Oui, je suis tout à fait d'accord avec toi, sur tous les points. J'ai lu il y a quelques temps un article très intéressant sur les traductions de Lovecraft, qui reprenait toutes les questions liées à la traduction que tu soulèves. J'ai appris à l'occasion qu'à une époque, certains éditeurs français demandaient aux traducteurs des coupes de 15% des textes en anglais (ou quelque chose comme ça), sous prétexte que les textes français étaient de 15% plus longs... J'ai appris également que les traducteurs ne travaillent pas toujours sur les bons textes originaux (des mauvaises retranscriptions jamais corrigées, par exemple).
J'ai par ailleurs expérimenté une ancienne traduction de La Quête onirique de Kadath, qui était illisible (mais carrément au point que je ne comprenais pas ce que je lisais), j'ai donc acheté la nouvelle traduction de David Camus, dont j'avais entendu du bien. Alors, certes, elle se lit bien mieux, mais elle est par moments bien trop actualisée et, surtout, il y a un personnage qui dit quelque chose du genre "Quels cons, ceux-là !" Or, tout connaisseur sait que Lovecraft ne se serait jamais exprimé ainsi, et qu'il n'aurait pas mis ce genre d'expression das la bouche d'un de ses personnages ; en plus, je crois que le personnage en question est Nyarlathotep (il faudra que je vérifie), une sorte de dieu, énigmatique, charismatique, qui n'est pas du tout du genre à parler de façon vulgaire. Donc, je vais finir par tenter une troisième traduction, antérieure à celle de David Camus.
En revanche, j'étais ravie que Gallmeister sorte une nouvelle traduction de Poe, parce que je ne peux pas voir celle de Baudelaire en peinture. Il a fait de Poe du Baudelaire et c'est le genre de truc qui m'insupporte. D'ailleurs, il s'était bien gardé de tout traduire, en faisant croire au public français que Poe n'avait qu’une facette, celle qui l'arrangeait le plus. Oui, il faut coller à l'époque, et c'était le cas de Baudelaire traducteur de Poe, mais il ne faut pas non plus s'approprier les textes au point de les dénaturer. Les traducteurs de la nouvelle intégrale s'en sortent très bien, je trouve : pas d'actualisation intempestive, mais pas de trahison non plus.