Je fus témoin, pourtant de sa métamorphose.
J’entends qu’elle se métamorphosa physiquement.
J’entends que la scintillante voilée devint le bouclier de toute impureté.
L’éclat se dénuda.
L’attraction magnétique vint titiller les yeux myopes.
Elle qui ne savait pas plaire, elle qui n’était pas vue, elle fut visible.
Du soir au matin elle changea et devint un éblouissement.
Elle était pleine d’amour. Elle était encombrée d’amour. Son amour était en elle comme ces chiens énormes qui font éclater le ventre des petites chiennes enceintes : son amour a crevé dans ses flancs, il a pourri, il l’a empoisonnée.
Je l’imagine, ardente et rêveuse, inconsciente, magnanime assoiffée du monde, désinvolte en générosité, ne sachant pas encore rendre limpide à l'oeil inattentif l’incandescence que son jeune âge voilait.
Claude Gauvreau, poète et dramaturge québécois (1925-1971), est interviewé dans le contexte de l'échec relatif de sa pièce de théâtre «La charge de l'orignal épormyable», écrite il y a plusieurs années et qui vient d'être jouée pour la première fois en 1970. Il s'exprime aussi sur son travail poétique et sa vision du futur cybernétique!
Source : Femme d'aujourd'hui, 13 mai 1970
Animatrice : Aline Desjardins
Journaliste : Renée Larochelle