Je replonge, l’eau se retire, le sable s’envole
On déverse alors le déclin qui n’attend plus rien de la vie
On déroule la peur des rêves dérangés
La faim des bouches édentées
Le chagrin des visages éreintés
La brume des terres
L’humidité des pores
La rage qui ne débordera pas
Les limites des corps
Moi aussi, je suis contre
Tout contre toi
Pour trouver dans ma salive les vents du nord et les poussières de l’Orient
D’où les traîtres, d’où les boucs, d’où les hyènes
Roubles et lards
Qui savaient où trouver les solides
Où trouver les mâchoires
Pour remplir tombes et orbites
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Nous aussi, le jour venu
nous nous fracasserons contre le peuple total
qui aura une faim d’avance sur le rêve
La grâce reste sur le bout de la langue mais ne se laisse pas nommer
C’est exactement ce que le corps manquera de dire à son reflet dans le miroir
En attendant que le visage guérisse de ses leurres
Pour ne rien dire de l’absence des cris et des liquides sur la page
À payer par les siècles d’oubli
La minute passée au soleil
Dans la géographie des absents
Et le poète, l’artiste n’est pas là pour dire, regardez-moi, admirez-moi, c’est moi le voleur de feu ; il se confondrait alors avec des gourous de la pire espèce, mais il œuvre à une prise de conscience, à ce que chacun puisse voler de son propre feu.
Je ne m'étais jamais vu affublé d'un visage
qui ne se ressemblait pas
de ces ressemblances que je n'osais admettre
et qui me multipliaient
Seyhmus Dagtekin, 39e Marché de la Poésie 2022, Paris