Quelle plume Madame Signoret ! Je vous connaissais le talent d'actrice et pas des moindres puisque vous avez reçu la consécration en 1960 mais je ne vous connaissais pas celui d'écrivaine ! Vous m'avez conquise par votre style parfait ! Vous avez écrit un roman jubilatoire parfois ironique, chaleureux, captivant, enrichissant tant sur le plan humain que sur le plan historique. Vous associez la Grande et la petite histoire dans un savant mélange judicieux d'érudition mais il est vrai que vous avez suivi les cours d'histoire de
Lucie Aubrac !
Ce roman est un hymne à l'amour de Belleville et de ses habitants : ce quartier populaire de Paris qui a connu toutes les phases d'immigration à commencer par les juifs de l'est, dès les années 1920. Alors, vous prenez vos lecteurs par la main et vous les emmenez déambuler dans les rues du quartier, rue des Cascades, rue de la Mare, rue des Pyrénées où ils pourraient y rencontrer
Georges Pérec,
Clément Lépidis,
Daniel Pennac et la saga Malaussene, mais le plus émouvant, la rue Bisson où un écrivain de génie a situé l'appartement de Madame Rosa et du petit Momo de « La Vie devant Soi » au 6ème étage d'un immeuble insalubre ! Cela vous rappelle quelque chose ?
Et nous parvenons devant le 58, rue de la Mare. Vous nous invitez à entrer dans cet immeuble et à participer à la vie quotidienne de la famille Elie Gutmann, maroquinier, juifs ukrainiens, natifs de Jitomir et de la famille Stepan Roginski, fourreur, juifs polonais, natifs de Lublin. Leurs enfants sont nés à Paris. Les Gutmann - Roginski sont heureux. Ils nous ont invités ainsi que leurs voisins pour fêter leur naturalisation et la vodka se boit entre deux phrases prononcées en yiddish ! Ils savourent cette liberté et nous avec eux mais l'ombre des pogromes et celle de Simon Petlioura est toujours là bien qu'ils n'en parlent pas pour préserver les enfants, pire ils ne prononcent même pas le nom de Petlioura, c'est dire l'effroi que cet homme leur inspire ! Alors la nuit, lorsqu'une portière de voiture claque, c'est un réveil en sursaut ! On ne guérit pas si facilement de la terreur ! Ils tentent de vivre et nous goûtons avec eux leurs joies, leur bonne humeur, leur évolution professionnelle, leurs amitiés, leurs désillusions, les études des enfants, la réussite scolaire des enfants et nous faisons la connaissance d'un merveilleux instituteur, nous pénétrons même les coulisses du cinéma ! Seulement Petlioura continue d'empoisonner leur existence. Il vient de se faire assassiner rue Racine à Paris par Samuel Schwartzbard! Les évènements de cette période sont extrêmement denses, le Front Populaire, les premiers congés payés, les défilés, l'antisémitisme qui surgit, Hitler en Allemagne, l'affaire Sacco et Venzetti, la tentative d'assassinat de Léon Blum, c'est une fresque étourdissante qui nous entraîne des années 1920 à la Libération de Paris. Nous y ressentons beaucoup d'émotions mais aussi beaucoup d'amour malgré cette « peste brune » qui gangrène Paris !
Le ton de votre roman n'est jamais dramatique, larmoyant, pessimiste, même si les épreuves sont présentes, tout est écrit avec subtilité, vous faites confiance à la vie, à l'être humain ! Cela se ressent ! C'est une réussite !
Et Volodia dans tout cela ? ………………..