
Je voudrais revoir mes mains. Elles m'ont accompagné si longtemps. Montrez-les moi par pitié. mes mains pourraient dire, elles, que je n'étais qu'enfance, indicible amour, elle se souviendront bien après moi de toutes mes folies, de tous mes rêves. Elles iront voir ma mère au lavoir des Trois-Sources, elles reverront mes premiers visages, elles reconnaîtront tous ces gens que j'ai la faiblesse d'oublier, de perdre, et qui sont peut-être moi. Tant de souvenirs, tant d'espoirs, mes mains les caresseront encore... Armelle, Anna, Mimi, Maria, Thomas, vous êtes là n'est-ce pas, vous m'écoutez, je suis le fils de la Durolle, un petit garçon nommé Francis, nommé Thomas... Je te parlerai mon Thomas, je vous consolerai, tous mes enfants, vous mes amours, mes adieux, mes roseaux je vous dirai mes enfants.
Il eût fait n'importe quoi ce soir pour que ce trésor sans valeur, sa vie, lui fût laissé.
Ma Bretagne est d'Armor, le pays dans la mer. Ma Bretagne fut un royaume, il n' y a pas si longtemps. Ma Bretagne est le pays des marins. Ma Bretagne n'oublie jamais les périls en mer. Ma Bretagne est le pays des femmes vraies, le pays des épouses et des veuves. Ma Bretagne est un pays qui chante à travers les âges. Ma Bretagne est le pays des écrivains. Ma Bretagne est le pays d'une langue bretonne qui faillit s'en aller d'une mort programmée par l'Etat, - qui mourut quelque temps d'ailleurs, et qui lutte aujourd'hui pour sa résurrection. Ma Bretagne est le pays des lumières et des peintres, les mangeurs de lumière venus en chemin de fer à la belle époque comme Gauguin ou Méheut. Ma Bretagne est le pays des Pardons, la fête estivale du péché célébré sous la bannière de sainte Anne, bonne mère ! Ma Bretagne est le pays des souvenirs, les miens et ceux des anciens qui m'ont raconté l'Armorique d'avant les moteurs, la Bretagne mal aimée, vexée, réduite au silence, La Bretagne de Bécassine en délicatesse avec l'Etat français. Ma Bretagne est mon pays usuel, mon pays définitif, j'y naîtrai toujours
L' appartenance - abusement qualifiée d'identité -, voilà bien la force innée qui l'attache à la tribu, breton qu'il est avant d'être français, européen. Ce n'est pas un repli, c'est un ancrage.
Bien coiffée, parfaite, elle ne l’était plus, elle étourdissait. On avait envie de manger son âme entre ses cuisses , elle le savait, en jouait.
Trois ans. Tu écris " trois ans" sur une feuille blanche - et tu déchires. Ecoute le bruit que font trois années d'amour quand tu les déchires. C'est l'harmonie du désespoir. Déchirure et déchirement. C'est encore une fois les appels, les pas, les noms, les chansons, les mains, les rires de ceux qui t'unifiaient, qui s'unifiaient à ton contact, même si tu faisais le fou la nuit. Trois ans. Plus c'est doux , plus çà hurle, plus çà hante et çà revient. Tu te meus en toi comme un revenant, comme un pillard traqué par le bonheur qu'il a mis à sac. Nos actes nous suivent : ce sont de sacrés limiers. Des souvenirs qui s'estompent ou de ceux qui perdurent, têtus comme des ressacs, je ne sais lesquels font le plus mal.
Zou marchait sans voir l'ombre d'une mouette en vol. Il errait depuis un temps fou dans cette vague de chaleur houleuse, et devant ses pas l'horizon scindait la lumière entre l'azur et rien, en tout cas rien qu'il sût nommer. Tout (sic) à tour il était fier, honteux, consterné. il avait perdu bien des choses au cours de sa vie, et encore pas tant que ça. Mais qui pouvait se flatter à dix ans d'avoir perdu la mer?
Monsieur Bob, quand il était jeune, enfin quand il avait un métier, il pilotait les voitures de pompier. C' était là-bas qu'il avait connu Mado, dans les casernes à pompiers. Et le jour où le DC 10 américain s'est détérioré sur la forêt de Senlis, Monsieur Bob est arrivé le premier là où ça cramait, l'avion, les gens, les valises, les hôtesses de l'air, les marronniers, les oiseaux. Le lendemain ça divaguait sec. Il ne tournait pas plus rond qu'un DC 10 avarié. Il y allait au ralenti, sur les incendies, il se trompait de chemin. Alors, on l'a réformé, il n'a plus fait pimpon, plus jamais. C'était surement ça, le gigot derrière les oreilles de Monsieur Bob, et la raison qui faisait qu'il ne répondait pas aux questions privées. Ça devait résonner comme s'il fallait mettre son casque dare-dare et partir encore éteindre un avion. Et donc il ne supportait personne, à part sa casquette et la télé.
Tromper une femme qui vous aime et vous a confié son amour c'est un peu la tuer, non, mettre fin à ses jours qu'elle croyait uniques au monde, et doués d'une éternité que la mort ne ferait qu'emporter ailleurs.
La séparation fait mal au corps des deux amants, celui qui s'en va, celui qui se croit seul à écoper les regrets et l'humiliation d'une rupture imposée.
Est-ce que l'enfance entend la vérité quand on lui dit les choses ? Quand on lui montre les étoiles, les bateaux sur l'eau, Dieu sur la croix, les anges aux ailes de poisson d'avril ? Est-ce que l'enfance entendrait la vérité si le rideau se levait sur les charniers, les partouzes et les chambres à gaz ?
On est humain. Il est humain d'être dépassé par les évènements. Il est humain de tourner les talons.
L'important, c'est de garder en soi présente la mère qu'on a perdue, moins loin qu'on imagine, et de la retrouver autant que faire se peut, ressuscitée par les signes que le hasard fait neiger dans l'ombre autour de nos pensées, de nos pêchés. Ouvre grand les yeux elle ouvrira les siens. Sois aveugle elle t'oublie.